LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 juin 2020
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 348 F-D
Pourvoi n° N 17-19.951
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 JUIN 2020
La société civile agricole (SCA) du Château La Gaffelière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° N 17-19.951 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2016 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur général des finances publiques, chargé de la direction spécialisée du contrôle fiscal Sud-Ouest, domicilié [...] ,
2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société civile agricole du Château La Gaffelière, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, chargé de la direction spécialisée du contrôle fiscal Sud-Ouest et du directeur général des finances publiques, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 octobre 2016), le groupement foncier agricole Château La Gafellière (le GFA) a procédé, par un acte notarié du 17 décembre 2007, au rachat, sur les 86 100 parts composant son capital, de 1 627 parts détenues par M. J... W... en pleine propriété, au prix de 1 700 000 euros, et à une réduction de son capital par annulation de ces parts à concurrence de leur valeur nominale, soit un montant global de 24 803,46 euros.
2. Cette opération a donné lieu au paiement, par le GFA, au titre des droits d'enregistrement, d'un droit proportionnel au taux de 1,10 % sur le montant de la réduction de capital, en application des dispositions de l'article 746 du code général des impôts.
3. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale, estimant que l'opération aurait dû être soumise à un droit proportionnel de 5 % sur le coût total du rachat, par le GFA, de ses propres parts, en application de l'article 726 du code général des impôts, lui a adressé une proposition de rectification le 13 décembre 2010 et a émis un avis de mise en recouvrement le 30 juin 2011.
4. Sa réclamation contentieuse ayant été rejetée, le GFA, devenu la société civile agricole du Château La Gaffelière (la SCA), a assigné l'administration fiscale en décharge des impositions réclamées.
Examen du moyen unique
Enoncé du moyen
5. La SCA fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de décharge des impositions alors :
« 1°/ que lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ; qu'en l'espèce, il résultait d'un acte notarié du 17 décembre 2007 que la société Château la Gaffelière, alors constituée sous la forme d'un groupement foncier agricole, avait procédé au rachat de mille six cent vingt-sept parts sociales détenues par M. J... W... , pour un montant de 1 700 000 euros, puis à la réduction de son capital social par annulation des mille six cent vingt-sept parts sociales rachetées ; que pour juger que la société civile n'était pas fondée à solliciter le bénéfice de la doctrine administrative 7H-331 du 1er septembre 1999 alors en vigueur, laquelle considérait que le rachat par une société de ses propres titres suivi de leur annulation et de la réduction corrélative du capital social s'analysait en un partage partiel des acquêts sociaux justiciable du droit de partage prévu à l'article 746 du code général des impôts, la cour d'appel retient que seules les sociétés par actions peuvent bénéficier de cette doctrine ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que la doctrine administrative susvisée ne limitait en rien l'interprétation qu'elle donnait de l'article 746 du code général des impôts aux seules réductions de capital effectuées par des sociétés par actions, mais employait au contraire à plusieurs reprises les termes génériques de titres de sociétés" et d'associés", lesquels conviennent à toute forme sociale, la cour d'appel a indûment restreint le champ d'application de la doctrine administrative susvisée, en violation de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 746 du code général des impôts ;
2°/ qu'il résultait des termes mêmes de la doctrine administrative 7H-331 du 1er septembre 1999 que lorsqu'un seul acte était établi pour constater à la fois le rachat de ses propres titres par une société et une réduction corrélative de son capital, l'opération globale devait être analysée en un partage partiel soumis au droit proportionnel prévu à l'article 746 du code général des impôts ; que cette doctrine administrative, qui ne subordonne nullement cette assimilation des opérations de réductions de capital à des partages partiels à la condition que la réduction du capital concerne tous les associés à proportion de leurs droits sociaux, indique expressément que la réduction du capital par remboursement en numéraire peut ne concerner que certains d'entre eux" ; que, pour juger que la société civile du Château La Gaffelière n'était pas fondée à solliciter le bénéfice de la doctrine administrative 7H-331 du 1er septembre 1999, la cour d'appel retient qu'il serait illogique d'appliquer la notion de partage même partiel des biens sociaux indivis au profit d'un seul associé" et que les mots certains d'entre eux" se rapportent seulement à ceux des associés qui sont servis en numéraire ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a derechef indûment restreint le champ d'application de la doctrine administrative susvisée, en violation de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 746 du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
6. Ayant exactement retenu que la doctrine de l'administration fiscale invoquée par la SCA pour bénéficier d'un régime de droits réduits visait exclusivement les sociétés par actions, d'où il résultait qu'elle était inapplicable aux groupements fonciers agricoles, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.
7. Le moyen, inopérant en sa seconde branche qui critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile agricole du Château La Gaffelière aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile agricole du Château La Gaffelière et la condamne à payer au directeur général des finances publiques, chargé de la direction spécialisée du contrôle fiscal Sud-Ouest, et au directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société civile agricole du Château La Gaffelière
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la SCA La Gaffelière de ses demandes de décharge des impositions en litige à hauteur de la somme de 96.588 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Les parties se réfèrent à la doctrine administrative 7H-331 du 1er septembre 1999 en vigueur à la date de l'opération et le débat porte également sur son applicabilité en lien avec le régime juridique et fiscal de la société concernée et les bénéficiaires de l'opération. Aux termes de l'article L.80, c'est bien cette norme à laquelle il convient de se référer. L'applicabilité du taux prévu par l'article 746 du code général des impôts suppose que l'opération soit qualifiée de partage que l'administration retient au visa des dispositions de l'article 1844-9 du code civil comme caractérisant une opération qui n'a lieu qu'après liquidation de la société et ne saurait donc concerner l'opération visée qui n'a pas affecté l'existence du GFA qui n'a subi que la réduction d'une faible part de son capital. S'agissant des dispositions de la doctrine administrative 7H-331 en vigueur à la date de l'opération qui concernent le régime fiscal les opérations de réduction de capital. Plus particulièrement, la SCA s'applique les dispositions de cette doctrine concernant le cas de //. réduction du capital avec remboursement ou attribution de biens sociaux en retenant que la réduction opérée par répartition au profit de tous les associés d'une fraction des valeurs sociales s'analyse en un partage partiel, soumis au même régime fiscal que les partages de sociétés et en considérant que le paragraphe suivant qui évoque que ces principes sont applicables sans difficulté dans le cas, le plus fréquent, où la réduction a lieu par remboursement en numéraire à tous les associés, ou à certains d'entre eux, d'une fraction du capital définit bien sa situation de réduction de son capital par répartition au profit d'un seul associé. Toutefois, tel n'est pas le cas, outre le fait qu'il serait illogique d'appliquer la notion de partage même partiel des biens sociaux indivis au profit d'un seul associé, c'est à juste titre que l'administration oppose que l'expression ou à certains d'entre eux, employée pour le cas d'une réduction par remboursement en numéraire se rattache spécifiquement à ceux qui recevraient leur part autrement qu'en numéraire; étant également relevé que ce même paragraphe évoque deux autres situations pour lequel est dû le droit de partage, lorsque la société rembourse à ses associés, en numéraire ou autres choses fongibles, une partie du capital en réduisant la valeur nominale des titres, ou, rembourse ses associés au moyen de l'attribution de titres qu'elle détenait en portefeuille. De même, l'appelante invoque également à tort que la doctrine administrative 7H-331 s'appliquerait à toutes les sociétés quel que soit leur régime. Cependant, il ne peut qu'être rappelé que seules les sociétés par action peuvent en bénéficier et non les SCA de nature civile. Ainsi, c'est à juste titre que l'administration fiscale a qualifié l'opération menée par la SCA Château La Gaffelière alors GFA de cession de biens sociaux relevant des dispositions de l'article 726 du code général des impôts et mis en recouvrement les sommes y afférentes sans que leurs montants soient discutés par l'appelante » ;
ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE « l'impôt exigible dépend de la qualification de l'opération concernée ; Qu'en l'espèce, la Société S.C.A du CHÂTEAU LA GAFFELIERE soutient que par acte en date du 17 décembre 2007, elle a procédé à un acte de partage soumis à l'article 746 du Code Général des impôts et la Direction des Services fiscaux de la Gironde soutient que cet acte relève de la qualification de cession de droits sociaux dont l'imposition est prévue à l'article 726 du Code général des Impôts ; que pour soutenir que l'opération litigieuse est un partage, la Société SCIA du CHÂTEAU LA GAFFELIERE s'appuie sur les termes de la doctrine administrative 7H-331 du 1er septembre 1999 en vigueur au jour de la réalisation de cette opération ; qu'il résulte de cette doctrine que l'opération consistant à prélever sur le patrimoine de la société les sommes devenues disponibles du fait de la réduction de capital, pour les attribuer privativement aux associés, s'analyse en un partage de la masse indivise des fonds sociaux et donne ouverture au droit de partage ; Que selon cette doctrine, lorsqu'il est établi un seul acte pour constater à la fois le rachat de ses titres par une société et une réduction corrélative de capital et que la contrepartie du rachat consistait en un remboursement ou une attribution de biens sociaux, l'opération doit être analysée en un partage partiel soumis au régime fiscal des partages, prévu à l'article 746 du Code Général des Impôts calculé sur le montant de la réduction de capital ; Que la Société S.C.A du CHÂTEAU LA GAFFELIERE affirme que cette analyse s'applique quel que soit le régime juridique et fiscal de la société en cause ; cependant que la Direction des Services fiscaux de la Gironde démontre que la Cour de Cassation dès 1992 soit bien avant la rédaction de l'acte notarié en date du 17 décembre 2007 par lequel le GFA du CHÂTEAU LA GAFFELIERE a procédé au rachat de 1627 parts sociales sur les 28.068 parts détenues en pleine propriété par Monsieur J... W... , pour un montant de 1.700.000E, que cette doctrine ne s'applique qu'aux sociétés par actions à l'exclusion de toutes autres formes ; qu'il est constant et non contesté que la Société S.C.A du CHÂTEAU LA GAFFELIERE est une société civile ; Qu'en conséquence, il est parfaitement établi par la Direction des Services Fiscaux de la Gironde que cette doctrine ne peut bénéficier à la demanderesse ; Que l'opération litigieuse relève bien de la qualification de cession de droits sociaux soumis à l'article 726-1-2° du Code Général des Impôts dont la direction des Services fiscaux a donc fait une juste application en l'espèce » ;
1. ALORS, d'une part, QUE lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ; qu'en l'espèce, il résultait d'un acte notarié du 17 décembre 2007 que la société civile Château la Gaffelière, alors constituée sous la forme d'un groupement foncier agricole, avait procédé au rachat de 1.627 parts sociales détenues par M. J... W... , pour un montant de 1.700.000 €, puis à la réduction de son capital social par annulation des 1.627 parts sociales rachetées ; que pour juger que la société civile n'était pas fondée à solliciter le bénéfice de la doctrine administrative 7H-331 du 1er septembre 1999 alors en vigueur, laquelle considérait que le rachat par une société de ses propres titres suivi de leur annulation et de la réduction corrélative du capital social s'analysait en un partage partiel des acquêts sociaux justiciable du droit de partage prévu à l'article 746 du code général des impôts, la Cour d'appel retient que seules les sociétés par actions peuvent bénéficier de cette doctrine ; qu'en se prononçant de la sorte, cependant que la doctrine administrative susvisée ne limitait en rien l'interprétation qu'elle donnait de l'article 746 du code général des impôts aux seules réductions de capital effectuées par des sociétés par actions, mais employait au contraire à plusieurs reprises les termes génériques de « titres de sociétés » et d' « associés », lesquels conviennent à toute forme sociale, la Cour d'appel a indument restreint le champ d'application de la doctrine administrative susvisée, en violation de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 746 du code général des impôts ;
2. ALORS, d'autre part, QU'IL résultait des termes mêmes de la doctrine administrative 7H-331 du 1er septembre 1999 que lorsqu'un seul acte était établi pour constater à la fois le rachat de ses propres titres par une société et une réduction corrélative de son capital, l'opération globale devait être analysée en un partage partiel soumis au droit proportionnel prévu à l'article 746 du code général des impôts ; que cette doctrine administrative, qui ne subordonne nullement cette assimilation des opérations de réductions de capital à des partages partiels à la condition que la réduction du capital concerne tous les associés à proportion de leurs droits sociaux, indique expressément que la réduction du capital par remboursement en numéraire peut ne concerner que « certains d'entre eux » ; que, pour juger que la société civile du Château La Gaffelière n'était pas fondée à solliciter le bénéfice de la doctrine administrative 7H-331 du 1er septembre 1999, la Cour d'appel retient « qu'il serait illogique d'appliquer la notion de partage même partiel des biens sociaux indivis au profit d'un seul associé » et que les mots « certains d'entre eux » se rapportent seulement à ceux des associés qui sont servis en numéraire ; qu'en se prononçant de la sorte, la Cour d'appel a derechef indument restreint le champ d'application de la doctrine administrative susvisée, en violation de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 746 du code général des impôts.