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17/06/2020 | FRANCE | N°18-22798

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 juin 2020, 18-22798


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 juin 2020

Cassation

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 275 F-D

Pourvoi n° C 18-22.798

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020

La société Mar

y-Laure Gastaud, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , agissant en qualité de mandataire liquidateur à la l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 juin 2020

Cassation

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 275 F-D

Pourvoi n° C 18-22.798

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020

La société Mary-Laure Gastaud, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , agissant en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Privilège construction, société à responsabilité limité, a formé le pourvoi n° C 18-22.798 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2018 par la cour d'appel de Nouméa (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Credical, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vaissette, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de la société Mary-Laure Gastaud, ès qualités, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Credical, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, Mme Vallansan, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 24 mai 2018), la société Privilège construction ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 6 janvier 2014 et 4 mai 2015, la société Credical a déclaré, le 7 mai 2015, une créance relative à un contrat de crédit-bail que le juge-commissaire a partiellement rejetée.

Sur le moyen relevé d'office

2. Conformément aux articles 620, alinéa 2, et 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

Vu les articles 125 et 553 du code de procédure civile :

3. En cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance. Il existe un tel lien d'indivisibilité en matière d'admission des créances entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur.

4. L'arrêt se prononce sur l'appel de l'ordonnance du juge-commissaire formé par le créancier qui a seulement intimé le liquidateur, sans mettre en cause la société débitrice.

5. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait de relever d'office l'irrecevabilité de l'appel, eu égard au lien d'indivisibilité unissant les parties à l'instance relative à l'admission des créances et à l'absence, en l'espèce, de la société débitrice, titulaire d'un droit propre en matière de vérification du passif, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée ;

Condamne la société Credical aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mary-Laure Gastaud, en qualité de liquidateur de la société Privilège construction ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale financière et économique, par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour la société Mary-Laure Gastaud, ès qualités

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR constaté que la notification faite le 27 mai 2015 par le mandataire liquidateur était irrégulière pour ne pas avoir informé la SA Crédical de l'obligation de déclarer la créance résultant de cette résiliation et du délai pour y procéder et dit que cette notification n'avait pu faire courir le délai prévu à l'article 96 de la délibération n° 352 du 18 janvier 2008 et que la SA Crédical devait procéder à sa déclaration de créance complémentaire dans le délai d'un mois à compter de sa signification ;

AUX MOTIFS QUE « par requête déposée au greffe le 31 mai 2017, la société Crédical a interjeté appel de cette décision notifiée le 24 mai 2017 ; que, par conclusions récapitulatives déposées le 17 décembre 2017, écritures auxquelles il est expressément référé pour le détail de l'argumentation et des moyens, elle sollicite de la cour de statuer ainsi : « Dire et juger recevable l'appel interjeté par la société Crédical à l'encontre de l'ordonnance qui a été rendue par M. le juge-commissaire près le tribunal mixte de commerce de Nouméa le 22 mai 2017, dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SARL Privilège. Réformer l'ordonnance du 22 mai 2017 en toutes ses dispositions. Dire et juger que la société Crédical a régulièrement produit sa créance consistant en l'indemnité contractuelle résultant des dispositions de l'article 12 de la convention du 22 janvier 2013. Condamner la SELARL Mary-Laure Gastaud en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Privilège Construction à payer à la S.G.C.B. une somme de 150.000 XPF au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Juriscal » ; qu'au soutien de ses demandes, elle fait valoir : - que sa production de créance porte sur l'indemnité contractuelle définie par l'article 12 de la convention du 22 janvier 2013 qui stipule que « le bailleur pourra exiger, outre les sommes ayant entraîné la résiliation, une indemnité égale à la somme des loyers non encore échus, majorée de l'option d'achat égale à 8 % des loyers échus impayés, ce dont il découle que cette indemnité recouvre les loyers non échus et l'option d'achat, éléments de créance qui ont bien été produits, - que le contrat soit en cours ou résilié, le montant de la créance aurait été totalement identique tant en sa substance qu'en son quantum ; que seule la date d'exigibilité des sommes dues diffère dans les deux cas de figure, - que la jurisprudence admit qu'il n'est plus nécessaire de produire à deux reprises les mêmes créances dès lors qu'une procédure collective initiale s'achève par une liquidation judiciaire, - que selon les dispositions de l'article 96 de la délibération n° 352 du 18 janvier 2008 « les contractants... bénéficient d'un délai supplémentaire d'un mois à compter de la résiliation » ce dont il ne découle pas une obligation de déclarer la même créance une seconde fois à la suite de la résiliation, - que la seule créance résultant réellement de la résiliation aurait été l'indemnité légale de 8 % qu'elle n'a pas déclarée ; que, par conclusions en réplique déposées le 5 octobre 2017, écritures auxquelles il est expressément référé pour le détail de l'argumentation et des moyens, le mandataire liquidateur sollicite de la cour de statuer ainsi : « Confirmer en tout point l'ordonnance querellée en date du 22 mai 2017 rejetant partiellement la créance de la société Crédical du passif de la SARL Privilège Construction pour un montant de 2.317.436 FCFP, correspondant à l'indemnité de résiliation du contrat de crédit-bail du véhicule Subaru ; Débouter la société Crédical de l'ensemble de ses demandes ; Dire et juger que les dépens sont à la charge de l'appelante » ; qu'au soutien de ses demandes elle fait valoir : - que la société Crédical méconnaît les règles du droit des procédures collectives, - que l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ouvre un délai de deux mois aux créanciers pour déclarer leur créance au passif de la société et n'entraîne pas la résiliation des contrats en cours, - que si les contrats en cours sont résiliés à la diligence du mandataire liquidateur ou de plein droit, la loi ouvre aux cocontractants un délai supplémentaire aux fins de déclaration de leur créance au titre des indemnités de résiliation, - qu'au jour de l'ouverture de la procédure collective, le contrat avec la société Crédical était toujours en cours et que la déclaration de créance au titre des indemnités de résiliation était juridiquement prématurée puisque la résiliation est intervenue le 27 mai 2015, - que la société bailleresse disposait dès lors d'un délai d'un mois à compter de la réception de la résiliation pour procéder à une déclaration de créance au titre des indemnités de résiliation, ce qu'elle n'a pas fait ce qui a justifié le rejet partiel de sa créance ; (...) ; qu'il convient de rappeler que, selon l'article L. 641-11-1 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, aucune résiliation d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire, que le liquidateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours et qu'il y met fin d'initiative ou sur demande du cocontractant ; qu'il en découle que c'est la décision du mandataire qui prononce la résiliation du contrat ; qu'il résulte ensuite : - de l'article L. 622-24 du code de commerce qu'à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans le délai de deux mois et que la déclaration doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre, celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé étant déclarées sur la base d'une évaluation ; - de l'article 96 de la délibération n° 352 du 18 janvier 2008 portant mesures de procédure en matière de sauvegarde des entreprises : + que le mandataire judiciaire, dans un délai de quinze jours à compter du jugement d'ouverture, avertit les créanciers connus d'avoir à lui déclarer leurs créances dans un délai de deux mois, + que les cocontractants dont les contrats n'ont pas été résiliés de plein droit par le jugement d'ouverture et se sont poursuivis bénéficient d'un délai supplémentaire d'un mois à compter de la date de notification de la décision prononçant la résiliation pour déclarer au passif la créance résultant de cette résiliation ; qu'il résulte de ces textes que le bailleur qui supporte une créance d'impayés au jour du jugement d'ouverture doit déclarer cette créance dans les deux mois et que s'il peut déclarer une créance évaluée, c'est à la condition qu'elle soit née antérieurement au jugement d'ouverture ; que la déclaration de créance du bailleur découlant de la résiliation postérieure au jour du jugement d'ouverture suit un régime spécifique avec le bénéfice d'un délai de déclaration supplémentaire ; que les textes ne permettent pas de réunir en une déclaration commune, par anticipation d'une résiliation même vraisemblable, des créances de natures différentes, celles nées antérieurement au jugement d'ouverture et celles provenant d'une résiliation à venir ; qu'en l'espèce, la déclaration de créance de la société Crédical du 7 mai 2015 a trait à trois créances distinctes, la première pour les loyers impayés au jour de la liquidation judiciaire prononcée le 4 mai 2015, la seconde pour les loyers non échus au jour de cette liquidation, enfin la troisième liée à l'option d'achat, ces deux dernières créances étant nées de la résiliation opérée le 27 mai 2015 ; que la société Crédical n'était donc pas fondée à déclarer les créances trouvant leur cause dans la résiliation du contrat avant que celle-ci soit prononcée ; qu'on ne peut même pas retenir qu'il s'agissait d'une créance évaluée dès lors qu'elle doit, en tout état de cause, exister antérieurement au jugement d'ouverture ; qu'il lui appartenait, par une seconde démarche conformément aux dispositions de l'article 96 ci-dessus, de déclarer au passif la créance résultant de cette résiliation ; que c'est donc à bon droit que le juge-commissaire a rejeté la créance de la SA Crédical relative aux loyers non encore échus et à l'option d'achat en estimant qu'elle aurait dû faire l'objet d'une nouvelle déclaration de créance ; que, cependant, la cour relève : - que l'article 96 alinéa 1 impose au mandataire liquidateur d'avertir les créanciers connus d'avoir à lui déclarer leurs créances dans le délai de deux mois, - que le second alinéa, qui se lit au regard du 1er alinéa (délai supplémentaire), impose implicitement mais nécessairement au mandataire liquidateur d'informer les cocontractants dont il résilie les contrats qu'ils bénéficient d'un délai supplémentaire d'un mois à compter de la date de notification de la décision prononçant la résiliation pour déclarer au passif la créance résultant de cette résiliation ; que cette obligation s'impose d'autant plus qu'il s'agit d'une situation dérogatoire et d'un délai réduit ; qu'en l'espèce, par son courrier du 27 mai 2015, le mandataire liquidateur s'est borné à aviser la société Crédical qu'elle n'entendait pas poursuivre le contrat de crédit-bail et ne s'opposait pas à la restitution du véhicule sans l'informer de l'obligation de déclarer la créance résultat de cette résiliation et du délai pour y procéder ; qu'en conséquence, le courrier du 27 mai 2015 n'a pu faire courir aucun délai et la société Crédical est fondée à procéder à sa déclaration de créance complémentaire dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt » ;

ALORS QUE, dans ses dernières écritures d'appel, la société Crédical se bornait à solliciter la réformation de l'ordonnance attaquée et que soit jugé qu'elle avait régulièrement déclaré sa créance consistant en l'indemnité contractuelle ; que la cour d'appel, bien qu'elle ait confirmé la décision déférée en ce qu'elle avait rejeté la créance de la société Crédical, a cru pouvoir y ajouter dans son dispositif en y constatant que la notification faite le 27 mai 2015 par le mandataire liquidateur était irrégulière pour ne pas avoir informé la société Crédical de l'obligation de déclarer la créance résultant de cette résiliation et du délai pour y procéder et en disant que cette notification n'avait pu faire courir le délai prévu à l'article 96 de la délibération n° 352 du 18 janvier 2008 et que la société Crédical devait procéder à sa déclaration de créance complémentaire dans le délai d'un mois à compter de la signification de sa décision ; qu'en statuant de la sorte tandis qu'elle n'était saisie d'aucune demande en ce sens, la cour d'appel a statué ultra petita en méconnaissance des termes du litige, violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-22798
Date de la décision : 17/06/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 24 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 jui. 2020, pourvoi n°18-22798


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lesourd, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.22798
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