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17/06/2020 | FRANCE | N°18-18321

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 juin 2020, 18-18321


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 juin 2020

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 271 F-D

Pourvoi n° M 18-18.321

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020

M. Y..

. I..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 18-18.321 contre l'arrêt rendu le 12 avril 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9)...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 juin 2020

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 271 F-D

Pourvoi n° M 18-18.321

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020

M. Y... I..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 18-18.321 contre l'arrêt rendu le 12 avril 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. P... J..., domicilié [...] ,

2°/ à la société [...], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de Mme Q... S..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SN Recup Nord,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. I..., de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. J..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société [...], ès qualités, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 avril 2018), la société SN Recup Nord a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 20 janvier et 4 février 2014. La société [...], désignée liquidateur, a assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif et en prononcé d'une mesure de faillite personnelle MM. J... et I..., cogérants de la société, ce dernier ayant démissionné de ses fonctions le 2 septembre 2013.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, qui est recevable

Enoncé du moyen

3. M. I... fait grief à l'arrêt de le condamner solidairement avec M. J... à contribuer à l'insuffisance d'actif de la société SN Recup Nord pour la somme de 150 000 euros alors « que la loi du 9 décembre 2016, qui écarte, en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif, est applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours ; que pour retenir que M. I... avait commis des fautes de gestion, l'arrêt attaqué a affirmé, par motif propre, que M. J... était responsable des irrégularités tenant à l'absence de comptabilité sincère, tandis que M. I... était encore co-gérant de la société SN Recup Nord au moment de ces faits et, par motif adopté, que M. I... était au fait des conditions d'exercice de l'exploitation, que les faits dénoncés ne relevaient pas d'une gestion correcte et que leur caractère fautif au regard des règles de droit commercial se trouve parfaitement établi ; qu'en condamnant M. I... au titre de l'insuffisance d'actif de cette société, sans rechercher, au besoin d'office, si les fautes qu'elle lui imputait ne constituaient pas de simples négligences dans la gestion de la société, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, ensemble les articles 1er et 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 9 décembre 2016 :

4. La loi du 9 décembre 2016, qui écarte, en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif, est applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours.

5. Pour condamner M. I... à contribuer à l'insuffisance d'actif, l'arrêt relève que la comptabilité n'était pas tenue régulièrement et ce, au détriment des créanciers et que M. J..., gérant de la société, était responsable de ces irrégularités. Il relève également que M. I... était encore co-gérant de la société au moment de ces faits et qu'il y a lieu de confirmer le jugement pour ce qui concerne sa responsabilité, étant précisé que ces fautes de gestion ont nécessairement été à l'origine d'une partie de l'insuffisance d'actif, en privant le dirigeant d'un outil de contrôle de la situation financière de l'entreprise.

6. En se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser, à la charge personnelle de M. I..., des fautes qui ne soient pas de simples négligences dans la gestion de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

7. M. I... fait grief à l'arrêt de le condamner à une interdiction de gérer d'une durée de cinq ans alors « que le juge ne peut pas dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; que, dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 24 novembre 2017, M. I... critiquait le jugement entrepris pour l'avoir condamné à une interdiction de gérer de cinq ans et soutenait que si une faute de gestion devait néanmoins être retenue à son encontre, il ne pourrait être condamné qu'à une contribution à l'insuffisance d'actifs très limitée ; qu'en conséquence, il demandait à la cour d'appel, dans le dispositif de ses écritures , de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'avait condamné à une interdiction de gérer de 5 ans, et de le décharger de toutes condamnations ; qu'en affirmant néanmoins que M. I... n'avait pas conclu sur ce point, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

8. L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

9. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que M. I... n'a pas conclu sur sa condamnation au titre de l'interdiction de gérer.

10. En statuant ainsi, alors que, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, M. I... demandait la réformation du jugement entrepris en ce qu'il avait, notamment, prononcé contre lui une interdiction de gérer d'une durée de cinq ans après avoir expliqué, dans le corps de ces mêmes conclusions, en quoi il n'avait pas commis les faits qui lui étaient reprochés aussi bien à l'appui de la demande de contribution à l'insuffisance d'actif que de celle tendant au prononcé de l'interdiction de gérer, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du deuxième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il prononce contre M. I... une interdiction de gérer pendant une durée de cinq ans et le condamne au titre de la contribution à l'insuffisance d'actif de payer la somme de 150 000 euros à la société [...] en qualité de liquidateur de la société SN Recup Nord en ce qu'il le condamne solidairement à payer à la société [...], ès qualités, la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 12 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société [...], ès qualités, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. I...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir prononcé une sanction d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique à l'encontre de M. Y... I..., pendant une durée de cinq ans, d'avoir condamné à titre de contribution à l'insuffisance d'actifs de la société SN Recup Nord par application des dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce M. Y... I..., solidairement avec M. P... H... J..., dans la limite de 150 000 euros, et d'avoir condamné M. Y... I..., solidairement avec M. P... J..., à payer à la SELARL [...] , ès qualités de mandataire liquidateur de la société SN Recup Nord, la somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
au visa des réquisitions écrites du ministère public du 20 décembre 2017 par lequel celui-ci sollicitait la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

ALORS QUE les parties doivent avoir communication des réquisitions écrites du ministère public qui ne s'est pas borné à s'en rapporter à justice, et pouvoir y répondre utilement ; qu'en se bornant à relever que le ministère public avait demandé, dans son avis en date du 20 décembre 2017, de confirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions et que, représenté à l'audience du 26 janvier 2018, il « a fait connaître son avis », sans constater précisément que l'avis écrit du ministère public en date du 20 décembre 2017 avait été communiqué aux parties afin qu'elles puissent y répondre utilement, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a violé les articles 16 et 431 du code de procédure civile, ensemble l'article § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir condamné à titre de contribution à l'insuffisance d'actifs de la société SN Recup Nord par application des dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce M. Y... I..., solidairement avec M. P... H... J..., dans la limite de 150 000 euros, d'avoir prononcé une sanction d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique à l'encontre de M. Y... I..., né le [...] à Clamart (92), de nationalité française, pendant une durée de 5 ans et d'avoir condamné M. Y... I..., solidairement avec M. P... J..., à payer à la SELARL [...] , ès qualités de mandataire liquidateur de la société SN Recup Nord, la somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la cour note à la lecture du réquisitoire définitif de renvoi devant le tribunal correctionnel et de l'arrêt de la chambre de l'instruction de Paris que Tracfin a signalé au parquet de Meaux le 3 mai 2012 des opérations financières atypiques sur les comptes bancaires de la société SN Recup Nord. Il ressort des informations recueillies et sans préjuger de l'issue pénale de l'affaire que la société SN Recup Nord a en fait Recupéré de manière occulte l'activité d'une société Recup Nord immatriculée à Montreuil. Il a été constaté par la cellule Tracfin que la quasi-totalité des apports de métaux provenait de particuliers qui étaient payés en numéraire puis en chèques, que ces particuliers pour certains n'étaient pas vraiment des apporteurs de matières tout en étant payés et prêtaient ainsi leur concours à des actes de blanchiment. D'autres éléments ressortent de la procédure pénale qui montrent que, ainsi que l'ont observé les premiers juges, les flux financiers ne correspondaient pas aux flux de marchandises et en conséquence que la comptabilité n'était pas tenue régulièrement et ce au détriment des créanciers. Monsieur J..., gérant de la société est responsable de ces irrégularités. Le jugement sera donc confirmé sur ce point, le grief étant constitué. Monsieur I... était encore co-gérant de la société au moment de ces faits et le jugement sera donc également confirmé pour ce qui concerne sa responsabilité étant précisé que ces fautes de gestion ont nécessairement été à l'origine d'une partie de l'insuffisance d'actifs en privant le dirigeant d'un outil de contrôle de la situation financière de l'entreprise. L'insuffisance d'actif de la société SN Recup Nord s'élève à 276.177 euros. Les fautes de gestion relevées à l'encontre de messieurs J... et I... sont directement à l'origine de l'insuffisance d'actif, ces fautes ayant pour finalité directe l'enrichissement personnel des appelants. La cour confirmera en conséquence le jugement attaqué ; sur la faillite personnelle : Monsieur I... ne conclut pas sur ce point ; que la Serlarl [...] demande à la Cour de prononcer la faillite personnelle de monsieur J... et de monsieur I... eu égard à la gravité des fautes qui leur sont reprochées ; que le ministère public demande la confirmation du jugement pour l'un et l'autre ; que la cour note que les fautes reprochées à messieurs I... et J... sont en effet d'une gravité manifeste. Ainsi la cour infirmera le jugement attaqué et prononcera à l'encontre de monsieur J... une mesure de faillite personnelle ; qu'en revanche, le jugement sera confirmé pour monsieur I... qui n'est pas responsable du retard dans la déclaration de cessation des paiements ni des détournements d'actifs ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE Monsieur J... se voit reprocher les conséquences du retard mis à déclarer l'état de cessation des paiements ; qu'à supposer que celui-ci ait été déclaré le 22 novembre 2013 ou au plus tard le 5 janvier 2013, le Tribunal ne peut en mesurer les conséquences, qu'il est également reproché à Monsieur J... de n'avoir pas tenu une comptabilité sincère ; qu'autorisé par Monsieur le Procureur par application des dispositions R155 et R156 du CPP, le mandataire liquidateur soumet aux débats l'arrêt du 23 juin 2015 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel lequel précise dans quelles conditions était tenue la comptabilité ; que le fait d'avoir entretenu des flux financiers non conformes aux flux de marchandises s'est exercé au préjudice des créanciers lesquels n'ont servi qu'à constituer le cadre nécessaire à ces agissements ; que ceux-ci ne sauraient en supporter les conséquences ; que Monsieur I... était au fait des conditions d'exercice de l'exploitation ; que la déclaration opérée par la banque auprès de Tracfin date du 3 mai 2012 soit 16 mois avant sa démission ; que sans porter atteinte à la présomption d'innocence et en dehors de toute qualification pénale, il apparaît que les faits dénoncés ne relevaient pas d'une gestion correcte et que leur caractère fautif au regard des règles du droit commercial se trouve parfaitement établi tels qu'ils sont rappelés par l'arrêt de la chambre de l'instruction ; qu'il apparaît que les actifs de la procédure collective ont été détournés au bénéfice d'une autre structure augmentant l'insuffisance d'actif d'un montant évalué à 100.000 € ; que Monsieur J... est seul responsable de cet appauvrissement dès lors que Monsieur I... n'était plus en fonction à cette époque ; Le Tribunal condamnera Monsieur P... H... J... à combler l'insuffisance d'actifs de la société SN Recup Nord à hauteur de la somme de 250 000 €, et condamnera Monsieur Y... I... solidairement avec Monsieur P... H... J... dans la limite de 150 000 € ; que Monsieur P... H... J... et Monsieur Y... I... peuvent se voir reprocher la tenue d'une comptabilité fictive, fait prévu à l'article L. 653-5 6°) du code de commerce, que Monsieur P... H... J... peut se voir reprocher le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal, fait prévu à l'article L. 653-8 du même code ; que le même peut également être tenu pour responsable du détournement d'une partie de l'actif (fait prévu à l'article L. 653-4 5°) du même code ; Le Tribunal prononcera contre Monsieur Y... I... une interdiction de gérer pour une durée de 5 ans, et prononcera contre Monsieur P... H... J... une interdiction de gérer pour une durée de 10 ans ;

1. ALORS QUE la loi du 9 décembre 2016, qui écarte, en cas de simple négligence dans la gestion de la société, la responsabilité du dirigeant au titre de l'insuffisance d'actif, est applicable immédiatement aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours ; que pour retenir que M. I... avait commis des fautes de gestion, l'arrêt attaqué a affirmé, par motif propre, que M. J... était responsable des irrégularités tenant à l'absence de comptabilité sincère, tandis que M. I... était encore co-gérant de la société SN Recup nord au moment de ces faits et, par motif adopté, que M. I... était au fait des conditions d'exercice de l'exploitation, que les faits dénoncés ne relevaient pas d'une gestion correcte et que leur caractère fautif au regard des règles de droit commercial se trouve parfaitement établi ; qu'en condamnant M. I... au titre de l'insuffisance d'actif de cette société, sans rechercher, au besoin d'office, si les fautes qu'elle lui imputait ne constituaient pas de simples négligences dans la gestion de la société, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, ensemble les articles 1er et 2 du code civil ;

2. ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur une pièce qui n'a pas été régulièrement versée aux débats et dont les parties n'ont pas été mises à même de débattre contradictoirement ; que pour affirmer que M. I... avait commis des fautes de gestion, la cour d'appel s'est fondée sur « la lecture du réquisitoire définitif de renvoi devant le tribunal correctionnel » (arrêt, p. 9, avant-dernier alinéa) ; qu'en statuant ainsi, quand il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que ce réquisitoire définitif ait été versé aux débats devant la cour d'appel et soumis à la discussion contradictoire des parties, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction garanti par les articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. ALORS QUE seules les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité à l'égard de tous ; que pour affirmer que M. I... avait commis des fautes de gestion tenant à l'absence de comptabilité sincère de la société SN Recup nord, la cour d'appel s'est fondée, par motifs propres et adoptés, sur les termes du « réquisitoire définitif de renvoi devant le tribunal correctionnel » et d'un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 23 juin 2015 qui s'était borné à statuer sur l'appel d'une ordonnance du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Meaux du 7 mai 2015 ayant modifié le contrôle judiciaire de M. J... ; qu'en statuant ainsi, quand ni ce réquisitoire ni cet arrêt ne constituaient des décisions définitives d'une juridiction pénale statuant au fond sur l'action publique, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;

4. ALORS QUE l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif suppose de démontrer que la faute de gestion a contribué à l'insuffisance d'actif ; qu'en se bornant à relever, pour condamner M. I... à prendre en charge une partie du passif en cause, par motifs propres, que les fautes de gestion ont « nécessairement » été à l'origine d'une partie de l'insuffisance d'actifs en privant le dirigeant d'un outil de contrôle de la situation financière de l'entreprise et que ces fautes avaient « pour finalité directe l'enrichissement personnel des dirigeants » et, par motif adopté, que le fait d'avoir entretenu des flux financiers non conformes aux flux de marchandises s'est exercé au préjudice des créanciers, sans caractériser concrètement en quoi les fautes de gestion qu'elle a retenues avaient contribué à l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

5. ALORS QUE l'insuffisance d'actif doit exister à la date à laquelle le dirigeant de droit ou de fait cesse d'exercer ses fonctions ; qu'en se bornant à relever, pour condamner M. I... à supporter une partie du passif en cause, qu'il était encore co-gérant de la société au moment où des irrégularités comptables avaient été commises, sans rechercher, comme elle y était invitée (cf. ses conclusions, p. 7-9), si l'insuffisance d'actif existait à la date où M. I... avait cessé ses fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir prononcé une sanction d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique à l'encontre de M. Y... I..., né le [...] à Clamart (92), de nationalité française, pendant une durée de 5 ans et d'avoir condamné M. Y... I..., solidairement avec M. P... J..., à payer à la SELARL [...] , ès qualités de mandataire liquidateur de la société SN Recup Nord, la somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la faillite personnelle : Monsieur I... ne conclut pas sur ce point ; que la Serlarl [...] demande à la Cour de prononcer la faillite personnelle de monsieur J... et de monsieur I... eu égard à la gravité des fautes qui leur sont reprochées ; que le ministère public demande la confirmation du jugement pour l'un et l'autre ; que la cour note que les fautes reprochées à messieurs I... et J... sont en effet d'une gravité manifeste. Ainsi la cour infirmera le jugement attaqué et prononcera à l'encontre de monsieur J... une mesure de faillite personnelle ; qu'en revanche, le jugement sera confirmé pour monsieur I... qui n'est pas responsable du retard dans la déclaration de cessation des paiements ni des détournements d'actifs ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE Monsieur P... H... J... et Monsieur Y... I... peuvent se voir reprocher la tenue d'une comptabilité fictive, fait prévu à l'article L. 653-5 6°) du code de commerce, que Monsieur P... H... J... peut se voir reprocher le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal, fait prévu à l'article L. 653-8 du même code ; que le même peut également être tenu pour responsable du détournement d'une partie de l'actif (fait prévu à l'article L. 653-4 5°) du même code ; Le Tribunal prononcera contre Monsieur Y... I... une interdiction de gérer pour une durée de 5 ans, et prononcera contre Monsieur P... H... J... une interdiction de gérer pour une durée de 10 ans ;

ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; que, dans ses récapitulatives notifiées le 24 novembre 2017 (p. 9-10), M. I... critiquait le jugement entrepris pour l'avoir condamné à une interdiction de gérer de cinq ans et soutenait que si une faute de gestion devait néanmoins être retenue à son encontre, il ne pourrait être condamné qu'à une contribution à l'insuffisance d'actifs très limitée ; qu'en conséquence, il demandait à la cour d'appel, dans le dispositif de ses écritures (p. 11), de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'avait condamné à une interdiction de gérer de 5 ans, et de le décharger de toutes condamnations ; qu'en affirmant néanmoins que M. I... n'avait pas conclu sur ce point, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-18321
Date de la décision : 17/06/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 jui. 2020, pourvoi n°18-18321


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.18321
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