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10/06/2020 | FRANCE | N°18-19729

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 juin 2020, 18-19729


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 juin 2020

Cassation partielle

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 305 F-D

Pourvoi n° S 18-19.729

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 JUIN 2020

La soc

iété Grenke location, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 18-19.729 contre l'arrêt rendu le 5 avril 2018 par la cour d'appel de Colm...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 juin 2020

Cassation partielle

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 305 F-D

Pourvoi n° S 18-19.729

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 JUIN 2020

La société Grenke location, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 18-19.729 contre l'arrêt rendu le 5 avril 2018 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à M. U... W..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Grenke location, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. W..., et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 5 avril 2018), M. W... a conclu un contrat de location, signé les 8 novembre et 19 décembre 2011, avec la société Grenke location (la société Grenke), portant sur un photocopieur acquis par cette dernière auprès de la société 2M Solutions.

2. Se plaignant de dysfonctionnements de ce matériel, M. W... a cessé de s'acquitter des loyers.

3. Par lettre du 17 avril 2012, la société Grenke a notifié à M. W... la résiliation du contrat à ses torts et l'a mis en demeure de restituer le matériel et de payer les loyers échus, ainsi que l'indemnité contractuelle de résiliation.

4. Après restitution du matériel, M. W... a assigné la société Grenke en annulation du contrat de location et en paiement de dommages-intérêts.

5. La société Grenke a formé une demande reconventionnelle en paiement des loyers échus et de l'indemnité contractuelle de résiliation anticipée.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. La société Grenke fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de M. W... en paiement de l'indemnité contractuelle de résiliation alors « que les juges ne peuvent qualifier une stipulation contractuelle de clause pénale, sans inviter les parties à s'expliquer quant à cette qualification ; qu'en ayant qualifié l'article 13 des conditions générales liant les parties de clause pénale, sans inviter les parties à s'expliquer sur une telle qualification, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile et le principe de la contradiction. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

7. Selon ce texte, le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations.

8.Pour réduire le montant de l'indemnité contractuelle de résiliation anticipée demandée par la société Grenke, l'arrêt relève que l'article 13 des conditions générales du contrat de location financière, qui fixe le préjudice du loueur à « une indemnité égale à tous les loyers à échoir jusqu'au terme initial du contrat majorée de 10 % », s'analyse en une clause pénale et, après avoir énoncé que le juge peut, même d'office, modérer la peine ainsi convenue si elle est manifestement excessive au regard du préjudice réellement subi par le créancier, retient que le matériel ayant été restitué sept mois après sa livraison dans un état présumé neuf, l'indemnité de résiliation est manifestement excessive.

9. En statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relatif à la qualification de la clause litigieuse, qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. W... à payer à la société Grenke location, avec intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2012, la somme de 5 000 euros au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de location, l'arrêt rendu le 5 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne M. W... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du dix juin deux mille vingt et signé par Mme Darbois, conseiller, qui en a délibéré en remplacement de M. M....

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la société Grenke location.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. W... à payer à la société Grenke Location la somme de 5 000 € seulement au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation ;

AUX MOTIFS QUE Sur les manquements du preneur à ses obligations. Il est constant que M. W... n'a versé aucun loyer et ainsi manqué à ses obligations contractuelles. Dès lors, il est redevable des loyers impayés échus au 17 avril 2012, date de résiliation du contrat, soit 2 339,29 euros. La société Grenke Location réclame en outre, à titre d'indemnité de résiliation anticipée, la somme de 13 737 euros correspondant à l'ensemble des loyers à échoir jusqu'au terme du contrat. L'article 13 des conditions générales du contrat de location produites par M. W... stipule qu'en cas de résiliation anticipée, le bailleur aura droit à une indemnité égale à tous les loyers à échoir jusqu'au terme initial du contrat majorée de 10 % ainsi que, le cas échéant, des loyers échus impayés et des intérêts de retard. Cette clause, qui fixe le préjudice du bailleur, en cas de résiliation du contrat de location, au montant des loyers à échoir, majoré de 10 %, même en cas de restitution du matériel loué, s'analyse en une clause pénale, soumise aux dispositions de l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en l'espèce. Aux termes de ces dispositions, le juge peut, même d'office, modérer la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive. Le montant de la pénalité doit être apprécié en considération du préjudice réellement subi par le créancier. En l'espèce, la société Grenke Location a financé un matériel d'une valeur de 14 710,80 euros selon facture de la société 2M solutions du 12 décembre 2011. Ce matériel lui a été restitué par M. W... le 12 juillet 2012, soit après sept mois. Il prétend ne pas l'avoir utilisé, ce qui est rendu vraisemblable par le fait qu'il justifie avoir pris en location auprès d'un autre bailleur un autre photocopieur dès le 3 janvier 2012. Il y a donc lieu de présumer que le matériel restitué était à l'état neuf et, en tout cas, la société Grenke Location ne prétend pas qu'il était en mauvais état. Elle ne justifie pas du sort qu'elle a donné au matériel restitué, notamment du prix auquel elle a pu le revendre ou des conditions auxquelles elle a pu le relouer. En considération de ces éléments, l'indemnité de résiliation apparaît en l'espèce manifestement excessive et il convient d'en réduire le montant à 5 000 euros. M. W... n'est pas fondé à se prévaloir des stipulations de l'article 18 du contrat de location limitant la responsabilité du bailleur à la valeur d'acquisition du matériel, alors qu'en l'espèce, c'est sa propre responsabilité, et non celle du bailleur, qui est en cause ;

1° ALORS QUE les juges du fond ne peuvent mettre en oeuvre d'office le pouvoir de modération d'une clause pénale qu'ils tiennent de la loi, sans inviter les parties à s'en expliquer au préalable ; qu'en ayant d'office modéré la clause emportant indemnité de résiliation anticipée au profit de la société Grenke Location, sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble le principe de la contradiction ;

2° ALORS QUE les juges ne peuvent qualifier une stipulation contractuelle de clause pénale, sans inviter les parties à s'expliquer quant à cette qualification ; qu'en ayant qualifié l'article 13 des conditions générales liant les parties de clause pénale, sans inviter les parties à s'expliquer sur une telle qualification, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile et le principe de la contradiction ;

3° ALORS QUE l'indemnité contractuelle de résiliation insérée dans un contrat de location financière ne peut s'analyser en une clause pénale ; qu'en ayant jugé que l'article 13 du contrat de location financière consenti par la société Grenke Location s'analysait en une clause pénale susceptible d'être modérée, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1152 anciens du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-19729
Date de la décision : 10/06/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 05 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 jui. 2020, pourvoi n°18-19729


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.19729
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