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03/06/2020 | FRANCE | N°18-20884

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 juin 2020, 18-20884


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 juin 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 420 F-D

Pourvoi n° X 18-20.884

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
DU 3 JUIN 2020

La société Publicis conseil, société

anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° X 18-20.884 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 juin 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 420 F-D

Pourvoi n° X 18-20.884

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
DU 3 JUIN 2020

La société Publicis conseil, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° X 18-20.884 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à Mme W... H..., domiciliée [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Publicis conseil, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 juin 2018), Mme H... a été engagée le 12 novembre 2012, par la société Publicis conseil, en qualité de directrice de création internationale, sous le statut de cadre, hors catégorie.

2. Elle a saisi, le 22 janvier 2015, la juridiction prud'homale afin d'obtenir l'annulation d'une mesure disciplinaire prise à son encontre et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution de son contrat de travail.

3. Elle a été licenciée le 9 février 2015.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme au titre du bonus de l'année 2014 outre les congés payés afférents alors « que le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur des moyens relevés d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs explications ; qu'en énonçant, pour condamner la société Publicis conseil à payer à Mme H... un rappel de salaire au titre du bonus de l'année 2014, que la clause relative à la présence du salarié aux effectifs de l'entreprise au moment de son versement indiquait que celui-ci intervenait en principe en mars ou avril de l'année d'attribution et que le caractère potestatif de cette disposition contractuelle excluait que soit opposé à la salariée son licenciement en février 2014, la cour d'appel qui s'est fondée sur un moyen qu'elle a relevé d'office a méconnu le principe du contradictoire et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

6. Pour condamner l'employeur à verser à la salariée certaines sommes au titre des bonus des années 2013 et 2014 et les congés payés afférents, l'arrêt retient que, pour le bonus de l'année 2014, la clause relative à la présence du salarié aux effectifs de l'entreprise au moment de son versement indique que celui-ci intervient en principe en mars ou avril de l'année d'attribution, que le caractère potestatif de cette disposition contractuelle exclut que soit opposé à la salariée son licenciement en février 2014.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait des conclusions des parties qu'aucune d'elles n'avait soutenu que la clause relative à la part variable de la rémunération de la salariée comportait une condition potestative excluant que lui soit opposé son licenciement, la cour d'appel, qui a relevé ce moyen d'office, sans avoir sollicité les observations des parties, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Publicis conseil à verser à Mme H... la somme de 180 000 euros et les congés payés afférents au titre des bonus des années 2013 et 2014, l'arrêt rendu le 7 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme H... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Publicis conseil ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Publicis conseil

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Publicis Conseil à payer à Mme H... la somme de 180.000 euros, outre les congés payés afférents, au titre du bonus des années 2013 et 2014 ;

AUX MOTIFS QUE sur le rappel de rémunération variable et les congés payés afférents, W... H... demande à la cour de condamner la société Publicis Conseil à lui verser 90.000 euros par an à titre de rappel de rémunération variable pour les années 2013, 2014 et 2015 ainsi que 27.000 euros à titre de congés payés afférents ; que la société Publicis Conseil lui oppose qu'en application du « Publicis Worldwide 2013 Brand Bonus rules », document à valeur contractuelle, elle n'a pas droit à une rémunération variable dans la mesure où les objectifs de la société n'ont pas été atteints ces années là et qu'à titre personnel elle ne remplissait pas les conditions pour percevoir des bonus : quant au bonus pour 2013, elle ne remplissait pas de facto la condition de « performance personnelle », quant aux bonus pour 2014 et 2015, son contrat ayant été rompu pour faute grave en février 2015 elle ne faisait plus partie des effectifs de la société au moment de leur versement ; qu'W... H... réplique que pour 2013 et 2014 aucun objectif ne lui a été notifié de sorte que la rémunération variable lui est due et que pour 2015, le licenciement étant nul il ne peut lui être opposé son absence aux effectifs de l'entreprise ; que le contrat de travail stipule que « vous bénéficierez d'une part variable (bonus) pouvant représenter annuellement jusqu'à 6 mois de salaire brut, et calculée selon les modalités définies annuellement pour les cadres de votre niveau au sein de Publicis Worldwide et en fonction de votre performance personnelle et à condition que vous soyez présente à l'effectif au moment du versement du bonus, effectué en principe au mois de mars ou d'avril de l'année suivant l'exercice auquel il se rapporte » ; qu'il ressort de la traduction libre mais non contestée des règles générales relatives au versement des bonus Publicis worldwide pour l'année 2013 que le bonus est destiné à récompenser la performance collective et individuelle ; qu'il est précisé que les salariés doivent avoir une connaissance claire et précise des conditions d'attribution et qu'ils reçoivent une copie de tous les accords collectifs et le détail de calcul du bonus par bénéficiaire s'agissant du bonus collectif et une copie des objectifs annuels pour mesurer la performance s'agissant du bonus individuel ; que pour exclure W... H... du bénéfice du bonus de l'année 2013 la société Publicis Conseil verse au débat un tableau dont il ressort que l'objectif collectif était de 87.300 K euros et que le résultat est de 81.395 K euros ; que ce document, dont la société Publicis Conseil ne justifie, ni même ne prétend, qu'il aurait été communiqué à la salariée, et dont les mentions ne présentent aucun garantie de fiabilité quant aux résultats annoncés, n'est pas de nature à priver W... H... du bonus annuel contractuellement prévu ; que quant à la performance individuelle, la société Publicis Conseil s'appuie sur les griefs qu'elle a développés contre W... H... dans le cadre de la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle sans rapporter la preuve des objectifs qui ont été notifiés à la salariée pour l'année considérée ni celle des objectifs atteints, aucune évaluation de la salariée n'étant versée au débat ; qu'or lorsque le calcul de l'élément variable de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur il lui appartient de les produire au débat contradictoire ; que dans ces conditions le bonus de l'année 2013 est dû ; qu'il sera fait droit à la demande en paiement d'W... H... de ce chef ; que pour le bonus de l'année 2014 la cour relève que la clause relative à la présence du salarié aux effectifs de l'entreprise au moment de son versement indique que celui-ci intervient en principe en mars ou avril de l'année d'attribution ; que le caractère potestatif de cette disposition contractuelle exclut que soit opposé à W... H... son licenciement en février 2014 ; qu'en considération de ce qui précède concernant le bonus de l'année 2013, le bonus de 2014 est dû à la salariée ;

1°) ALORS QUE le contrat de travail peut valablement prévoir, en plus de la rémunération fixe, l'attribution d'un bonus laissé à la libre appréciation de l'employeur ; qu'en énonçant, pour condamner la société Publicis Conseil au paiement d'un bonus annuel au titre des années 2013 et 2014, que le bonus de ces deux années était dû à la salariée, cependant qu'elle retenait que le contrat de travail stipulait l'attribution d'un bonus en considération de la performance collective et individuelle, pouvant aller jusqu'à six mois de salaire, ce dont il résultait qu'il était fixé discrétionnairement chaque année par l'employeur, tant dans le principe que dans le montant, de sorte que son versement ne constituait pas un droit acquis à la salariée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l'article 1134 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que le contrat de travail stipulait l'attribution d'un bonus en considération de la performance collective et individuelle de la salariée ; que la salariée devait dès lors établir que les conditions d'attribution du bonus étaient remplies ; qu'en reprochant néanmoins à la société exposante, pour faire droit à la demande de la salariée en paiement d'un bonus annuel au titre des années 2013 et 2014, de ne pas produire d'éléments permettant de calculer le montant du bonus, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a ainsi violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause ;

3°) ALORS QUE le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur des moyens relevés d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs explications ; qu'en énonçant, pour condamner la société Publicis Conseil à payer à Mme H... un rappel de salaire au titre du bonus de l'année 2014, que la clause relative à la présence du salarié aux effectifs de l'entreprise au moment de son versement indiquait que celui-ci intervenait en principe en mars ou avril de l'année d'attribution et que le caractère potestatif de cette disposition contractuelle excluait que soit opposé à la salariée son licenciement en février 2014, la cour d'appel qui s'est fondée sur un moyen qu'elle a relevé d'office a méconnu le principe du contradictoire et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité, les juges du fond ne pouvant procéder par voie de simples affirmations ou de considérations générales et abstraites et devant apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ; qu'en se bornant, pour condamner la société Publicis Conseil à payer à Mme H... un rappel de salaire au titre du bonus de l'année 2014, à affirmer péremptoirement que le caractère potestatif de la clause relative à la présence du salarié aux effectifs de l'entreprise au moment de son versement, indiquant que celui-ci intervenait en principe en mars ou avril de l'année d'attribution, excluait que soit opposé à Mme H... son licenciement en février 2014, sans déduire aucun motif à l'appui de cette allégation et expliquer précisément les raisons pour lesquelles elle considérait que la clause était potestative, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QU' en application des dispositions des articles 1170 et 1174 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause, la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher et toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ; que la cour d'appel en énonçant, pour condamner la société Publicis Conseil à payer à Mme H... un rappel de salaire au titre du bonus de l'année 2014, que le caractère potestatif de la clause relative à la présence du salarié aux effectifs de l'entreprise au moment de son versement, indiquant que celui-ci intervenait en principe en mars ou avril de l'année d'attribution, excluait que soit opposé à Mme H... son licenciement en février 2014, cependant qu'une telle clause ne permettait pas à l'employeur, débiteur de l'obligation, de s'en libérer par un événement qu'il était seul à pouvoir faire survenir ou empêcher, a violé les textes susvisés ;

6°) ALORS QUE l'employeur peut valablement allouer au salarié une prime de bonus dont le paiement est subordonné à la condition que ce dernier soit présent dans l'entreprise à la date de son versement ; que la cour qui bien qu'elle ait constaté qu'il résultait de la lettre d'engagement de Mme H... du 22 août 2012 que le droit au bonus était subordonné à une condition de présence de la salariée dans l'entreprise à la date effective de versement de celui-ci, a néanmoins décidé que la salariée, qui avait été valablement licenciée pour faute grave le 9 février 2015, pouvait prétendre au paiement du bonus de l'année 2014 bien que le licenciement soit intervenu avant la date du versement de celui-ci, a ainsi violé l'article 1134 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;

7°) ALORS QU' en application des dispositions de l'article 1178 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause, la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; que la cour qui, bien qu'elle ait constaté que la lettre d'engagement du 22 août 2012 subordonnait le droit au bonus à une condition de présence du bénéficiaire dans l'entreprise à la date effective du paiement de celui-ci, au mois de mars ou avril de l'année suivant l'exercice auquel il se rapportait, et que la salariée avait été valablement licenciée pour faute grave en février 2015 pour avoir manqué à ses obligations de loyauté et de non-concurrence en travaillant pour le compte d'une société concurrente durant l'exécution de son contrat de travail, a néanmoins, pour condamner la société Publicis Conseil à payer à Mme H... un rappel de salaire au titre du bonus de l'année 2014, énoncé que son licenciement notifié en février 2015 ne pouvait lui être opposé, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire que la condition, qui ne s'était pas réalisée par la faute de la salariée, ne pouvait être réputée accomplie, de sorte que l'employeur ne pouvait être condamné au paiement du bonus de l'année 2014, violant ainsi le texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-20884
Date de la décision : 03/06/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 jui. 2020, pourvoi n°18-20884


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.20884
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