LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 juin 2020
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 414 F-D
Pourvoi n° P 18-17.656
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 JUIN 2020
M. U... M..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° P 18-17.656 contre l'arrêt rendu le 29 mars 2018 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Partnaire métiers techniques 76, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , ayant son agence [...] ,
2°/ à la société EMTC, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. M..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Partnaire métiers techniques 76, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1251-16 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que, sous réserve d'une intention frauduleuse du salarié, le non-respect par l'entreprise de travail temporaire de l'une des prescriptions qu'il édicte, lesquelles ont pour objet de garantir qu'ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite, implique la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. M... a été engagé par la société Partnaire métiers techniques 76 en qualité de soudeur, par contrats de mission du 18 mai 2010, 21 mai 2010 et du 24 juin 2010 ; que l'employeur a considéré que le contrat de travail avait pris fin le 28 juin 2010, date prévue pour la fin de la mission ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de sa relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes ;
Attendu que pour rejeter la demande de requalification du contrat de mission du 24 juin 2010 en contrat à durée indéterminée, l'arrêt, après avoir constaté l'absence de signature du contrat par le salarié, retient que ce dernier ne peut se prévaloir de son propre fait, consistant en l'absence de retour du contrat du 24 juin 2010 revêtu de sa signature, qui lui a été soumis, alors même qu'il ne conteste pas avoir reçu le paiement de son travail pour la période correspondante ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser l'intention frauduleuse du salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de requalification du contrat de mission du 24 au 28 juin 2010 en contrat à durée indéterminée, l'arrêt rendu le 29 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Partnaire métiers techniques 76 aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Partnaire métiers techniques 76 et la condamne à payer à M. M... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour M. M...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de requalification du contrat de travail temporaire de M. U... M... en contrat à durée indéterminée ;
Aux motifs que « Sur la demande de requalification du contrat de mission : Selon les dispositions de l'article L.1251-1 du code du travail, "le recours au travail temporaire a pour objet la mise à disposition temporaire d'un salarié par une entreprise de travail temporaire au bénéfice d'un client utilisateur pour l'exécution d'une mission.
Chaque mission donne lieu à la conclusion : 1° D'un contrat de mise à disposition entre l'entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit "entreprise utilisatrice" ; 2° D'un contrat de travail, dit "contrat de mission", entre le salarié temporaire et son employeur, l'entreprise de travail temporaire. Lorsque l'utilisateur est une personne morale 'de droit public, le présent chapitre s'applique, sous réserve des dispositions prévues à la section 6". L'article L.1251-15 du même code énonce que, "le contrat de mission est établi par écrit. Il comporte notamment : 1° La reproduction des clauses et mentions du contrat de mise à disposition énumérées à l'article L. 1251-43 ; 2° La qualification professionnelle du salarié ; 3° Les modalités de la rémunération due au salarié, y compris celles de l'indemnité de fin de mission prévue à l'article L. 1251-32 ; 4° La durée de la période d'essai éventuellement prévue ; 5° Une clause de rapatriement du salarié à la charge de l'entrepreneur de travail temporaire lorsque la mission s'effectue hors du territoire métropolitain. Cette clause devient caduque en cas de rupture du contrat à l'initiative du salarié ; 6° Le nom et l'adresse de la caisse de retraite complémentaire et de l'organisme de prévoyance dont relève l'entreprise de travail temporaire, 7° La mention selon laquelle l'embauche du salarié par l'entreprise utilisatrice à l'issue de la mission n'est pas interdite". M. M... soutient qu'il a été engagé par la Sarl Partnaire Métiers Techniques 76, entreprise de travail temporaire, pour accroissement temporaire d'activité, le 18 mai 2010, avec une souplesse jusqu'au 20 mai 2010, en qualité de soudeur, et qu'il est resté travailler pour cette société jusqu'au 28 juin 2010. N'ayant par la suite jamais reçu de lettre de licenciement il se considère être toujours salarié de cette société, ainsi que de la société utilisatrice, la SARL EMTC. Il soutient qu'il n'y a jamais eu de contrat pour la période du 24 au 28 juin 2010. La SARL Partnaire Métiers Techniques 76 soutient avoir respecté ses obligations au titre du travail temporaire. Elle ajoute que le défaut de signature par le salarié du contrat de mission du 24 au 28 juin 2010, est le fait du salarié, qui ne le lui a pas restitué signé. La SARL EMTC expose qu'elle a conclu le 24 juin 2010 avec la Sarl Partnaire Métiers Techniques 76 un contrat de prestation pour la période du 24 juin 2010 au 28 juin 2010, concernant la mise à disposition de M. M..., que le contrat a pris fin à la date contractuellement convenue, et que le fait que le salarié n'ait pas signé le contrat de mission avec la Sart Partnaire Métiers Techniques 76 ne lui est pas opposable. L'examen des pièces produites permet de constater que le 18 mai 2010, un contrat de prestations de services n° [...] a été signé entre la SARL Partnaire Métiers Techniques 76 et la SARL EMTC, pour la mise à la disposition de M. M..., pour le 18 mai 2010, en qualité de soudeur, pour accroissement temporaire d'activité, concernant des travaux sur le bateau "[...]" afin de respecter les délais sous peine de pénalité. Le même jour, un contrat de mission n° [...] a été signé entre la SARL Partnaire Métiers Techniques 76 et M. M... pour les mêmes motifs. Le 21 mai 2010, un contrat de prestations de services n° [...] a été signé entre la SARL Partnaire Métiers Techniques 76 et la société SDD pour la mise à la disposition de M. M..., pour le 21 mai 2010, en qualité de soudeur, pour accroissement temporaire d'activité, concernant des travaux sur le "[...]" à honorer dans les délais sous peine de pénalités de retard. Le même jour, un contrat de mission [...] a été signé entre la SARL Partnaire Métiers Techniques 76 et M. M... pour les mêmes motifs. Le 24 juin 2010, un contrat de prestations de services n° [...] a été signé entre la SARL Partnaire Métiers Techniques 76 et la SARL EMTC, pour la mise à la disposition de M. M..., pour la période du 24 juin 2010 au 29 juin 2010 inclus, avec souplesse du 25 juin 2010 au 1er juillet 2010, en qualité de soudeur, pour accroissement temporaire d'activité, lié à la mobilisation du bateau "[...]" à terminer avant le départ du navire. Le même jour, un contrat de mission n° [...] a été établi entre la SARL Partnaire Métiers Techniques 76 et M. M... pour les mêmes motifs, mais ledit contrat n'a pas été signé par le salarié. Il est produit au débat un bulletin de salaire émis par la SARL Partnaire Métiers Techniques 76 au nom de M. M... pour la période du 1er au 30 juin 2010, rémunérant la période du 24 au 27 juin 2010 et portant la référence n° [...], avec indemnité de fin de mission et congés payés. Un autre bulletin de salaire a été émis par la SARL Partnaire Métiers Techniques 76, au nom de M. M..., pour la période du 1er au 31 juillet 2010, concernant 12 heures de nuit pour le 28 juin 2010, avec référence n° [...], outre indemnité de fin de mission et congés payés. Il est également produit au débat, une attestation Pôle Emploi n° [...], établie par la SARL Partnaire Métiers Techniques 76, concernant M. M..., et reprenant notamment la période de travail du 24 au 28 juin 2010, ainsi que la copie des chèques de règlement correspondants libellés au nom de M. M... et les relevées d'opérations bancaires concernant le débit desdits chèques, la déclaration unique d'embauche effectuée le 23 juin 2010 concernant notamment M. M... novembre 2013, avant rengagement de la procédure par M. M..., la SARL Partnaire Métiers Techniques 76, interrogée par l'URSSAF, a dû justifier des pièces précitées. Il résulte des éléments qui précèdent que la SARL Partnaire Métiers Technique 76 a rempli les obligations lui incombant au titre du travail temporaire. M. M... ne peut se prévaloir de son propre fait, consistant en l'absence de retour du contrat du 24 juin 2010 revêtu de sa signature, qui lui été soumis, alors même qu'il ne conteste pas avoir reçu le paiement de son travail pour la période correspondante, indemnité de fin de contrat et congés payés inclus. Il est démontré l'exécution des contrats de mission et de prestations de services du 24 juin 2010 au 28 juin 2010. Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de requalification présentée par le salarié, le contrat de mission ayant pris fin à la date contractuellement prévue, ne nécessitant pas la mise en oeuvre d'une procédure de rupture. Ainsi, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification et les prétentions financières du salarié à l'encontre des deux sociétés, outre sa demande au titre du retard dans la délivrance des bulletins de paie depuis le 28 juin 2010 ».
1° Alors que l'exigence d'un contrat de mission écrit et signé, prescription d'ordre public dont l'omission entraîne la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée, est destinée à garantir le respect des diverses conditions en l'absence desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite ; que dès lors en constatant que le contrat de mission de M. M... n'était pas signé et en refusant néanmoins de déclarer les parties liées par un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-1, L. 1251-16 et L. 1251-17 du code du travail ;
2° Alors que pour être régulier, le contrat de mission doit être établi par écrit et signé par le salarié ; qu'à défaut de signature le contrat de mission est requalifié en contrat à durée indéterminée ; qu'au cas présent, en déboutant M. M... de sa demande de requalification au prétexte que ce dernier n'aurait pas retourné le contrat signé à la société Partnaires Métiers tandis qu'elle ne rapporte pas la preuve que M. M... aurait reçu ledit contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-1 et L. 1251-16 du code du travail ;
3° Alors que l'absence de signature par le salarié mis à disposition de son contrat de mission constitue une irrégularité sanctionnée par la requalification du contrat de mission ; qu'il n'en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de mission dans une intention frauduleuse ; qu'en se bornant à énoncer, pour refuser la requalification que « M. M... ne peut se prévaloir de son propre fait, consistant en l'absence de retour du contrat du 24 juin 2010 revêtu de sa signature, qui lui été soumis, alors même qu'il ne conteste pas avoir reçu le paiement de son travail pour la période correspondante, indemnité de fin de contrat et congés payés inclus » sans caractériser l'intention délibérément frauduleuse de M. M... qui ne pouvait se déduire de la seule transmission des contrats par l'entreprise de travail temporaire et de l'absence de retour par ce dernier, et sans rechercher, comme elle l'y était invitée, si l'absence de signature ne résultait pas des manquements de la société Partnaires Métiers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1251-1 et L. 1251-16 du code du travail.