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28/05/2020 | FRANCE | N°19-13590

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 28 mai 2020, 19-13590


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 mai 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 458 F-D

Pourvoi n° Q 19-13.590

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020

La société Valéo Vision, société par actions simplifiée, do

nt le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-13.590 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13),...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 mai 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 458 F-D

Pourvoi n° Q 19-13.590

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020

La société Valéo Vision, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-13.590 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant :

1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne, dont le siège est [...] ,

2°/ à Mme M... T..., domiciliée [...] ,

3°/ à M. U... T..., domicilié [...] ,

4°/ à M. B... T..., domicilié [...] ,

5°/ au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [...] ,

6°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Valéo Vision, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, de Me Isabelle Galy, avocat de Mme T... et de MM. U... et B... T..., de Me Le Prado, avocat du Fonds d'Indemnisation des victimes de l'amiante, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Valéo Vision du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 janvier 2019 ), G... T... (la victime), salarié de la société Valéo Vision (l'employeur) en qualité de tuyauteur et pneumaticien, a souscrit le 30 juin 2006 une déclaration de maladie professionnelle pour un mésothéliome malin primitif de la plèvre. Il est décédé des suites de cette maladie le 13 mai 2007.

3. La caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse) a pris en charge la maladie déclarée au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles, puis le décès de la victime, par décision du 5 juillet 2007.

4. Les ayants droit de la victime ont saisi, le 23 septembre 2008, une juridiction de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) est intervenu à la procédure.
Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses deux branches réunies

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de lui déclarer opposable la décision de la caisse de prise en charge de la maladie professionnelle de la victime avec toutes conséquences de droit, de dire que la maladie professionnelle est imputable à sa faute inexcusable, de fixer à son maximum l'indemnité forfaitaire visée à l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, de fixer à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant, de fixer l'indemnisation des souffrances physiques et morales endurée à la somme de 70 000 euros, de dire que la caisse devra procéder au remboursement des sommes versées au FIVA pour un montant de 142 900 euros, de condamner l'employeur à supporter l'ensemble des conséquences financières liées à la reconnaissance de sa faute inexcusable et de le condamner à verser aux consorts T... une somme complémentaire de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article R. 441-11 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, que la caisse primaire d'assurance maladie, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision ; qu'en cas de méconnaissance de cette obligation d'information, la décision de prise en charge est inopposable à l'employeur; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la décision de prise en charge de la pathologie de M. T..., en date du 7 juillet 2007, est intervenue à l'issue d'une procédure d'instruction dont la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas contesté le caractère non contradictoire ; qu'en déclarant cependant cette décision opposable à la société Valéo Vision la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

2°/ que lorsque la décision de la caisse primaire d'assurance maladie d'admettre le caractère professionnel de la maladie dont est atteint un salarié est inopposable à l'employeur sur le fondement de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, la caisse ne peut récupérer sur ce dernier, après reconnaissance de sa faute inexcusable, les compléments de rente et indemnités versés par elle au salarié malade ou à ses ayants droit; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la décision de prise en charge de la pathologie puis du décès de M. T..., en date du 7 juillet 2007, est intervenue à l'issue d'une procédure d'instruction dont la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas contesté le caractère non contradictoire ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que « y compris pour les procédures engagées avant le 1er janvier 2013, l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, était déjà sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et ne privait pas la caisse du droit de récupérer auprès de l'employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et d'indemnités versées par elle », de sorte que « même si dans le cas d'espèce, l'action a été introduite en 2008, la caisse peut exercer son action récursoire contre la société Valéo Vision » la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 452-2, L. 452-3 et R. 441-11, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige :

7. Il résulte du dernier de ces textes que la caisse primaire d'assurance maladie doit, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision et que la décision de la caisse de prendre en charge un accident ou une maladie au titre de la législation professionnelle, n'est pas opposable à l'employeur, dès lors que la caisse n'a pas préalablement assuré son information sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de lui faire grief.

8. L'inopposabilité à l'égard de l'employeur de la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle, sur le fondement de l'article R. 441-11 susvisé, prive la caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de sa faute inexcusable, en application des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, les compléments de rente et indemnités versés par elle.

9. Pour dire opposable à l'employeur la décision de la caisse de prise en charge de la maladie professionnelle de la victime et condamner l'employeur à supporter l'ensemble des conséquences financières de la reconnaissance de sa faute inexcusable, l'arrêt retient que, y compris pour les procédures engagées avant le 1er janvier 2013, l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute était déjà sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et ne privait pas la caisse du droit de récupérer auprès de l'employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et indemnités versés par elle. Il ajoute que dès lors, même si l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur a été introduite en 2008, la caisse peut exercer son action récursoire contre l'employeur.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que la caisse ne contestait pas ne pas avoir respecté le principe du contradictoire à l'égard de l'employeur au cours de la procédure d'instruction de la demande de prise en charge de la pathologie déclarée par la victime, puis du décès de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Demande de mise hors de cause

11. Le FIVA demande sa mise hors de cause en cas de cassation sur le premier moyen qui n'intéresse que les rapports de la caisse et de l'employeur.

12. Il y a lieu d'accueillir cette demande.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DONNE ACTE à la société Valéo Vision du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;

MET hors de cause, sur sa demande, le FIVA ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré opposable à la société Valéo Vision la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne de prise en charge de la maladie professionnelle de G... T... avec toutes conséquences de droit et condamné la société Valéo Vision à supporter l'ensemble des conséquences financières liées à la reconnaissance de sa faute inexcusable, l'arrêt rendu le 18 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt, et signé par lui et M. Prétot, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, et par Mme Caratini, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Valéo Vision.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré opposable à la société Valeo vision la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne de prise en charge de la maladie professionnelle de M. G... T... avec toutes conséquences de droit ; dit que la maladie professionnelle de M. T... est imputable à une faute inexcusable de l'employeur, la société Valeo vision ; fixé à son maximum l'indemnité forfaitaire visée à l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, majoration directement versée par la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne à la succession de M. T... ; fixé à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant ; entériné l'évaluation faite par le FIVA de l'indemnisation des préjudices personnels de M. T... et l'indemnisation des préjudices moraux de ses ayants droit ; fixé l'indemnisation des souffrances physiques et morales endurées à la somme de 70 000 € ; dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne devra procéder au remboursement des sommes versées par le FIVA pour un montant de 142 900 € ; condamné la société Valeo vision à supporter l'ensemble des conséquences financières liées à la reconnaissance de sa faute inexcusable ; condamné la société Valeo vision à verser aux consorts T... une somme complémentaire de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE " Sur la demande d'inopposabilité des décisions de prise en charge et sur l'action récursoire de la caisse : l'employeur invoque l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie et du décès sur le fondement des dispositions de l'article R 441 - 11 du code de la sécurité sociale, en faisant valoir que la caisse n'a pas communiqué l'intégralité des pièces de la procédure de prise en charge de la maladie et du décès, et en particulier, qu'elle ne justifie pas l'avoir informée de la clôture de l'instruction et de la possibilité de venir consulter le dossier avant de prendre ces deux décisions ; [que la société Valeo vision] en déduit l'absence de toute action récursoire contre elle, la modification de l'article L.452-3-1 du code de sécurité sociale n'étant pas applicable aux procédures introduites après le 1er janvier 2013 ;

QUE la caisse ne conteste pas le non-respect du principe du contradictoire au cours de la procédure d'instruction, mais indique que l'irrégularité de procédure permettait quand même à la caisse d'exercer son action récursoire ;

QUE l'article L.452-3-1 du code de sécurité sociale issu de la loi du 17 décembre 2012, applicable aux procédures introduites devant les TASS à compter du 1er janvier 2013 dispose : "Quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l'obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1à L.452-3" ;

QUE, y compris pour les procédures engagées avant le 1er janvier 2013, l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, était déjà sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et ne privait pas la caisse du droit de récupérer auprès de l'employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et d'indemnités versés par elle ;

QUE dès lors, même si dans le cas d'espèce, l'action a été introduite en 2008, la caisse peut exercer son action récursoire contre la société Valéo Vision" ;

1°) ALORS QU'il résulte de l'article R.441-11 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction, applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, que la caisse primaire d'assurance maladie, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision ; qu'en cas de méconnaissance de cette obligation d'information, la décision de prise en charge est inopposable à l'employeur ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la décision de prise en charge de la pathologie de M. T..., en date du 7 juillet 2007, est intervenue à l'issue d'une procédure d'instruction dont la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas contesté le caractère non contradictoire ; qu'en déclarant cependant cette décision opposable à la société Valeo vision la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

2°) ET ALORS QUE lorsque la décision de la caisse primaire d'assurance maladie d'admettre le caractère professionnel de la maladie dont est atteint un salarié est inopposable à l'employeur sur le fondement de l'article R.441-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, la caisse ne peut récupérer sur ce dernier, après reconnaissance de sa faute inexcusable, les compléments de rente et indemnités versés par elle au salarié malade ou à ses ayants droit ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la décision de prise en charge de la pathologie puis du décès de M. T..., en date du 7 juillet 2007, est intervenue à l'issue d'une procédure d'instruction dont la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas contesté le caractère non contradictoire ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que "y compris pour les procédures engagées avant le 1er janvier 2013, l'irrégularité de la procédure ayant conduit à la prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, était déjà sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et ne privait pas la caisse du droit de récupérer auprès de l'employeur, après reconnaissance de cette faute, les compléments de rente et d'indemnités versées par elle", de sorte que "même si dans le cas d'espèce, l'action a été introduite en 2008, la caisse peut exercer son action récursoire contre la société Valéo Vision" la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la maladie professionnelle de M. T... est imputable à une faute inexcusable de l'employeur, la société Valeo vision ; fixé à son maximum l'indemnité forfaitaire visée à l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, majoration directement versée par la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne à la succession de M. T... ; fixé à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant ; entériné l'évaluation faite par le FIVA de l'indemnisation des préjudices personnels de M. T... et l'indemnisation des préjudices moraux de ses ayants droit ; fixé l'indemnisation des souffrances physiques et morales endurées à la somme de 70 000 € ; dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne devra procéder au remboursement des sommes versées par le FIVA pour un montant de 142 900 € ; condamné la société Valeo vision à supporter l'ensemble des conséquences financières liées à la reconnaissance de sa faute inexcusable ; condamné la société Valeo vision à verser aux consorts T... une somme complémentaire de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE " Les consorts T... sollicitent la confirmation de la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur, faisant valoir que :
- M. T... a travaillé en contact avec de l'amiante du jour de son embauche en 1972 jusqu'au moins en 1986,
- il a aussi fourni son aide au moment de la dépollution de la société à la fin de 1990,
- dès les années 1950, les dirigeants d'entreprise travaillant avec de l'amiante savaient que ce matériau pouvait avoir des effets nocifs pour les salariés,
- malgré cette conscience du danger, l'employeur n'a pris aucune mesure pour les protéger,
- l'expertise réalisée dans le cadre de l'affaire pénale a démontré que M. T... a eu une activité professionnelle l'exposant à l'inhalation de fibres d'amiante au sein de la société Valéo durant au minimum 13 ans et qu'il y avait un lien de causalité certain entre l'exposition professionnelle et le développement du cancer,
- le rapport de l'inspecteur du travail a également relevé des éléments de preuve d'une exposition à l'amiante sur le site de Bobigny,
- la société ne produit aucun élément prouvant l'exposition de M. T... à l'amiante dans ces emplois antérieurs à 1973,
- il n'est fait état d'aucun fait justificatif exonérant l'employeur de sa responsabilité,
- compte tenu de son activité et de la taille de l'entreprise, la société Valéo doit être considérée comme un entrepreneur avisé et aurait dû prendre des mesures de nature à protéger ses salariés

QUE La société s'oppose à cette reconnaissance de faute inexcusable, aux motifs que :

- l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme empêche d'exiger d'une partie qu'elle apporter la preuve en défense sur une période de plus de 30 ans,
- l'état des connaissances scientifiques à l'époque où la maladie a été contractée était insuffisant à établir la conscience du danger par l'employeur,
- l'amiante n'intervenait pas dans le processus de production du site de Bobigny, et l'activité de fabrication des systèmes d'éclairage ne rentrait pas dans le champ d'application des textes relatifs à la protection des travailleurs de l'amiante,
- aucun des postes occupés par M. T... ne l'exposait habituellement aux poussières d'amiante,
- il bénéficiait alors d'équipements de protection individuelle,
- il n'est pas démontré qu'une éventuelle exposition à l'amiante au sein de la société Valéo soit la cause déterminante du mésothéliome de M. T...,
- l'arrêté du 16 octobre 1995 prévoit d'ailleurs une mutualisation des risques avec l'inscription sur un compte spécial, et les conséquences financières de la maladie et du décès de M. T... ont bien été inscrites au compte spécial par décision de la CRAMIF,
- le Conseil d'Etat a reconnu la responsabilité de l'Etat du fait de sa carence fautive dans la prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs aux poussières d'amiante,
- la faute de l'Etat constitue un fait justificatif ;

QUE la caisse s'en rapporte sur ce point, et la FIVA s'associe aux conclusions des consorts T... ;

QU' en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers lui d'une obligation de sécurité de résultat, et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du code de sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Dès lors, la reconnaissance par le Conseil d'Etat de la responsabilité de l'Etat du fait de sa carence fautive dans la prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs aux poussières d'amiante ne constitue pas pour autant une cause exonératoire de la responsabilité de l'employeur ;

QU'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie du salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que sa responsabilité soit engagée ;

QUE lors de sa déclaration de maladie professionnelle du 30 juin 2006, M. T... a désigné son dernier employeur, la société Valéo, mais aussi ses anciens employeurs, indiquant avoir été aussi exposé au risque de la maladie dans ces emplois. Il a produit un certificat médical initial du 12 juin 2006 visant un mésothéliome et une première constatation médicale du 9 novembre 2005 ;

QUE le tableau 30 des maladies professionnelles, qui mentionne un mésothéliome malin primitif, pose une présomption d'origine professionnelle dès lors que le salarié justifie de travaux l'exposant à l'inhalation de poussières d'amiante avec un délai de prise en charge de 40 ans ; que l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et le droit au procès équitable ne sauraient s'appliquer dés lors que la maladie exige que soit prévu un délai de prise en charge de 40 ans ;

QU'il ressort de la décision de prise en charge à titre professionnel de la pathologie de M. T... que celui-ci a bénéficié de la présomption d'origine professionnelle de sa pathologie, présomption qui le dispense d'avoir à établir le lien de causalité entre ses conditions de travail et sa maladie, et présomption que la société Valéo Vision ne renverse pas devant la cour ;

QUE M. T... a été embauché par la société [...] devenue aujourd'hui Valéo Vision, le 1er mars 1973 en qualité de tuyauteur. Il a été licencié le 10 juillet 2002 ;

QU'en l'espèce, il est produit :
- un rapport de l'inspecteur du travail du 31 décembre 2014 qui indique n'avoir retrouvé aucune archive antérieure à 1979, que sur la période de 1979 à 1986, il n'y a pas de référence à une utilisation ou à une exposition à l'amiante, mais invoque toutefois un courrier du 21 novembre 1983 de son prédécesseur faisant état de la présence de menzolit (produit composé notamment de fibres de verre décrit comme ayant pu se substituer à l'amiante) et d'une atmosphère de travail chargée en particules de fibres de verre dans l'atelier de presses à injecter,
- une attestation de M. W..., retraité du groupe Valéo, indiquant que M. T... l'a assisté lors des travaux de dépollution avant destruction du site de Bobigny (a priori en 1990),
- une déclaration sur l'honneur de M. X..., employé de la société Valéo jusqu'en 2003, qui indique avoir vu M. T... intervenir dans les fonctions de son travail à plusieurs reprises sur des aréo-thermes fixés sur des plaques d'amiante et sur des fours isolés par des plaques d'amiante,
Ces attestations ne sont pas contestées ;

QUE la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières renfermant de l'amiante a été inscrite au tableau 25 des maladies professionnelles dés le 2 août 1945. L'asbestose, qui trouve aussi sa cause dans l'inhalation de poussières d'amiante, a été inscrite au tableau des maladies professionnelles le 31 août 1950.
Le décret du 17 août 1977 a imposé des mesures particulières d'hygiène pour les établissements où les salariés étaient exposés aux poussières d'amiante et a notamment exigé des contrôles de l'atmosphère, la mise en place d'installations de protection collective et la mise à disposition des salariés des équipements de protection individuelle.
Enfin, le danger inhérent aux poussières d'amiante a été mis en évidence par un décret du 10 mars 1984 qui imposait que les poussières soient évacuées au fur et à mesure de leur production et que soient installés dans les ateliers des systèmes de ventilation aspirantes. Des décrets ultérieurs ont édicté des réglementations de plus en plus strictes pour préserver les salariés de ces poussières.

QUE les connaissances scientifiques auraient dû alerter l'employeur sur les dangers présentés par l'inhalation de poussières d'amiante, même si la société n'était pas un site classé amiante et que ce matériau n'entrait pas dans le processus de fabrication des projecteurs pour véhicules, dès lors que M. T... était exposé même ponctuellement aux poussières d'amiante ;

QUE si la société Valéo Vision prétend qu'il bénéficiait alors d'équipements de protection individuelle, elle n'en justifie nullement ;

QU'en conséquence, il est établi que la société Valéo Vision aurait dû avoir conscience du danger encouru par ses salariés et prendre toutes les mesures de prévention nécessaires pour assurer leur sécurité, ce qu'elle ne démontre pas avoir fait ; sa faute inexcusable est ainsi établie. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point" ;

ALORS QUE la cour d'appel a retenu à l'appui de sa décision "qu'il ressort de la décision de prise en charge à titre professionnel de la pathologie de M. T... que celui-ci a bénéficié de la présomption d'origine professionnelle de sa pathologie, présomption qui le dispense d'avoir à établir le lien de causalité entre ses conditions de travail et sa maladie, et présomption que la société Valéo Vision ne renverse pas devant la cour" ; que la cassation, intervenant sur le premier moyen du pourvoi, du chef de dispositif déclarant opposable à la société Valeo Vision la prise en charge à titre professionnel de la pathologie de M. T... emportera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, celle des dispositions indivisibles visées par le moyen.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-13590
Date de la décision : 28/05/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 28 mai. 2020, pourvoi n°19-13590


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : Me Isabelle Galy, Me Le Prado, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.13590
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