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28/05/2020 | FRANCE | N°19-12544

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 28 mai 2020, 19-12544


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 mai 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 382 F-D

Pourvoi n° C 19-12.544

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020

La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne, dont le siège e

st [...] , a formé le pourvoi n° C 19-12.544 contre le jugement rendu le 11 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de L...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 mai 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 382 F-D

Pourvoi n° C 19-12.544

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020

La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 19-12.544 contre le jugement rendu le 11 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Limoges, dans le litige l'opposant à la société Paulo taxi, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vieillard, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vieillard, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Limoges, 11 décembre 2018), rendu en dernier ressort, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne (la caisse) a réclamé à la société Paulo taxi (la société) un indu afférent à la prise en charge des frais de transport relatifs à des trajets entre le domicile de patients et la maison d'accueil spécialisée de Rilhac-Rançon où ils séjournaient pour une période allant du 1er septembre 2012 au 31 août 2015.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief au jugement d'annuler l'indu de 2 067,03 euros qu'elle a mis à la charge de la société Paulo taxi, alors :

« 1°/ que le transport de l'assuré vers son domicile pour un retour en famille pendant le week-end ou les vacances n'entre dans aucun des cas énumérés à l'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale ; qu'en considérant que de tels frais de déplacement devaient être pris en charge par la caisse d'assurance maladie, le tribunal a violé cette disposition ;

2°/ que la circonstance que les transports litigieux aient fait l'objet d'une prescription médicale n'oblige pas la caisse d'assurance maladie à les prendre en charge dès lors qu'ils n'entrent pas dans l'énumération réglementaire ; qu'en justifiant sa décision par le fait que les transports entre la maison d'accueil spécialisée et le domicile de l'assuré avaient fait l'objet d'une prescription médicale, le tribunal a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date des transports litigieux :

4. Il résulte de ce texte que les frais de transport ne peuvent être pris en charge par l'assurance maladie que si les assurés se trouvent dans l'obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à leur état ou pour se soumettre à un contrôle prescrit en application de la législation de la sécurité sociale, et s'ils entrent dans l'un des cas qu'il énumère limitativement.

5. Pour accueillir le recours de la société, le jugement retient essentiellement que le litige porte sur les assurés qui bénéficient d'un accueil permanent au sein d'une maison d'accueil spécialisée et qui sortent en fin de semaine pour un retour au domicile de leurs familles.

6. Il relève que la caisse ne joint aucun moyen à l'appui de ces prétentions pour expliquer en quoi le transport sur prescription des assurés vers leur domicile ne rentre pas dans les cas prévus à l'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale, qu'au contraire ces transports correspondent à des prescriptions pour des personnes présentant une incapacité ou une déficience telle que prévu dans le référentiel, que les maisons d'accueil spécialisées sont des établissements médico-sociaux qui entrent à ce titre dans les cas prévus par l'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale, que la maison d'accueil spécialisée est donc un établissement de santé où les personnes reçoivent des soins médicaux pouvant être lourds et non un simple lieu de vie ainsi qu'il résulte très clairement de l'article R. 344-1 du code de l'action sociale et des familles, que le fait que les résidents y soient accueillis de manière permanente ne change rien à la situation et que la caisse ne prouve pas que les transports ne seraient pas liés à des soins ou des traitements même en fin de semaine, qu'en effet, un transport entre une maison d'accueil et le domicile de l'assuré peut parfaitement constituer un déplacement pour recevoir des soins d'ordre moral appropriés à son état de santé.

7. En statuant ainsi, alors que les déplacements litigieux n'entraient dans aucun des cas limitativement énumérés par le texte susvisé, le tribunal a violé ce dernier.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 11 décembre 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Limoges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Limoges ;

Condamne la société Paulo taxi aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Vienne

Il est reproché au jugement attaqué d'avoir annulé l'indu de 2 067,03 euros mis à la charge de la société Paulo Taxi par la CPAM de la Haute-Vienne ;

Aux motifs que la CPAM reprochait à la société Paulo Taxi de n'avoir pas respecté les règles de facturation relatives aux transports sanitaires en facturant à l'assurance maladie pour six assurés des transports concernant des sorties de fin de semaine entre leurs domiciles et la maison d'accueil spécialisée de Rilhac-Rancon ; que dans sa décision du 16 novembre 2015, la caisse expliquait que ces trajets ne correspondaient pas aux situations de prise en charge par l'assurance maladie visées par les articles R. 322-10-1 du code de la sécurité sociale et par la circulaire ministérielle du 27 juin 2013 relative à la prise en charge des frais de transport des patients ; qu'il convenait de revenir au début du dossier et de remarquer que la CPAM avait remboursé à la société Paulo Taxi depuis novembre 2010 sans émettre la moindre contestation ; que ce n'était qu'à partir de la notification de l'indu que la CPAM avait exigé le remboursement de l'indu pour la période non prescrite ; que concernant les transports, le litige portait sur les assurés bénéficiant d'un accueil permanent au sein d'une maison d'accueil spécialisée et qui sortaient en fin de semaine pour un retour au domicile de leurs familles ; que la CPAM indiquait que cela ne rentrait pas dans les cas prévus à l'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale et visait deux jurisprudences ; qu'il ressortait de la lecture de ces cas d'espèce que les décisions ne concernaient pas les transports de l'assuré mais celui de sa mère pour la première espèce et un transport de l'assuré vers un institut d'enseignement ; que ces cas d'espèce ne pouvaient en aucune sorte traduire une jurisprudence en la matière ; que la CPAM, en dehors de ces deux cas d'espèce, ne joignait aucun moyen à l'appui de ces prétentions pour expliquer en quoi le transport sur prescription des assurés vers leur domicile ne rentrait pas dans les cas prévus à l'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale ; qu'au contraire, lesdits transports correspondaient à des prescriptions pour des personnes présentant une incapacité ou une déficience telle que prévu dans le référentiel ; que quant au statut des maisons d'accueil spécialisées, la caisse expliquait que les assurés bénéficiaient d'un accueil permanent et non d'un accueil de jour et que leur résidence principale était désormais la maison d'accueil ; que ces maisons étaient des établissements médicaux-sociaux entrant à ce titre dans les cas prévus par l'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale ; qu'elles étaient donc un établissement de santé où les personnes recevaient des soins médicaux pouvant être lourds et non un simple lieu de vie ainsi qu'il résultait clairement de l'article R. 344-1 du code de l'action sociale et des familles ; que le fait que les résidents y soient accueillis de manière permanente ne changeait rien à la situation et en aucun cas, la CPAM ne prouvait pas que les transports ne seraient pas liés à des soins ou des traitements même en fin de semaine ; qu'en effet, un transport entre une maison d'accueil et le domicile de l'assuré pouvait parfaitement constituer un déplacement pour recevoir des soins d'ordre moral appropriés à son état de santé ;

Alors 1°) que le transport de l'assuré vers son domicile pour un retour en famille pendant le week-end ou les vacances n'entre dans aucun des cas énumérés à l'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale ; qu'en considérant que de tels frais de déplacement devaient être pris en charge par la caisse d'assurance maladie, le tribunal a violé cette disposition ;

Alors 2°) que la circonstance que les transports litigieux aient fait l'objet d'une prescription médicale n'oblige pas la caisse d'assurance maladie à les prendre en charge dès lors qu'ils n'entrent pas dans l'énumération réglementaire ; qu'en justifiant sa décision par le fait que les transports entre la maison d'accueil spécialisée et le domicile de l'assuré avaient fait l'objet d'une prescription médicale, le tribunal a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 322-10 du code de la sécurité sociale ;

Alors 3°) que les frais de transport entre le domicile et l'établissement des personnes fréquentant en accueil de jour les maisons d'accueil spécialisées sont inclus dans les dépenses d'exploitation de ces établissements ; qu'en considérant que la CPAM de la Haute-Vienne devait rembourser la société Paulo Taxi des factures de transport concernant les sorties de fin de semaine entre le domicile des pensionnaires et la maison d'accueil spécialisée, bien que ces frais soient inclus dans les dépenses d'exploitation de ces établissements, le tribunal a violé les articles L. 344-1-2 et R. 314-208 du code de l'action sociale et des familles ;

Alors 4°) que la charge de la preuve que les frais de transport peuvent être pris en charge par l'organisme social incombe à l'assuré ou à celui qui réclame cette prise en charge ; qu'en énonçant que la CPAM de la Haute-Vienne ne prouvait pas que les transports n'étaient pas liés à des soins ou des traitements même en fin de semaine, le tribunal a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil, en sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Alors 5°) que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté du titulaire du droit d'y renoncer ; qu'en s'étant fondé sur la circonstance que la CPAM de la Haute-Vienne avait remboursé la société Paulo Taxi depuis novembre 2010 sans émettre la moindre contestation jusqu'à la notification de l'indu à la société Paulo Taxi, le tribunal a violé le principe selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-12544
Date de la décision : 28/05/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Vienne, 11 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 28 mai. 2020, pourvoi n°19-12544


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.12544
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