LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 mai 2020
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 347 F-P+B
Pourvoi n° Z 19-13.461
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020
La société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° Z 19-13.461 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme A... K..., épouse X..., domiciliée [...], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société BNP Paribas, de Me Le Prado, avocat de Mme K..., et après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 8 janvier 2019), par acte authentique du 8 septembre 2000, la société BNP Paribas (la banque) a consenti un prêt professionnel à M. et Mme X... (les emprunteurs). Puis, suivant actes authentiques des 25 août et 2 octobre 2003, la banque leur a consenti une ouverture de crédit par découvert en compte.
2. Se prévalant d'une créance au titre de ces actes, la banque a engagé une procédure aux fins de saisie des rémunérations de Mme X.... Cette dernière a soulevé la prescription de la demande en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable comme prescrite, alors « que l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation qui énonce que "l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans", n'est pas applicable aux prêts "destiné[s] à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire" ; que, lorsqu'un prêt est souscrit par deux époux pour les besoins de l'activité professionnelle de l'un seul d'entre eux, l'autre ne peut pas se prévaloir de la prescription biennale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les conventions sur lesquelles la banque fondait sa demande en saisie des rémunérations de Mme X... avaient été conclues "pour les besoins de l'activité professionnelle du mari viticulteur" ; qu'en retenant néanmoins, au prétexte que Mme X..., "agent commercial, était étrangère à cette activité", que l'action de la banque se prescrivait par deux ans en application de l'article L. 137-2, devenu l'article L. 218-2, du code de la consommation, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation :
4. Aux termes de ce texte, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Il en résulte que cette prescription ne s'applique pas aux actions fondées sur un prêt consenti pour les besoins d'une activité professionnelle.
5. Pour déclarer prescrite la demande de la banque, après avoir constaté que les actes des 8 septembre 2000, 25 août et 2 octobre 2003 avaient été conclus pour les besoins de l'activité professionnelle de M. X..., viticulteur, et que Mme X... était étrangère à cette activité, l'arrêt retient que celle-ci, intervenue aux actes en tant que consommateur, pouvait se prévaloir des dispositions prévues par l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation.
6. En statuant ainsi, alors qu'est sans effet sur la qualification professionnelle d'un crédit la circonstance qu'un coemprunteur est étranger à l'activité pour les besoins de laquelle il a été consenti, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société BNP Paribas
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré la société BNP Paribas irrecevable en sa demande ;
AUX MOTIFS QUE BNP Paribas fait valoir des créances, au 15 mai 2013, de 228.866,26 € (solde d'un compte courant en vertu d'un acte notarié des 25 août et 2 octobre 2003) et 15.765,74 € (reste dû d'un prêt professionnel consenti par acte authentique du 8 septembre 2000) ; qu'il est constant que les conventions concernées entre la banque et les époux X... ont été conclues pour les besoins de l'activité professionnelle du mari viticulteur ; qu'il n'est pas contesté que l'épouse, agent commercial, était étrangère à cette activité ; qu'elle est ainsi intervenue aux actes comme simple consommateur, la qualité de professionnel ne pouvant s'acquérir conventionnellement par une extension de la qualification d'un contrat ; que Mme X... est dès lors en droit d'invoquer l'article L 137-2 devenu L 218-2 du code de la consommation, texte créé par la loi du 17 juin 2008 et aux termes duquel l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans; que selon BNP Paribas, la procédure de saisie immobilière s'est poursuivie jusqu'au jugement du 28 octobre 2008 l'ayant radiée ; que cependant cette procédure avait été engagée suivant commandement de payer délivré le 13 août 2007 pour des sommes dues au titre des compte courant et prêt ; qu'en vertu de l'article 32 du décret du 27 juillet 2006 devenu R 321-20 du code des procédures civiles d'exécution, le commandement a cessé de produire effet à défaut, dans les deux ans de sa publication, d'une mention d'un jugement constatant la vente du bien saisi ; que la prescription biennale a en conséquence pris cours deux années après la publicité du commandement, précédant l'assignation le 19 octobre 2007 pour l'audience d'orientation ; qu'elle était donc acquise avant le commandement du 10 juin 2013 dont fait état la banque, lui-même antérieur à la requête du 3 juin 2015 en autorisation de saisie des rémunérations ; qu'il y a lieu par suite de déclarer la société BNP Paribas irrecevable en sa demande;
ALORS QUE l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation qui énonce que « l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans », n'est pas applicable aux prêts « destiné[s] à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire » ; que lorsqu'un prêt est souscrit par deux époux pour les besoins de l'activité professionnelle de l'un seul d'entre eux, l'autre ne peut pas se prévaloir de la prescription biennale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les conventions sur lesquelles la société BNP Paribas fondait sa demande en saisie des rémunérations de Mme X... avaient été conclues « pour les besoins de l'activité professionnelle du mari viticulteur » ; qu'en retenant néanmoins, au prétexte que Mme X..., « agent commercial, était étrangère à cette activité », que l'action de la société BNP Paribas se prescrivait par deux ans en application de l'article L. 137-2, devenu l'article L. 218-2, du code de la consommation, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application.