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20/05/2020 | FRANCE | N°19-13315

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 mai 2020, 19-13315


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 mai 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 426 F-D

Pourvoi n° R 19-13.315

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020

Mme H... G...-P..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° R

19-13.315 contre l'ordonnance rendue le 16 janvier 2019 par le premier président de la cour d'appel de Toulouse, dans le litige l'opposant à M. ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 mai 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 426 F-D

Pourvoi n° R 19-13.315

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020

Mme H... G...-P..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° R 19-13.315 contre l'ordonnance rendue le 16 janvier 2019 par le premier président de la cour d'appel de Toulouse, dans le litige l'opposant à M. A... X..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme G...-P..., de Me Bouthors, avocat de M. X..., et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Toulouse, 16 janvier 2019), M. X... a confié à Mme G...-P... (l'avocate) la défense de ses intérêts devant un tribunal correctionnel et devant une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi).

2. Deux conventions intitulées «convention d'honoraires en cas de retrait de l'aide juridictionnelle » ont été signées par M. X... le 10 septembre 2015 avec son conseil concernant respectivement les instances devant la juridiction correctionnelle et la Civi.

3. Par décision du 18 décembre 2015, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. X... pour la procédure devant le tribunal correctionnel.

4. L'avocate lui ayant réclamé le paiement d'une part de la somme de 2 040 euros TTC au titre de la procédure correctionnelle et d'autre part, celles de 2 280 euros TTC au titre des honoraires forfaitaires devant la Civi et de 900 euros TTC au titre d'un honoraire de résultat sur la provision de 5 000 euros allouée par la Civi, M. X..., contestant le principe de ces honoraires aux motifs qu'il était bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale pour la procédure correctionnelle et qu'aucune demande d'aide juridictionnelle n'avait été présentée pour l'instance menée devant la Civi, a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'avocate fait grief à l'ordonnance de décider qu'aucun honoraire ne lui était dû de la part de son client et de la condamner à lui restituer la somme de 2 040 euros alors que « lorsqu'un justiciable ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, son avocat peut demander au juge la fixation de ses honoraires, la signature, à titre préventif, d'une convention en cas de retrait de l'aide juridictionnelle octroyée ne le privant pas du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors arbitrés en tenant compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et de ses diligences ; qu'en refusant de fixer les honoraires de diligences de l'exposante au titre de la procédure menée devant la Civi après avoir cependant constaté que le client n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle pour celle-ci, la juridiction du premier président a violé les articles 10 et 36 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans celle issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicables au litige :

6. Il résulte des textes susvisés que l'absence de demande d'aide juridictionnelle rend inapplicable la convention d'honoraires conclue « en cas de retrait de l'aide juridictionnelle » et que les honoraires dus à l'avocat pour ses diligences doivent alors être fixés selon les critères définis à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 susvisé.

7. Pour dire qu'aucun honoraire n'est dû à l'avocate au titre de la procédure menée devant la Civi et qu'en conséquence, elle sera tenue de restituer la somme de 2 040 euros, l'ordonnance retient que les revenus de M. X... le rendaient éligible au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale concernant cette procédure, expressément prévue dans la convention d'honoraires correspondante, signée le même jour que celle afférente à la procédure devant le tribunal correctionnel et aux termes de laquelle l'avocate s'est expressément engagée à intervenir dans le cadre de l'aide juridictionnelle, qu'en outre, la fixation d'un honoraire de résultat exclusif de tout honoraire de diligences contrevenait aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, qui prévoyaient que « toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite », qu'il s'en déduit que l'avocate n'est pas plus en droit que pour la procédure menée devant le tribunal correctionnel de facturer des honoraires pour la procédure suivie devant la Civi, alors qu'elle s'était engagée à être rémunérée au titre de l'aide juridictionnelle totale, dont elle n'explique pas l'absence de décision correspondante au bénéfice de M. X....

8. En statuant ainsi, alors que la convention d'honoraires conclue « en cas de retrait de l'aide juridictionnelle » étant inapplicable en l'absence de demande d'aide juridictionnelle pour la procédure menée devant la Civi, ce dont il résulte que l'honoraire de résultat n'était pas exigible et que les honoraires de diligences dus à l'avocat pour la mission effectuée devaient être fixés selon les critères définis à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, le premier président a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a dit qu'aucun honoraire n'est dû, dit que Mme G...-P... doit restituer à M. X... la somme de 2 040 euros et rejeté les autres demandes, l'ordonnance rendue le 16 janvier 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme G...-P... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme G...-P...

Le moyen reproche à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir décidé qu'aucun honoraire n'était dû à un avocat (Maître G...-P..., l'exposante) de la part de son client (M. X...) et d'avoir en conséquence condamné le premier à restituer au second la somme de 2 040 euros ;

AUX MOTIFS QUE les contrats intitulés « convention d'honoraires en cas de retrait de l'aide juridictionnelle » conclus entre Maître G...-P... et Monsieur A... X... stipulaient tous que :
- « Maître G...-P... a(vait) été désignée au titre de l'aide juridictionnelle pour défendre les intérêts de Monsieur A... X... » ;
- « Maître G...-P... percevr(ait) à l'issue de sa mission l'indemnité prévue par les textes, soit la somme lui étant réservée par l'aide juridictionnelle, sous réserve de ce qui (était) précisé ci-dessous » ;
- « Dans l'hypothèse où le bénéfice de l'aide juridictionnelle serait retiré pour une des causes prévues par la loi ci-dessus rappelées, les honoraires de Maître G...-P... ser(aient) évalués de la façon suivante : (...) « Honoraires de résultat équivalent à 15% HT du résultat obtenu » » ;

qu'il n'était pas contesté que les revenus de M. A... X... le rendaient éligible au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale concernant la procédure suivie devant la CIVI, expressément prévue dans la convention d'honoraires correspondante, signée le même jour que celle afférente à la procédure devant le tribunal correctionnel et aux termes de laquelle Maître H... G...-P... s'était expressément engagée à intervenir dans le cadre de l'aide juridictionnelle ; qu'en outre la fixation d'un honoraire de résultat exclusif de tout honoraire de diligences contrevenait aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certains professions judiciaires et juridiques, qui prévoyaient que « toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire (était) interdite » ; qu'il s'en déduisait que Maître H... G...-P... n'était pas plus en droit de facturer des honoraires pour la procédure suivie devant la CIVI, quand elle s'était engagée à être rémunérée au titre de l'aide juridictionnelle totale, dont elle n'expliquait pas l'absence de décision correspondante au bénéfice de M.A... X... ;

ALORS QUE, lorsqu'un justiciable ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, son avocat peut demander au juge la fixation de ses honoraires, la signature, à titre préventif, d'une convention en cas de retrait de l'aide juridictionnelle octroyée ne le privant pas du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors arbitrés en tenant compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et de ses diligences ; qu'en refusant de fixer les honoraires de diligences de l'exposante au titre de la procédure menée devant la CIVI, après avoir cependant constaté que le client n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle pour celle-ci, la juridiction du premier président a violé les articles 10 et 36 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

ALORS QUE, en outre, la loi n'impose pas à l'avocat de déposer une demande d'aide juridictionnelle au profit de son client ; qu'en refusant de faire droit à la demande de l'exposante en fixation de ses honoraires de diligences, pour la raison qu'elle s'était engagée à intervenir dans le cadre de l'aide juridictionnelle et qu'elle ne justifiait pas de l'absence de décision du bureau d'aide juridictionnelle au bénéficie de son client, la juridiction du premier président a violé l'article 13 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

ALORS QUE, de surcroît, la convention d'honoraires applicable en cas de retrait de l'aide juridictionnelle s'applique également lorsque celle-ci n'a pas été accordée ; que l'arrêt infirmatif attaqué a constaté que la convention relative à la procédure portée devant la CIVI avait été conclue en cas de retrait d'aide juridictionnelle et que le client n'avait bénéficié d'aucune aide pour cette procédure ; qu'en refusant d'accorder à l'exposante son honoraire complémentaire de résultat en application de la convention conclue avec son client, la juridiction du premier président n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;

ALORS QUE, subsidiairement, les juges ne doivent pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; que la convention d'honoraires prévoyait le paiement d'un honoraire complémentaire de résultat, autrement dit d'un honoraire de résultat en sus de l'honoraire de diligences ; qu'en énonçant cependant que la convention fixait un « honoraire de résultat exclusif de tout honoraire de diligences », la juridiction du premier président a dénaturé cet écrit en violation du principe susvisé et de l'article 1134, devenu 1103, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-13315
Date de la décision : 20/05/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 16 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 mai. 2020, pourvoi n°19-13315


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.13315
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