La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/05/2020 | FRANCE | N°19-10356

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 mai 2020, 19-10356


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 mai 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 433 F-D

Pourvoi n° Z 19-10.356

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020

M. T... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-10.

356 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Sanofi...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 mai 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 433 F-D

Pourvoi n° Z 19-10.356

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020

M. T... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-10.356 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Sanofi Aventis France, société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, dont le siège est [...] ,

3°/ au ministre des affaires sociales et de la santé, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de M. H..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Sanofi Aventis France, et après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 novembre 2018), M. H..., salarié de la société Sanofi Aventis France (l'employeur), a été victime sur son lieu de travail d'un malaise dont une juridiction de sécurité sociale a jugé qu'il constituait un accident du travail relevant de la législation professionnelle.

2. L'intéressé a alors engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Examen des moyens

Sur les deuxième et sixième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

4. M. H... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément alors « que ne donne pas à sa décision une véritable motivation le juge qui procède par voie de simple affirmation ; que le préjudice d'agrément peut être justifié par la production d'attestations de personnes extérieures à la famille ; que M. H... avait produit deux attestations certifiant qu'il pratiquait la natation et le cyclisme pendant les vacances d'été jusqu'en 2003 ; qu'en affirmant péremptoirement que ces attestations n'établissaient pas suffisamment de préjudice spécifique, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir exactement rappelé que le préjudice d'agrément vise à réparer le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs, qu'il concerne les activités sportives, ludiques ou culturelles devenus impossibles ou limitées en raison des séquelles de l'accident, et qu'il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités, c'est par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des attestations soumises à son examen, que la cour d'appel a, par une décision motivée, estimé que la preuve de ce préjudice n'était pas rapportée.

6. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. M. H... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnisation complémentaire de 260 euros au titre des frais d'assistance à expertise par un médecin-conseil alors « que les frais d'assistance à expertise ouvrent droit à indemnisation complémentaire en présence d'une faute inexcusable de l'employeur ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont retenu que M. H..., qui ne pouvait pas formuler en première instance de demande d'indemnisation relative à la note technique portant sur l'expertise du 9 octobre 2017, rédigée postérieurement au jugement, avait justifié de la réalité de cette dépense et de la note d'honoraires afférente ; qu'en considérant, pour écarter sa demande d'indemnisation, que la rédaction de cette note était nécessairement incluse dans la mission d'assistance de l'expert, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, ensemble l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

8. Il résulte de ce texte que les frais d'assistance aux opérations d'expertise exposés par la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de l'employeur, qui sont la conséquence directe de cet accident, ne figurent pas parmi les chefs de préjudice expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale et ouvrent droit à indemnisation complémentaire .

9. Pour fixer l'indemnité due à M. H... au titre des frais d'assistance à expertise à la somme de 960 euros seulement, l'arrêt, après avoir rappelé que l'intéressé sollicite la somme de 1 200 euros correspondant pour 960 euros aux frais d'assistance de son médecin-conseil au cours de l'expertise judiciaire et pour 260 euros aux frais de rédaction d'une note technique à la suite de cette même expertise, retient que M. H... ne pouvait pas formuler en première instance de demande d'indemnisation relative à la note technique puisqu'elle a été rédigée après la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale, qu'il justifie de la réalité de cette dépense par la production dudit document, même incomplet, et de la note d'honoraire afférente mais que cette note est nécessairement incluse dans la mission d'assistance de l'expert.

10. En se déterminant ainsi, tout en constatant que la réalité de la dépense des frais complémentaires de rédaction d'une note technique était établie et qu'ils relevaient de la mission d'assistance de l'expert, la cour d'appel qui n'a pas expliqué en quoi ces frais seraient injustifiés ou excessifs, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. M. H... fait grief à l'arrêt de fixer à 25 000 euros seulement l'indemnisation lui étant due au titre des souffrances physiques et morales temporaires alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en l'espèce, pour réduire de moitié le montant alloué par le tribunal au titre des souffrances physiques et morales temporaires, la cour d'appel a relevé que M. H... souffrait d'un carcinome bronchique, qui avait entraîné des douleurs thoraciques et nécessité un traitement par chimiothérapie avec les conséquences habituelles sur l'organisme et considéré que ce carcinome bronchique n'était pas imputable à l'accident du travail ; qu'en statuant ainsi, quand il ne ressortait ni des écritures des parties, ni du dossier de la procédure que M. H... aurait souffert d'un carcinome bronchique, la cour d'appel a fondé sa décision sur un fait qui n'était pas dans le débat, violant ainsi l'article 7 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 7 du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat.

13. Pour fixer à la somme de 25 000 euros l'indemnité due à M. H... au titre des souffrances physiques et morales temporaires, l'arrêt retient que si M. H... souffre d'un carcinome bronchique, qui a entraîné des douleurs thoraciques et nécessité un traitement par chimiothérapie avec les conséquences habituelles sur l'organisme, celui-ci n'est pas imputable à l'accident.

14. En statuant ainsi, alors qu'elle énonçait que les parties avaient repris oralement à l'audience les termes de leurs écritures et qu'il ne résultait ni de ces écritures ni des pièces de la procédure que M. H... aurait souffert d'un carcinome bronchique, la cour d'appel qui a fondé sa décision sur un fait qui n'était pas dans le débat, a violé le texte susvisé.

Et sur le quatrième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

15. M. H... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice esthétique permanent alors « que le juge doit respecter l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, M. H... avait demandé, en réparation de son préjudice esthétique permanent, que la société Sanofi soit condamnée à lui verser la somme de 20 000 euros (conclusions d'appelant, p. 15-16) ; que la société Sanofi se bornait à demander la confirmation du jugement qui avait alloué à M. H... la somme de 2 000 euros (conclusions d'intimé, p. 13) ; qu'en infirmant le jugement déféré et en déboutant M. H... de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice esthétique permanent, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

16. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

17. Pour débouter M. H... de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice esthétique permanent l'arrêt retient que le lien entre le psoriasis invoqué et l'accident du travail n'est pas démontré et que, s'agissant du certificat médical de M. V..., il établit que M. H... présente « une gynécomastie bilatérale qui peut être la conséquence d'une prise de médicaments au long cours » mais sans spécifier ceux qui seraient liés à l'accident du travail de tous les autres.

18. En statuant ainsi alors que dans ses conclusions d'appel l'employeur demandait la confirmation du jugement qui avait alloué à M. H... la somme de 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent et qu'elle relevait elle même qu'il ne s'opposait pas à l'octroi de cette somme, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation de M. H... au titre du préjudice esthétique permanent, fixe à la somme de 960 euros l'indemnité due à M. H... au titre des frais d'assistance à expertise par médecin-conseil et à la somme de 25 000 euros l'indemnité due à M. H... au titre des souffrances physiques et morales temporaires, et fixe en conséquence l'indemnisation des préjudices de M. H... à la somme de 109 698,75 euros après déduction de l'indemnité provisionnelle, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Sanofi Aventis France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. H... à l'encontre de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelynes et du ministre de la sécurité sociale, rejette la demande de la société Sanofi Aventis France et la condamne à payer à M. H... la somme de 3 000 euros.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. H...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. H... de sa demande d'indemnisation complémentaire de 260 euros au titre des frais d'assistance à expertise par médecin-conseil ;

AUX MOTIFS QUE les frais d'assistance à expertise, qui sont la conséquence directe de l'accident du travail, ne figurent pas parmi les chefs de préjudices expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'ils ouvrent donc droit à indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de l'employeur ; qu'alors que M. H... ne pouvait pas formuler en première instance de demande d'indemnisation relative à la note technique du docteur N..., puisqu'elle a été rédigée après la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale, l'appelant justifie de la réalité de cette dépense par la production dudit document, même incomplet, et de la note d'honoraires afférente ; que cependant, la rédaction de cette note est nécessairement incluse dans la mission d'assistance de l'expert ; que la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il avait accordé à M. H... la somme de 960 euros, mais rejettera la demande complémentaire de 260 euros ;

1°) ALORS QUE M. H... faisait valoir que l'indemnisation des frais d'assistance à expertise, admise par les premiers juges, devait être augmentée du coût de rédaction d'une note technique, ce dernier n'étant pas inclus dans la première note d'honoraires du docteur l'ayant assisté (conclusions, p. 10 ; pièces nos 92 et 95) ; qu'en retenant que la rédaction de la note technique était nécessairement incluse dans la mission d'assistance de l'expert sans rechercher, comme elle y était invitée, si en l'espèce le coût de rédaction de la note technique avait été effectivement compris dans la première note d'honoraires de cet expert, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

2°) ALORS QUE, en toute état de cause, les frais d'assistance à expertise ouvrent droit à indemnisation complémentaire en présence d'une faute inexcusable de l'employeur ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont retenu que M. H..., qui ne pouvait pas formuler en première instance de demande d'indemnisation relative à la note technique portant sur l'expertise du 9 octobre 2017, rédigée postérieurement au jugement, avait justifié de la réalité de cette dépense et de la note d'honoraires afférente ; qu'en considérant, pour écarter sa demande d'indemnisation, que la rédaction de cette note était nécessairement incluse dans la mission d'assistance de l'expert, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, ensemble l'article .L 452-3 du code de la sécurité sociale.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Sanofi Aventis France à payer à M. H... la seule somme de 85.000 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire ;

AUX MOTIFS QUE la tierce personne est la personne qui apporte de l'aide à la victime incapable d'accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante ; que ce besoin d'aide concerne les actes essentiels de la vie courante, à savoir : l'autonomie locomotive (c'est-à-dire se laver, se coucher, se déplacer), l'alimentation [manger, boire] et procéder à ses besoins naturels ; qu'elle ne peut donner lieu à une indemnisation que pour la période antérieure à la consolidation puisqu'à compter de cette date, l'aide d'une tierce personne est incluse dans la majoration de la rente prévue à l'article L. 434-2, alinéa 3 du code de la sécurité sociale lorsque la victime, pour effectuer les actes ordinaires de la vie, doit avoir recours à l'assistance d'une tierce personne ; que le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille ni subordonné à la production de justificatifs de dépenses effectives ; qu'en l'espèce, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue par les conclusions de l'expert qui n'a pas formulé d'observations relatives à l'assistance de M. H... par tierce personne, et ce à juste titre puisque la question ne faisait pas partie de sa mission ; qu'il appartient à la cour d'apprécier la demande en fonction de l'ensemble des éléments versés aux débats par les parties ; que M. H... a produit un document du docteur N... du 27 juin 218 ; que la société Sanofi ne produit aucun élément de nature à contredire les observations du docteur N... ; qu'ainsi, la nécessité pour M. H... de bénéficier de l'assistance d'un tiers pour effectuer les actes de la vie quotidienne, pour préserver sa sécurité ou pour suppléer sa perte d'autonomie est suffisamment démontrée ; que la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale ayant rejeté l'indemnisation à ce titre sera donc infirmée ; que par contre, la disproportion entre la demande de M. H... de 5.000 euros en première instance et de 151.950 euros en appel n'est pas justifiée ; qu'en conséquence, sur la base d'une indemnisation au taux horaire du SMIC incluant les charges patronales, soit 14,02 euros de l'heure, ce poste de préjudice sera suffisamment réparé par l'allocation de la somme de 85 000 euros ;

1°) ALORS QUE le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime interdit au juge de modifier le montant de la réparation au détriment de la victime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que le préjudice de M. H... relatif à l'assistance par tierce personne temporaire devait être indemnisé sur la base d'un taux horaire du SMIC incluant les charges patronales, soit 14,02 euros de l'heure ; que M. H... pouvait en conséquence prétendre à l'allocation de la somme de 85 213,56 euros (3h x 2 026 jours x 14,02 euros) en réparation de son préjudice ; qu'en retenant que ce poste de préjudice était suffisamment réparé par l'allocation de la somme de 85 000 euros, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, ensemble l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

2°) ALORS QUE, en tout état de cause, en considérant que le préjudice d'assistance par tierce personne temporaire était suffisamment réparé par l'allocation de la somme de 85 000 euros, sans préciser le mode de calcul retenu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt au regard de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 25.000 euros seulement l'indemnisation due à M. H... au titre des souffrances physiques et morales temporaires ;

AUX MOTIFS QUE M. H... sollicite la somme de 100.000 euros en arguant de la profonde dépression dans laquelle il a sombré, l'obligeant à prendre encore actuellement un lourd traitement psychotrope et anéantissant la poursuite de sa carrière ; que la société Sanofi ne conteste pas le principe de l'indemnisation de ces souffrances, mais s'oppose au montant réclamé et sollicite la confirmation du juge du tribunal des affaires de sécurité sociale en l'absence d'élément nouveau ; que ce poste de préjudice correspond aux souffrances physiques et morales générées par l'atteinte à l'intégrité physique ; que les pièces médicales produites démontrent que M. H... a souffert d'un syndrome dépressif majeur persistant malgré un traitement antidépresseur, d'une anhédonie et d'une aboulie ; que la cour relève à cet égard que les certificats médicaux produits, notamment celui rédigé le 31 mai 2017 par le docteur R..., enseignent que les divers traitements antidépresseur, anxiolytique, sédatif et hypnotique n'ont pas permis de faire disparaître les troubles ; que par contre, si M. H... souffre d'un carcinome bronchique, qui a entraîné des douleurs thoraciques et nécessité un traitement par chimiothérapie avec les conséquences habituelles sur l'organisme, celuici n'est pas imputable à l'accident de travail ; qu'au regard de ces éléments, la cour estime que le montant alloué par le tribunal des affaires de sécurité sociale doit être réduit à la somme de 25.000 euros ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en l'espèce, pour réduire de moitié le montant alloué par le tribunal au titre des souffrances physiques et morales temporaires, la cour d'appel a relevé que M. H... souffrait d'un carcinome bronchique, qui avait entraîné des douleurs thoraciques et nécessité un traitement par chimiothérapie avec les conséquences habituelles sur l'organisme et considéré que ce carcinome bronchique n'était pas imputable à l'accident du travail ; qu'en statuant ainsi, quand il ne ressortait ni des écritures des parties, ni du dossier de la procédure que M. H... aurait souffert d'un carcinome bronchique, la cour d'appel a fondé sa décision sur un fait qui n'était pas dans le débat, violant ainsi l'article 7 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, M. H... avait sollicité l'indemnisation des souffrances physiques et morales endurées, sans se prévaloir d'un carcinome bronchique ou d'un cancer ; qu'en relevant d'office que M. H... souffrait d'un carcinome bronchique et en se fondant sur la non imputabilité de ce carcinome à l'accident du travail pour diminuer de moitié le montant alloué par les premiers juges, sans que les parties aient été à même d'en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE, en tout état de cause, le juge a l'obligation d'indiquer l'origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver sa décision ; qu'en l'espèce, il ne résultait pas des conclusions des parties, régulièrement déposées devant la cour d'appel et soutenues oralement, que M. H... avait souffert d'un carcinome bronchique ; qu'en retenant, pour diminuer de moitié la réparation allouée par les premiers juges, que le carcinome bronchique dont M. H... souffrait n'était pas imputable à l'accident du travail, sans préciser de quels éléments de preuve elle tirait de telles constatations, manifestement issues d'un autre dossier étranger à celui dont elle était saisie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt au regard de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

4°) ALORS QUE, en toute hypothèse, le juge doit respecter l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, M. H... avait demandé, en réparation des souffrances physiques et morales temporaires endurées, que la société Sanofi soit condamnée à lui verser la somme de 100.000 euros (conclusions d'appelant, p. 13) ; que la société Sanofi se bornait à demander la confirmation du jugement qui avait alloué à M. H... la somme de 50.000 euros (conclusions d'intimé, p. 13) ; qu'en infirmant le jugement déféré et en réduisant le montant de l'indemnisation à 25.000 euros, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.

QUATRIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. H... de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice esthétique permanent ;
AUX MOTIFS QUE M. H... demande l'allocation de la somme de 20.000 euros à ce titre en insistant sur le caractère disgracieux et répétitif des crises de psoriasis en lien avec son état psychique décompensé au moment de son accident du travail ainsi que sur ses problèmes de poids résultant de ses troubles alimentaires ; que la société Sanofi se réfère aux conclusions du docteur C... sur ce point, qu'elle qualifie de prudentes, non affirmatives et conditionnelles, ainsi qu'à celles du docteur W... qui avait considéré une absence de préjudice esthétique ; que l'intimée ne s'oppose néanmoins pas à l'octroi d'une somme de 2.000 euros ; que ce poste cherche à réparer les atteintes physiques et, plus généralement, les éléments de nature à altérer l'apparence physique de la personne ; qu'en l'espèce, les pièces médicales produites établissent que M. H... souffre de poussées épisodiques de psoriasis, maladie de peau favorisée par le stress et se manifeste par des plaques rouges ; qu'or le lien entre ce psoriasis et l'accident du travail n'est pas démontré, le docteur C... évoquant tout au plus une possibilité ; que, quant au certificat médical du docteur V... du 20 juillet 2012, il établit que M. H... « présente une gynécomastie bilatérale qui peut être la conséquence d'une prise de médicaments au long cours », mais sans spécifier ceux qui seraient liés à l'accident du travail de tous les autres ;

1°) ALORS QUE M. H... faisait valoir que l'accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur avait entraîné une alternance d'amaigrissement et de prise de poids et demandait réparation de ce préjudice esthétique ; qu'en retenant, pour écarter cette demande, que le certificat du docteur V... ne spécifiait pas les médicaments qui auraient causé la gynécomastie bilatérale de M. H... et qui seraient liés à l'accident du travail, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les constatations de l'expertise judiciaire du docteur C... ne suffisaient pas à établir le lien entre les variations de poids de M. H... et l'accident du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

2°) ALORS QUE le juge peut prendre en considération les faits que les parties n'ont pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions à la condition de les avoir soumis à la discussion contradictoire des parties ; qu'en l'espèce, M. H... invoquait, au soutien de sa demande d'indemnisation du préjudice esthétique permanent, le certificat médical établi par le docteur I... et l'expertise judiciaire du docteur C... (conclusions d'appelant, p. 15-16) ; que la société Sanofi s'appuyait sur les expertises des docteurs C... et W... (conclusions d'intimé, p. 13) ; qu'en retenant, pour écarter la demande de M. H..., que le certificat médical du docteur V... du 20 juillet 2012 établissait une gynécomastie bilatérale qui pouvait être due à une prise de médicament sans spécifier ceux qui seraient liés à l'accident du travail, cependant que les parties, qui n'avaient pas invoqué cette expertise, n'ont pas été à même d'en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le juge doit respecter l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, M. H... avait demandé, en réparation de son préjudice esthétique permanent, que la société Sanofi soit condamnée à lui verser la somme de 20.000 euros (conclusions d'appelant, p. 15-16) ; que la société Sanofi se bornait à demander la confirmation du jugement qui avait alloué à M. H... la somme de 2.000 euros (conclusions d'intimé, p. 13) ; qu'en infirmant le jugement déféré et en déboutant M. H... de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice esthétique permanent, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.

CINQUIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. H... de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ; que ce préjudice concerne donc les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de la maladie ; qu'il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités en produisant, par exemple, une licence sportive, une adhésion à une ou plusieurs associations, des attestations de personnes extérieures à la famille ou des photos ; qu'en l'espèce, alors que le premier juge avait rejeté la demande de M. H... au motif qu'il ne démontrait pas qu'il s'adonnait de manière régulière à la pratique d'une activité que sa dépression empêchait désormais, l'appelant verse aux débats deux attestations selon lesquelles il pratique la natation et le vélo pendant les vacances d'été jusqu'en 2023 ; qu'or, ces attestations n'établissent pas suffisamment de préjudice spécifique ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le préjudice d'agrément tel qu'il est indemnisé au titre de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir ; que les activités de loisirs et sportives varient selon les victimes et dépendent de plusieurs facteurs tels que l'âge, les goûts mais aussi les possibilités financières et les infrastructures accessibles ; que l'appréciation du préjudice d'agrément doit se faire en tenant compte de ces paramètres avec la seule limite qu'il doit s'agir d'activités non strictement nécessaires à la vie quotidienne et faites avec assiduité ; qu'en l'absence d'élément produit aux débats pour en justifier, il n'est pas établi que M. H... s'adonnait de manière régulière à la pratique d'une activité que les séquelles du syndrome dépressif obèreraient ce qui au demeurant a été indiqué par l'expert judiciaire ;

ALORS QUE ne donne pas à sa décision une véritable motivation le juge qui procède par voie de simple affirmation ; que le préjudice d'agrément peut être justifié par la production d'attestations de personnes extérieures à la famille ; que M. H... avait produit deux attestations certifiant qu'il pratiquait la natation et le cyclisme pendant les vacances d'été jusqu'en 2003 ; qu'en affirmant péremptoirement que ces attestations n'établissaient pas suffisamment de préjudice spécifique, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SIXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé l'indemnisation du préjudice sexuel de M. H... à la somme de 2.000 euros seulement ;

AUX MOTIFS QUE ce préjudice englobe tous ceux touchant à la sphère sexuelle ; qu'en l'espèce, force est de constater que M. H... avait fait état de cette gêne devant les divers médecins ayant eu à connaître de sa situation ; que si le docteur C... retient une gêne sexuelle associée à des pannes probablement liées au traitement psychotrope, deux certificats des docteurs R... et V..., respectivement en date des 17 et 20 juillet 2012 attestent du fait que M. H... « rapporte depuis plusieurs mois une majoration des troubles sexuels et de la libido. Ces symptômes ont en partie comme origine très probable : - d'une part, ils sont la manifestation du syndrome anxiodépressif pour lequel il est suivi, - d'autre part, ils peuvent être induits ou majorés par les traitements pharmacologiques, en particulier les bétabloquants et certains psychotropes (paroxétine, cyamémazine), ce qui semble confirmé par une hyperprolactinémie sur le bilan biologique récent » ; qu'au vu des éléments du dossier, il convient d'allouer à M. H... une indemnité à ce titre qu'il convient de fixer à la somme de 2.000 euros ;

ALORS QUE ne donne pas à sa décision une véritable motivation le juge qui procède par voie de simple affirmation ; que M. H... faisait valoir que son préjudice sexuel n'avait pas été intégralement réparé par les premiers juges qui avaient tenu compte de son âge comme postulat général pour réduire le montant de son indemnisation à 5.000 euros (conclusions, p. 17) ; qu'en affirmant péremptoirement qu'au vu des éléments du dossier, il convenait d'allouer à M. H... une indemnité de 2.000 euros, sans préciser les éléments justifiant de réduire son indemnisation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-10356
Date de la décision : 20/05/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 29 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 mai. 2020, pourvoi n°19-10356


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Colin-Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10356
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award