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20/05/2020 | FRANCE | N°18-25440

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 mai 2020, 18-25440


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 mai 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 418 FS-P+B+I

Pourvoi n° 18-25.440

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020

M. S... A..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° 18-25.440 contr

e l'arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant à la société Crédit foncier de F...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 mai 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 418 FS-P+B+I

Pourvoi n° 18-25.440

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020

M. S... A..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° 18-25.440 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant à la société Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. A..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Crédit foncier de France, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, conseillers, Mme Touati, M. Talabardon, Mme Bohnert, M. Ittah, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 22 janvier 2007, M. A... a adhéré, pour garantir un prêt immobilier consenti par la société Crédit foncier de France (la banque), au contrat d'assurance de groupe souscrit par cette dernière auprès de la société Axa France vie (l'assureur) afin de couvrir les risques décès, invalidité et incapacité ; que le 14 mars 2008, M. A... a été victime d'un accident du travail ; qu'après avoir pris en charge les échéances du prêt, l'assureur a notifié à M. A... un refus de maintenir la garantie, son taux d'incapacité fonctionnelle ne dépassant pas le minimum contractuel prévu ; que M. A... a assigné la banque en réparation d'un manquement à ses devoirs d'information, de conseil et de mise en garde ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt, après avoir retenu la responsabilité de la banque pour n'avoir pas appelé l'attention sur les limites de la garantie souscrite, énonce que M. A... ne démontre pas que, complètement informé, il aurait contracté une autre assurance qui l'aurait couvert contre l'incapacité de travail qui lui avait été reconnue, ce d'autant que les assurances ne couvrent pas l'incapacité de travail dans les termes de l'incapacité reconnue par la sécurité sociale, et en déduit l'absence de perte de chance de souscrire une assurance lui garantissant le risque d'une incapacité totale de travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors que toute perte de chance ouvre droit à réparation, la cour d'appel, qui a exigé de l'assuré qu'il démontre que s'il avait été parfaitement informé par la banque sur l'adéquation ou non de l'assurance offerte à sa situation, il aurait souscrit, de manière certaine, un contrat mieux adapté, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne la société Crédit foncier de France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit foncier de France et la condamne à payer à M. A... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. A...

M. A... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir engager la responsabilité du CCF pour manquement à ses devoirs d'information, de conseil et de mise en garde lors de la conclusion du prêt du 22 janvier 2007 ;

AUX MOTIFS QUE M. A... soutient que le CFF n'a pas correctement rempli son obligation d'information, la seule remise d'une notice étant insuffisante ; qu'il ne lui a pas clairement exposé les différences entre la notion d'incapacité fonctionnelle et celle d'incapacité professionnelle ; que le CFF n'a pas davantage rempli son devoir de mise en garde en attirant son attention sur le fait que la pondération du taux d'incapacité professionnelle par le taux d'incapacité fonctionnelle dans la détermination du taux contractuel d'incapacité limiterait de manière importante la mise en oeuvre de la garantie ; qu'une assurance ne le garantissant pas du risque d'incapacité professionnelle n'avait pas de sens faute d'objet du contrat ; qu'il est bien fondé à demander son indemnisation résultant de la perte de chance de souscrire une assurance le garantissant pour le risque d'une incapacité totale de travail ; que le CFF conclut avoir correctement rempli ses obligations par la remise d'une notice claire, précise et adaptée à la situation de M. A... ; qu'aucun devoir de mise en garde n'existe dans le cadre d'une assurance de groupe et qu'en tout état de cause, l'assurance proposée à M. A... n'était manifestement pas inadaptée à ses besoins lors de sa souscription ; qu'enfin, il ne rapporte pas la preuve qu'il aurait contracté une autre assurance acceptant de le couvrir contre l'incapacité de travail qui lui a été reconnue pour un montant égal à celui payé à la société Axa France vie ; que le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la seule remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ; que M. A... a adhéré, lors de la souscription du prêt immobilier, à une assurance couvrant les risques décès-invalidité-incapacité ; qu'en l'espèce, M. A... reproche au CFF de ne pas l'avoir informé clairement sur la distinction entre les notions d'incapacité de travail entendue au regard des critères de la sécurité sociale et d'incapacité fonctionnelle entendue au regard des dispositions contractuelles ; que le CFF conclut à juste titre que la notice remise attirait l'attention de l'emprunteur sur ce point en indiquant que : - « L'ATTENTION DES ASSURES EST ATTIRÉE SUR L'ABSENCE DE LIEN ENTRE LES DÉCISIONS DE L'ASSUREUR RELATIVES A L'INCAPACITÉ DE TRAVAIL ET CELLES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE » (en lettres capitales dans le texte) ; que la notice poursuit en donnant la définition de l'incapacité de travail et en mentionnant que « l'assureur considère alors en incapacité de travail tout assuré dont le taux contractuel d'incapacité est supérieur ou égal à 66 % » (en gras dans le texte) ; qu'elle donne enfin la définition du taux contractuel d'incapacité avec tableau reprenant les différents taux d'incapacité professionnelle et fonctionnelle faisant apparaître les taux permettant la prise en charge ; que M. A... a souscrit une assurance couvrant à la fois le risque incapacité de travail mais également décès et perte totale et irréversible d'autonomie ; que si cette assurance pouvait être considérée comme adaptée à sa situation de gérant, alors âgé de 31 ans, non salarié, d'une entreprise dans le domaine de l'automobile, le CFF, qui a la charge de la preuve, ne démontre pas avoir rempli correctement son devoir de conseil, par exemple en faisant signer à l'assuré une déclaration selon laquelle il lui avait non seulement remis la notice mais qu'il la lui avait exposée et expliquée en attirant son attention sur les limites de la prise en charge ; qu'il a engagé sa responsabilité de ce fait ; que néanmoins le CFF conclut à juste titre que M. [...] ne démontre pas que complètement informé, il aurait contracté une autre assurance qui l'aurait couvert contre l'incapacité de travail qui lui a été reconnue d'autant que les assurances ne couvrent pas l'incapacité de travail dans les termes de l'incapacité reconnue par la sécurité sociale ; qu'en conséquence, il sera débouté de sa demande en dommages et intérêts, en l'absence de perte de chance de souscrire une assurance lui garantissant le risque d'une incapacité totale de travail ;

ALORS QUE lorsque le souscripteur d'un contrat d'assurance groupe n'a pas rempli correctement son devoir de conseil de l'assuré quant aux limites de la prise en charge, il n'appartient pas à ce dernier, pour que la perte de chance de souscrire une garantie plus large soit caractérisée, de démontrer qu'il aurait effectivement pu obtenir d'un autre assureur une garantie non prévue dans le contrat ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir l'absence de perte de chance de souscrire une assurance garantissant le risque d'incapacité totale de travail et débouter, en conséquence, l'exposant de sa demande, sur la circonstance inopérante qu'il ne démontrait pas que complètement informé, il aurait contracté une autre assurance qui l'aurait couvert contre l'incapacité de travail qui lui a été reconnue d'autant que les assurances ne couvrent pas l'incapacité de travail dans les termes de l'incapacité reconnue par la sécurité sociale, circonstance qui n'était pourtant pas de nature à exclure toute probabilité de réalisation de la perte de chance invoquée, la cour d'appel, qui a ainsi exigé de l'exposant qu'il rapporte la preuve, avec certitude, de contracter une assurance garantissant le risque de l'incapacité de travail qui lui avait été reconnu, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-25440
Date de la décision : 20/05/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Dommage - Réparation - Caractères du préjudice - Perte d'une chance - Adhésion à un contrat d'assurance de groupe - Manquement de la banque à son devoir d'information - Contrat plus adapté à la situation personnelle de l'assuré n'ayant pu être souscrit

ASSURANCE DE PERSONNES - Assurance de groupe - Souscripteur - Obligations - Information de l'assuré - Information sur l'adéquation des risques couverts par le contrat à la situation personnelle de l'assuré - Manquement - Conséquences - Responsabilité - Dommage - Réparation - Perte de chance

Toute perte de chance ouvre droit à réparation. Viole l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 une cour d'appel qui, après avoir retenu la responsabilité d'une banque pour ne pas avoir appelé l'attention d'un emprunteur sur les limites de la garantie résultant du contrat d'assurance de groupe qu'elle avait souscrit et auquel il avait adhéré, énonce qu'il ne démontre pas que, complètement informé, il aurait contracté une autre assurance qui aurait couvert l'incapacité de travail qui lui a été reconnue et exige ainsi qu'il prouve que, s'il avait été parfaitement informé par la banque sur l'adéquation ou non de l'assurance offerte à sa situation, il aurait souscrit, de manière certaine, un contrat mieux adapté


Références :

article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 08 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 mai. 2020, pourvoi n°18-25440, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.25440
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