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20/05/2020 | FRANCE | N°18-25136;19-10868

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 mai 2020, 18-25136 et suivant


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 mai 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 316 FS-P+B+I

Pourvois n°
U 18-25.136
F 19-10.868 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020

I. M. D... K..., domicilié [...] , a formÃ

© le pourvoi n° U 18-25.136 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre réunies) , dans le litige l'opposant :

1°/...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 mai 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 316 FS-P+B+I

Pourvois n°
U 18-25.136
F 19-10.868 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020

I. M. D... K..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 18-25.136 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre réunies) , dans le litige l'opposant :

1°/ au procureur général près la cour d'appel de Douai, domicilié en son parquet général 1 place de Pollinchove, BP 20705, 59507 Douai cedex,

2°/ à l'ordre des avocats au barreau de Lille, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

II. L'ordre des avocats au barreau de Lille a formé le pourvoi n° F 19-10.868 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ au procureur général près la cour d'appel de Douai,

2°/ à M. D... K...,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur au pourvoi n° U 18.25-136 invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi n° F 19.10-868 invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations et les plaidoiries de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. K..., de Me Bouthors, avocat de l'ordre des avocats au barreau de Lille, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara conseiller doyen, M. Girardet, Mmes Duval-Arnould, Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° U 18-25.136 et F 19-10.868 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 novembre 2018), M. T... a relevé appel de la décision d'une cour d'assises le condamnant à vingt-neuf ans de réclusion criminelle pour assassinat. Lors de l'ouverture des débats devant la cour d'assises d'appel, MM. X... et K..., avocats désignés par l'accusé, ont décidé de se retirer de la défense de leur client, en accord avec celui-ci. Après avoir commis d'office M. K..., la présidente de la cour d'assises a, par ordonnance du 14 mai 2014, rejeté les motifs d'excuse et d'empêchement invoqués par ce dernier pour refuser son ministère. M. K... a néanmoins quitté la salle d'audience et les débats se sont déroulés en l'absence de l'accusé et de son avocat commis d'office. Par arrêt du 22 mai 2014, devenu définitif à la suite du rejet du pourvoi formé par M. T... (Crim., 24 juin 2015, pourvoi n° 14-84.221, Bull. Crim. 2015, n° 137), la cour d'assises du Pas-de-Calais a condamné ce dernier à vingt-cinq ans de réclusion criminelle.

3. Reprochant à M. K... de ne pas avoir déféré à la commission d'office, nonobstant la décision de la présidente de la cour d'assises de rejeter ses motifs d'excuse ou d'empêchement, la procureure générale près la cour d'appel de Douai a, le 19 janvier 2017, saisi le conseil régional de discipline des barreaux du ressort de ladite cour aux fins de poursuites disciplinaires.

Recevabilité du pourvoi n° F 19-10.868, examinée d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles 609 et 611 du même code.

5. Il résulte de ces textes que nul ne peut se pourvoir en cassation contre une décision à laquelle il n'a pas été partie, à moins qu'elle n'ait prononcé une condamnation contre lui.

6. Selon une jurisprudence constante (1re Civ., 3 juillet 2013, pourvoi n° 12-23.553, Bull. 2013, I, n° 143), en matière disciplinaire, l'ordre des avocats n'est pas partie à l'instance.

7. Le pourvoi formé par l'ordre des avocats au barreau de Lille qui n'était pas, ni ne pouvait être, partie à l'instance d'appel, n'est donc pas recevable.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n° U 18-25.136

Enoncé du moyen

8. M. K... fait grief à l'arrêt de dire que son refus de se soumettre à la commission d'office décidée par la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la cour d'assises et de prononcer à son encontre la sanction disciplinaire de l'avertissement, alors « qu'en matière disciplinaire, l'arrêt qui se prononce sur des poursuites doit mentionner que la personne poursuivie et son avocat ont eu communication des conclusions écrites du ministère public et ont été mis en mesure d'y répondre utilement ; que l'arrêt attaqué, qui ne comporte pas cette mention, doit être annulé pour violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 16 du code de procédure civile et des droits de la défense. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 15 et 16 du code de procédure civile :

9. L'arrêt, qui prononce la peine disciplinaire de l'avertissement, mentionne que le ministère public a déposé des conclusions écrites le 14 septembre 2018 et qu'à l'audience du 10 octobre suivant, les parties ont maintenu oralement leurs écritures.

10. En procédant ainsi, sans constater que l'avocat poursuivi avait eu communication des conclusions écrites du ministère public afin d'être mis en mesure d'y répondre utilement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche, du même pourvoi
Enoncé du moyen

11. M. K... fait le même grief à l'arrêt, alors « que la régularité de la décision du président de la cour d'assises n'ayant pas approuvé les motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par l'avocat commis d'office peut être contestée par l'avocat à l'occasion de la procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d'assises ; que le juge disciplinaire exerce dans ce cadre un contrôle autonome, qui lui est propre, distinct de celui exercé dans le cadre du pourvoi formé par l'accusé ou d'une requête en récusation ; qu'en se référant, pour « confirmer la décision de la présidente de la cour d'assises qui n'avait pas retenu les motifs d'excuse présentés par Maître K... », à l'arrêt de la chambre criminelle du 24 juin 2015 ayant validé la procédure et à la décision du 19 mai 2014 ayant rejeté la requête en récusation sans se livrer à sa propre appréciation, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et de l'article 62 de la Constitution de 1958. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 62 de la Constitution du 4 octobre 1958, 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, et 6, alinéa 2, du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat :

12. Aux termes du deuxième de ces textes, l'avocat régulièrement commis d'office par le bâtonnier ou le président de la cour d'assises ne peut refuser son ministère sans faire approuver ses motifs d'excuse ou d'empêchement par le bâtonnier ou par le président.

13. Selon le dernier, l'avocat est tenu de déférer aux désignations et commissions d'office, sauf motif légitime d'excuse ou d'empêchement admis par l'autorité qui a procédé à la désignation ou à la commission.

14. Lorsque le président de la cour d'assises constate que l'accusé n'est pas ou plus défendu et lui commet d'office un avocat, en application de l'article 317 du code de procédure pénale, il est seul compétent pour admettre ou rejeter les motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par ce dernier (1re Civ., 9 février 1988, pourvoi n° 86-17.786, Bull. 1988, I, n° 31 ; Crim., 24 juin 2015, pourvoi n° 14-84.221, Bull. Crim. 2015, n° 167).

15. L'avocat qui, malgré la décision du président de la cour d'assises de ne pas approuver les motifs d'excuse ou d'empêchement qu'il a présentés, persiste dans son refus d'exercer la mission qui lui a été confiée, peut être sanctionné disciplinairement (1re Civ., 15 novembre 1989, pourvoi n° 88-11.413, Bull. 1989, I, n° 347 ; 1re Civ., 2 mars 1994, pourvoi n° 92-15.363).

16. Toutefois, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité posée à l'occasion de la présente instance, le Conseil constitutionnel, dont les décisions s'imposent à toutes les autorités juridictionnelles, a retenu que, si le refus du président de la cour d'assises de faire droit aux motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par l'avocat commis d'office n'est pas susceptible de recours, la régularité de ce refus peut être contestée par l'accusé à l'occasion d'un pourvoi devant la Cour de cassation, et par l'avocat à l'occasion de l'éventuelle procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d'assises (décision n° 2018-704 QPC du 4 mai 2018, § 9).

17. Il s'ensuit qu'il incombe au juge, saisi de poursuites disciplinaires contre l'avocat qui n'a pas déféré à une commission d'office, de se prononcer sur la régularité de la décision du président de la cour d'assises rejetant les motifs d'excuse ou d'empêchement qu'il avait présentés pour refuser son ministère et, par suite, de porter une appréciation sur ces motifs.

18. Pour prononcer la sanction disciplinaire de l'avertissement contre M. K..., après avoir relevé que celui-ci avait invoqué, notamment, l'animosité de l'avocat général occupant le siège du ministère public, un calendrier de procédure établi sans consultation préalable des avocats de la défense et la volonté de la présidente de la cour d'assises d'éviter la présence des deux avocats choisis, l'arrêt retient que ces arguments ont déjà été rejetés par l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 24 juin 2015, qui a validé la procédure à l'égard de l'accusé, de sorte qu'il y a lieu de confirmer la décision de la présidente de la cour d'assises de ne pas retenir les motifs d'excuse présentés par M. K....

19. En statuant ainsi, alors que, pour apprécier le caractère fautif du refus de l'avocat de déférer à la commission d'office, il lui incombait de procéder elle-même à l'examen des motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par ce dernier, la cour d'appel a méconnu son office et violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen du pourvoi n° U 18-25.136, la Cour :

DÉCLARE irrecevable le pourvoi n° F 19-10.868 formé par l'ordre des avocats au barreau de Lille ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. K... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi n° U 18-25.136 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. K...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR INFIRME la décision du conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Douai en date du 5 juillet 2018, DIT que le refus de Maître D... K... de se soumettre à la commission d'office décidée par la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la cour d'assises et PRONONCE à l'encontre de Maître D... K... la sanction disciplinaire de l'avertissement,

ALORS QU'en matière disciplinaire, l'arrêt qui se prononce sur des poursuites doit mentionner que la personne poursuivie et son avocat ont eu communication des conclusions écrites du ministère public et ont été mis en mesure d'y répondre utilement ; que l'arrêt attaqué, qui ne comporte pas cette mention, doit être annulé pour violation de l'article 6 §1 de la convention européenne des droits de l'homme, de l'article 16 du code de procédure civile et des droits de la défense.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR INFIRME la décision du conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Douai en date du 5 juillet 2018, DIT que le refus de Maître D... K... de se soumettre à la commission d'office décidée par la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la cour d'assises et PRONONCE à l'encontre de Maître D... K... la sanction disciplinaire de l'avertissement,

AUX MOTIFS QUE :
«La cour rappelle les ordonnances rendues par la présidente de la cour d'assises le 14 mai 2014.La première ordonnance avait commis d'office Maître K... pour assister son client. Il s'agissait d'une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours et n'ayant aucun caractère juridictionnel.
La seconde ordonnance a rejeté les motifs d'excuse invoqués par Maître K... pour ne pas déférer à la désignation de commission d'office.
Dans un premier temps Maître K... avait contesté la régularité formelle de l'ordonnance qui avait rejeté les motifs d'excuse lors de la procédure devant la Cour de cassation. L'arrêt de la Cour de cassation en date du 24 juin 2015 avait considéré que les dispositions légales ou conventionnelles avaient été respectées et qu'on ne pouvait pas reprocher à la présidente de la cour d'assises d'avoir ainsi décidé puisqu'elle était seule compétente pour refuser les motifs d'excuse.
Le Conseil Constitutionnel a souligné que l'avocat lors d'une procédure disciplinaire avait la possibilité de faire examiner les motifs d'excuse invoqués pour ne pas déférer à la commission d'office. Il a précisé que «si le refus du président de la cour d'assises de faire droit aux motifs d'excuse ou d'empêchement invoqué par l'avocat commis d'office n'est pas susceptible de recours, la régularité de ce refus peut être contestée par l'accusé à l'occasion d'un pourvoi devant la Cour de cassation et par l'avocat à l'occasion de l'éventuelle procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d'assises ». De plus dans un commentaire du Secrétariat Général du Conseil Constitutionnel il est souligné : « le fait que la décision du président de la cour d'assises n'a pas à être motivée ne prive pas d'efficacité ces différentes voies de droit, au cours desquelles l'avocat pourra faire valoir les motifs qu'il avait invoqués en vain pour refuser la commission d'office ».
La Cour ajoute que Maître K... a invoqué notamment l'animosité de l'avocat général occupant le siège du ministère public envers Maître X..., un calendrier de procédure sans consultation préalable des avocats de la défense et la volonté de la présidente de la cour d'assises d'éviter la présence des deux avocats choisis.
Compte tenu des pièces du dossier, des précisions fournies par les parties et des décisions antérieures la Cour d'appel :
- rappelle que les arguments invoqués par Maître K... ont déjà été rejetés par l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation et que l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation du 24 juin 2015 a validé la procédure à l'encontre de Monsieur M... T...
- souligne que l'ordonnance de la première présidente de la cour d'appel de Douai du 19 mai 2014 saisie par Maîtres X... et K... d'une requête en récusation de la présidente de la cour d'assises avait rejeté les prétentions des avocats
- estime que la décision de la présidente de la cour d'assises n'avait pas à être motivée.
La Cour d'appel rappelle que le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 4 mai 2018 a estimé que l'avocat commis d'office doit assurer la défense de l'accusé tant qu'il n'a pas été relevé de sa mission par le président de la cour d'assises et qu'en application de l'article 274 du code de procédure pénale l'accusé peut à tout moment choisir un avocat ce qui rendrait non avenue la décision effectuée par la présidente de la cour d'assises.
De plus la Cour d'Appel estime ainsi :
- qu'il y a lieu de confirmer la décision de la présidente de la cour d'assises qui n'avait pas retenu les motifs d'excuse présentés par Maître K...
- que l'avocat régulièrement commis d'office par la présidente de la cour d'assises ne peut refuser son ministère sans faire approuver par la présidente de la cour d'assises les motifs d'empêchement et d'excuse
- que le refus de l'avocat de se soumettre à la commission d'office de la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la Cour d'assises
- que Maître K... aurait dû rester présent dans la salle d'audience et observer, le cas échéant, le silence si l'accusé lui avait fait interdiction de demeurer à la barre après avoir renoncé à se défendre.
Dans ces conditions compte tenu des pièces du dossier, des précisions fournies par les parties, des diverses décisions antérieures, des pouvoirs de direction des débats par la présidente de la cour d'assises, de l'exercice des droits de la défense et de la continuité du cours de la justice la cour d'appel estime que l'absence volontaire de Maître K... dans la salle d'audience de la cour d'assises tout au long des débats du procès de Monsieur M... T... caractérise une faute disciplinaire. Il y a lieu de rejeter les prétentions de Maître D... K... et de prononcer à l'encontre de Maître D... K... la sanction disciplinaire de l'avertissement. »

1° ALORS QUE la régularité de la décision du président de la cour d'assises n'ayant pas approuvé les motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par l'avocat commis d'office peut être contestée par l'avocat à l'occasion de la procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d'assises (Conseil constitutionnel, 2018-704 QPC du 4 mai 2018) ; que le juge disciplinaire exerce dans ce cadre un contrôle autonome, qui lui est propre, distinct de celui exercé dans le cadre du pourvoi formé par l'accusé ou d'une requête en récusation ; qu'en se référant, pour « confirmer la décision de la présidente de la cour d'assises qui n'avait pas retenu les motifs d'excuse présentés par Maître K... », à l'arrêt de la chambre criminelle du 24 juin 2015 ayant validé la procédure et à la décision du 19 mai 2014 ayant rejeté la requête en récusation sans se livrer à sa propre appréciation, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et de l'article 62 de la Constitution de 1958 ;

2° ALORS QUE ne peut être en faute l'avocat ayant présenté des motifs d'excuse pour refuser une commission d'office, dès lors que le président qui l'a désigné n'a pas véritablement statué sur ces motifs ; que M. K... faisait valoir dans ses conclusions que la présidente de la Cour d'assises n'avait pas réellement exercé un contrôle sur son motif essentiel de refus, tiré de son absence d'impartialité – ce qu'avait confirmé la présidente lors de son audition dans l'enquête disciplinaire ; qu'en s'abstenant totalement de répondre à ce moyen qui avait été déterminant de la décision de relaxe de première instance, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3° ALORS QUE la régularité de la décision du président de la cour d'assises n'ayant pas approuvé les motifs d'excuse ou d'empêchement invoqués par l'avocat commis d'office peut être contestée par l'avocat à l'occasion de la procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d'assises (Conseil constitutionnel, 2018-704 QPC du 4 mai 2018) ; que l'effectivité d'un tel contrôle implique nécessairement la motivation de cette décision ; qu'en estimant que la décision de la présidente de la cour d'assises n'avait pas à être motivée, la cour d'appel a violé l'article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 62 de la Constitution de 1958 ;

4° ALORS QU'en ne répondant pas aux écritures de maître K... qui faisait valoir que l'ordonnance par laquelle la présidente de la cour d'assises ayant rejeté ses motifs d'excuse ne comportait qu'une motivation générique et artificielle puisque la présidente de la cour d'assises, lors de son audition par le rapporteur disciplinaire, le 21 avril 2017, avait admis n'avoir opéré aucune appréciation des excuses de Maître K..., la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;

5° ALORS QUE le refus de l'avocat de se soumettre à la commission d'office de la présidente d'une cour d'assises ne caractérise pas nécessairement et automatiquement une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la Cour d'assises ; qu'en retenant que « le refus de l'avocat de se soumettre à la commission d'office de la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la Cour d'assises » (motifs, p. 9) ou encore que « le refus de maître D... K... de se soumettre à la commission d'office décidée par la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la cour d'assises » (dispositif, p. 10), la cour d'appel a violé l'article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ;

6° ALORS QUE ne commet pas une faute disciplinaire l'avocat qui, à l'occasion d'une première demande de renvoi de l'affaire, apprend que le président de la Cour d'assises a « préparé » sans en référer à quiconque la commission d'office d'un autre conseil, non choisi par l'accusé ; qui, sur cet élément, invoque le défaut d'impartialité du président en formulant une nouvelle demande de renvoi devant la Cour, laquelle la rejette sans examiner le fond du grief ; qui décide en conscience et d'accord avec son client de quitter la barre ce dont la Cour lui a donné acte ; et qui, alors commis d'office par le président, quitte la barre nonobstant le rejet par le président de ses motifs d'excuse sans trancher le grief tiré de sa propre partialité ; que la Cour d'appel a violé l'article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

7° ALORS QUE la sanction disciplinaire de l'avocat dans de telles conditions qui n'ont au demeurant en rien entravé le cours de la justice, l'audience devant la Cour d'assises s'étant poursuivie sans désemparer dans des conditions validées par la Cour de cassation, ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique ; que la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Moyen produit au pourvoi n° F 19-10.868 par Me Bouthors, avocat de l'ordre des avocats au barreau de Lille

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé la décision du conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Douai en date du 5 juillet 2018, dit que le refus de Me D... K... de se soumettre à la commission d'office décidée par la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la cour d'assises et prononce à l'encontre de Me D... K... la sanction disciplinaire de l'avertissement ;

aux motifs que la cour rappelle les ordonnances rendues par la présidente de la cour d'assises le 14 mai 2014. La première ordonnance avait commis d'office Me K... pour assister son client. Il s'agissait d'une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours et n'ayant aucun caractère juridictionnel. / La seconde ordonnance a rejeté les motifs d'excuse invoqués par Me K... pour ne pas déférer à la désignation de commission d'office. / Dans un premier temps Me K... avait contesté la régularité formelle de l'ordonnance qui avait rejeté les motifs d'excuse lors de la procédure devant la cour de cassation. L'arrêt de la Cour de cassation en date du 24 juin 2015 avait considéré que les dispositions légales ou conventionnelles avaient été respectées et qu'on ne pouvait pas reprocher à la présidente de la cour d'assises d'avoir ainsi décidé puisqu'elle était seule compétente pour refuser les motifs d'excuse. Le Conseil Constitutionnel a souligné que l'avocat lors d'une procédure disciplinaire avait la possibilité de faire examiner les motifs d'excuse invoqués pour ne pas déférer à la commission d'office. Il a précisé que «si le refus du président de la cour d'assises de faire droit aux motifs d'excuse ou d'empêchement invoqué par l'avocat commis d'office n'est pas susceptible de recours, la régularité de ce refus peut être contestée par l'accusé à l'occasion d'un pourvoi devant la cour de cassation et par l'avocat à l'occasion de l'éventuelle procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d'assises ». De plus dans un commentaire du secrétariat général du Conseil constitutionnel il est souligné : « le fait que la décision du président de la cour d'assises n'a pas à être motivée ne prive pas d'efficacité ces différentes voies de droit, au cours desquelles l'avocat pourra faire valoir les motifs qu'il avait invoqués en vain pour refuser la commission d'office ».

La cour ajoute que Me K... a invoqué notamment l'animosité de l'avocat général occupant le siège du ministère public envers Me X..., un calendrier de procédure sans consultation préalable des avocats de la défense et la volonté de la présidente de la cour d'assises d'éviter la présence des deux avocats choisis. Compte tenu des pièces du dossier, des précisions fournies par les parties et des décisions antérieures la cour d'appel :

- rappelle que les arguments invoqués par Me K... ont déjà été rejetés par l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation et que l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 24 juin 2015 a validé la procédure à l'encontre de Monsieur M... T...,
- souligne que l'ordonnance de la première présidente de la cour d'appel de Douai du 19 mai 2014 saisie par Mes X... et K... d'une requête en récusation de la présidente de la cour d'assises avait rejeté les prétentions des avocats
- estime que la décision de la présidente de la cour d'assises n'avait pas à être motivée.

La cour d'appel rappelle que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 4 mai 2018 a estimé que l'avocat commis d'office doit assurer la défense de l'accusé tant qu'il n'a pas été relevé de sa mission par le président de la cour d'assises et qu'en application de l'article 274 du code de procédure pénale l'accusé peut à tout moment choisir un avocat ce qui rendrait non avenue la décision effectuée par la présidente de la cour d'assises.

De plus la Cour d'Appel estime ainsi :

- qu'il y a lieu de confirmer la décision de la présidente de la cour d'assises qui n'avait pas retenu les motifs d'excuse présentés par Me K...
- que l'avocat régulièrement commis d'office par la présidente de la cour d'assises ne peut refuser son ministère sans faire approuver par la présidente de la cour d'assises les motifs d'empêchement et d'excuse
- que le refus de l'avocat de se soumettre à la commission d'office de la présidente d'une cour d'assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d'excuse présentés par l'avocat n'ont pas été retenus par la présidente de la Cour d'assises
- que Me K... aurait dû rester présent dans la salle d'audience et observer, le cas échéant, le silence si l'accusé lui avait fait interdiction de demeurer à la barre après avoir renoncé à se défendre.

Dans ces conditions compte tenu des pièces du dossier, des précisions fournies par les parties, des diverses décisions antérieures, des pouvoirs de direction des débats par la présidente de la cour d'assises, de l'exercice des droits de la défense et de la continuité du cours de la justice la cour d'appel estime que l'absence volontaire de Me K... dans la salle d'audience de la cour d'assises tout au long des débats du procès de Monsieur M... T... caractérise une faute disciplinaire. Il y a lieu de rejeter les prétentions de Me D... K... et de prononcer à l'encontre de Me D... K... la sanction disciplinaire de l'avertissement ;

alors qu'aux termes de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-704 QPC du 4 mai 2018 (cons. n° 9), le juge disciplinaire doit contrôler la régularité du refus de l'excuse présentée par un avocat commis d'office qui a objecté une atteinte aux droits fondamentaux de la défense et au libre choix par l'accusé de ses défenseurs dans le cadre d'un procès équitable et impartial ; qu'en l'absence du moindre contrôle a posteriori portant sur la légitimité du refus d'acceptation de la commission litigieuse que le commettant lui-même n'avait guère motivé, l'arrêt infirmatif attaqué n'a pu légalement affirmer l'existence d'une faute disciplinaire reprochable à l'avocat, sans méconnaître son office en violation des articles 9 de la loi n° 71-1130, ensemble les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 62 de la Constitution de 1958.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-25136;19-10868
Date de la décision : 20/05/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Commission d'office - Cour d'assises - Président - Avocat refusant son ministère - Motifs d'excuse ou d'empêchement - Appréciation - Motifs rejetés par le président de la cour d'assises - Refus de l'avocat d'exercer sa mission - Poursuites disciplinaires - Contrôle de la régularité de la décision du président de la cour d'assises - Nécessité

L'avocat commis d'office par le président d'une cour d'assises qui, malgré la décision de ce dernier de ne pas approuver les motifs d'excuse ou d'empêchement qu'il a présentés, persiste dans son refus d'exercer la mission qui lui a été confiée, peut être sanctionné disciplinairement. Toutefois, il incombe au juge saisi des poursuites disciplinaires engagées contre cet avocat de se prononcer sur la régularité de la décision du président de la cour d'assises rejetant ses motifs d'excuse ou d'empêchement et, par suite, de porter une appréciation sur ces motifs


Références :

Sur le numéro 1 : article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

articles 15 et 16 du code de procédure civile
Sur le numéro 2 : article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958

article 9 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques

article 6, alinéa 2, du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 rela
Sur le numéro 2 : tif aux règles de déontologie de la profession d'avocat

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 21 novembre 2018

N1 A rapprocher :1re Civ., 3 juillet 2013, pourvoi n° 12-23553, Bull. 2013, I, n° 143 (cassation)N2 Cf. :Cons. const., 4 mai 2018, décision n° 2018-704 QPC


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 mai. 2020, pourvoi n°18-25136;19-10868, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Bouthors

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.25136
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