LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 mai 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 327 F-P+B
Pourvoi n° X 18-23.529
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2020
1°/ M. D... Y...,
2°/ Mme A... L..., épouse Y...,
tous deux domiciliés [...],
ont formé le pourvoi n° X 18-23.529 contre l'arrêt rendu le 27 mars 2018 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, dont le siège est [...], venant aux droits de la société Sygma banque,
2°/ à M. O... U..., domicilié [...], pris en qualité de liquidateur de la société Compagnie énergie solaire,
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de Me Occhipinti, avocat de M. et Mme Y..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 27 mars 2018), suivant offre acceptée le 7 mai 2013, la société Sygma banque, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance (la banque), a consenti à M. et Mme Y... (les emprunteurs) un prêt de 18 500 euros destiné à financer la vente et la pose de panneaux photovoltaïques par la société Compagnie énergie solaire (le vendeur).
2. Invoquant l'absence de raccordement de l'installation, les emprunteurs ont assigné le vendeur, pris en la personne de son liquidateur judiciaire, et la banque en résolution des contrats et en réparation de leur préjudice.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner à rembourser à la banque le capital emprunté et de condamner celle-ci à leur payer la seule somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que, dans un contrat de crédit affecté, le prêteur qui commet une faute lors de la libération des fonds ne peut prétendre au remboursement du capital prêté ; que la cour d'appel a constaté que la banque avait commis une faute lors de la libération des fonds, puisqu'aucun contrat n'avait été signé à ce moment ; qu'en condamnant néanmoins les emprunteurs à rembourser le capital, peu important à cet égard leur légèreté prétendue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L. 311-31 et L. 311-32 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
4. Après avoir constaté la livraison des panneaux photovoltaïques, mais l'absence de démarches en vue de leur raccordement au réseau, et prononcé en conséquence la résolution du contrat de vente et celle du crédit affecté, ainsi que la déchéance du droit aux intérêts, l'arrêt relève, d'abord, que la banque a libéré les fonds sans s'assurer que les emprunteurs avaient régularisé le contrat principal, lequel a été conclu le 24 octobre 2013, postérieurement au certificat de livraison signé le 6 août 2013 par M. Y... et le 9 octobre suivant par son épouse, et qu'elle a ainsi engagé sa responsabilité.
5. Il retient, ensuite, que les emprunteurs ont eux-mêmes fait preuve de légèreté en acceptant la mise en oeuvre à leur domicile de l'installation, avant même la signature du contrat de vente, et en certifiant, d'une part, l'exécution d'un contrat en réalité inexistant, d'autre part, l'exécution d'une prestation en vérité inachevée.
6. Ayant ainsi déduit de ces constatations que les parties avaient chacune commis une faute, la cour d'appel a pu décider que les emprunteurs étaient tenus de rembourser le capital prêté, sous déduction de la somme de 9 000 euros dont elle a souverainement estimé qu'elle réparerait le préjudice subi par eux du fait de la faute de la banque.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé et prononcé par le président, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller doyen et du conseiller rapporteur empêchés, en son audience publique du vingt mai deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. et Mme Y... à payer la société Sygma Banque, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance, la somme de 18 500 €, et d'AVOIR condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. et Mme Y... la seule somme de 9 000 € de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE le jugement sera de même conformé en ce qu'il prononce la résolution du crédit affecté à cette opération qui emporte obligation pour l'emprunteur de restituer le capital emprunté sous déduction des échéances versées (inexistantes en l'espèce) sous réserve d'une éventuelle responsabilité du prêteur ; les époux Y... dénoncent les manquements de la société Sygna Banque qui ne s'est pas préoccupée de la nature du contrat principal dont le caractère immobilier justifiait l'application des dispositions de l'article L 312-2 du code de la consommation dans leur version applicable, ni ne s'est assurée de la bonne exécution du contrat principal. La société BNP Paribas Personal Finance se défend de toute faute dès lors que les fonds ont été libérés entre les mains de la société Compagnie Energie Solaire au visa d'un certificat de livraison, signé le 6 août 2013 par le mari et le 9 octobre 2013 par l'épouse, attestant de la pleine exécution du contrat principal, le prêteur n'étant pas tenu, en présence de déclarations explicites des emprunteurs, de vérifier la bonne exécution du contrat principal. La cour observe tout d'abord que le montant du financement sollicité était inférieur au plafond institué à l'article L 312-2 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce en sorte que le premier moyen invoqué par les époux Y... est inopérant. La cour relève, par contre, que Sygma Banque a accepté en mai 2010 de financer à hauteur de 18 500 € par un crédit expressément intitulé « crédit affecté » l'exécution d'un contrat principal
inexistant puisqu'il est avéré que le bon de commande du 3 mai 2010 n'a pas été accepté par les époux Y..., ce dont il se déduit que Sygma Banque n'a, même pas réalisé le contrôle a minima qu'il est légitime d'attendre d'un organisme dispensateur d'un crédit affecté qui est de vérifier... qu'existe bien un contrat principal à financer. N'étant en possession d'aucune justification de ce contrat principal, Sygma Banque aurait dû s'assurer à tout le moins lors de la demande de déblocage des fonds qu'à cette date un contrat principal avait bien été régularisé, ce qui n'était pas le cas puisque les deux contrats signés var les époux Y... datent du 24 octobre 2010 et sont donc postérieurs certificat de livraison signé par les intéressés. Ce contrôle l'aurait nécessairement conduite à plus de prudence dans la libération des fonds et à interpeller au préalable les époux Y... sur la réalité des engagements souscrits envers Compagnie Energie Solaire et l'exécution par du contrat principal qui conditionnait la libération des fonds. La cour estime, dès lors, que la société Sygrna Banque a failli singulièrement à ses obligations et engage sa responsabilité envers les époux Y... dont il convient néanmoins de souligner la légèreté pour avoir accepté la mise en oeuvre à leur domicile d'une installation avant même que n'ait été signé un contrat avec la société Compagnie Energie Solaire et avoir confirmé une "pleine exécution" d'un contrat...inexistant et la réalisation de prestations...inachevées. La cour relève encore que n'est contesté par BNP Paribas Personal Finance le défaut de consultation du FICP avant conclusion du prêt. Il est, par suite, légitime d'indemniser les époux Y... à hauteur de 9 000€ qui viendront en déduction du capital dont ils doivent restitution à BNP Paribas Personal Finance ;
ALORS QUE dans un contrat de crédit affecté, le prêteur qui commet une faute lors de la libération des fonds ne peut prétendre au remboursement du capital prêté ; que la cour d'appel a constaté que la société Sygma Banque avait commis une faute lors de la libération des fonds, puisqu'aucun contrat n'avait été signé à ce moment ; qu'en condamnant néanmoins les époux Y... à rembourser le capital, peu important à cet égard leur légèreté prétendue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L 311-31 et L 311-32 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.