LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 mai 2020
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 301 F-D
Pourvoi n° P 19-13.773
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 MAI 2020
La société [...], exerçant sous l'enseigne Sud-Ouest Fondations, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 19-13.773 contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre civil A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Patrinum, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Bureau d'études techniques architecturales et coordination, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société Ginger CEBTP, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société CEBTP Solen,
4°/ à la Holding Socotec, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Socotec France, aux droits de laquelle vient la société Socotec construction, ayant déclaré reprendre l'instane
défenderesses à la cassation.
La société Bureau d'études techniques architecturales et coordination (Betac) a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les quatre moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société [...], la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Bureau d'études techniques architecturales et coordination, de Me Bouthors, avocat de la société Socotec construction, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Ginger CEBTP, de la SCP Richard, avocat de la société Patrinum, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Renard, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société [...] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Socotec construction et la société Ginger CEBTP.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 15 janvier 2019), à l'occasion de l'extension d'un supermarché, la société IMC, aux droits de laquelle vient la société Patrinum, a conclu un contrat de maîtrise d'oeuvre avec la société Bureau d'études techniques architecturales et coordination (la société Betac). Une étude de sol a été confiée à la société CEBTP Solen, aujourd'hui dénommée Ginger CEBTP (la société CEBTP). La société IMC a conclu un marché de travaux avec la société F... Y..., aujourd'hui dénommée [...], portant sur le lot "fondations spéciales". Une convention de contrôle technique a été conclue entre la société IMC et la société Socotec France (la société Socotec).
3. La société [...] a établi un devis pour un montant de 114 331 euros hors taxes sur la base du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) rédigé par la société Betac. Les travaux ont commencé en mai 2007. Un deuxième devis présentant un surcoût de 46 600 euros a été émis par la société [...], accepté par la société Betac et payé par le maître de l'ouvrage. Un troisième devis a été établi pour un supplément de travaux de 216 758,50 euros hors taxes. Les travaux de fondations ont été terminés le 27 juillet 2007.
4. La société [...] a présenté une facture de 355 791,29 euros hors taxes. Estimant que certains postes facturés étaient surévalués, la société IMC n'a réglé que la somme de 289 810,80 euros HT, laissant un solde restant à devoir de 65 980,49 euros HT.
5. La société IMC a, après expertise, assigné la société Betac en paiement de la somme de 470 000 euros à titre de dommages et intérêts, invoquant un manquement à ses obligations de conseil et de renseignement.
6. La société Betac a assigné la société CEBTP, la société [...] et la société Socotec en garantie.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, le troisième moyen du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi incident, ci-après annexés
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, réunis
Énoncé du moyen
8. La société [...] et la société Betac font grief à l'arrêt de dire que le marché de travaux du 26 mars 2007 a été passé à prix fermes sans possibilité de modification du prix global, de les déclarer contractuellement coresponsables du préjudice subi par la société Patrinum résultant de l'exécution de travaux supplémentaires, de les condamner in solidum à payer à la société Patrinum la somme de 175 810 euros au titre du surcoût résultant des travaux supplémentaires et la somme de 123 102 euros au titre du prêt contracté pour faire face à ces derniers, et de rejeter la demande de la société [...] en paiement du solde de travaux lui restant dû par la société Patrinum, alors :
« 1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, observer le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur des moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que, pour faire prévaloir les articles 5 et 6 du marché de travaux du 26 mars 2007, mentionnant un prix ferme de 114 000 euros HT ni actualisable ni révisable, sur l'article 1.8 du cahier des clauses techniques particulières, stipulant qu'« au fur et à mesure de l'exécution des travaux, l'entrepreneur communiquera[it] au maître de l'ouvrage toute constatation de nature à modifier les prévisions initiales et notamment dès qu'appara[îtraient] des différences entre les résultats de la reconnaissance préalable et ses propres constatations », qu'il « proposera[it], s'il y a[vait] lieu, les modifications à apporter à l'exécution qui lui para[îtraient] découler de ces constatations et précisera[it] l'incidence sur les modalités contractuelles », la cour d'appel s'est fondée, d'elle-même, sur la hiérarchie des documents contractuels édictée par la norme NF P 03-001, qui n'était invoquée par aucune des parties ; qu'en statuant de la sorte, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que la norme NF P 03-001, n'ayant pas été rendue d'application obligatoire par arrêté ministériel, elle est d'application volontaire, ce qui suppose que les parties contractantes s'y réfèrent en vue de lui donner valeur contractuelle ; que pour justifier l'application qu'elle a faite de la hiérarchie des documents contractuels édictée par la norme NF P 03-001, la cour d'appel a relevé qu'il ne résultait d'aucune stipulation contractuelle que les parties avait entendu « déroger » à cette hiérarchie ; qu'en statuant par cette seule considération, sans constater aucune référence positive à la norme NF P 03-001 dans les pièces constitutives du marché conclu le 26 mars 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1787 du même code. »
Réponse de la Cour
9. La cour d'appel a retenu qu'il résultait des articles 5 et 6 du contrat que le marché avait été conclu à prix fermes pour un montant global qui n'était ni actualisable, ni révisable, et que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ne portait que sur les conditions d'exécution des travaux et non pas sur le montant du marché.
10. Elle a pu déduire de ces seuls motifs que le marché avait été conclu à prix fermes sans possibilité de modification du prix global.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en seconde branche, et le deuxième moyen du pourvoi incident, réunis
Énoncé du moyen
12. La société [...] et la société Betac font grief à l'arrêt de les déclarer contractuellement coresponsables du préjudice subi par la société Patrinum résultant de l'exécution de travaux supplémentaires, de les condamner in solidum à payer à la société Patrinum la somme de 175 810 euros au titre du surcoût résultant des travaux supplémentaires et la somme de 123 102 euros au titre du prêt contracté pour faire face à ces derniers, alors :
« 1°/ qu'en tout état de cause, une faute contractuelle n'implique pas nécessairement par elle-même l'existence d'un dommage en relation de cause à effet avec cette faute ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les travaux supplémentaires réalisés par la société [...] avaient été acceptés par le maître de l'ouvrage ; qu'en condamnant la société [...], pour avoir prétendument manqué à son obligation d'information et de conseil concernant les contraintes du sol et leurs conséquences sur le type de fondations à réaliser, à indemniser le maître de l'ouvrage du coût de ces travaux supplémentaires et des frais du prêt destiné supposément à les financer, et en lui refusant corrélativement le paiement du solde desdits travaux, sans constater que, mieux informé et conseillé, le maître de l'ouvrage n'aurait pas donné son acceptation de la même manière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ qu'une faute contractuelle n'implique pas nécessairement par elle-même l'existence d'un dommage en relation de cause à effet avec cette faute ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les travaux supplémentaires réalisés par la société [...] avaient été acceptés par le maître de l'ouvrage, de sorte qu'en condamnant la société Betac, pour avoir prétendument manqué à son obligation d'information et de conseil concernant les contraintes du sol et leurs conséquences sur le type de fondations à réaliser, à indemniser le maître de l'ouvrage du coût de ces travaux supplémentaires et des frais du prêt destiné supposément à les financer, sans constater que, mieux informé et conseillé, le maître de l'ouvrage n'aurait pas donné son acceptation de la même manière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
13. La cour d'appel a retenu qu'en l'absence d'étude complémentaire, le maître de l'ouvrage avait accepté les travaux supplémentaires dans l'urgence, craignant de subir un préjudice commercial bien plus important si le centre commercial ne rouvrait pas, que le budget des fondations spéciales avait été multiplié par trois et que le maître de l'ouvrage avait dû souscrire un prêt pour financer les travaux supplémentaires imprévus.
14. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a souverainement apprécié l'existence et l'importance du préjudice résultant des manquements commis par la société [...] et la société Betac.
15. Elle a donc légalement justifié sa décision.
Mais sur le quatrième moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
16. La société Betac fait grief à l'arrêt de rejeter son appel en garantie contre la société Socotec, alors « que le contrôleur technique répond des fautes commises dans l'exercice de sa mission ; qu'aux termes de la convention de contrôle technique signée le 3 avril 2007 entre le maître de l'ouvrage et la société Socotec, celle-ci a assumé une mission L portant sur la solidité de l'ouvrage, ainsi que l'arrêt attaqué l'a relevé ; que pour débouter la société Betac de son appel en garantie contre la société Socotec, la cour d'appel a affirmé qu'il résulte de l'article A.1.1 de l'annexe A de la norme NF P 03-100 que « les aléas techniques à la prévention desquels le contrôle technique contribue au titre de la mission L sont ceux qui, découlant des défauts dans l'application des textes techniques à caractère réglementaire ou normatif, sont susceptibles de compromettre la solidité de la construction achevée ou celle des ouvrages et éléments d'équipements indissociables qui la constituent », cependant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la solidité de la construction achevée n'est pas atteinte ; qu'en statuant ainsi, quand cet article donne pour mission au contrôleur technique chargé d'une mission L de détecter les défauts dans l'application des textes techniques à caractère réglementaire ou normatif, qui sont « susceptibles » de compromettre la solidité de la construction achevée, de sorte qu'il lui incombait de rechercher, comme elle y était invitée, si, en l'espèce, la solidité de l'ouvrage n'avait pas été compromise uniquement parce que, moyennant un surcoût pour le maître de l'ouvrage, les fondations avaient été ancrées à un niveau supérieur à celui indiqué par le rapport de la société CEBTP Solen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article A.1.1 de l'annexe A de norme NF P 03-100. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
17. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
18. Pour rejeter l'appel en garantie de la société Betac contre la société Socotec, l'arrêt retient que la solidité de la construction achevée n'est pas atteinte, que la société Socotec n'est pas tenue de s'assurer de la véracité des constatations contenues dans les rapports ou les procès-verbaux qui lui sont remis, que la société Betac ne peut reprocher à la société Socotec de ne pas avoir préconisé une étude de sol complémentaire alors qu'il lui appartenait, en sa qualité de maître d'oeuvre chargé d'une mission complète, de le faire, et que l'expert judiciaire n'a retenu aucun manquement de la société Socotec dans l'exécution de sa mission consistant à examiner les pièces techniques et à donner un avis pour exécution.
19. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la solidité de l'ouvrage n'avait pas été compromise uniquement parce que, moyennant un surcoût pour le maître de l'ouvrage, les fondations avaient été ancrées à un niveau supérieur à celui indiqué par le rapport de la société CEBTP, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Demande de mise hors de cause
20. La société CEBTP demande sa mise hors de cause.
21. Le chef de dispositif de l'arrêt qui rejette l'appel en garantie de la société Betac contre la société CEBTP n'est pas attaqué.
22. La société CEBTP doit donc être mise hors de cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
Met hors de cause la société CEBTP ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette l'appel en garantie de la société Betac contre la société Socotec, l'arrêt rendu le 15 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société [...] aux dépens du pourvoi principal ;
Condamne la société Socotec construction aux dépens du pourvoi incident ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société [...] à payer à la société Patrinum la somme de 3 000 euros, condamne la société Socotec construction à payer à la société Betac la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Maunand, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société [...], demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le marché de travaux en date du 26 mars 2007 avait été passé à prix fermes sans possibilité de modification du prix global, puis, en cet état, d'avoir déclaré la société [...] coresponsable, avec le Betac, du préjudice subi par la société Patrinum du fait de l'exécution de travaux supplémentaires, d'avoir condamné la société [...], in solidum avec le Betac, à payer à la société Patrinum la somme de 175 810 euros au titre du surcoût résultant des travaux supplémentaires, outre la somme de 123 102 euros au titre du prêt contracté « pour faire face » à ces travaux, et d'avoir débouté la société [...] de sa demande tendant au paiement du solde de travaux lui restant dû par la société Patrinum ;
Aux motifs que l'article 5 du marché de travaux « Prix contractuel » dispose : / Le prix global est fixé à : / Montant du marché : HT 114 000 € / TVA 19,6 % 22 344 € / TTC 136 344 € / Les travaux en plus ou en moins seront réglés sur attachement ; qu'aux termes de l'article 6 « Variation dans les prix », le prix global n'est ni actualisable, ni révisable, le marché est passé à prix fermes ; qu'au préalable, il convient de rappeler qu'un marché est constitué non d'un mais de nombreux documents ; que certains sont de nature administrative, ils établissent les aspects juridiques et financiers du marché, ce qui est le cas en l'espèce du document intitulé « Extension et remodeling d'un supermarché - Marché de travaux » ; que d'autres sont de nature technique et énoncent les prescriptions matérielles régissant l'exécution de l'ouvrage, ce qui est le cas du CCTP Lot n° 2 A Fondations spéciales ; que la norme NF P 03-001 énonce une hiérarchie des pièces du marché, à laquelle les parties peuvent déroger ; qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucune stipulation contractuelle que les cocontractants ont entendu déroger à l'ordre de prévalence énoncé par la norme ; que les règles de priorité sont les suivantes : / * les documents administratifs prévalent sur les documents techniques / * les documents particuliers à une opération prévalent sur les documents généraux / * les documents contractuels prévalent sur les documents indicatifs ; que dans l'hypothèse d'une contradiction entre les différents documents, la hiérarchie des pièces constitutive du marché selon la norme N P 03-001 (articles 4.2 et 4.3) donne donc priorité à la lettre d'engagement ou la soumission acceptée, comprenant principalement l'identification des parties, l'objet du marché, les délais d'exécution et le prix sur le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), décrivant les ouvrages et les conditions particulières de leur exécution ; qu'en l'espèce, le marché de travaux prévaut donc sur le CCTP qui ne porte en outre que sur les conditions d'exécution des travaux et aucunement sur le montant du marché ; que par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Betac, l'articl 6 du marché porte bien sur le montant global du marché et non sur le prix unitaire des prestations réalisées, le prix global n'étant ni actualisable, ni révisable, le contrat précisant également que le marché est passé à prix fermes ; qu'enfin, la mention figurant à l'article 5 du marché selon laquelle « les travaux en plus ou en moins seront réglés sur attachement » n'est pas de nature à contredire le caractère global du prix, ni actualisable, ni révisable, cette disposition visant des modifications accessoires ou limitées du contrat ne remettant pas en cause son économie générale, étant relevé qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le budget des fondations spéciales a été multiplié par trois ; que par conséquent, contrairement à ce qui a été jugé par le tribunal, le marché de travaux était passé à prix fermes sans possibilité de modification du prix global (arrêt attaqué, p. 8, § 3 à p. 9, § 9) ;
1) Alors que le juge doit, en toutes circonstances, observer le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur des moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que, pour faire prévaloir les articles 5 et 6 du marché de travaux du 26 mars 2007, mentionnant un prix ferme de 114 000 euros HT ni actualisable ni révisable, sur l'article 1.8 du cahier des clauses techniques particulières, stipulant qu'« au fur et à mesure de l'exécution des travaux, l'entrepreneur communiquera[it] au maître de l'ouvrage toute constatation de nature à modifier les prévisions initiales et notamment dès qu'appara[îtraient] des différences entre les résultats de la reconnaissance préalable et ses propres constatations », qu'il « proposera[it], s'il y a[vait] lieu, les modifications à apporter à l'exécution qui lui para[îtraient] découler de ces constatations et précisera[it] l'incidence sur les modalités contractuelles », la cour d'appel s'est fondée, d'elle-même, sur la hiérarchie des documents contractuels édictée par la norme NF P 03-001, qui n'était invoquée par aucune des parties ; qu'en statuant de la sorte, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
2) Alors que la norme N P 03-001, n'ayant pas été rendue d'application obligatoire par arrêté ministériel, elle est d'application volontaire, ce qui suppose que les parties contractantes s'y réfèrent en vue de lui donner valeur contractuelle ; que pour justifier l'application qu'elle a faite de la hiérarchie des documents contractuels édictée par la norme NF P 03-001, la cour d'appel a relevé qu'il ne résultait d'aucune stipulation contractuelle que les parties avait entendu « déroger » à cette hiérarchie ; qu'en statuant par cette seule considération, sans constater aucune référence positive à la norme NF P 03-001 dans les pièces constitutives du marché conclu le 26 mars 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1787 du même code.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société [...] coresponsable, avec le Betac, du préjudice subi par la société Patrinum du fait de l'exécution de travaux supplémentaires, d'avoir condamné la société [...], in solidum avec le Betac, à payer à la société Patrinum la somme de 175 810 euros au titre du surcoût résultant des travaux supplémentaires, outre la somme de 123 102 euros au titre du prêt contracté « pour faire face » à ces travaux, et d'avoir débouté la société [...] de sa demande tendant au paiement du solde de travaux lui restant dû par la société Patrinum ;
Aux motifs qu'il ressort du rapport d'expertise et des pièces versées aux débats que la SARL [...], suite au rapport géotechnique effectué par le CEBTP, avait bien connaissance des contraintes du sol et des difficultés qu'elle pouvait rencontrer, l'expert indiquant que le rapport du CEBTP était assez explicite sur la nature du sol et les inconnus, ainsi que des différents types de mission spécifiques à la réalisation des ouvrages ; que l'expert judiciaire conclut que l'entreprise [...], spécialisée dans l'exécution des fondations spéciales savait, comme le Betac, que le rapport du CEBTP n'était qu'une étude de faisabilité et non d'exécution et ne constituait pas un document fiable pour l'exécution et le dimensionnement des fondations, notamment au regard des premiers puits réalisés et des profondeurs relevées ; que l'expert indique qu'une étude complémentaire aurait dû être demandée par le Betac et Sud Ouest fondations qui se seraient alors retournées vers le maître de l'ouvrage ; qu'or, malgré l'absence d'étude complémentaire, la société [...] a cependant fait signer des travaux complémentaires au maître de l'ouvrage, ce dernier n'ayant pas été conseillé sur ce point par la société Betac et ayant accepté les travaux supplémentaires au vu de l'urgence et craignant de subir un préjudice commercial bien plus important si le centre commercial ne rouvrait pas ; que, ce faisant, la société [...] a, comme la société Betac, manqué à son devoir de conseil et d'information à l'égard du maître de l'ouvrage et engagé sa responsabilité contractuelle envers ce dernier ; que dans ces conditions, il convient de condamner in solidum la société Betac et la société [...] à réparer le préjudice subi par la société Patrinum du fait des dépassements des travaux et de rejeter la demande présentée par la société [...] au titre du solde de ces derniers, la société [...] étant elle-même à l'origine du préjudice subi (arrêt attaqué, p. 12, § 2 à 7) ;
1) Alors que la condition première de la responsabilité contractuelle est la caractérisation de l'inexécution d'une obligation née du contrat ; que l'article 1.8 du cahier des clauses techniques particulières du marché conclu le 26 mars 2007 stipulait, comme le rappelle l'arrêt attaqué, qu'« au fur et à mesure de l'exécution des travaux, l'entrepreneur communiquera[it] au maître de l'ouvrage toute constatation de nature à modifier les prévisions initiales et notamment dès qu'appara[îtraient] des différences entre les résultats de la reconnaissance préalable et ses propres constatations », qu'il « proposera[it], s'il y a[vait] lieu, les modifications à apporter à l'exécution qui lui para[îtraient] découler de ces constatations et précisera[it] l'incidence sur les modalités contractuelles » ; que ces stipulations contractuelles fixaient les conditions dans lesquelles l'entrepreneur devait informer et conseiller le maître de l'ouvrage quant à d'éventuelles modifications lui paraissant nécessaires par rapport aux prévisions établies sur la base de l'étude de sol réalisée par le CEBTP ; qu'en retenant la responsabilité contractuelle de la société [...] à l'égard du maître de l'ouvrage pour lui avoir fait signer des travaux supplémentaires sans avoir préalablement demandé d'étude de sol complémentaire, ce qu'elle a regardé comme un manquement de l'entrepreneur à son obligation d'information et de conseil, mais en ne relevant cependant aucune méconnaissance des modalités contractuelles d'exécution de cette obligation, telles qu'elles étaient fixées à l'article 1.8 du cahier des clauses techniques particulières, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1787 du même code ;
2) Alors qu'en tout état de cause, une faute contractuelle n'implique pas nécessairement par elle-même l'existence d'un dommage en relation de cause à effet avec cette faute ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les travaux supplémentaires réalisés par la société [...] avaient été acceptés par le maître de l'ouvrage ; qu'en condamnant la société [...], pour avoir prétendument manqué à son obligation d'information et de conseil concernant les contraintes du sol et leurs conséquences sur le type de fondations à réaliser, à indemniser le maître de l'ouvrage du coût de ces travaux supplémentaires et des frais du prêt destiné supposément à les financer, et en lui refusant corrélativement le paiement du solde desdits travaux, sans constater que, mieux informé et conseillé, le maître de l'ouvrage n'aurait pas donné son acceptation de la même manière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société [...], in solidum avec le Betac, à payer à la société Patrinum la somme de 123 102 euros au titre du prêt contracté « pour faire face » aux travaux supplémentaires ;
Aux motifs que la société IMC a souscrit le 5 juin 2008 un prêt ayant pour objet « Travaux complémentaires supermarché Super U Egat » d'un montant de 406 500 € ; que la réalité de ce prêt destiné à faire face aux travaux complémentaires est confirmée par une attestation en date du 15 décembre 2014, émanant de monsieur U... E... , expert-comptable, attestation dont le contenu n'est pas discuté par le Betac, et exposant que la SARL IMC a versé un total de 123 102 € d'intérêts et d'indemnités relatifs à son emprunt n° [...] de 406 500 € consenti en juillet 2008, ce montant se décomposant comme suit : / * 107 811 € d'intérêts / * 4 310 € d'indemnités de gestion / * 10 057 € d'indemnités financières / * 924 € d'indemnités normales ; que ce prêt est également visé au passif du bilan de l'exercice clos le 31 mars 2009, la date de sa souscription s'expliquant enfin par le fait qu'il a été souscrit a posteriori justement pour faire face aux travaux et aux dépenses imprévus (arrêt attaqué, p. 13, § 2 à 5) ;
1) Alors que les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la somme globale de 289 810,80 euros HT payée par le maître de l'ouvrage au titre des travaux de fondation, y compris les travaux supplémentaires acceptés en cours de chantier, avait déjà été intégralement déboursée au jour de la souscription du prêt contracté le 5 juin 2008 ; qu'en condamnant cependant la société [...] à indemniser le maître de l'ouvrage des frais de ce prêt, par la fausse considération qu'il aurait été souscrit pour faire face au coût des travaux supplémentaires, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1147 et 1151 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2) Alors que les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention ; que les frais du prêt contracté le 5 juin 2008 par le maître de l'ouvrage, quand bien même ce prêt aurait été réellement destiné à faire face au coût des travaux supplémentaires et n'aurait donc pas été souscrit postérieurement au paiement de ces travaux, ne pouvaient tout au plus constituer qu'une suite indirecte du manquement prétendu de la société [...] à son obligation d'information et de conseil, dès lors que la cause première du crédit tenait, en toute hypothèse, à l'insuffisance de trésorerie du maître de l'ouvrage ; qu'en condamnant cependant la société [...] à indemniser le maître de l'ouvrage des frais du prêt, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1151 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Moyens produits par SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Bureau d'études techniques architecturales et coordination, demanderesse au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le marché de travaux en date du 26 mars 2007 avait été passé à prix fermes sans possibilité de modification du prix global, et, cet état, d'AVOIR déclaré la société BETAC, in solidum avec la société [...] coresposable du préjudice subi par la société Patrinum du fait de l'exécution de travaux supplémentaires, et d'AVOIR condamné la société BETAC, in solidum avec la société [...] à payer à la société Patrinum la somme de 175 810 euros au titre du surcoût résultant des travaux supplémentaires, outre la somme de 123 102 euros au titre du prêt contracté « pour faire face » à ces travaux ;
AUX MOTIFS QUE l'article 5 du marché de travaux « Prix contractuel » dispose : Le prix global est fixé à : Montant du marché : HT 114 000 € / TVA 19,6 % 22 344 € / TTC 136 344 € / Les travaux en plus ou en moins seront réglés sur attachement ; qu'aux termes de l'article 6 « Variation dans les prix », le prix global n'est ni actualisable, ni révisable, le marché est passé à prix fermes ; qu'au préalable, il convient de rappeler qu'un marché est constitué non d'un mais de nombreux documents ; que certains sont de nature administrative, ils établissent les aspects juridiques et financiers du marché, ce qui est le cas en l'espèce du document intitulé « Extension et remodeling d'un supermarché Marché de travaux » ; que d'autres sont de nature techniques et énoncent les prescriptions matérielles régissant l'exécution de l'ouvrage, ce qui est le cas du CCTP Lot n° 2 A Fondations Spéciales ; que la norme NF P 03-001 énonce une hiérarchie des pièces du marché, à laquelle les parties peuvent déroger ; qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucune stipulation contractuelle que les cocontractants ont entendu déroger à l'ordre de prévalence énoncé par la norme ; que les règles de priorité sont les suivants : /* les documents administratifs prévalent sur les documents techniques /* les documents particuliers à une opération prévalent sur les documents généraux / * les documents contractuels prévalent sur les documents indicatifs ; que dans l'hypothèse d'une contradiction entre les différents documents, la hiérarchie des pièces constitutive du marché selon la norme NF P 03001 ( articles 4.2 et 4.3) donne donc priorité à la lettre d'engagement ou la soumission acceptée, comprenant principalement l'identification des parties, l'objet du marché, les délais d'exécution et le prix sur le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), décrivant les ouvrages et les conditions particulières de leur exécution ; qu'en l'espèce, le marché de travaux prévaut donc sur le CCTP qui ne porte en outre que sur les conditions d'exécution des travaux et aucunement sur le montant du marché ; que par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Betac, l'article 6 du marché porte bien sur le montant global du marché et non sur le prix unitaire des prestations réalisées, le prix global n'étant ni actualisable, ni révisable, le contrat précisant également que le marché est passé à prix fermes ; qu'enfin, la mention figurant à l'article 5 du marché selon laquelle « Les travaux en plus ou en moins seront réglés sur attachement » n'est pas de nature à contredire le caractère global du prix, ni actualisable, ni révisable , cette disposition visant des modifications accessoires ou limitées du contrat ne remettant pas en cause son économie générale, étant relevé qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le budget des fondations spéciales a été multiplié par trois ; que par conséquent, contrairement à ce qui a été jugé par le tribunal, le marché de travaux était passé à prix fermes sans possibilité de modification du prix global ;
1) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, observer le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur des moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que, pour faire prévaloir les articles 5 et 6 du marché de travaux du 26 mars 2007, mentionnant un prix ferme de 114 000 euros HT ni actualisable ni révisable, sur l'article 1.8 du cahier des clauses techniques particulières stipulant qu' « au fur et à mesure de l'exécution des travaux, l'entrepreneur communiquera[it] au maître de l'ouvrage toute constatation de nature à modifier les prévisions initiales et notamment dès qu'appara[îtraient] des différences entre les résultats de la reconnaissance préalable et ses propres constatations », qu'il « proposera[it], s'il y a[vait] lieu, les modifications à apporter à l'exécution qui lui para[îtraient] découler de ces constatations et précisera[it] l'incidence sur les modalités contractuelles », la cour d'appel s'est fondée, d'elle-même, sur la hiérarchie des documents contractuels édictée par la norme NF P 03-001 qui n'était invoquée par aucune des parties ; qu'en statuant de la sorte, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE n'ayant pas été rendue d'application obligatoire par arrêté ministériel, la norme NF P 03-001 est d'application volontaire, ce qui suppose que les parties contractantes s'y réfèrent en vue de leur donner valeur contractuelle ; que pour justifier l'application qu'elle a faite de la hiérarchie des documents contractuels édictée par la norme NF P 03-001, la cour d'appel a relevé qu'il ne résultait d'aucune stipulation contractuelle que les parties avaient entendu « déroger » à cette hiérarchie ; qu'en statuant par cette seule considération, sans constater aucune référence positive à la norme NF P 03-001 dans les pièces constitutives du marché conclu le 26 mars 2007, .a cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 1787 du même code.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la société BETAC, in solidum avec la société [...] coresposable du préjudice subi par la société Patrinum du fait de l'exécution de travaux supplémentaires, et d'AVOIR condamné la société BETAC, in solidum avec la société [...] à payer à la société Patrinum la somme de 175 810 euros au titre du surcoût résultant des travaux supplémentaires, outre la somme de 123 102 euros au titre du prêt contracté « pour faire face » à ces travaux ;
AUX MOTIFS QUE sur les manquements de la société Betac à ses obligations de conseil et de renseignement : le maître d'ouvrage SMC Sarl Supermarché Catalan, devenu IMC, a confié à la société Betac, maître d'oeuvre, un marché de maîtrise d'oeuvre privé en date du 25 octobre 2006, pour une mission complète de base comprenant : - la conception des travaux /- la direction des travaux /- le pilotage des travaux /- la coordination des travaux ; qu'il ressort du rapport d'expertise qu'il s'agissait d'une mission de conception et d'exécution (hors permis de construire), avec en avant-projet détaillé la mise au point des éléments de structure et de pré dimensionnement des structures suivi de la mise au point des détails des projets tous corps d'état ; que l'expert ajoute que compte tenu des missions particulières telles que le pilotage et la coordination des travaux, c'est à dire une large couverture de mission d'exécution, la société Betac se devait d'informer le maître de l'ouvrage sur les besoins techniques nécessaires à la bonne réalisation de l'opération ; que la société Betac a confié à la société Ginger CEBTP, venant aux droits de la société CEBTP Solen, le soin de procéder à une étude géotechnique de type G-0 et G 12 phase 1 ; que le contenu de la mission G 12 est défini par la norme NFP 94-500 de la façon suivante: « Etude Geotechnique d'avant-projet (G 12) ; Elle est réalisée au stade d'avant-projet et permet de réduire les conséquences des risques géologiques majeurs identifiés : - définir un programme d'investigations géotechniques spécifique, le réaliser ou en assurer le suivi technique, en exploiter les résultats. - fournir un rapport donnant les hypothèses géotechniques à prendre en compte au stade de l'avant-projet, certains principes généraux de constructions (notamment terrassements, soutènements, fondations, risques de déformation des terrains, dispositions générales vis-à- vis des nappes et avoisinants. Cette étude sera obligatoirement complétée lors de l'étude géotechnique de projet (étape 2) » ; que par conséquent, la mission G 12 ne constitue qu'une première approche générale et doit être obligatoirement complétée par l'étude géotechnique de projet, ce qui est confirmé par l'expert qui indique que la mission confiée au CEBTP correspond au minimum nécessaire et obligatoire au calcul des fondations et de la structure d'un immeuble ; que l'expert ajoute que la lecture de la norme permet aisément de comprendre que cette mission a une portée limitée et qu'elle revient uniquement à dégager des hypothèses géotechniques ainsi que des principes généraux de construction ; qu'en outre, le CEBTP précisait page 19 de son rapport que celui-ci restait à la disposition du concepteur pour étudier les éventuelles modifications une fois connues l'adaptation au site et les efforts amenés au sol par les constructions dans le cadre d'une mission G12 phase 2 à G2 ; que par ailleurs, le CEBTP indiquait également « les reconnaissances des sols procèdaient par sondages ponctuels, les résultats n'étant pas extrapolables à l'ensemble du site. Il persiste des aléas (par exemple : hétérogénéité locale, présence d'eau, etc...) qui peuvent entraîner des adaptations tant de la conception que de l'exécution qui ne sauraient être à la charge du géotechnicien » ; que d'autre part, contrairement à ce que soutient la société Betac, il ressort tant du rapport du CEBTP que du rapport d'expertise que la mission G 12 confiée par la Sarl BETAC au CEBTP comportait des études de structures et notamment le pré dimensionnement des fondations, le rapport donnant des hypothèses géotechniques à prendre en compte au stade de l'avant-projet, mais qui devaient être complétées dans le cadre de l'étape 2 destinée à définir un programme d'investigations géotechniques spécifiques et à fournir les notes techniques donnant les méthodes d'exécution retenues pour les ouvrages géotechniques ; qu'il n'était donc pas prévu dans le cadre de l'étude géotechnique avant-projet G 12 que le CEBTP précise les niveaux d'ancrage des fondations ; que le contenu de la mission et le rapport du CEBTP indiquaient donc de façon claire et précise , contrairement à ce que soutient la société Betac, qu'il s'agissait d'une étude de faisabilité technique qui devait être obligatoirement complétée par une mission G 12 phase 2 et n'avait pas vocation à être exploitée directement par les constructeurs, le CEBTP indiquant notamment que « le contenu du présent rapport n'est valable que sous réserve des conditions générales des missions géotechniques jointes en annexe 1 » à savoir l'étude géotechnique de projet (G2) ; que l'expert conclut qu'il appartenait par conséquent à la société Betac, au titre de son obligation de renseignement et de conseil, d'informer le maître de l'ouvrage que le rapport du CEBTP n'était qu'une étude de faisabilité et non d'exécution et qu'il était nécessaire, en fonction des circonstances, de faire procéder pour l'exécution des travaux à une mission complémentaire ; qu'en tout état de cause, la société Betac aurait dû à minima attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur la nécessité mentionnée par la mission G 12 de faire réaliser une nouvelle étude géotechnique du sol ; que la société Betac, qui n'a pas exigé, ni même demandé l'exécution d'une étude géotechnique de projet de type G2, a en toute hypothèse manqué à son devoir de conseil et engagé à ce titre sa responsabilité contractuelle envers le maître de l'ouvrage ; que le jugement sera donc infirmé sur ce point ;
ALORS QU'une faute contractuelle n'implique pas nécessairement par elle-même l'existence d'un dommage en relation de cause à effet avec cette faute ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les travaux supplémentaires réalisés par la société [...] avaient été acceptés par le maître de l'ouvrage, de sorte qu'en condamnant la société BETAC, pour avoir prétendument manqué à son obligation d'information et de conseil concernant les contraintes du sol et leurs conséquences sur le type de fondations à réaliser, à indemniser le maître de l'ouvrage du coût de ces travaux supplémentaires et des frais du prêt destiné supposément à les financer, sans constater que, mieux informé et conseillé, le maître de l'ouvrage n'aurait pas donné son acceptation de la même manière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société BETAC, in solidum avec la société [...], à payer à la société Patrinum la somme de 123 102 euros au titre du prêt contracté « pour faire face » aux travaux supplémentaires ;
AUX MOTIFS QUE la société IMC a souscrit le 5 juin 2008 un prêt ayant pour objet « Travaux complémentaires supermarché Super U Egat » d'un montant de 406 500 € ; que la réalité de ce prêt destiné à faire face aux travaux complémentaires est confirmée par une attestation en date du 15 décembre 2014, émanant de M. U... E... , expert-comptable, attestation dont le contenu n'est pas discuté par le Betac, et exposant que la Sarl IMC a versé un total de 123 102 € d'intérêts et d'indemnités relatifs à son emprunt n° [...] de 406 500 € consenti en juillet 2008, ce montant se décomposant comme suit: * 107 811 € d'intérêts / * 4 310 € d'indemnités de gestion / * 10 057 € d'indemnités financières / * 924 € d'indemnités normales ; que ce prêt est également visé au passif du bilan de l'exercice clos le 31 mars 2009 , la date de sa souscription s'expliquant enfin par le fait qu'il a été souscrit a posteriori justement pour faire face aux travaux et aux dépenses imprévus ; qu'en conséquence, il convient de condamner in solidum la société Betac et la société [...] à payer à la société Patrinum la somme de 123 102 € au titre du prêt contracté pour faire face à ces derniers ;
1) ALORS QUE les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la somme globale de 289 810,80 euros HT payée par le maître de l'ouvrage au titre des travaux de fondation, y compris les travaux supplémentaires acceptés en cours de chantier, avait déjà été intégralement déboursée au jour de la souscription du prêt contracté le 5 juin 2008 ; qu'en condamnant cependant la société BETAC à indemniser le maître de l'ouvrage des fiais de ce prêt, par la fausse considération qu'il aurait été souscrit pour faire face au coût des travaux supplémentaires, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1147 et 1151 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2) ALORS QUE les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention ; que les frais du prêt contracté le 5 juin 2008 par le maître de l'ouvrage, quand bien même ce prêt aurait été réellement destiné à faire face au coût des travaux supplémentaires et n'aurait donc pas été souscrit postérieurement an paiement de ces travaux, ne pouvaient tout au plus constituer qu'une suite indirecte du manquement prétendu de la société [...] à son obligation d'information et de conseil, dès lors que la cause première du crédit tenait, en toute hypothèse, à l'insuffisance de trésorerie du maître de l'ouvrage ; qu'en condamnant cependant la société BETAC à indemniser le maître de l'ouvrage des frais du prêt, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1151 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société BETAC de son appel en garantie contre la société Socotec France ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de la convention de contrôle technique signée le 3 avril 2007 entre la société IMC et la société Socotec, les missions du contrôleur technique étaient les suivantes : * mission L portant sur la solidité * mission SEI portant sur la sécurité des personnes * mission PS portant sur la protection parasismique ; Qu'il résulte de l'article A.1.1 de l'annexe A de la norme NF P 03-100 que « Les aléas techniques à la prévention desquels le contrôle technique contribue au titre de la mission L sont ceux qui, découlant des défauts dans l'application des textes techniques à caractère réglementaire ou normatif, sont susceptibles de compromettre la solidité de la construction achevée ou celle des ouvrages et éléments d'équipements indissociables qui la constituent » ; qu'or, en l'espèce, il convient de relever d'une part qu'il n'est pas contesté que la solidité de la construction achevée n'est pas atteinte, d'autre part qu'aux termes de l'article 3.7 des conditions générales, la Socotec n'est pas tenue de s'assurer de la véracité des constatations contenues dans les rapports ou les procès-verbaux qui lui sont remis ; que dans ces conditions, la société Betac ne peut reprocher à la Socotec de ne pas avoir préconisé une étude de sol complémentaire alors qu'il appartenait à la société Betac, maître d'oeuvre, chargée d'une mission complète, de préconiser une telle étude, l'expert judiciaire rappelant notamment qu'il appartenait à la société Betac de dire si la nature des investigations réalisées par le CEBTP convenait au dimensionnement des ouvrages à réaliser et ne retenant aucun manquement de la Socotec dans le cadre de sa mission consistant à examiner les pièces techniques telles l'étude de sol, les plans de structure etc.... et à donner un avis pour exécution ; qu'au vu de ces éléments, il n'est caractérisé aucun manquement de la Socotec dans le cadre de sa mission de contrôle technique portant sur la solidité de l'ouvrage ; que la société Betac sera donc déboutée de son appel en garantie à l'encontre de la société Socotec ;
1) ALORS QUE le contrôleur technique répond des fautes commises dans l'exercice de sa mission ; qu'aux termes de la convention de contrôle technique signée le 3 avril 2007 entre le maître de l'ouvrage et la société Socotec, celle-ci a assumé une mission L portant sur la solidité de l'ouvrage, ainsi que l'arrêt attaqué l'a relevé (p. 13, in fine) ; que pour débouter la société BETAC de son appel en garantie contre la société Socotec, la cour d'appel a affirmé qu'il résulte de l'article A.1.1 de l'annexe A de la norme NF P 03-100 que « les aléas techniques à la prévention desquels le contrôle technique contribue au titre de la mission L sont ceux qui, découlant des défauts dans l'application des textes techniques à caractère réglementaire ou normatif, sont susceptibles de compromettre la solidité de la construction achevée ou celle des ouvrages et éléments d'équipements indissociables qui la constituent », cependant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la solidité de la construction achevée n'est pas atteinte ; qu'en statuant ainsi, quand cet article donne pour mission au contrôleur technique chargé d'une mission L de détecter les défauts dans l'application des textes techniques à caractère réglementaire ou normatif, qui sont « susceptibles » de compromettre la solidité de la construction achevée, de sorte qu'il lui incombait de rechercher, comme elle y était invitée, si, en l'espèce, la solidité de l'ouvrage n'avait pas été compromise uniquement parce que, moyennant un surcoût pour le maître de l'ouvrage, les fondations avaient été ancrées à un niveau supérieur à celui indiqué par le rapport de la société CEBTP Solen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article A.1.1 de l'annexe A de norme NF P 03-100 ;
2) ALORS QUE commet une faute le contrôleur technique qui assume une mission portant sur la solidité de l'ouvrage et n'attire pas l'attention du maître de l'ouvrage sur l'insuffisance d'une étude géotechnique qui lui a été communiquée ; que, dès lors, en déboutant la société BETAC de son appel en garantie contre la société Socotec qui était chargée d'une mission portant sur la solidité de l'ouvrage, au motif impropre à écarter la responsabilité du contrôleur technique qu'aux termes de l'article 3.7 des conditions générales de la convention de contrôle technique du 3 avril 2007, la société Socotec n'est pas tenue de s'assurer de la véracité des constatations contenues dans les rapports ou les procès-verbaux qui lui sont remis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016 ;
3) ALORS QUE le manquement du maître d'oeuvre à son devoir de conseil, à le supposer établi, n'exonère pas le contrôleur technique de sa responsabilité pour avoir manqué à son propre devoir de conseil ; que, par suite, en déboutant la société BETAC de son appel en garantie contre la société Socotec, au motif que la première société ne peut reprocher à la seconde de ne pas avoir préconisé un étude de sol complémentaire qu'il lui appartenait, en sa qualité de maître d'oeuvre, de préconiser, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 111-24, alinéa 2, du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 ;
4) ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que dans son rapport, l'expert judiciaire s'est bornée à affirmer, s'agissant de la société Socotec, qu'elle « a procédé à l'examen des pièces techniques, telles l'étude de sol, les plans de structure... etc.. et donne avis pour exécution » (p. 28, in fine), sans à aucun moment se prononcer sur les manquements imputables à cette société ; qu'en déboutant la société BETAC de son appel en garantie contre la société Socotec, au motif que l'expert judiciaire n'avait retenu aucun manquement de celle-ci dans le cadre de sa mission, la cour d'appel a dénaturé ledit rapport d'expertise, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis.