La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/05/2020 | FRANCE | N°19-11516

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 mai 2020, 19-11516


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 mai 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 280 F-D

Pourvoi n° K 19-11.516

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020

M. Y... C..., domicilié [...] (Liban), a formé le pourvoi n° K 19-11.516 cont

re l'arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Huawei technologies ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 mai 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 280 F-D

Pourvoi n° K 19-11.516

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 MAI 2020

M. Y... C..., domicilié [...] (Liban), a formé le pourvoi n° K 19-11.516 contre l'arrêt rendu le 22 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Huawei technologies co limited, dont le siège est [...] (Chine), défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. C..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Huawei technologies co limited, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 janvier 2019), M. C... est le dirigeant de la société de droit des Îles Vierges Britanniques Comium Services qui a passé avec la société de droit chinois Huawei technologies ("Huawei") deux contrats de fourniture d'équipement pour un système de téléphonie mobile. Après la fixation d'un échéancier de paiement, M. C... a signé le 18 août 2011 une lettre de garantie personnelle.

2. En raison d'un impayé laissé par la société Comium Services, la société Huawei a assigné M. C... devant le tribunal de commerce de Paris en janvier 2014. Celui-ci a soutenu que, son domicile étant au Liban, le juge français était incompétent.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses huit premières branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur la neuvième branche du moyen

Enoncé du moyen

4. M. C... fait grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de commerce de Paris internationalement compétent, alors « que si l'extranéité des parties n'est pas une cause d'incompétence des juridictions françaises, celles-ci ne peuvent se reconnaître compétentes lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France ; que la notion de domicile apparent ne saurait pallier l'absence des critères ordinaires de compétence territoriale des juridictions françaises ; qu'en rejetant néanmoins l'exception d'incompétence territoriale, motif pris que la société Huawei pouvait estimer de bonne foi que le domicile de M. C... se trouvait à Paris, après avoir pourtant constaté que M. C..., de nationalité libanaise, avait fixé son domicile au Liban au jour de l'assignation, que la société Huawei, demanderesse, était une société de droit chinois, et la société Comium Services, une société de droit des Îles Vierges britanniques, que les contrats passés entre ces deux sociétés concernaient l'Afrique de l'Ouest et que la « Personal Guarantee Letter » litigieuse avait été signée au Liban sur papier à en-tête d'une société des Îles Vierges britanniques, la cour d'appel a violé les articles 42 et 43 du code de procédure civile, ensemble le principe d'extension à l'ordre international des règles françaises internes de compétence. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir justement énoncé que le demandeur à une instance peut s'en tenir à la simple apparence de domicile pour y assigner le défendeur, s'il a pu de bonne foi croire qu'il constituait le domicile réel, et constaté que la société Huawei pouvait estimer de bonne foi que le domicile apparent de M. C... se trouvait à Paris, la cour d'appel a exactement retenu, sur le fondement des articles 42 et 43 du code de procédure civile, ce domicile, comme critère ordinaire de compétence pour fonder la compétence internationale du juge français.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. C... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. C... et le condamne à payer à la société Huawei technologies la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. C...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit l'exception d'incompétence mal fondée et d'avoir déclaré le tribunal de commerce de Paris internationalement compétent ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l'exception d'incompétence territoriale, c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont considéré que si M. C... avait fixé son domicile au Liban au jour de l'assignation, HUAWEI pouvait estimer de bonne foi que le domicile apparent de M. C... se trouvait apparent à Paris ; qu'en effet, le demandeur à une instance peut s'en tenir à la simple apparence de domicile pour y assigner le défendeur, si en qualité de tiers de bonne foi, il a pu être légitimement trompé sur la localisation du domicile de ce défendeur en un lieu qui n'est pas celui du centre de ses intérêts principaux, comme en l'espèce ; que comme l'a relevé le tribunal de commerce, l'appartement situé [...] dont M. C... est propriétaire avec son épouse, était mentionné, d'une part, sur le site internet personnel de ce denier ([...]), ainsi qu'il résulte du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 10 septembre 2014 à la demande de HUAWEI après que M. C... a soulevé l'exception d'incompétence devant les premiers juges et, d'autre part, sur le compte Instagram de ce dernier ; que ce domicile parisien était encore mentionné dans deux articles de presse datés respectivement du 21 mai 2011 et du 20 février 2012 ; qu'ainsi que les premiers juges l'ont relevé, les modalités de remise de l'assignation au domicile parisien de M. C... viennent conforter le domicile apparent de celui-ci ; que le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence territoriale ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur le mérite de l'exception d'incompétence territoriale, l'article 42 du CPC dispose que « La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur... » ; que l'article 43 du même code dispose que « Le lieu où demeure le défendeur s'entend : - s'il s'agit d'une personne physique, du lieu où celle-ci a son domicile ou, à défaut, sa résidence, - s'il s'agit d'une personne morale, du lieu où celle-ci est établie, » ; que dans la présente instance le défendeur est une personne physique, et qu'il appartient donc au tribunal de déterminer quel est le domicile de N. C... ou, à défaut, sa résidence ; que l'article 102 du code civil dispose que « Le domicile de tout français, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement. » ; que la doctrine, analysant cet article du code civil, définit le domicile comme « le lieu auquel la personne est juridiquement rattachée en raison d'un lien l'unissant à ce lieu et en dépit d'un éloignement éventuel, même durable. » ; que les parties s'accordent sur cette définition, qu'elles reprennent l'une et l'autre dans leurs écritures ; qu'ainsi la détermination du domicile d'une personne physique est une question de fait qui relève de l'appréciation souveraine par le tribunal des éléments de preuve qui lui sont soumis ; que l'appréciation des éléments de preuve peut différer selon la fonction remplie par le domicile au regard de la nature du litige ; que, selon la doctrine, « une simple résidence se mue en domicile lorsqu'elle revêt une certaine durée, accompagne une activité professionnelle, s'anime d'une vie familiale ou se conforte de relations sociales ou d'activités culturelles » ; qu'il convient donc de rechercher où se trouve le centre des intérêts de N. C... à la lumière de ses liens professionnels, familiaux, sociaux ou culturels ; que N. C... verse aux débats deux documents intitulés «attestation de domicile » à en-tête du Ministère de l'intérieur et des municipalités du Liban (sa pièce n°1) ; que la première attestation, datée du 2 mai 2014, émanant du maire de la localité de Mazraa, fait état pour N. C... d'une « adresse principale » sise [...] et d'un « domicile actuel de l'intéressé » situé [...] ; que la seconde attestation, datée du 15 mai 2015, émanant du maire de la localité de Mousselbeth, fait état pour N. C... d'une « Current Residence Adress » située [...], et précise que N. C... réside à cette adresse depuis cinq années et qu'il y réside encore ; que N. C... précise dans ses écritures que l'immeuble mentionné comme étant son adresse principale dans la première attestation, situé [...] , est en travaux, et qu'il habite donc l'immeuble, qualifié comme étant son domicile actuel, situé [...] , qui est celui qu'habitait autrefois Monsieur B... E..., ancien premier ministre libanais et beau-père de N. C... ; que N. C... verse également aux débats deux attestations émanant de « [...] in Beirut » (ses pièces n°5 et n°6), datées du 29 avril 2014, aux termes desquelles il apparaît que ses deux filles, O... Y... C..., âgée alors de 14 ans, et Q... Y... C..., âgée alors de 17 ans, étaient scolarisées dans cet établissement pour l'année académique 2013-2014 ; qu'il apparaît de ces pièces que N. C... a bien une résidence identifiée à Beyrouth, et que des liens familiaux le rattachent à cette ville ; que N. C... verse aux débats un extrait de sa page Facebook (sa pièce n°12) dans laquelle figure la mention « Lives in Beirut, Lebanon », un extrait de sa page Linkedin (sa pièce n°13) dans laquelle figure sa fonction de « Chairman 8, CEO, COMIUM, Liban, Telecommunications », et un extrait de sa page Twitter (sa pièce n°14) dans laquelle figure sa fonction de CEO du groupe COMIUM et la mention « Y... C... is currently based in Beirut, Lebanon » ; que N. C... verse également aux débats un courriel daté du 26 juin 2013 (sa pièce n°16) adressé par N. C..., dont l'adresse de messagerie internet est [...], à Monsieur S... N..., salarié du groupe HUAWEI, dont l'adresse de messagerie internet est [...], dans lequel N. C... écrit qu'il est basé à Beyrouth (Liban) et propose à son interlocuteur une rencontre dans cette ville au mois de juillet 2013 ; que ce courriel est signé de « Dr Y... C..., Chairman 8 CEO, Comium Group, [...] » ; qu'il n'est pas contesté que le groupe COMIUM, dont COMIUM SERV est une filiale, et dont N. C... est le dirigeant, a bien un établissement à Beyrouth, même si le siège social de COMIUM HOLDING, société de tête du groupe, est à Jersey ; qu'il apparaît de ces pièces que N. C... exerce ses activités professionnelles, ou du moins une partie d'entre elles, à Beyrouth ; que N. C... verse aux débats une copie intégrale de son passeport libanais, délivré le 9 juin 2011 et valide jusqu'au 8 juin 2016 (sa pièce n°7 bis), ainsi qu'un tableau récapitulatif des sorties et des entrées du et sur le territoire libanais de N. C... pour la période du 19 juin 2011 au 28 novembre 2014, élaboré par son conseil sur la base des tampons d'entrées-sorties figurant sur ce passeport (pièce communiquée par note en délibéré, sollicitée par le Juge) ; qu'à l'examen attentif de ce tableau, le tribunal constate que N. C..., si l'on inclut dans le décompte les jours de voyage (jour de départ et jour de retour), a été absent du Liban 52 Jours entre le 16 juin 2011 et le 31 décembre 2011 à l'occasion de 7 voyages, 67 Jours en 2012 à l'occasion de 9 voyages, 83 jours en 2013 à l'occasion de 10 voyages et 84 Jours en 2014 à l'occasion de 12 voyages, soit un total de 286 Jours sur une période de trois années et demie à l'occasion de 38 voyages, soit une moyenne de 7 jours d'absence par mois (et d'un peu moins d'un voyage par mois) ; que le tribunal considère que ce taux d'absence du Liban n'est ni anormal ni excessif dans le contexte professionnel qui est celui de N. C..., dirigeant d'un groupe dont l'activité se déroule très largement à l'international ; que N. C... verse également aux débats une attestation émanant de Monsieur X... J... (sa pièce n°9), qui exerce la profession de coach sportif indépendant, employé par l'hôtel « Le Gray » à Beyrouth ; que dans ce document, daté du 3 novembre 2014, M. J... indique donner à N. C... « quotidiennement, sauf les weekends, des cours de gymnastique, au centre de sport situé dans ses bureaux, à Beyrouth... » ; qu'il dit encore avoir « pu constater que Dr.C... est présent en permanence à Beyrouth, sauf lorsqu'il s'absente occasionnellement et toujours très brièvement à l'étranger » ; que le tribunal retiendra cette attestation qui émane d'une personne n'ayant aucun lien de parenté, d'alliance ou de subordination avec N. C..., même s'il assure à N. C... des prestations rémunérées ; qu'il apparaît de ces pièces que N. C... séjourne principalement à Beyrouth, où il a en outre des activités sportives régulières ; enfin que la lettre de garantie personnelle (« Personal Guarantee Letter ») (Pièce HUAWEI n°15), signée par N. C..., sur un papier où figure le logo de COMIUM, mentionne en dessous de sa signature manuscrite « Beirut ; 18th of august 2011 » ; que le tribunal considère qu'il résulte de ce qui précède que le centre des intérêts principaux de N. C... se situe à Beyrouth, Liban, où il réside de façon régulière à une adresse identifiée ; que toutefois la jurisprudence française a admis, de longue date, que le demandeur à une instance peut s'en tenir à une simple apparence de domicile pour y assigner le défendeur, si en qualité de tiers de bonne foi il a pu être légitimement trompé sur la localisation du domicile de ce défendeur en un lieu qui n'est pas celui du centre de ses intérêts principaux ; que la doctrine considère que lorsqu'une personne possède plusieurs résidences et partage ses activités en divers lieux, situation de nature à entraîner une confusion légitime sur la localisation du domicile réel de l'individu, le domicile apparent situé en France est assimilé au domicile réel et permet de fonder la compétence des juridictions françaises ; qu'en l'espèce N. C... est propriétaire, avec son épouse, depuis une vente intervenue le 26 novembre 1999, d'un appartement situé au [...], ainsi qu'en atteste le certificat émis par le service de la publicité foncière de Paris, fourni le 18 septembre 2013 à la suite d'une demande formulée le 13 septembre 2013 par le conseil du demandeur, antérieurement à la date de l'assignation (Pièce HUAWEI n°17) que la propriété d'un bien immobilier sur un territoire est un élément caractéristique d'une présence matérielle sur ce territoire et contribue ainsi à la détermination du domicile ; que les relations entre HUAWEI et COMIUM SERV, dont N. C... était dirigeant, datent, a minima, de 2004, année de signature du premier contrat à l'origine du présent litige ; qu'au cours des débats devant le juge chargé d'instruire l'affaire N. C... n'a pas contesté avoir eu son domicile à Paris jusqu'en 2010, alors même que COMIUM SERV a son siège social aux Iles Vierges Britanniques, que COMIUM HOLDING a son siège social à Jersey, et que le groupe COMIUM a une adresse opérationnelle au Liban ; que la localisation parisienne du domicile de N. C... est mentionnée sur le site internet personnel de ce dernier, dont l'adresse est http://[...], dans lequel il est indiqué « He (Dr. C...) currently resides in Paris, France, with his wife and children. », ainsi qu'en atteste le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 10 septembre 2014 à la demande de HUAWEI après que N. C... a soulevé l'exception d'incompétence du tribunal dans la présente instance (Pièce HUAWEI n°18) ; que la page d'accueil du profil Instagram de N. C... comporte la mention « Y... C..., faith, passion and love keep me going. [...] » et renvoie ainsi à ce site internet personnel, ainsi qu'en atteste le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 19 février 2015 à la demande de HUAWEI (Pièce HUAWEI n°21) ; que le tribunal considère inopérant l'argument de N. C... selon lequel son site internet personnel n'aurait pas été mis à jour depuis 2007, alors même qu'il indique mettre régulièrement à jour ses pages Facebook, Linkedln et Twitter et que sa page Instagram renvoie â ce site internet personnel ; que deux articles de presse versés aux débats par HUAWEI (ses pièces n°19 et 20) datés respectivement du 20 février 2012 et du 21 mai 2011, mentionnent, pour le premier (Oumma.com), que «
résident à Paris, il (N. C...) dirige OMNIUM (sic) group, firme internationale de téléphonie
» et, pour le second (La lettre de l'Océan Indien), que « L'ambassadeur des Comores auprès de l'UNESCO à Paris, le libanais Y... C... n'est autre que le fils de K... C...... Depuis lors (2004), C... vit à Paris avec son épouse et s'est tourné vers le continent africain... » ; que le tribunal considère comme inopérant l'argument de N. C... selon lequel HUAWEI aurait été informé de son domicile au Liban à la suite de son courriel du 26 juin 2013 susmentionné, adressé à Monsieur S... N..., salarié du groupe HUAWEI, basé à Londres ; qu'en effet le destinataire de ce mail n'est que l'un des quelques 150 000 salariés du groupe HUAWEI, 3ème opérateur mondial de téléphonie, ayant une large implantation internationale ; et qu'il n'est pas démontré que l'information qu'il a reçue de N. C..., selon laquelle ce dernier était alors « based in Beirut », ait dû, ou ait pu, être répercutée aux personnes de HUAWEI en charge du présent litige ; que le tribunal considère également comme inopérant l'argument de N. C... selon lequel le fait de tenir à Beyrouth des réunions avec Messieurs I... U..., W... D... et G... D..., représentants de HUAWEI auprès du groupe COMIUM, aurait été de nature à leur faire réaliser que le domicile de N. C... était à Beyrouth, quand bien même le groupe COMIUM y avait une adresse opérationnelle, dans la mesure où les groupes HUAWEI et COMIUM sont des groupes ayant des activités internationales et que leurs personnels sont habitués à tenir des réunions dans de multiples régions du monde, en fonction non seulement des sujets traités mais aussi des disponibilités territoriales et d'agenda des différents interlocuteurs concernés ; que dès lors le tribunal considère que HUAWEI pouvait estimer de bonne foi que le domicile de N. C... se trouvait à Paris ; que HUAWEI a assigné N. C... à son adresse parisienne du [...] ; que le document « Modalités de remise de l'acte » mentionne « Domicile certifié par : Gardien » puis « Au domicile du destinataire dont la certitude est caractérisée par les éléments suivants : 5ème étage » et enfin « La signification à la personne même du destinataire de l'acte s'avérant impossible pour les raisons : Destinataire absent à 10h40. Avis gardien. » ; que ces modalités de remise de l'acte d'assignation viennent conforter le moyen de « domicile apparent » défendu par HUAWEI ; qu'en conséquence de tout ce qui précède, le tribunal dira mal fondée l'exception d'incompétence territoriale soulevée par N. C... ;

1°) ALORS QUE l'apparence attributive de compétence territoriale doit avoir été créée par le défendeur dans ses rapports avec le demandeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, aux motifs que « l'appartement situé [...] dont M. C... est propriétaire avec son épouse, était mentionné, d'une part, sur le site internet personnel de ce denier ([...]) (
) et, d'autre part, sur le compte Instagram de ce dernier ; que ce domicile parisien était encore mentionné dans deux articles de presse datés respectivement du 21 mai 2011 et du 20 février 2012 » et que « les modalités de remise de l'assignation au domicile parisien de M. C... viennent conforter le domicile apparent de celui-ci », quand aucun de ces éléments n'était de nature à établir que Monsieur C... aurait créé une apparence de domicile dans ses échanges avec la société Huawei, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, qu'elle a ainsi privée de base légale au regard des articles 42 et 43 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE l'apparence attributive de compétence territoriale s'apprécie au jour de l'assignation en justice ; qu'en statuant comme elle l'a fait, aux motifs propres que « l'appartement situé [...] dont M. C... est propriétaire avec son épouse, était mentionné, d'une part, sur le site internet personnel de ce denier ([...]), ainsi qu'il résulte du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 10 septembre 2014 à la demande de HUAWEI après que M. C... a soulevé l'exception d'incompétence devant les premiers juges et, d'autre part, sur le compte Instagram de ce dernier ; que ce domicile parisien était encore mentionné dans deux articles de presse datés respectivement du 21 mai 2011 et du 20 février 2012 », et aux motifs adoptés qu'« au cours des débats devant le juge chargé d'instruire l'affaire N. C... n'a pas contesté avoir eu son domicile à Paris jusqu'en 2010 », la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur des éléments antérieurs et postérieurs à l'assignation du 29 janvier 2014 pour caractériser le domicile apparent de Monsieur C..., quand elle aurait uniquement dû rechercher l'apparence de domicile alléguée au jour de l'assignation, a violé les articles 42 et 43 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le domicile apparent est le lieu, distinct du domicile véritable, où la personne dispose d'un établissement qui peut passer pour principal aux yeux d'un observateur normalement prudent et diligent ; qu'en jugeant que les modalités de remise de l'assignation au domicile parisien de Monsieur C... viennent conforter le domicile apparent de celui-ci, après avoir pourtant constaté que la signification à personne avait été impossible en raison de l'absence du destinataire et que la certitude du domicile était caractérisée par la mention « 5ème étage », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, qu'elle a ainsi privée de base légale au regard des articles 42 et 43 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le procès-verbal de constat d'huissier en date du 19 février 2015 énonçait que la page d'accueil du profil Instagram de Monsieur Y... C... comportait un lien vers l'URL [...] abritant le site de Monsieur C... ; qu'en affirmant que l'appartement situé [...] était mentionné sur le compte Instagram de Monsieur C..., quand ce compte se bornait à renvoyer au site internet personnel de Monsieur C..., lequel mentionnait l'appartement parisien, la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal de constat d'huissier en date du 19 février 2015, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

5°) ALORS QUE l'apparence attributive de compétence territoriale s'apprécie au jour de l'assignation en justice ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que l'appartement situé [...] était mentionné sur le site internet personnel de Monsieur C..., sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si la dernière mise à jour de ce site internet ne datait pas du 22 novembre 2007, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'un domicile apparent à Paris au jour de l'assignation, soit le 29 janvier 2014, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 42 et 43 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE le domicile apparent est le lieu, distinct du domicile véritable, où la personne dispose d'un établissement qui peut passer pour principal aux yeux d'un observateur normalement prudent et diligent ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que « la propriété d'un bien immobilier sur un territoire est un élément caractéristique d'une présence matérielle sur ce territoire et contribue ainsi à la détermination du domicile », quand la seule propriété d'un appartement ne suffit pas à créer une apparence de domicile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 42 et 43 du code de procédure civile ;

7°) ALORS QUE l'apparence attributive de compétence territoriale ne bénéficie qu'au demandeur de bonne foi, qui ignorait le lieu du domicile du défendeur ; qu'en affirmant de manière péremptoire que « HUAWEI pouvait estimer de bonne foi que le domicile de M. C... se trouvait à Paris », sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le courrier du 26 juin 2013, adressé par Monsieur C... à Monsieur N..., salarié de la société Huawei en charge du litige opposant cette société à Monsieur C..., qui précisait qu'il habitait à Beyrouth, n'était pas de nature à écarter la bonne foi de la société Huawei en caractérisant sa connaissance de ce que Monsieur C... était domicilié au Liban avant même l'assignation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 42 et 43 du code de procédure civile ;

8°) ALORS QUE l'apparence attributive de compétence territoriale ne bénéficie qu'au demandeur de bonne foi, qui ignorait le lieu du domicile du défendeur ; qu'en affirmant de manière péremptoire que « HUAWEI pouvait estimer de bonne foi que le domicile de M. C... se trouvait à Paris », sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'absence de bonne foi de la société Huawei n'était pas caractérisée par le fait que cette société avait saisi les juridictions libanaises, avant même que Monsieur C... n'ait soulevé l'incompétence des juridictions françaises, sur le fondement de son domicile réel au Liban, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 42 et 43 du code de procédure civile ;

9°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE si l'extranéité des parties n'est pas une cause d'incompétence des juridictions françaises, celles-ci ne peuvent se reconnaître compétentes lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France ; que la notion de domicile apparent ne saurait pallier l'absence des critères ordinaires de compétence territoriale des juridictions françaises ; qu'en rejetant néanmoins l'exception d'incompétence territoriale, motif pris que la société Huawei pouvait estimer de bonne foi que le domicile de Monsieur C... se trouvait à Paris, après avoir pourtant constaté que Monsieur C..., de nationalité libanaise, avait fixé son domicile au Liban au jour de l'assignation, que la société Huawei, demanderesse, était une société de droit chinois, et la société Comium Services, une société de droit des îles Vierges britanniques, que les contrats passés entre ces deux sociétés concernaient l'Afrique de l'Ouest et que la « Personal Guarantee Letter » litigieuse avait été signée au Liban sur papier à en-tête d'une société des Iles Vierges Britanniques, la cour d'appel a violé les articles 42 et 43 du code de procédure civile, ensemble le principe d'extension à l'ordre international des règles françaises internes de compétence.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-11516
Date de la décision : 13/05/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 mai. 2020, pourvoi n°19-11516


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.11516
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award