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21/04/2020 | FRANCE | N°18-86635

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 avril 2020, 18-86635


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° R 18-86.635 F-D

N° 536

CK
21 AVRIL 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 AVRIL 2020

M. N... J... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-13, en date du 4 octobre 2018, qui, infirmant le jugement d'incompétence rendu sur la req

uête en incident contentieux d'exécution formée par la société Mandataires judiciaires associés, a évoqué et prononcé sur la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° R 18-86.635 F-D

N° 536

CK
21 AVRIL 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 AVRIL 2020

M. N... J... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-13, en date du 4 octobre 2018, qui, infirmant le jugement d'incompétence rendu sur la requête en incident contentieux d'exécution formée par la société Mandataires judiciaires associés, a évoqué et prononcé sur ladite requête.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Bonnal, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. N... J..., les observations de Me Le Prado, avocat de SELAFA Mandataire judiciaire associés - Mandataire liquidateur de la SARL Brenco France, et les conclusions de Mme Caby, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement en date du 27 octobre 2009, le tribunal correctionnel de Paris a, dans l'affaire dite de l'Angolagate, condamné M. C... E... pour divers délits, incluant des abus de biens sociaux au préjudice de la société Brenco France, ainsi que plusieurs autres prévenus, au nombre desquels M. J..., notamment pour recel de ces abus de biens sociaux.

3. Statuant sur les demandes civiles de la SELAFA Mandataires judiciaires associés (MJA), agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Brenco France, le tribunal a notamment condamné MM. E... et J... solidairement à payer diverses sommes à cette partie civile.

4. M. E..., et d'autres prévenus dont chacun avait été condamné solidairement avec celui-là au paiement de dommages-intérêts au profit de la SELAFA MJA, ont relevé appel de ce jugement, M. J... et la SELAFA MJA n'étant pas, pour leur part, appelants.

5. Par arrêt du 29 avril 2011, la cour d'appel de Paris, après avoir statué sur l'action publique, a, sur l'action civile, confirmé le jugement sur la déclaration de recevabilité de la constitution de partie civile de la SELAFA MJA, l'a infirmé « en toutes ses dispositions relatives à cette partie civile sur l'action civile pour le surplus », a condamné M. E... à payer seul à cette partie civile une somme en réparation du préjudice subi et a débouté la partie civile du surplus de ses demandes, aucune condamnation civile n'étant prononcée contre les autres prévenus appelants au profit de celle-ci.

6. Les pourvois formés contre cet arrêt ont été rejetés par la Cour de cassation (Crim., 16 janvier 2013, pourvoi n° 11-83.689).

7. La Caisse des dépôts et consignations ayant refusé les demandes de déconsignation de sommes versées au titre d'une obligation de cautionnement imposée dans le cadre d'un contrôle judiciaire à plusieurs des prévenus qui n'avaient pas relevé appel du jugement de première instance, la SELAFA MJA a formé une requête en interprétation du dispositif de l'arrêt d'appel. Par arrêt du 30 mai 2013, la cour d'appel de Paris a dit n'y avoir lieu à interpréter le dispositif dudit l'arrêt.

8. La SELAFA MJA et, parallèlement, trois des prévenus non appelants, dont M. J..., ont formé des requêtes en difficulté d'exécution du jugement du 27 octobre 2009. Par quatre jugements, le tribunal correctionnel de Paris s'est déclaré incompétent pour en connaître.

9. La SELAFA MJA a relevé appel du jugement rendu sur sa requête.
Examen des moyens

Enoncé des moyens

10. Le premier moyen est pris de la violation des articles 1351 devenu 1355 du code civil, 710, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation de l'autorité de la chose jugée, ensemble excès de pouvoirs.

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré le tribunal correctionnel compétent pour statuer sur l'incident d'exécution et, évoquant, a autorisé la caisse des dépôts et consignations à libérer le cautionnement déposé en ses livres par M. J... en vertu du jugement du 27 octobre 2009 alors :

« 1°/ qu' une juridiction correctionnelle, saisie en application de l'article 710 du code de procédure pénale d'un incident contentieux relatif à l'exécution d'une décision, n'a pas le pouvoir de restreindre ou d'accroître les droits qu'elle consacre et de modifier ainsi la chose jugée ; que, notamment, saisie dans ce cadre, la cour d'appel ne saurait sans excès de pouvoir se faire juge de la légalité de la décision qu'il lui est demandé d'interpréter ou d'exécuter pour la modifier ; qu'en appliquant en l'espèce directement la règle de droit qu'elle a jugée pertinente pour déterminer l'étendue de la saisine de la cour d'appel ayant donné lieu à l'arrêt du 29 avril 2011 qu'il lui appartenait d'interpréter en tant qu'il venait réformer le jugement objet de sa saisine, plutôt que de rechercher quelles étaient les dispositions définitives de cet arrêt s'imposant à elle – eût-il lui-même excédé la saisine de la cour d'appel - dans le cadre d'une requête en incident d'exécution, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et n'a pas donné de base légale à sa décision ;

2°/ que la cour d'appel, dans son arrêt du 29 avril 2011, a reconnu à M. J... la qualité d'intimé en cause d'appel ; qu'elle a déclaré confirmer le jugement sur la recevabilité de l'action civile de la SELAFA MJA et l'infirmer pour le surplus de ses prétentions et, statuant à nouveau, la cour d'appel a condamné le seul M. E... à indemniser la SELAFA du montant qu'elle a déterminé, sans prononcer de solidarité avec les personnes condamnées des chefs de recel et complicité des abus de biens sociaux reprochés à celui-ci ; que cette décision a autorité de chose jugée vis-à-vis de l'ensemble des parties, appelantes et intimées ; que la décision attaquée ne pouvait dès lors sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, sous couvert de statuer sur un incident d'exécution, en limiter la portée aux seuls condamnés appelants ;

3°/ que par un arrêt du 30 mai 2013 la cour d'appel, saisie d'une requête en interprétation de l'arrêt du 29 avril 2011 tendant à faire reconnaître que ce dernier n'aurait statué, s'agissant de l'action civile, que sur le cas des prévenus appelants, l'a rejetée au motif « qu'une telle interprétation serait de nature à modifier la chose jugée » ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a confirmé que son arrêt du 29 avril 2011 avait réformé le jugement s'agissant des dommages et intérêts octroyés à la SELAFA MJA en réparation du préjudice causé par les délits d'abus de biens sociaux, recel et complicité, commis par l'ensemble des condamnés, appelants et non-appelants ; que l'arrêt du 4 octobre 2018, qui retient à l'inverse que l'arrêt n'aurait réformé le jugement sur les intérêts civils que s'agissant des condamnés appelants, a ce faisant méconnu l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 29 avril 2011 tel qu'interprété par celui du 30 mai 2013. »

12. Le second moyen est pris de la violation des articles 1382 devenu 1240 du code civil, 2, 3, 480-1, 509, 515 et 591 du code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré le tribunal correctionnel compétent pour statuer sur l'incident d'exécution et, évoquant, a autorisé la caisse des dépôts et consignations à libérer le cautionnement déposé en ses livres par M. J... en vertu du jugement du 27 octobre 2009 alors :

« 1°/ que l'effet dévolutif de l'appel qui résulte des articles 509 et 515 du code de procédure pénale ne saurait avoir pour effet de permettre la coexistence au sein de l'ordre juridique de deux décisions, un jugement et un arrêt, incompatibles entre elles et ayant toutes deux force de chose jugée ; qu'en considérant en l'espèce que le jugement du 27 octobre 2009 aurait force de chose jugée s'agissant des condamnés non-appelants tandis que l'arrêt du 29 avril 2011 s'appliquerait aux condamnés appelants, dont M. E... condamné solidairement en première instance avec les condamnés non-appelants, la cour d'appel a admis que le montant du préjudice subi par la société Brenco France du fait des abus de biens sociaux commis par M. E... soit à la fois celui déterminé dans le jugement et celui déterminé dans l'arrêt d'appel ; qu'en reconnaissant ainsi force de chose jugée à deux décisions incompatibles entre elles, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés ;

2°/ qu'il résulte de l'article 509 du code de procédure pénale que les juges d'appel ne peuvent réformer au profit de la partie civile, intimée mais non-appelante, le jugement auquel elle a tacitement acquiescé ; qu'en considérant que le jugement du 27 octobre 2009 aurait maintenu ses effets vis-à-vis des seuls condamnés non-appelants, la condamnation de M. E... en cause d'appel se substituant à celle, solidaire, décidée en première instance, et venant ainsi s'ajouter à ces dernières maintenues à la seule charge des condamnés non-appelants, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;

3°/ qu'il résulte de l'article 509 du code de procédure pénale que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ; que la solidarité crée une indivisibilité entre les prévenus ; que lorsqu'un prévenu appelant a été, sur l'action civile, condamné solidairement en première instance avec un prévenu non-appelant, et que sa culpabilité n'est pas contestée ou est confirmée en cause d'appel, la cour d'appel se trouve nécessairement saisie sur les intérêts civils résultant de l'infraction vis-à-vis de l'ensemble des condamnés solidaires ; qu'en affirmant que l'effet dévolutif de l'appel aurait fait obstacle à ce que la réformation du jugement sur les seuls intérêts civils ait pu bénéficier au prévenu non-appelant condamné solidairement avec un prévenu appelant, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

14. Les moyens sont réunis.

15. Pour infirmer le jugement, et, évoquant, autoriser la Caisse des dépôts et consignations à libérer les cautionnements déposés en ses livres, notamment par M. J..., en vertu du jugement du 27 octobre 2009, l'arrêt attaqué énonce qu'une cour d'appel ne peut remettre en cause les dispositions d'un jugement ayant force de chose jugée et que l'appel d'un prévenu ne peut en aucun cas bénéficier à ses co-prévenus non appelants, y compris en cas de condamnation solidaire.

16. Les juges ajoutent que, malgré le vague relatif de la formule « pour le surplus », la cour d'appel a statué le 29 avril 2011 sur le fondement des faits qui lui étaient soumis par les appels et par la qualité des appelants, de sorte que le tribunal correctionnel saisi était compétent pour statuer sur la difficulté d'exécution concernant les condamnés non-appelants.

17. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu les dispositions de l'article 710 du code de procédure pénale.

18. Elle a, sans modifier la chose jugée, exactement interprété le dispositif de l'arrêt du 29 avril 2011 à la lumière de ses motifs, qui ne concernaient que les demandes civiles, visant les seuls prévenus appelants, formées par la SELAFA MJA, elle-même non-appelante, et ne comportaient aucune précision de nature à remettre en cause le jugement de première instance à l'égard de ceux des prévenus qui, n'en ayant pas relevé appel, avaient en conséquence été définitivement condamnés à réparer le préjudice de cette partie civile dans les termes du dispositif dudit jugement, peu important qu'une autre décision eût été prise en appel à l'égard d'un co-débiteur solidaire appelant.

19. Ainsi, les moyens, dont le second est irrecevable en ce qu'il tend à remettre en cause la portée de l'arrêt définitif du 26 avril 2011, doivent être écartés.

20. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. J... devra payer à la SELAFA MJA en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un avril deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-86635
Date de la décision : 21/04/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 avr. 2020, pourvoi n°18-86635


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.86635
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