LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 18-87.110 F-D
N° 633
CK
1ER AVRIL 2020
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER AVRIL 2020
M. V... H... et la société LBS Concepts Evenements ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 8 novembre 2018, qui, pour organisation de loterie prohibée, a condamné le premier à six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et 5 000 euros d'amende et la seconde à 20 000 euros d'amende.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. V... H... et de la société LBS Concepts Evénements, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 29 avril 2015, à Paray-le-Monial (71), les agents de la direction générale de la répression des fraudes ont procédé au contrôle d'un loto organisé au profit de l'association USCP Basket. À l'issue des investigations de l'administration et de l'enquête préliminaire, la société LBS Concept Evenements, et son dirigeant M. V... H..., ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel de Mâcon du chef d'organisation de loterie prohibée.
3. Par jugement du 22 novembre 2017, la société LBS Concept Evenements et M. H... ont été déclarés coupables de ce délit par le tribunal correctionnel, et condamnés respectivement à 20 000 euros d'amende et six mois d'emprisonnement avec sursis. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de ces condamnations.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Énoncé du moyen
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 410, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale.
4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de renvoi, a déclaré M. H... et la société LBS Concepts Evènements coupables d'organisation de loterie prohibée, condamné la société LBS Concepts
Evènements à une amende de 20 000 euros, condamné M. H... à un emprisonnement de six mois assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant une durée de deux ans avec notamment l'obligation d'acquitter les sommes dues au Trésor public ainsi qu'à une amende de 5 000 euros alors :
« 1°/ que le prévenu cité à personne, qui ne comparaît pas mais fournit une excuse, ne peut être jugé par jugement ou arrêt contradictoire à signifier qu'autant que cette excuse n'est pas reconnue valable par la juridiction de jugement, qui doit statuer, par décision motivée, sur la demande de renvoi dont elle est saisie ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que l'arrêt attaqué ne peut,
sans se mettre en contradiction avec ses propres constatations, affirmer que la société Festi France était déchargée de toute obligation en matière sécurité tout en constatant qu'elle avait la charge d'organiser les jeux taurins dans l'arène qu'elle avait installée, avec des bêtes qu'elle fournissait, ni affirmer que la présence physique de M. H... n'était pas indispensable sans mieux s'expliquer sur les personnes en charge de la surveillance des bêtes pendant la manifestation ;
2° / que l'appréciation de la validité de l'excuse présentée à l'appui d'une demande de renvoi, qui doit ménager le droit à un procès équitable, requiert une mise en balance des différents intérêts en présence, la prise en compte de la position de toutes les parties sur la demande de renvoi ainsi que de l'ensemble des circonstances pertinentes de la cause, notamment procédurales ; que la position du ministère public sur la demande de renvoi des prévenus, qui n'est pas mentionnée, n'apparaît pas avoir été prise en compte, non plus que le fait que M. V... H... avait personnellement comparu en première instance et que l'affaire était évoquée pour la première fois en appel ; que la distance géographique entre le lieu de la fête taurine (Bordeaux) et le siège de la cour d'appel (Dijon) n'a pas d'avantage été pris en compte ; que dès lors, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision. »
Réponse de la Cour
5. Pour refuser le renvoi à une audience ultérieure sollicité, l'arrêt, après avoir analysé les pièces produites à l'appui de cette demande par les deux prévenus, dont le contrat les liant avec l'association des commerçants de Bordeaux pour l'organisation de jeux taurins dans cette ville notamment le jour de l'audience, conclut que la présence de M. H... sur place n'est pas indispensable au déroulement des festivités.
6. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.
7. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Mais sur le deuxième moyen
Énoncé du moyen
8. Le moyen est pris de la violation des articles 132-30, 132-1 du code pénal et 485 du code de procédure pénale.
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. H... à un emprisonnement de six mois assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant une durée de deux ans, alors qu'aux termes de l'article 132-30 du code pénal, en matière criminelle ou correctionnelle, le sursis simple ne peut être ordonné à l'égard d'une personne physique que lorsque le prévenu n'a pas été condamné, au cours des cinq années précédant les faits, pour crime ou délit de droit commun, à une peine de réclusion ou d'emprisonnement ; que, pour retenir que M. H... n'est plus éligible à un sursis simple et prononcer par voie de conséquence un sursis avec mise à l'épreuve de deux ans, l'arrêt attaqué se fonde sur une condamnation à une peine d'emprisonnement du 15 mars 2016 qui est postérieure aux faits (29 avril 2015) ; que la cour d'appel a méconnu l'article 132-30 du code pénal.
Réponse de la Cour
Vu l'article 132-30, premier alinéa, du code pénal :
10. Aux termes de ce texte, en matière criminelle ou correctionnelle, le sursis simple peut être ordonné à l'égard d'une personne physique lorsque le prévenu n'a pas été condamné, au cours des cinq années précédant les faits, pour crime ou délit de droit commun, à une peine de réclusion ou d'emprisonnement.
11. Pour condamner M. H... à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, l'arrêt énonce que ce dernier a déjà été condamné, notamment le 15 mars 2016 par la cour d'appel de Montpellier à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis, des chefs de tenue d'une maison de jeux de hasard, liquidation non conforme d'impôt sur les cercles et maisons de jeux, organisation de loterie prohibée, et exploitation d'un cercle ou d'une maison de jeux sans déclaration conforme.
12. Les juges retiennent que si, dans son principe, une peine d'emprisonnement avec sursis peut constituer un avertissement nécessaire au regard de la réitération des faits par le prévenu, il convient de l'assortir d'une mesure de mise à l'épreuve pendant une durée de deux ans, M. H... n'étant plus éligible au sursis simple.
13. En l'état de ces énonciations, alors qu'elle a pris en compte, pour écarter la possibilité d'assortir la peine d'emprisonnement du sursis simple, une condamnation prononcée postérieurement aux faits poursuivis, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.
14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation sera limitée aux peines prononcées à l'encontre de M. H..., dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen proposé,
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon en date du 8 novembre 2018, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées contre M. H... , toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier avril deux mille vingt.