LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 18-85.958 F-D
N° 494
CK
1ER AVRIL 2020
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER AVRIL 2020
M. Q... X... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-13, en date du 13 septembre 2018, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. d'Huy, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. Q... X..., les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du Directeur général des finances publiques, et les conclusions de Mme Moracchini, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 février 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. d'Huy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'une plainte de l'administration fiscale, M. X..., exerçant la profession d'avocat, a été poursuivi pour s'être volontairement et frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement total de l'impôt sur le revenu exigible au titre des années 2009, 2010 et 2011 en omettant de déposer dans les délais légaux les déclarations d'ensemble des revenus et, en tant que gérant de droit de la SELURL "société d'exercice libéral X...", à l'établissement et au paiement total de la taxe sur la valeur ajoutée exigible au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 en omettant de déposer dans les délais légaux les déclarations d'ensemble des revenus ; que le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de ces chefs par un jugement dont il a interjeté appel ainsi que le ministère public ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation :
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen n'est pas de nature à être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 du 7e protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 1728, 1741, 1742 et 1750 du code général des impôts, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe ne bis in idem ;
en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à une peine de douze mois d'emprisonnement avec sursis mise à l'épreuve pendant deux ans avec obligation d'indemniser le Trésor public ;
1°) alors que le cumul de sanctions pénales et fiscales n'est compatible avec le principe ne bis in idem garanti par l'article 4 du protocole 7 à la Convention européenne des droits de l'homme qu'à la condition que les procédures mixtes soient unies par un lien matériel et temporel suffisamment étroit, ce qui signifie non seulement que les buts poursuivis et les moyens utilisés pour y parvenir doivent être en substance complémentaires et présenter un lien temporel, mais aussi que les éventuelles conséquences découlant d'une telle organisation du traitement juridique du comportement en question doivent être proportionnées et prévisibles pour le justiciable ; qu'en l'espèce, à supposer établis les faits reprochés à M. X..., celui-ci ne pouvait pas, pour ces mêmes faits, être condamné au paiement des impôts fraudés ainsi qu'aux majorations et pénalités y afférentes à la suite de procédures fiscales terminées en 2012, d'une part et à une peine d'emprisonnement à l'issue d'une procédure pénale toujours en cours, d'autre part ; que ce faisant, la cour d'appel a violé les textes et les principes susvisés ;
2°) alors qu'en vertu de la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 23 novembre 2018, l'application cumulative des sanctions fiscales et pénales est conforme à la Constitution sous la réserve que les sanctions pénales ne s'appliquent qu'aux cas les plus graves d'omission déclarative frauduleuse, cette gravité pouvant résulter du montant de la fraude, de la nature des agissements de la personne ou des circonstances de leur intervention ; qu'en l'espèce, en condamnant M. X... à une peine de douze mois d'emprisonnement avec sursis mise à l'épreuve pendant deux ans du chef de fraude fiscale pour omission des déclarations d'impôts sur le revenus pour les années 2009, 2010 et 2011, ainsi que pour omission des déclarations de TVA au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, sans constater qu'il s'agissait d'un des cas les plus graves d'omission déclarative frauduleuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés."
Attendu que pour déclarer M. X... coupable de fraude fiscale, l'arrêt énonce notamment que les premiers juges ont à bon droit retenu M. X... dans les liens de la prévention étant précisé que la matérialité de l'infraction n'est pas contestée, les déclarations de TVA et celles de revenus n'ayant été transmises que très tardivement, que les droits dus au titre de l'impôt sur le revenu n'ont pas été payés, et que, s'agissant de la TVA, le plan de règlement du 25 juillet 2013 produit devant la cour, qui prévoyait le règlement de la dette fiscale de 175.942 euros par acomptes mensuels de 10.000 euros à compter d'août 2013, n'a pas été honoré ; que les juges relèvent que, si le prévenu affirme que son intention n'était pas de frauder, mettant en avant la caution personnelle qu'il a donnée pour le paiement des droits dus par la SELURL et la valeur de son bien immobilier sur lequel l'administration fiscale a inscrit une hypothèque, ayant fait l'objet dans le passé de trois vérifications de comptabilité au titre de son activité d'avocat et de deux condamnations pour fraude fiscale, il ne pouvait ignorer ses obligations déclaratives ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître le principe ne bis in idem et la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel sur l'application combinée des dispositions de l'article 1741 du code général des impôts avec l'article 1728, 1a et 1b, ou 1729 du même code dans sa décision du 23 novembre 2018 (n°2018-745 QPC) invoqués ;
Qu'en effet, d'une part, l'interdiction d'une double condamnation en raison de mêmes faits, prévue par l'article 4 du protocole n° 7 ne trouve à s'appliquer, selon la réserve émise par la France en marge de ce protocole, sur la validité de laquelle la Cour européenne des droits de l'homme ne s'est pas prononcée, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux peines infligées par le juge répressif, d'autre part, lorsque le prévenu de fraude fiscale ne justifie pas ni même n'allègue avoir fait l'objet, à titre personnel, d'une sanction fiscale pour les mêmes faits, le juge pénal n'a pas à vérifier si les faits retenus présentent le degré de gravité de nature à justifier la répression pénale complémentaire ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier avril deux mille vingt.