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25/03/2020 | FRANCE | N°19-10765

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 mars 2020, 19-10765


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 259 F-D

Pourvoi n° U 19-10.765

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2020

Mme Y... E..., épouse S..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° U 19-

10.765 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (15e chambre A), dans le litige l'opposant à la caisse régio...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 259 F-D

Pourvoi n° U 19-10.765

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2020

Mme Y... E..., épouse S..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° U 19-10.765 contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (15e chambre A), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme E..., de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 novembre 2018), suivant acte notarié du 16 février 1999, M. S... et Mme E..., épouse S... (les emprunteurs), ont contracté deux prêts immobiliers auprès de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence (la banque). A la suite d'incidents de paiement, celle-ci a, par lettre du 26 août 2009, mis en demeure les emprunteurs d'avoir à régulariser la situation, à peine de déchéance du terme. Après plusieurs paiements partiels effectués par ceux-ci et de nouvelles défaillances de leur part, la banque a, par lettre du 20 janvier 2016, prononcé la déchéance du terme des prêts. Suivant acte du 30 mai 2017, elle a délivré aux emprunteurs un commandement de payer différentes sommes, emportant saisie d'un bien immobilier appartenant en propre à Mme E.... Ce commandement étant demeuré sans effet, la banque a, par acte du 22 septembre 2017, assigné devant le juge de l'exécution Mme E..., laquelle a sollicité la constatation de la caducité du commandement et son annulation, et, à titre subsidiaire, soulevé la prescription de l'action en recouvrement des prêts.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Mme E... fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de nullité et de caducité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 30 mai 2017, de ne faire que partiellement droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription, de valider la procédure de saisie immobilière et de retenir que la créance de la banque au titre du capital restant dû sur les échéances impayées s'élève à la somme de 19 828,38 euros pour le prêt n° [...] et à celle de 9 746,00 euros pour le prêt n° [...], alors :

« 1°/ que l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans ; qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à considérer que la déchéance du terme a été prononcée le 20 janvier 2016 cependant qu'il ressort de ses constatations propres que "le premier incident de paiement date du mois de mai 2004" et que le premier courrier emportant déchéance du terme date du 26 août 2009, de sorte que la prescription de l'action en paiement du capital restant dû ne pouvait courir à compter d'une date postérieure à ce point de départ décisif ; qu'en affirmant le contraire, sans distinguer le point de départ des deux actions de la banque au titre des mensualités impayées et du capital restant dû, la cour d'appel a violé les articles 2233 du code civil et L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation ;

2°/ que la déchéance du terme invoquée à l'égard d'un consommateur impose au professionnel du crédit d'agir en recouvrement de la créance dans les deux ans ; que, pour trancher le litige portant sur l'application de la déchéance du terme d'un contrat de prêt immobilier, le juge doit préciser quel est l'acte sur lequel il se fonde pour retenir la date de ladite déchéance ; qu'en se bornant, en l'espèce, à constater que "la déchéance du terme ayant été prononcée le 20 janvier 2016, l'action en paiement du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés et d'une indemnité égale à 7 % des sommes dues en capital et intérêts échus n'était pas prescrite à la date du commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 30 mai 2017", sans rechercher comme elle y était expressément invitée si le courrier en date du 26 août 2009, dont la lettre du 20 janvier 2016 était la simple réplique, n'avait pas déjà provoqué la déchéance du terme, de sorte que la prescription de l'action de l'établissement bancaire qui s'était abstenu de toute action plus de deux ans après le premier incident non régularisé était acquise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2233 du code civil et L. 137-2 du code de la consommation devenu L. 218-2 du même code ;

3°/ que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation ; qu'en l'espèce, dans le courrier qu'elle a adressé aux emprunteurs le 20 janvier 2016, la banque ne fait que reprendre les termes de ces précédents courriers ; qu'il résulte des termes clairs et précis de cette lettre que la banque réitérait une déchéance de terme déjà acquise par un courrier en date du 26 août 2009 en raison d'incidents de paiement antérieurs et non régularisés ; qu'en énonçant, sans autre explication et sans préciser sur quelle pièce probante elle se fondait, que "la déchéance du terme a été prononcée le 20 janvier 2016", la cour d'appel a statué par voie d'affirmation en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. Après avoir constaté, par motifs adoptés, que Mme E... avait reconnu dans ses écritures que les arriérés intervenus antérieurement à 2006 avaient été régularisés, que ceux de 2009 avaient fait l'objet de paiements postérieurs, qu'à la lecture des décomptes produits, la première échéance impayée était celle du mois d'août 2014 pour le premier prêt et celle du mois de septembre 2014 pour le second, la cour d'appel, qui a ainsi motivé sa décision et procédé à la recherche prétendument omise, a retenu que la déchéance du terme emportant exigibilité du capital restant dû était intervenue à la date de la seconde mise en demeure du 20 janvier 2016, non suivie de paiements. Elle en a exactement déduit que l'action en paiement du capital restant dû introduite le 22 septembre 2017 n'était pas prescrite.

4. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme E... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme E...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de nullité et de caducité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré à chacun des époux E... S... en date du 30 mai 2017 ; de n'AVOIR fait que partiellement droit à l'exception de prescription visant les prêts n° [...] et n° [...] ; d'AVOIR validé la procédure de saisie immobilière et d'AVOIR retenu que la créance de la CRCAM au titre du capital restant dû sur les échéances impayées s'élevait à la somme de 19.828,38 euros pour le prêt n° [...] et à la somme de 9.746,00 euros pour le prêt n° [...] ;

AUX MOTIFS QUE « - Sur la nullité du commandement de payer signifié à Monsieur S... et la caducité du commandement de payer valant saisie signifié à Madame E... épouse S.... L'appelante indique que l'immeuble saisi lui appartenant en propre et constituant la résidence de la famille, le commandement devait être dénoncé à son conjoint, par acte séparé, au plus tard le premier jour ouvrable suivant la signification de l'acte, sous peine de caducité du commandement et que la CRCAM ne peut valablement soutenir que le commandement de payer valant saisie délivré à Monsieur S... a la même valeur et produit le même effet que la dénonce du commandement de payer valant saisie qui lui a été délivré, alors qu'il appartenait à la banque de délivrer à l'époux un commandement de payer simple et de lui dénoncer le commandement de payer valant saisie délivré à l'épouse. Elle soutient par ailleurs qu'un seul commandement de payer valant saisie a été publié au fichier immobilier dans les deux mois de sa délivrance. Selon l'article R. 321-1, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution dans le cas où un immeuble appartenant en propre à l'un des époux constitue la résidence de la famille, le commandement est dénoncé à son conjoint, au plus tard le premier jour ouvrable suivant la signification de l'acte. Ces dispositions ont pour finalité d'assurer l'information du conjoint non propriétaire afin de lui permettre, le cas échéant, de prendre toutes dispositions de nature à protéger le logement familial et cet objectif est atteint par la signification à Monsieur S... selon exploit du 30 mai 2017, du commandement signifié le même jour à son épouse, et qui a été régulièrement publié dans le délai de deux mois prévu par l'article R321-6 du code des procédures civiles d'exécution. Il s'en suit le rejet des demandes de nullité et de caducité du commandement. - Sur la prescription de la créance de la CRCAM : Mme E... épouse S... invoque l'absence d'interruption de la prescription de l'article L. 137-2 ancien du code de la consommation, dans les deux ans qui ont suivi l'envoi de la recommandée avec avis de réception du 26 août 2009 par laquelle la CRCAM l'a mise en demeure ainsi que son époux, de régler leurs dettes sous peine de déchéance du terme. Elle ajoute que la nouvelle mise en demeure du 20 janvier 2016 n'est qu'une réplique de celle datée du mois d'août 2009 et ne peut être considérée comme un acte interruptif de prescription, pas plus que les paiements postérieurs au 26 août 2009 dont il ne résulte aucune reconnaissance non équivoque des droits de la banque, ni le précédent commandement de payer valant saisie du 15 septembre 2016 qui n'a pas été publié, ni même le procès-verbal de saisie attribution du 3 novembre 2016 qui n'a pas été dénoncé dans le délai réglementaire, ou encore le commandement aux fins de saisie vente du 30 novembre 2016, qui a été délivré plus de 2 ans après le premier incident non régularisé et après le prononcé de la première déchéance du terme. Toutefois la banque rappelle à juste titre qu'en l'état des règlements partiels intervenus au titre des deux prêts postérieurement à la mise en demeure adressée aux débiteurs au mois d'août 2009 et jusqu'au mois de septembre 2014, la déchéance du terme n'a pas été prononcée à l'issue de la lettre recommandée du 26 août 2009. Etant rappelé que la date de prononcé de la déchéance du terme est sans effet sur la recevabilité de l'action en recouvrement des échéances mensuelles antérieures, pour lesquelles la prescription court à compter de leur date d'échéance respective et non de la date du prononcé de la déchéance du terme. L'action en paiement du capital restant dû se prescrit quant à elle à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité. La déchéance du terme ayant été prononcée le 20 janvier 2016, l'action en paiement du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés et d'une indemnité égale à 7 % des sommes dues en capital et intérêts échus n'était pas prescrite à la date du commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 30 mai 2017. S'agissant des échéances impayées antérieures à la déchéance du terme, la CRCAM rappelle à bon droit et justifie par l'historique des deux prêts, que postérieurement au premier incident de paiement, que Mme E... épouse S... date du mois de mai 2004 au titre du prêt n° [...] et du mois de janvier 2002 au titre du prêt n° [...], des paiements partiels réguliers interruptifs de prescription au sens de l'article 2240 du code civil, ont été effectués jusqu'au mois de septembre 2016. La banque acquiesce à la motivation du jugement qui a retenu que la dernière échéance réglée au mois de septembre 2016 est venue en régularisation partielle de l'échéance du mois d'août 2014 pour le prêt n° [...] et que sont donc prescrites les échéances des mois de septembre, octobre et novembre 2014, le premier acte interruptif de prescription étant le commandement de payer signifié le 30 novembre 2016. Et concernant le prêt n° [...] la première échéance impayée est du mois de septembre 2014 et que sont donc prescrites les échéances des mois de septembre, octobre et novembre 2014. Les décomptes produits par la CRCAM et les contestations émises par l'appelante sur le montant de la créance de la banque, ne permettent pas de remettre en cause le montant de cette créance tel qu'exactement retenu par le premier juge, qui sera en conséquence confirmé. - Sur l'absence de proportionnalité de la mesure d'exécution : C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a refusé de suivre Mme E... épouse S... dans cette contestation après avoir rappelé ajuste titre, qu'il appartenait à la débitrice saisie d'établir que la mesure excède ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation, et que cette preuve n'est pas rapportée au vu des commandements de payer précédemment délivrés demeurés vains, et du caractère infructueux de la saisie attribution des comptes bancaires pratiquée le 3 novembre 2016. - Sur la réduction de la clause pénale : C'est encore à juste titre et par des motifs pertinents adoptés que le magistrat a écarté cette demande. - Sur la demande de délais de paiement : Il incombe à Mme E... épouse S... qui prétend aux plus larges délais de paiement pour s'acquitter du solde de sa dette, de justifier des éléments de nature à fonder cette prétention, or l'appelante ne fournit aucun justificatif de sa situation personnelle ni de ses revenus actuels, puisqu'elle se borne à communiquer un courrier qu'elle avait adressé au mois d'octobre 2016 au conseil de la CRCAM pour expliquer ses difficultés de paiement et contester la créance revendiquée par la banque. Le rejet de cette demande sera donc confirmé » ;

ET AUX MOTIFS REPUTÉS ADOPTÉS QUE « Sur la nullité des commandements de payer : En l'espèce, Madame E... expose que la Banque a fait délivrer un commandement de payer valant saisie à chacun des époux le 30 mai 2017, alors qu'il s'agit d'un immeuble propre à Madame E... pour avoir fait l'objet d'un acte de donation partage. Elle indique que la construction édifiée sur le terrain, bien que financée par les deux époux, lui appartient en totalité. Elle expose ainsi que d'une part, il ne convenait pas de faire délivrer de commandement de payer valant saisie à Monsieur E..., mais une dénonce du commandement de payer valant saisie délivrée à Madame E... et, que part, le commandement délivré à Monsieur E... n'a pas été publié. Or, il est constant que si le débiteur est commun en biens, la procédure devra être menée à l'encontre des deux époux, force est de constater qu'en l'espèce, la maison ayant été construite sur un terrain propre de Madame E..., il s'agit d'un bien propre comme elle le revendique. La procédure de saisie immobilière est donc valablement menée à l'encontre de seule Madame E... devant le tribunal. Pour autant, dans le cas où l'immeuble appartient à l'un des époux, mais constitue le logement de la famille, ce qui est bien le cas, le commandement de payer valant saisie doit être dénoncé au conjoint du débiteur, aux fins de permettre au conjoint non propriétaire de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection du logement et notamment de paiement de la dette. Or, en l'espèce, Monsieur E... n'est pas seulement le conjoint de celui à qui appartient le logement, mais également le co-débiteur et à ce titre, il appartenait bien à l'organisme prêteur de lui signifier un commandement de payer valant saisie. En tout état de cause, Madame E... ne saurait valablement prétendre que l'acte signifié à son conjoint, le même jour, ne peut valoir également dénonce du commandement qui lui a été délivré, en ce que les deux noms sont mentionnés sur le commandement de payer valant saisie. Par ailleurs, le commandement qui a été signifié aux époux a été publié dans le délai de deux mois, conformément aux textes légaux. Il conviendra de rejeter la nullité soulevée par Madame E.... Sur la prescription de la créance et de l'action en paiement de la Banque : Aux termes de l'article L. 137-2 du Code de la consommation prévoit que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrivent par deux ans. Or, il est constant que s'agissant d'une dette payable en termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune des fractions à compter de leurs dates d'échéances successives et l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme qui emporte son exigibilité. Le délai de prescription peut être interrompu par les différents cas prévus par la loi, notamment les actes d'exécution forcée ainsi que la loi le prévoit à l'article 2244 du Code Civil ou par la reconnaissance de la dette par des paiements volontaires. Dès lors, l'action de la banque ne saurait être prescrite dans son principe, la déchéance du terme étant intervenue suite aux deux courriers recommandés de mise en demeure adressés et réceptionnés par les époux E... le 20 janvier 2016, le 03 mai 2016, le commandement de payer et publié valant saisie datant du 30 mai 2017. Par ailleurs, Madame E... apparaît ainsi mal fondée à prétendre que le premier impayé non régularisé est bien antérieur à la daté : du 03 mai 2016, en l'état des paiements volontaires effectués par son époux et elle jusqu'au 30 septembre 2014 concernant le prêt n° [...] et jusqu'au 14 septembre 2016 pour le prêt n° [...] tel qu'il résulte des décomptes versés aux débats. Il résulte ainsi des écritures de Madame E... que cette dernière reconnaît que les arriérés antérieurs à la lettre de 2006 envoyée par la CRCAM ont été régularisés ultérieurement. De nouveaux incidents de paiement ont eu lieu en 2009. Pour autant, de nouveaux paiements sont venus également. Cependant, contrairement aux allégations de la CRCAM qui prétend que les dernières échéances régularisées se situent au mois de septembre 2016 pour le prêt se terminant par [...] et au mois de septembre 2014 pour celui se terminant par [...], il résulte de l'étude des décomptes produites que : -pour le prêt n° [...], le paiement intervenu au mois de septembre 2016 est venu en régularisation partiel de l'échéance du mois d'août 2014, l'échéance étant prélevée le 20 du mois. Cela correspond d'ailleurs au décompte produit dans le commandement de payer qui considère la première échéance impayée comme étant celle du mois d'août 2014. En conséquence, il y a lieu de dire prescrites les échéances du mois d'août 2014, septembre, octobre et novembre 2014. Un délai de plus de deux ans s'étant écoulé entre ces échéances et la signification du commandement de payer délivré le 30 novembre 2016. Il découle de ce qui précède que le montant des intérêts dû dans le cadre de l'exécution normale du contrat doivent être diminués en ce que les quatre mensualités prescrites doivent être soustraites (Capital : 2306,19 euros (575,20+ 575,97 + 576,74+578,28) intérêts: 103,05 euros (27,11+26.34+25.57+24.03)). Il sera donc retenu au titre du capital dû sur échéances impayées, la somme de 9.514,49 euros (11.820,68-2306.19) et au titre des intérêts normaux sur échéances impayées la somme de 256,15 euros (359,20-103,05), à charge pour la banque de recalculer les intérêts de retard sur échéances impayées en tenant compte de ces éléments. -pour le prêt n° n°[...], la première échéance non régularisée est celle du mois de septembre 2014 et non celle du mois d'octobre 2014, ce qui correspond également bien au décompte établi par la CRCAM. En conséquence, il y a lieu de dire prescrites les échéances de septembre, octobre et novembre 2014, soit 3x 41,87 euros, soit 1238,61 euros au total. Le taux dudit prêt étant à 0 % d'après les éléments versés aux débats, il découle de ce qui précède que le montant des intérêts dus dans le cadre de l'exécution normale du contrat n'ont pas être diminués du fait des deux mensualités prescrites. Il sera donc retenu au titre du capital restant dû sur échéances impayées la somme de 6981,38 euros (8.219,99-1.238,61 euros), à charge pour la banque de recalculer les intérêts de retard sur échéances impayées en tenant compte de ces éléments. Sur l'absence de proportionnalité. Aux termes de l'article L. 111-7 du Code des Procédures Civiles d'exécution, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ses mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation. De plus, aux termes de l'article L. 121-2 du Code des Procédures Civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure mutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie. Il appartient au débiteur d'établir que la mesure d'exécution dont il poursuit la mainlevée, excède à ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation. En l'espèce, Madame E... se contente de dire que compte tenu du montant à recouvrer la mesure est disproportionnée, sans dire en quoi la mesure se révèle excessive. Or, il ne saurait être contesté que plusieurs commandements de payer ont été délivrés aux époux S... sans que ces derniers soient suivis d'effets ; que la CRCAM justifie avoir diligenté une mesure de saisie-attribution sur le compte bancaire ouvert par les époux S... dans les livres de la Banque Postale le 3 novembre 2016, qui s'est révélée infructueuse, un seul compte étant créditeur de 172,06 euros. Au vu des éléments évoqués, Madame E... ne rapporte pas la preuve de ce que la mesure de saisie immobilière excède de ce qu'il se serait nécessaire, ce d'autant que la CRCAM dispose d'une inscription d'hypothèque conventionnelle sur le bien immobilier objet de la présente instance. Elle sera donc déboutée de sa demande sur ce point. Sur la réduction de la créance de la CRCAM : Aux termes de l'article R. 321-3 du Code des Procédures Civiles d'exécution, le commandement de payer doit comporter "3° Le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts moratoires". Il convient de relever qu'il n'est pas contesté que les époux S... sont des débiteurs malheureux et de bonne foi. Pour autant, Madame E... apparaît mal fondée à prétendre que le décompte présenté dans le commandement de payer n'est pas conforme aux dispositions légales. Elle sera déboutée de sa demande sur ce point. Sur la réduction de la clause pénale, constituée par l'indemnité contractuelle : Madame E... fait valoir que l'indemnité conventionnelle de 7 % prévue au contrat devrait être réduite sur le fondement de l'article 1152 alinéa 2 du Code Civil (devenu 1231-5 du Code Civil). Ainsi, la clause d'indemnité conventionnelle de 7 % est d'un montant de XX. Si elle peut s'analyser en une clause pénale au sens de l'article 1152 alinéa 2 ancien du Code Civil, Madame E... ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle est manifestement excessive au regard du taux d'intérêt conventionnel variable capet 2 % et compte tenu de la défaillance des emprunteurs. En conséquence, la demande de réduction sera rejetée. Sur les délais de paiement. L'article 510 alinéa 3 du Code de Procédure Civile dispose qu'après signification d'un commandement ou d'un acte de saisie, selon le cas, le juge de l'exécution a compétence pour accorder un délai de grâce. Le juge de l'exécution est compétent pour accorder des délais en matière de saisie immobilière, même postérieurement à la publication du commandement, et au plus tard lors de l'audience d'orientation. En application de l'article 1244-1 ancien du Code Civil (devenu 1343-5), compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Pour solliciter des délais de paiement, Madame E... indiquent que son époux et elle sont de bonne foi, qu'elle est à la retraite après invalidité depuis 2007 et que son époux a dû réduire son activité professionnelle puis y mettre fin. Elle indique qu'ils ne peuvent s'acquitter des sommes dues en une seule fois. Pour autant elle n'explique pas comment ils pourront s'acquitter desdites sommes dans le délai de 24 mois. Or, force est de constater que malgré la bonne foi des débiteurs, ils n'apportent aucune solution de financement et ont déjà bénéficié de fait d'un délai de deux ans depuis la lettre de mise en demeure du 20 janvier 2016, de sorte que l'octroi de délais est illusoire et doit être rejetée. Sur la vente, -que la créance réclamée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE, suivant le commandement de payer en date du 30 mai 2017 s'élève à la somme totale de 33.222,32 euros, détaillée comme suit : Prêt n° [...] - échéances impayées du 28/08/2014 au 03 mai 2016 (date de la déchéance du terme) [
] TOTAL SAUF MÉMOIRE : 22.237,62 euros ; Prêt n° [...] – échéance impayées du 20/09/2014 au 03 mai 2016 (date de la déchéance du terme du prêt) [
] TOTAL SAUF MÉMOIRE : 10.984,70 euros sur lesquelles il conviendra de déduire concernant le prêt [...] les sommes évoquées précédemment, pour parvenir à la somme de 19.828,38 euros outre les intérêts de retard sur échéances impayées à recalculer ainsi que les intérêts normaux courus, et de même pour le prêt n° [...], pour parvenir à la somme de 9.746,09 euros, outre les intérêts de retard sur échéances impayées à recalculer. Sauf mémoire, erreur, ou omission et sous réserve des sommes à devoir jusqu'au jour du remboursement définitif. La procédure est régulière au regard des dispositions des articles L. 311-2 et suivants du Code des Procédures Civiles d'exécution, puisque reposant sur un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. Aux termes de l'article R. 322-15 du Code des Procédures Civiles d'exécution, le Juge de l'Exécution détermine les modalités de poursuite de la procédure en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée. Il convient de constater qu'aucune demande n'a été formulée par la défenderesse dans le sens d'une vente amiable. En conséquence, il convient d'ordonner la vente forcée et en conséquence de fixer la date d'adjudication qui aura lieu le lundi 23 juillet 2018 à 9 heures ».

1°) ALORS, de première part, QUE l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans ;
qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à considérer que la déchéance du terme a été prononcée le 20 janvier 2016 cependant qu'il ressort de ses constatations propres que « le premier incident de paiement date du mois de mai 2004 » (arrêt, p. 7 § 7) et que le premier courrier emportant déchéance du terme date du 26 août 2009, de sorte que la prescription de l'action en paiement du capital restant dû ne pouvait courir à compter d'une date postérieure à ce point de départ décisif ; qu'en affirmant le contraire, sans distinguer le point de départ des deux actions de la banque au titre des mensualités impayées et du capital restant dû, la cour d'appel a violé les articles 2233 du code civil et L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation ;

2°) ALORS, de deuxième part, QUE la déchéance du terme invoquée à l'égard d'un consommateur impose au professionnel du crédit d'agir en recouvrement de la créance dans les deux ans ; que pour trancher le litige portant sur l'application de la déchéance du terme d'un contrat de prêt immobilier, le juge doit préciser quel est l'acte sur lequel il se fonde pour retenir la date de ladite déchéance ; qu'en se bornant, en l'espèce, à constater que « la déchéance du terme ayant été prononcée le 20 janvier 2016, l'action en paiement du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés et d'une indemnité égale à 7 % des sommes dues en capital et intérêts échus n'était pas prescrite à la date du commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 30 mai 2017 » (arrêt, p. 7 § 6), sans rechercher comme elle y était expressément invitée si le courrier en date du 26 août 2009, dont la lettre du 20 janvier 2016 était la simple réplique, n'avait pas déjà provoqué la déchéance du terme, de sorte que la prescription de l'action de l'établissement bancaire qui s'était abstenu de toute action plus de deux ans après le premier incident non régularisé était acquise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2233 du code civil et L. 137-2 du code de la consommation devenu L. 218-2 du même code ;

3°) ALORS, de troisième part et en tout état de cause, QUE le juge ne peut statuer par voie d'affirmation ; qu'en l'espèce, dans le courrier qu'elle a adressé aux époux S... le 20 janvier 2016, la CRCAM ne fait que reprendre les termes de ces précédents courriers ; qu'il résulte des termes clairs et précis de cette lettre que la banque réitérait une déchéance de terme déjà acquise par un courrier en date du 26 août 2009 en raison d'incidents de paiement antérieurs et non régularisés (productions n° 4 et n° 5) ; qu'en énonçant, sans autre explication et sans préciser sur quelle pièce probante elle se fondait, que « la déchéance du terme a été prononcée le 20 janvier 2016 » (arrêt, p. 7 § 6), la cour d'appel a statué par voie d'affirmation en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-10765
Date de la décision : 25/03/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 29 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 25 mar. 2020, pourvoi n°19-10765


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10765
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