LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mars 2020
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 234 F-D
Pourvoi n° A 18-20.082
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MARS 2020
1°/ La société Compagnie de financement et de conseils COFIC Saint-Quentin, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ la société Compagnie financière de Constance COFIC Paris, société par actions simplifiée,
3°/ la société JOL Group, société par actions simplifiée,
4°/ la société JOL Press, société par actions simplifiée,
ayant toutes trois leur siège [...] ,
ont formé le pourvoi n° A 18-20.082 contre l'arrêt n° RG : 16/05801 rendu le 24 mai 2018 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige les opposant :
1°/ à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...] , administrateurs judiciaires en la personne de M. J... W..., prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Compagnie de financement et de conseils et de la société Compagnie financière de Constance,
2°/ à la société O... Y..., société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , mandataires judiciaires, prise en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde des sociétés COFIC Saint-Quentin, COFIC Paris, JOL Group et JOL Press,
3°/ à la société HSBC France, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vaissette, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Compagnie de financement et de conseils COFIC Saint-Quentin, de la société Compagnie financière de Constance COFIC Paris, de la société JOL Group et de la société JOL Press, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société HSBC France, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 24 mai 2018, n° RG : 16/05801), la société Compagnie de financement et de conseils COFIC Saint Quentin (la société COFIC Saint Quentin), associée unique de la société Compagnie financière de Constance COFIC Paris (la société COFIC Paris), a décidé le 28 octobre 2015 de dissoudre cette dernière conformément aux dispositions de l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil. Cette décision a été publiée dans un journal d'annonces légales le 18 novembre 2015 et deux créanciers ont formé opposition le 16 décembre suivant.
La société COFIC Saint Quentin a été mise en sauvegarde par un jugement du 4 décembre 2015, publié le 20 décembre suivant, puis la procédure de sauvegarde a été étendue, en raison de la confusion de leurs patrimoines, aux sociétés Jol Press, Jol Group et COFIC Paris par un jugement du 22 janvier 2016, publié le 7 février 2016.
La société HSBC, créancière de la société COFIC Paris, a déclaré sa créance à la procédure de sauvegarde le 1er mars 2016 et le juge-commissaire en a prononcé l'admission.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.
Et sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
3. Les sociétés COFIC Saint Quentin, COFIC Paris, Jol Group et Jol Press, font grief à l'arrêt de rejeter leurs contestations et d'admettre la créance de la société HSBC pour la somme de 381 501,42 euros, alors :
« 1°/ qu'en cas de dissolution de la société dont toutes les parts sociales sont réunies en une seule main, ses créanciers qui n'ont pas fait usage de la faculté d'opposition à la dissolution dans les trente jours suivant la publication de celle-ci sont réputés renoncer à leur créance à son encontre ; qu'il s'ensuit qu'en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'encontre de celle-ci, ils ne sont pas recevables à déclarer leur créance à cette procédure ; qu'en estimant que la société HSBC était recevable à déclarer sa créance à la procédure par l'effet de son extension à la société COFIC Paris, bien que celle-ci ne pouvait plus être débitrice faute d'opposition de la part de ce créancier, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile, l'article L. 622-24 du code de commerce, ensemble l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil ;
2°/ qu'en cas de dissolution de la société dont toutes les parts sociales sont réunies en une seule main, suivie de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde successivement à l'encontre de l'associé unique puis de cette société, les créanciers de la société qui n'ont pas fait usage de la faculté d'opposition à la dissolution dans les trente jours suivant la publication de celle-ci doivent déclarer leur créance à la procédure de l'associé unique ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le délai d'opposition à la dissolution de la société COFIC Paris expirait le 18 décembre 2015 et que le délai de déclaration des créances de la société COFIC Saint Quentin expirait le 20 février 2016, en l'état d'une publication du jugement d'ouverture de la sauvegarde de la société COFIC Saint Quentin en date du 20 décembre 2015 ; qu'en retenant que la HSBC était recevable à déclarer sa créance à la procédure le 1er mars 2016, la cour d'appel a violé les articles L. 622-24, L. 622-26, R. 622-24 du code de commerce, ensemble l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil. »
Réponse de la Cour
4. D'une part, aucun texte n'établit une présomption de renonciation à son droit ou une perte de ce dernier par le créancier d'une société, dont la dissolution est décidée par l'associé unique, qui ne forme pas l'opposition ouverte par l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil, de sorte que l'arrêt retient à bon droit que l'absence d'opposition de la société HSBC est indifférente et ne peut modifier la situation juridique des parties à la date de l'ouverture de la sauvegarde de la société COFIC Saint Quentin.
5. D'autre part, après avoir relevé qu'au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société COFIC Saint Quentin, le 4 décembre 2015, la décision de dissolution n'avait pas emporté transmission universelle du patrimoine de la société COFIC Paris à son associée unique et que la société COFIC Paris n'avait pas perdu sa personnalité morale, puisque le délai d'opposition ouvert aux créanciers, dont le point de départ était la publication de la décision de dissolution intervenue le 18 novembre 2015, était encore en cours et qu'un créancier avait fait opposition, l'arrêt en déduit exactement que la société HSBC, créancière de la société COFIC Paris, n'était pas tenue de déclarer sa créance au passif de la sauvegarde de la société COFIC Saint Quentin dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de cette procédure. Puis, faisant l'exacte application des textes cités par le moyen, l'arrêt retient qu'en l'absence de décision du juge saisi de l'opposition d'un des créanciers de la société COFIC Paris, la transmission universelle du patrimoine de celle-ci à la société COFIC Saint Quentin n'était pas intervenue au jour du jugement du 22 janvier 2016 constatant la confusion de leurs patrimoines et étendant la sauvegarde de la seconde à la première, de sorte que la société HSBC était recevable à déclarer sa créance le 1er mars 2016, dans le délai de deux mois suivant la publication du jugement d'extension.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Compagnie de financement et de conseils COFIC Saint Quentin, la société Compagnie financière de Constance COFIC Paris, la société Jol Group et la société Jol Press aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civil, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie de financement et de conseils COFIC Saint-Quentin, la société Compagnie financière de Constance COFIC Paris, la société JOL Group et la société JOL Press.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué de dire la contestation mal fondée, de débouter les sociétés COFIC Paris, COFIC Saint-Quentin, Jol Press et Jol Group de leurs demandes et d'admettre la société HSBC France au passif de la procédure de sauvegarde de ces sociétés pour la somme de 381 501,42 euros ;
AUX MOTIFS QU' « en application de l'article 1844-5 du code civil, la réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. Tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation n'a pas été régularisée dans le délai d'un an. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. Il ne peut prononcer la dissolution si, au jour où il statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu. L'appartenance de l'usufruit de toutes les parts sociales à la même personne est sans conséquence sur l'existence de la société. En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation. Les créanciers peuvent faire opposition à la dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de celle-ci. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties si la société en offre et si elles sont jugées suffisantes. La transmission du patrimoine n'est réalisée et il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées. En l'espèce, les faits sont les suivants :
- le 18 novembre 2015 (et non pas le 6 janvier 2016 comme mentionné par le premier juge) est publiée la décision prise le 28 octobre 2015 par la société COFIC Saint Quentin, associé unique de la société COFIC Paris de dissoudre cette dernière,
- un créancier au moins a formé opposition à cette dissolution et la procédure est pendante devant le tribunal de commerce de Paris,
- le 4 décembre 2015 sur requête de la société COFIC Saint Quentin, une procédure de sauvegarde est ouverte à l'encontre de celle-ci, le jugement étant publié le 20 décembre 2015,
- le 22 janvier 2016, le tribunal de commerce étend la procédure de sauvegarde à l'encontre des sociétés Jol press, Jol group et COFIC Paris et ordonne la confusion des patrimoines des quatre sociétés du groupe COFIC, la publication du jugement opérée le 7 février 2016 invitant les créanciers à déclarer leur créance dans le délai de deux mois.
Il ressort des dispositions précitées que la transmission universelle du patrimoine de la société COFIC Paris à la société COFIC Saint Quentin ne pouvait intervenir au plus tôt que le 18 décembre 2015 en l'absence d'opposition à la dissolution de l'entreprise. Ainsi, à la date à laquelle la procédure de sauvegarde a été ouverte à l'encontre de la société COFIC Saint Quentin, le 4 décembre 2015, la décision de dissolution de la société COFIC Paris n'avait pas emporté transmission universelle de patrimoine de la société COFIC Paris à la société COFIC Saint Quentin et la société COFIC Paris n'avait pas perdu sa personnalité morale, d'une part parce que le délai d'opposition n'avait pas intégralement couru depuis le 18 novembre 2015, d'autre part parce qu'un créancier avait formé opposition. C'est donc à tort que les appelantes soutiennent qu'il appartenait au créancier non opposant de la société COFIC Paris de déclarer sa créance dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société COFIC Saint Quentin et plus particulièrement dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de cette procédure alors que la société HSBC n'était pas (encore) créancière de la société COFIC Saint Quentin à la date d'ouverture de la procédure, l'existence ou non d'une opposition de la société HSBC à la dissolution de la société COFIC Paris postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde le 4 décembre 2015, étant indifférente dans la mesure où elle n'était pas de nature à modifier la situation juridique des parties à la date de l'ouverture de la procédure collective. L'absence de mention de la société HSBC sur la liste des créanciers de la société COFIC Saint Quentin corrobore encore le fait que la société HSBC n'était pas créancière de la société COFIC Saint Quentin à la date d'ouverture de la procédure collective. En l'absence de décision du juge saisi de l'opposition d'un créancier à la dissolution de la société COFIC Paris, la transmission universelle du patrimoine de cette entreprise à la société COFIC Saint Quentin n'est pas intervenue avant que le tribunal de commerce de Saint Quentin n'ordonne la confusion des patrimoines des sociétés COFIC Paris et COFIC saint Quentin par son jugement rendu le 22 janvier 2016. C'est donc à partir de cette date que la société HSBC s'est trouvée créancière de la procédure collective portant sur une unicité de patrimoine actif et passif. En répondant à l'invitation du mandataire judiciaire de la procédure collective des sociétés COFIC d'avoir à déclarer sa créance, la société HSBC a déclaré utilement sa créance le 1er mars 2016, soit dans le délai de deux mois suivant la publication du jugement d'extension de la procédure de sauvegarde à la société COFIC Paris dont il convient de souligner qu'elle avait conservé sa personnalité morale autonome. »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la société HSBC est initialement créancier de la société COFIC Paris pour la somme de 381 501,42 euros ; la société HSBC a déclaré sa créance dans les délais de deux mois de l'insertion parue au Bodacc le 7 février 2016, concernant l'extension de la procédure de sauvegarde des sociétés COFIC Paris, COFIC Saint-Quentin, Jol Group et Jol Press, ordonné la confusion des patrimoines et dit que la procédure se poursuivrait avec un actif et un passif confondu » ;
1°) ALORS QU'en cas de dissolution de la société dont toutes les parts sociales sont réunies en une seule main, ses créanciers qui n'ont pas fait usage de la faculté d'opposition à la dissolution dans les trente jours suivant la publication de celle-ci sont réputés renoncer à leur créance à son encontre ; qu'il s'ensuit qu'en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'encontre de celle-ci, ils ne sont pas recevables à déclarer leur créance à cette procédure ; qu'en estimant que la société HSBC était recevable à déclarer sa créance à la procédure par l'effet de son extension à la société COFIC Paris, bien que celle-ci ne pouvait plus être débitrice faute d'opposition de la part de ce créancier, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile, l'article L. 622-24 du code de commerce, ensemble l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil ;
2°) ALORS QU'en cas de dissolution de la société dont toutes les parts sociales sont réunies en une seule main, suivie de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde successivement à l'encontre de l'associé unique puis de cette société, les créanciers de la société qui n'ont pas fait usage de la faculté d'opposition à la dissolution dans les trente jours suivant la publication de celle-ci doivent déclarer leur créance à la procédure de l'associé unique ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le délai d'opposition à la dissolution de la société COFIC Paris expirait le 18 décembre 2015 et que le délai de déclaration des créances de la société COFIC Saint-Quentin expirait le 20 février 2016, en l'état d'une publication du jugement d'ouverture de la sauvegarde de la société COFIC Saint-Quentin en date du 20 décembre 2015 ; qu'en retenant que la société HSBC était recevable à déclarer sa créance à la procédure le 1er mars 2016, la cour d'appel a violé les articles L. 622-24, L. 622-26, R. 622-24 du code de commerce, ensemble l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil ;
3°) ALORS QUE les règles d'ordre public applicables aux entreprises en difficulté ne s'opposent pas à ce que la transmission universelle de patrimoine de la société dont toutes les parts sociales sont réunies en une seule main intervienne postérieurement au jugement d'ouverture dont l'associé unique fait l'objet ; qu'en estimant que la transmission du patrimoine de la société COFIC Paris devait nécessairement intervenir avant le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde dont son associé unique, la société COFIC Saint-Quentin avait fait l'objet, la cour d'appel a violé l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil et les principes gouvernant la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises en difficulté ;
4°) ALORS QU'en considérant que la qualité de créancière de la société HSBC pouvait résulter de sa mention sur la liste des créanciers de la société la société COFIC Saint-Quentin, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant en violation de l'article 455 du code de procédure civile.