La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/03/2020 | FRANCE | N°15-17104

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 mars 2020, 15-17104


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 227 F-D

Pourvoi n° B 15-17.104

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MARS 2020

La Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-R

oussillon, banque coopérative, société anonyme à directoire, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° B 15-17.104 contre l'arrêt rendu le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 227 F-D

Pourvoi n° B 15-17.104

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MARS 2020

La Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon, banque coopérative, société anonyme à directoire, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° B 15-17.104 contre l'arrêt rendu le 26 février 2015 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. G... A...,

2°/ à Mme Q... K...,

domiciliés tous deux [...],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Remeniéras, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. A... et de Mme K..., après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Remeniéras, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant décidé d'acquérir un bien immobilier sans attendre d'avoir vendu un autre bien immobilier dont ils étaient propriétaires, M. A... et Mme K... (les emprunteurs) ont obtenu de la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon (la Caisse) un prêt-relais d'un montant de 210 000 euros, remboursable en une seule échéance à l'expiration d'un délai de deux ans ; qu'après avoir obtenu d'un tribunal d'instance la suspension du paiement de l'échéance du prêt-relais en raison de l'absence de vente du bien concerné, les emprunteurs ont recherché la responsabilité de la Caisse pour manquement à son devoir de mise en garde ;

Attendu que pour condamner la Caisse à payer des dommages-intérêts aux emprunteurs pour manquement à son devoir de mise en garde lors de l'octroi du prêt-relais, l'arrêt retient qu il ne pouvait lui échapper que le bien immobilier mis en vente au prix de 310 000 euros avait été acquis vingt ans auparavant au prix de 9 904 euros et que l'existence de travaux susceptibles d'influer sur sa valeur n'était pas mise en avant ;

Qu'en se déterminant par ces seuls motifs qui, exclusivement fondés sur le montant du prix d'acquisition de l'immeuble litigieux vingt ans auparavant et de l'absence prétendue de travaux, n'étaient pas de nature à remettre en cause le montant du prix de mise en vente de 310 000 euros et, par conséquent, l'adaptation du prêt-relais de 210 000 euros aux capacités financières des emprunteurs et l'inexistence d'un risque d'endettement né de son octroi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. A... et Mme K... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon.

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a dit que la Caisse d'épargne a commis une faute dans l'octroi de prêts à M. A... et Mme K... le 6 août 2008, et l'a condamnée à leur payer 80 000 € de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QU' « ainsi que l'ajustement rappelé le premier juge, le banquier qui consent un crédit est tenu de mettre en garde les emprunteurs non avertis sur les risques qu'ils encourent dans la réalisation d'un projet excédant leur capacité de remboursement ; qu'en l'espèce, ce dernier ne relevait d'aucune complexité particulière s'agissant de l'acquisition d'une habitation principale de plus grande importance financée «classiquement» par la revente de la résidence existante et la souscription d'un prêt relais dans l'attente du prix à venir de la vente, le seul aléa de l'opération résidant dans la revente plus ou moins rapide de l'immeuble existant ; mais qu'il est certain que cet aléa devait être particulièrement apprécié puisque la faisabilité du projet d'un coût global de 382 000 € ne reposait que sur la vente de l'immeuble de M. G... A... et Mme Q... K... pour un montant net vendeurs- de 310 000 € ainsi qu'il ressort du mandat de vente consenti le 28 avril 2008 à la SCP de notaires [...] ; que le document élaboré par l'établissement bancaire et intitulé «récapitulatif' habitat» retraçant l'étude du projet est dépourvu de tout renseignement sur la valeur de ce bien et se résume à un descriptif des ressources et charges mensuelles des emprunteurs laissant un solde disponible contesté de 2 057 6 en ce qu'il mentionne un montant mensuel de 450 € intitulé «autres revenus» dont on ne retrouve aucunement la trace sur les avis d'imposition produits par les appelants qui plaident ainsi, sans être contredits, que le cumul ,de leurs revenus mensuels est en réalité de 2 642 € qui doit être opposé à un endettement de 1 326 € par mois, soit de 50 % ; que si le banquier ne saurait s'immiscer dans les affaires de son client et contrôler l'opportunité du projet qu'il lui soumet, il est tenu d'en vérifier la viabilité et de se renseigner sur les éléments essentiels qui en constituent l'architecture au regard de son devoir de vigilance et de discernement ; qu'or il ne pouvait lui échapper que le bien immobilier mis en vente pour un prix net vendeurs de 310 000 e avait été acquis 20 ans plus tôt en 1988 pour un montant de 9 904 €, soit 30 fois moindre sans qu'il soit excipé de travaux d'embellissement, de rénovation, d'agrandissement ou autres ; que la Caisse d'épargne Languedoc-Roussillon a ainsi commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle, le préjudice des emprunteurs s'analysant en la perte d'une chance de renoncer à leur acquisition, son indemnisation ne peut donc être égale au préjudice actuellement revendiqué par M. G... A... et Mme Q... K..., soit 300 000 € susceptible en outre d'être réduit par la vente à venir de l'immeuble situé au [...] même à prix moindre ; qu'aussi l'indemnité sollicitée à ce titre sera fixée à la somme de 80 000 € » ;

ALORS premièrement QUE lorsque l'intimé n'a pas conclu le juge ne peut accueillir les demandes de l'appelant sans s'être assuré qu'elles sont régulières, recevables et bien fondées ; qu'en jugeant que, la Caisse d'épargne n'ayant pas déposé de conclusions d'intimée, elle était saisie de ses prétentions de première instance, quand elle devait d'office vérifier si les demandes des consorts A... K... étaient régulières, recevables et bien fondées, la cour d'appel a violé les articles 472, 960 et 961 du code de procédure civile ;

ALORS deuxièmement QUE si l'emprunteur non averti est fondé à se plaindre de l'inadaptation du prêt souscrit à ses facultés de remboursement, en revanche l'emprunteur averti ne peut valablement reprocher au banquier de lui avoir consenti le prêt qu'il lui demandait, sauf à prouver que par suite de circonstances exceptionnelles le prêteur aurait eu sur sa propre situation des informations que lui-même ignorait ; qu'en retenant la faute de la Caisse d'épargne dans l'octroi aux consorts A... K... des crédits qu'ils lui avaient demandés, sans préciser s'ils avaient la qualité d'emprunteurs non avertis, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

ALORS troisièmement QUE si même il fallait considérer que la cour d'appel a implicitement mais nécessairement estimé que les consorts A... K... avaient la qualité d'emprunteurs non avertis, en statuant par cette motivation implicite impropre à établir ladite qualité de non avertis, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

ALORS quatrièmement QUE le banquier, qui est tenu de ne pas s'immiscer dans les affaires de l'emprunteur et qui est en droit de se fier aux déclarations faites par ce dernier pour obtenir le prêt, n'a pas à se substituer à lui ou à un agent immobilier, en cas de prêt-relais, pour déterminer si le prix auquel l'emprunteur met son immeuble en vente correspond au prix du marché ni pour déterminer quelles sont les probabilités de vente ; qu'ayant constaté que l'immeuble des emprunteurs avait été mis en vente au prix de 310 000 €, en retenant que la Caisse d'épargne avait commis une faute dans l'octroi du prêt-relais au prétexte qu'elle ne pouvait ignorer que le bien avait été acquis 20 ans plus tôt au prix de 9 904 € sans qu'il soit excipé de travaux, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

ALORS cinquièmement QU'aucune faute n'est imputable au banquier dans l'octroi d'un crédit si l'emprunteur ne prouve, et si le juge ne caractérise qu'au jour de sa souscription le crédit est inadapté aux capacités financières de l'emprunteur ; que les juges du fond, après avoir constaté que l'immeuble des consorts A... K... avait été mis en vente au prix de 310 000 €
ainsi qu'il résultait du mandat confié au notaire, ont estimé que l'octroi des deux prêts litigieux était fautif en se bornant à retenir que la faisabilité du projet reposait sur la vente du bien au prix de 310 000 € et que la Caisse d'épargne ne pouvait ignorer que le bien avait été acquis 20 ans plus tôt au prix de 9 904 € sans qu'il soit excipé de travaux ; qu'en statuant par ces motifs impropres à établir que les prêts, au jour où ils ont été conclus, auraient été inadaptés aux capacités financières des emprunteurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

ALORS sixièmement QUE le juge d'appel qui n'est saisi d'aucunes conclusions de l'intimé ne peut infirmer la décision du premier juge sans en réfuter la motivation ; que pour débouter les consorts A... K... de leur demandes le jugement du 18 novembre 2013 a retenu que selon leurs propres déclarations ils n'étaient pas parvenus à vendre leur bien par suite de la crise immobilière et de la contraction du marché, que des événements postérieurs à la conclusion d'un prêt ne peuvent être imputés à faute au banquier, et qu'en conséquence les prêts litigieux étaient adaptés aux facultés contributives des emprunteurs sans que la Caisse d'épargne ait commis aucun manquement ; qu'en ne réfutant pas ce motif des premiers juges en se bornant à affirmer que la Caisse d'épargne ne pouvait ignorer que le bien avait été acquis 20 ans plus tôt au prix de 9 904 € sans qu'il soit excipé de travaux, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS septièmement QUE pour débouter les consorts A... K... de leurs demandes le jugement du 18 novembre 2013 a notamment relevé qu'ils avaient déclaré à la Caisse d'épargne que M. A... percevait 450 € mensuels d'indemnités de la part de Pôle emploi ; qu'en écartant cette somme des revenus des emprunteurs parce qu'elle ne figurait pas sur un avis d'imposition, sans ainsi réfuter le motif des premiers juges, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-17104
Date de la décision : 25/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 26 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 mar. 2020, pourvoi n°15-17104


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:15.17104
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award