LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 19 mars 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 344 F-D
Pourvoi n° B 19-12.037
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. H... .
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 juin 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020
Mme K... B..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° B 19-12.037 contre l'ordonnance rendue le 13 décembre 2018 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 6), dans le litige l'opposant à M. R... H... , domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maunand, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat de Mme B..., de la SCP Boullez, avocat de M. H... , et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 12 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Maunand, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée (Paris, le 13 décembre 2018) et les productions, M. H... a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris d'une contestation des honoraires de Mme B..., avocat.
2. Par décision du 15 novembre 2011, le bâtonnier a dit que Mme B... ne saurait prétendre à aucun honoraire et devait restituer, sur justification, l'intégralité des sommes versées avec intérêts au taux légal à compter de la décision et débouté les parties de toute autre demande.
3. Mme B... a formé un recours contre cette décision le 9 décembre 2011. L'instance a été radiée le 27 février 2014. Elle a été réinscrite au rôle à la demande de M. H... .
4. Celui-ci a fait délivrer une assignation à Mme B... le 24 septembre 2018 pour l'audience du 11 octobre 2018, selon les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile.
5. Mme B... ne s'est pas présentée à l'audience et ne s'est pas faite représenter. M. H... , présent, a demandé la confirmation de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Mme B... fait grief à l'ordonnance de dire qu'elle ne saurait prétendre à des honoraires et devra restituer à M. H... les sommes qu'il justifiera avoir versées alors « que la notification en un lieu autre que l'un de ceux qui sont prévus par la loi ne vaut pas notification ; qu'est dépourvue de valeur la signification réalisée par l'huissier selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile à une adresse autre que la dernière adresse connue ; qu'en l'espèce, la dernière adresse connue de Mme B..., figurant sur la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris était : « [...] » ; qu'il résulte du procès-verbal de signification en date du 24 septembre 2018 que l'huissier de justice s'est présenté au « [...] », cette adresse étant prétendument « le dernier domicile connu communiqué par le requérant » ; qu'en retenant pourtant que Mme B... aurait été régulièrement assignée à l'audience, le délégataire du premier président de la cour d'appel a violé les articles 653 et 659 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 654 et 659 du code de procédure civile :
7. Il résulte de ces textes que la signification doit être faite à personne et qu'il n'y a lieu à signification par procès-verbal de recherches que si le destinataire de l'acte n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, le procès-verbal devant comporter avec précision les diligences accomplies par l'huissier de justice pour rechercher le destinataire de l'acte.
8. Pour confirmer la décision de bâtonnier de l'ordre des avocats, l'ordonnance retient que, malgré l'assignation que lui a fait délivrer M. H... le 24 septembre 2018 selon les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile, Mme B... ne s'est pas présentée et ne s'est pas fait représenter à l'audience du 11 octobre 2018. Elle relève, en outre, que lors de l'audience, M. H... , présent, a demandé la confirmation de la décision. Elle en déduit qu'en l'absence de moyens susceptibles d'être soulevés d'office, alors que le bâtonnier a dûment motivé sa décision, cette dernière ne peut qu'être confirmée.
9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de la décision attaquée que la dernière adresse connue de Mme B..., avocat, était [...] , le premier président a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 13 décembre 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. H... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme B... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delamarre et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour Mme B...
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir dit que Me K... B... ne saurait prétendre à aucun honoraire et devra restituer à M. R... H... l'intégralité des sommes qu'il justifiera lui avoir versées, qui sont considérées comme TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la décision du Bâtonnier, ainsi que les frais de justice ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « l'instance a fait l'objet d'une radiation à l'audience du 27 février 2014 ; qu'elle a été réinscrite à la demande de M. H... ; que seul M. H... s'est présenté à l'audience du 11 octobre 2018 ; que malgré l'assignation que lui a fait délivrer M. H... le 24 septembre 2018, selon les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile, Me B... ne s'est pas présentée, et ne s'est pas fait représenter à l'audience du 11 octobre 2018 ; que lors de l'audience M. H... a confirmé la demande de confirmation ; qu'en application de l'article 468 du code de procédure civile, il convient de statuer par décision contradictoire ; qu'en l'absence de moyens susceptibles d'être soulevés d'office, alors que le bâtonnier a dûment motivé sa décision, la décision déférée ne peut qu'être confirmée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « il n'y pas lieu de surseoir à statuer sur la réclamation de M. R... H... car même s'il a déposé une plainte à l'encontre de son ancien avocat, ce qui n'est pas établi, cela ne peut empêcher le bâtonnier de statuer au vu des diligences effectuées sur les honoraires auxquels Me K... B... pourrait prétendre ; que les honoraires réclamés par Me K... B... sont sans aucun fondement puisqu'elle ne justifie pas de la moindre diligence dans les trois dossiers dont elle a été chargée ; que dans ces conditions, faute de justifier de la moindre diligence, elle ne saurait prétendre à aucun honoraire ; que cependant M. R... H... ne justifiant d'aucun des 18 versements de 500 € chacun qu'il dit avoir effectués au profit de Me K... B..., cette dernière devra lui rembourser l'intégralité des sommes dont il justifiera le versement à son profit ; qu'en conclusion, à défaut de convention écrite entre les parties les honoraires sont fixés conformément aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 10 juillet 1991 et celles de l'article 10 du décret du 12 juillet 2005 en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété, des diligences de celui-ci et au regard des éléments sus-énoncés, des faits constatés, ainsi que des diligences accomplies et vérifiées ; qu'il convient de dire que Me K... B... n'a droit à aucun honoraire et devra restituer à M. R... H... l'intégralité des sommes dont celui-ci justifiera le versement entre les mains de celle-là » ;
1/ ALORS QUE la notification en un lieu autre que l'un de ceux qui sont prévus par la loi ne vaut pas notification ; qu'est dépourvue de valeur la signification réalisée par l'huissier selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile à une adresse autre que la dernière adresse connue ; qu'en l'espèce, la dernière adresse connue de Me B..., figurant sur la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris était : « [...] » ; qu'il résulte du procès-verbal de signification en date du 24 septembre 2018 que l'huissier de justice s'est présenté au « [...] », cette adresse étant prétendument « le dernier domicile connu communiqué par le requérant » ; qu'en retenant pourtant que Me B... aurait été régulièrement assignée à l'audience, le délégataire du premier président de la cour d'appel a violé les articles 653 et 659 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'Homme ;
2/ ALORS QUE n'est pas régulière la signification selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, cependant que l'huissier n'a pas effectué toutes les diligences nécessaires pour délivrer une assignation à personne ; qu'est donc irrégulière la signification adressée à un avocat selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile lorsque l'huissier n'a consulté aucun des registres professionnels lui permettant de déterminer le lieu d'exercice du destinataire de l'acte ; qu'en l'espèce, le procès-verbal du 24 septembre 2018 mentionne que « de retour à l'Etude, les recherches sur l'annuaire électronique ne nous ont pas permis d'obtenir la nouvelle adresse de l'intéressée » ; qu'en jugeant régulière cette signification, sans rechercher si l'huissier de justice avait consulté l'annuaire des avocats ou, à tout le moins, consulté le registre du commerce et des sociétés, ce qui lui aurait permis d'identifier le lieu de travail de Me B..., avocat au barreau de Paris, le délégataire du premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'Homme ;
3/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QUE si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée ; qu'en l'espèce, pour confirmer la décision entreprise, la cour d'appel s'est bornée à relever « qu'en l'absence de moyens susceptibles d'être soulevés d'office, alors que le bâtonnier a dûment motivé sa décision, la décision déférée ne peut qu'être confirmée » (arrêt, p. 2, alinéa 8) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 472 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
4/ ALORS ET SUBSIDIAIREMENT QU'il incombe à celui qui prétend avoir payé indûment de démontrer l'existence de sa créance de répétition ; qu'en l'espèce, le délégataire du premier président de la cour d'appel a constaté que M. H... ne justifiait d'aucun des versements qu'il prétendait avoir effectués, et estimé que l'exposante ne justifierait pas « de la moindre diligence dans les trois dossiers dont elle a été chargée » ; qu'en condamnant pourtant Me B... à restituer à M. R... H... l'intégralité de sommes qu'il justifiera lui avoir versées, l'ordonnance attaquée a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.