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19/03/2020 | FRANCE | N°15-16186

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 mars 2020, 15-16186


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mars 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 232 F-D

Pourvoi n° D 15-16.186

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020

La société Prophal, société anonyme, dont le siège est [...] , a form

é le pourvoi n° D 15-16.186 contre l'arrêt rendu le 4 février 2015 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant à la...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mars 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 232 F-D

Pourvoi n° D 15-16.186

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020

La société Prophal, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 15-16.186 contre l'arrêt rendu le 4 février 2015 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bech, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Prophal, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [...], après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bech, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 février 2015), le 2 mars 2009, la société Prophal a conclu avec la société [...] deux marchés portant sur des travaux de désamiantage et de démolition de bâtiments situés dans deux sites différents. Pour l'un des sites, les travaux ont été exécutés et le montant du devis intégralement réglé. Pour l'autre site, les travaux n'ont été que partiellement effectués, la société Prophal ayant souhaité suspendre son projet immobilier.

2. La société [...] a assigné la société Prophal en résolution du contrat non intégralement rempli, en paiement d'une partie du prix du marché inachevé et en indemnisation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Prophal fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution du marché de travaux inachevé, alors :

« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que, comme le faisait valoir la société Prophal dans ses écritures d'appel, le devis n° 27.056-5 du 18 février 2009 prévoit une durée de travaux de 3/4 mois, mais ne fait état d'aucune date en ce qui concerne le commencement des travaux proprement dits, de sorte que, les difficultés rencontrées sur l'avancement commercial du projet l'ayant empêchée de poursuivre et d'achever le second marché, dont elle a été obligée de suspendre la réalisation, ce devis n° 27.056-5 pouvait, en tout état de cause, être réactivé si la conjoncture devenait meilleure et si elle finalisait commercialement son projet ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur l'absence de mention, dans le devis litigieux, d'une date de commencement des travaux, propre à justifier la suspension de leur exécution, la cour d'appel, qui a dénaturé par omission ce document, a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ en toute hypothèse, que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement ; que, dans ses écritures d'appel, la société Prophal avait fait valoir que si le devis n° 27.056-5 du 18 février 2009 prévoit une durée de travaux de 3/4 mois, il ne fait état d'aucune date en ce qui concerne le commencement des travaux proprement dits ; qu'elle exposait qu'elle connaît des difficultés sur l'avancement commercial du projet qui empêchent de poursuivre et d'achever le second marché, de sorte qu'elle a été obligée d'en suspendre la réalisation qu'elle soutenait que le devis n° 27.056-5 peut, en tout état de cause, être réactivé si la conjoncture devient meilleure et si elle finalise commercialement son projet, de sorte que la condition résolutoire ne peut pas s'appliquer, en l'espèce, car une partie du contrat a été effectuée et qu'il existe une possibilité pour que ce contrat aille à son terme car le projet n'est pas abandonné et les cocontractants sont toujours en mesure d'aller au bout de ce contrat quitte, peut-être, à réaménager et à réactualiser les travaux à finir, comme l'avaient retenu les premiers juges ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions, de nature à établir que la société Prophal pouvait valablement suspendre l'exécution du second marché sans manquer à ses obligations contractuelles, ni encourir la résolution du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil ;

3°/ en toute hypothèse, que seuls les manquements d'une partie contractante d'une gravité suffisante peuvent justifier la résolution du contrat ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser que les manquements qu'aurait commis la société Prophal étaient d'une gravité telle qu'elle justifiât la résolution du second marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Ayant retenu, sans dénaturer le devis de la société [...], que l'exécution du marché avait été interrompue, de sorte que la durée du contrat n'avait pas été respectée, et que l'arrêt des travaux était dû à l'attitude de la société Prophal qui avait suspendu de fait et sans fixation d'une date de reprise la poursuite du chantier, la cour d'appel a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et par une appréciation souveraine de la gravité de l'inexécution des obligations de la société Prophal, que la demande de résolution du contrat devait être accueillie.

6. Elle a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

7. La société Prophal fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société [...] une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat, alors :

« 1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen du chef de l'arrêt ayant prononcé la résolution du second marché entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt ayant condamné la société Prophal à payer à la société [...] la somme de 70 000 euros à titre de dommages-intérêts, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que pour condamner la société Prophal à payer à la société [...] la somme de 70 000 euros à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel a énoncé que le préjudice doit prendre en compte la désorganisation de l'entreprise par l'effet des circonstances de la rupture et la nécessité où elle demeurée de devoir rester prête à redémarrer le chantier sur réponse attendue de la société Prophal, ainsi que la perte financière résultant de la perte d'une grande partie de ce marché, qui doit s'apprécier en terme de perte équivalente à la marge bénéficiaire attendue sur les travaux qui restaient à exécuter ; qu'en statuant, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait pour évaluer le préjudice qu'aurait subi la société [...] à hauteur de 70 000 euros, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que la société Prophal a soutenu que le préjudice de la société [...] était nul puisque, comme le souligne, à juste titre, le tribunal, les travaux effectués ont été payés et ceux sur lesquels porte la demande de dommages-intérêts de la société [...] n'ont pas été exécutés et que son préjudice résulte, en conséquence, uniquement de la non-mise en oeuvre de la fin du second marché n° 27.056-5 ; qu'elle ajoutait que le projet étant actuellement à l'arrêt, elle n'avait donc pas vocation à faire exécuter, en tous cas dans l'immédiat, la poursuite des travaux de démolition ; qu'elle précisait que si le devis n° 27.056-5 du 18 février 2009 prévoyait une durée de travaux de 3/4 mois, il ne faisait état d'aucune date en ce qui concerne le commencement des travaux proprement dits ; qu'elle en concluait que la société [...] ne saurait invoquer un quelconque préjudice puisque sa demande porte sur des travaux non exécutés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions de nature à établir que la société [...] n'avait subi de préjudice, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que la société Prophal a soutenu que la société [...] se contente d'indiquer, de façon laconique, qu'elle subit un préjudice du fait de la non-exécution de ce contrat sans aucunement caractériser ledit préjudice ni fournir la moindre pièce à l'appui ; qu'elle précisait que le fait « d'avoir tout mis en place pour assurer l'exécution du chantier, notamment en terme de logistique et de plannings » selon les dires de la société [...], outre le caractère particulièrement vague de cette affirmation, ne saurait constituer un préjudice justifiant l'octroi d'une indemnisation et que cette demande est d'autant moins fondée qu'elle avait indiqué à la société [...] qu'aucune avancée commerciale nouvelle sur le projet ne lui permettait de procéder à la poursuite de la démolition de sorte qu'on ne comprend pas très bien quel préjudice aurait pu subir la société [...] en terme « de logistique et de plannings », de sorte que cette dernière ne saurait sérieusement prétendre avoir subi un préjudice en terme « de logistique et de plannings » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions de nature à établir que la société [...] n'avait subi de préjudice, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. La cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.

9. Ayant retenu que le préjudice devait prendre en compte la désorganisation de l'entreprise par l'effet des circonstances de la rupture et la nécessité où elle était demeurée de devoir rester prête à redémarrer le chantier sur réponse attendue de la société Prophal, ainsi que la perte de la marge bénéficiaire sur les travaux qui restaient à exécuter, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a, par une décision motivée, souverainement apprécié le montant du préjudice subi par la société Prophal, dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Prophal aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Prophal et la condamne à payer à la société [...] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Maunand, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché et Mme Besse, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt, et par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Prophal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résolution du marché de travaux résultant de l'acceptation du devis n° 27.056-5 du 18 février 2009 par la société Prophal à ses torts exclusifs ;

Aux motifs que « les dispositions de l'article 1134 du code civil énoncent que les conventions légalement formées ont force de loi entre les parties et doivent être exécutées de bonne foi ; que (Sur le marché conclu le 18 février 2009 selon devis 27-090-5), le devis de ce marché intitulé travaux de démolition des bâtiments de l'ancien site SEE situé [...] , d'un montant de 251 160 euros TTC, inclut des prestations préparatoires administratives et matérielles, du désamiantage et de la démolition dont la durée d'exécution est prévue pour 4 mois ; qu'il a été accepté par mention et signature apposées le 2 mars 2009 ; qu'il y est précisé que le prix est forfaitaire pour la démolition ; que [...] mentionne que ce devis a fait suite à un précédent daté du 5 février 2009 d'un montant de 328 065 euros HT soit 392 365,74 euros TTC qui a été réduit par transfert des prestations correspondantes sur le second marché, cela à concurrence de 105 050 euros HT, afin de donner des facilités financières à Prophal ; que [...] expose que ce premier marché a été réalisé courant 2009 et réglé ; que la demande de paiement de la somme de 105 050 euros pour non-paiement d'une partie des travaux exécutés sur le site de la rue Cavallier dans le cadre du premier marché mais factures dans le cadre du second marché relève des motifs ci-après (2-2-1) ; que (sur le second marché conclu également le 18 février 2009, selon devis 27-056-5 et sur la demande de résolution du second marché), le devis 27-056-5 du 18 février 2009 est intitulé « affaire travaux de démolition des bâtiments de l'ancien [...] » ; qu'il comprend pareillement des prestations préparatoires, des travaux de désamiantage et de démolition, pour un coût de 378 000 euros HT soit 452 088 euros et une durée d'exécution prévue de 3-4 mois ; qu'il a été accepté par mention et signature apposées le 2 mars 2009 par Prophal ; que le paiement a été prévu à raison de 20 % à la commande et ensuite à 30 jours sur situation mensuelle ; que [...] précise que ce second marché s'est subdivisé en deux phases de travaux distinctes dont la première a été réalisée avec difficultés et réglée après des mises en demeure des 3 et 10 novembre 2010, alors qu'aucune date n'a été donnée par le maître d'ouvrage pour déterminer la reprise du chantier en vue de la seconde phase, malgré les courriers recommandés adresses sur ce point les 29 juillet 2010 et 29 mars 2011 ; que [...] conteste la valeur contractuelle de l'affirmation de Prophal, dans un courrier du 3 août 2011, selon laquelle « l'ensemble de la démolition du site Soufflet serait lié à l'avancement de [la] commercialisation » [du projet de construction immobilière], et a dénié tout accord sur une telle condition dans une lettre recommandée du 21 octobre 2011 ; qu'elle ajoute qu'elle n'aurait jamais accepté de transférer une partie du paiement du premier chantier sur le devis du second chantier si elle n'avait pas reçu commande ferme de l'ensemble des travaux ; que le jugement entrepris a estimé que l'exécution du marché restait possible puisque ce contrat n'avait pas été clairement dénoncé par Prophal, et que la date de début de chantier n'a jamais été spécifiée ; qu'il a rejeté la demande de « résiliation » judiciaire ; que la cour retiendra, en présence de marchés conclus par simple acceptation de devis, sans condition suspensive d'aucune sorte, ni cahier de charges administrative et techniques que Prophal s'est engagée de manière ferme sur la commande des prestations de démolition et désamiantage demandées à [...] notamment sur le second site dit de Soufflets pour le montant précité ; qu'il est en effet établi par les pièces versées que :

- l'exécution du second marché, d'une durée expressément prévue de 3-4 mois a été interrompue, de sorte qu'en toute hypothèse la durée du contrat n'a pas été respectée,
- cette interruption est due à l'attitude de Prophal des lors que :
[...] lui a adressé une facture correspondant à la situation n° 1 arrêtée au 31 mai 2010 (pièce 6 facture 1087) pour un montant de 40 616,16 euros pour les travaux déjà exécutés dont 65 % du poste de démolition des superstructures des bâtiments 1, 2, 3 et 4 de type pavillon hangar ; puis elle a relancé Prophal par courriers recommandés du 29 juillet 2010, 3 novembre 2010 et 10 novembre 2010, ce dernier visant le blocage de la facture par M. S... de la société Prophal,
Prophal n'a pas contesté cette situation n° 1 qu'elle a fini par acquitter suite aux relances,
[...] a demandé à Prophal de déterminer les conditions de reprise du chantier notamment par courrier recommandé de son conseil du 13 juillet 2011 en notifiant une proposition de calendrier de reprise et d'achèvement et de paiement du solde restant dû (378 000 Ht – 33 960 euros Ht) selon prévision de facturation mensuelle d'août à novembre 2011.
Prophal dont le premier élément de réponse est une lettre du 3 août 2011, 14 mois après la première situation, soutient qu'il avait été convenu d'attendre le temps qu'il fallait pour réaliser ce chantier, que [...] avait insisté pour obtenir ce chantier et qu'il a été convenu également que cette entreprise « [pourrait] revendre les matériaux qu'elle récupérait sur le site, et cela venait en attente du déblocage du deuxième chantier sur les Moulins Soufflets ».
Cette affirmation ne résulte aucunement du marché initial ni d'aucun document contractuel modificatif de l'accord initial sur une durée totale du chantier de 3-4 mois.

Une relance était adressée le 6 mars 2012 à Prophal.

qu'il sera fait droit à la demande de résolution du marché, par application de la clause résolutoire toujours sous-entendue dans les contrats pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement, comme le stipule l'article 1184 du code civil ; qu'en effet le second marché n'a pu recevoir pleine et entière exécution que par le seul fait de Prophal d'une part en ce qu'elle a refusé le paiement des travaux exécutés, d'autre part en ce qu'elle a suspendu de fait et sine die la poursuite du chantier en ne répondant à la proposition de nouveau calendrier d'exécution ; qu'il importe peu, près de 6 ans après la passation du marché, de savoir si Prophal a continué ce chantier en ayant recours à des tierces entreprises, aux lieu et place de [...] puisqu'il est établi que Prophal a en réalité mis [...] dans l'impossibilité d'en poursuivre l'exécution dans un délai raisonnable, lequel était contractuellement de 3 à 4 mois ; que la cour, infirmant le jugement, prononcera la résolution en retenant la seule responsabilité de PROPHAL dans la rupture des relations contractuelles » ;

Et aux motifs que « le préjudice de [...] du fait de la rupture du second marché doit s'apprécier dans les termes suivants :

- le marché (sur devis 27-056-5) a été convenu pour un montant de 378 000 Ht. Déduction faite de l'acompte finalement réglé de 33 960 euros Ht le solde du marché s'élève à la somme de 344 040 euros, dont à déduire le montant des travaux effectués sur le chantier Cavallier (Cf supra 2-2-1). En conséquence lors de l'arrêt du chantier il restait à réaliser un montant de travaux de 279 040 euros HT (344 000 - 65 000), ce qui représente la perte de chiffres d'affaire par [...],
- le préjudice doit prendre en compte la désorganisation de l'entreprise par l'effet des circonstances de la rupture et la nécessité ou` elle demeurée de devoir rester prête à redémarrer le chantier sur réponse attendue de Prophal, ainsi que la perte financière résultant de la perte d'une grande partie de ce marché, qui doit s'apprécier en terme de perte équivalente à la marge bénéficiaire attendue sur les travaux qui restaient à exécuter.

que la cour retiendra à ce titre une indemnisation à hauteur de 70 000 euros que Prophal devra lui verser à titre de dommages-intérêts ».

Alors 1°) que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; que, comme le faisait valoir la société Prophal dans ses écritures d'appel (concl., p. 4), le devis n° 27.056-5 du 18 février 2009 prévoit une durée de travaux de 3/4 mois, mais ne fait état d'aucune date en ce qui concerne le commencement des travaux proprement dits, de sorte que, les difficultés rencontrées sur l'avancement commercial du projet l'ayant empêchée de poursuivre et d'achever le second marché, dont elle a été obligée de suspendre la réalisation, ce devis n° 27.056-5 pouvait, en tout état de cause, être réactivé si la conjoncture devenait meilleure et si elle finalisait commercialement son projet ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur l'absence de mention, dans le devis litigieux, d'une date de commencement des travaux, propre à justifier la suspension de leur exécution, la cour d'appel, qui a dénaturé par omission ce document, a violé l'article 1134 du code civil ;

Alors, en toute hypothèse, 2°) que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 4), la société Prophal avait fait valoir que si le devis n° 27.056-5 du 18 février 2009 prévoit une durée de travaux de 3/4 mois, il ne fait état d'aucune date en ce qui concerne le commencement des travaux proprement dits ; qu'elle exposait qu'elle connaît des difficultés sur l'avancement commercial du projet qui empêchent de poursuivre et d'achever le second marché, de sorte qu'elle a été obligée d'en suspendre la réalisation ; qu'elle soutenait que le devis n° 27.056-5 peut, en tout état de cause, être réactivé si la conjoncture devient meilleure et si elle finalise commercialement son projet, de sorte que la condition résolutoire ne peut pas s'appliquer, en l'espèce, car une partie du contrat a été effectuée et qu'il existe une possibilité pour que ce contrat aille à son terme car le projet n'est pas abandonné et les cocontractants sont toujours en mesure d'aller au bout de ce contrat quitte, peut-être, à réaménager et à réactualiser les travaux à finir, comme l'avaient retenu les premiers juges ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions, de nature à établir que la société Prophal pouvait valablement suspendre l'exécution du second marché sans manquer à ses obligations contractuelles, ni encourir la résolution du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil ;

Alors, en toute hypothèse, 3°) que seuls les manquements d'une partie contractante d'une gravité suffisante peuvent justifier la résolution du contrat ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser que les manquements qu'aurait commis la société Prophal étaient d'une gravité telle qu'elle justifiât la résolution du second marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Prophal à payer à la société [...] la somme de 65 000 euros pour solde de paiement des travaux exécutés,

Aux motifs que « (sur la demande de paiement de la somme de 105 050 euros pour travaux exécutés sur le premier site), [...] soutient qu'une partie du coût du premier marché, à hauteur de 105 050 euros a été basculée sur le devis du second marché, et qu'elle n'en a donc pas été réglée bien que les travaux aient été exécutés dès le premier chantier ; que le jugement entrepris a débouté [...] de cette demande en retenant l'absence de preuve, faute d'élément provenant de Prophal elle-même, et en soulignant que pour une opération aussi importante un écrit de cette dernière faisant état de cet accord était à tout le moins nécessaire ; qu'il sera cependant rappelé que, s'agissant de relations contractuelles entre deux sociétés commerciales le principe applicable est celui de la liberté de la preuve qui peut, par application de l'article 110-3 du code de commerce, se faire par tous moyens ; que [...] fait valoir que le devis initial du premier marché, établi le 5 février 2009 (pièce 3) s'élevait à 328 065 euros HT, mais qu'après la modification souhaitée par Prophal, ce montant a été ramené à 210 000 euros HT (pièce 4) selon devis accepté le 18 février 2009 ; qu'elle se prévaut notamment de l'attestation versée aux débats par M. W... consultant dont elle était assistée, qui avait été témoin des négociations (pièce 16) ; que la cour retiendra de la comparaison des deux devis des 5 et 18 février 2009 que :

- un poste de 38 800 euros mentionné sur celui du 5 février correspondant au « cassement du mur de clôture à 0,80 m de hauteur » sur une longueur 400 mètres n'a pas été repris sur le second devis. Il s'agit, en l'absence de plus de précision, d'un retrait de prestation.
- le poste d'installation du chantier initialement prévu pour 4800 euros à l'unité sur le premier devis et 2800 euros sur celui du 18 février, est dans les deux cas retenu pour 2800 euros seulement,
- le poste démolition comparé sur les deux devis (hors mentions manuscrites) dans les termes ci-dessous ne fait apparaître une différence que de 79 265 euros HT (60000 + 6265 + 13000) et non pas 105 050 euros, le poste « cassement du mur » n'ayant pas été retenu :

Devis du 5 février (euros HT)
Devis accepté du 18 février
Différence

D'un coût total 328 065 euros HT
D'un coût total de 210000 euros HT

Hors mentions manuscrites

Curage des bâtiments 1 à 7 situés derrière le bâtiment principal conservé, tri et évacuation des matériaux en décharges agréées
143130
[...]
- 60000

démolition de la superstructure et infrastructure du bassin en fond de parcelle,
82870
76605
- 6265

Moins-value pour concassage des matériaux sur le site
En option
- 13000
- 13000

« cassement du mur de clôture à 0,8 m de hauteur » 400 ml
38800

Non mentionné
=etgt; non retenu
Non mentionné
=etgt; non retenu en l'absence d'éléments

Total lot démolition
284 800
hors option de moins value mais incluant cassement du mur de clôture
146 735
avec option de moins-value mais sans « cassement du mur »

- la moins-value pour concassage sur place des matériaux correspond en l'absence de précision des parties sur ce point à ce que Prophal a qualifié de contrepartie de récupération de matériaux venant en déduction du prix et a donc été expressément retenue (13 000 euros) de sorte que l'argumentation de Prophal sur ce point n'est que partiellement justifiée pour expliquer la différence,
- l'observation selon laquelle deux postes de prestations équivalents sur les deux devis (Curage des bâtiments 1 à 7 situés derrière le bâtiment principal conservé, tri et évacuation des matériaux en décharges agréées ; et démolition de la superstructure et infrastructure du bassin en fond de parcelle) représentent 66 265 euros de réduction accrédite dans son principe l'existence d'une négociation qui a excédé l'application d'un geste commercial.

que, face à ce constat, force est de constater que Prophal n'apporte aucun élément convaincant de nature a` remettre en cause le basculement d'une partie du prix sur le second marché ; que la réalité de cette négociation est corroborée par l'attestation écrite de M. W... (pièce 16- et pièce 19 -Siret 402 824 742 000 25), consultant ayant assisté aux négociations ; que cette attestation n'émane pas d'un salarié ou d'une personne liée par un lien de subordination ou de parenté à [...], un tel lien ne pouvant se déduire des relations contractuelles rémunérées entre M. W... et [...], alors en tout état de cause que l'attestation, qui est conforme aux dispositions prévues par l'article 202 du code de procédure civile n'a pas été arguée de faux ; que la cour retiendra l'existence de cette négociation portant sur les modalités de paiement des travaux exécutés sur le premier chantier pour un montant qui, au regard des éléments versés aux débats, sera toutefois limité à 65 000 euros ; qu'en conséquence en l'absence de toute contestation utile sur la réalisation des travaux du premier chantier, [...] sera condamnée a` payer cette somme à [...] » ;

Alors 1°) que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, pour décider qu'une partie du prix du premier marché avait été basculée sur le second marché, la cour d'appel s'est bornée à relever l'existence d'une négociation portant sur les modalités de paiement des travaux exécutés sur le premier chantier ; qu'en déduisant de cette négociation que la société Prophal devait payer à la société [...] une somme complémentaire de 65 000 euros, après avoir pourtant constaté que le devis du 18 février mentionne un coût total de 210 000 euros et que ce prix a été payé par la société Prophal, sans caractériser autrement que par l'existence d'une négociation que cette dernière aurait, en quelque façon, accepté de payer une somme supplémentaire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Alors 2°) que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 7), la société Prophal a fait valoir que le projet de devis produit par la société [...] portant sur un montant de 392 365,74 euros TTC ne comporte aucune signature, cachet ou acceptation de la société Prophal et constitue un simple brouillon, de sorte qu'elle ne saurait donc sérieusement prétendre, sur la base d'un simple brouillon et sans justifier d'un quelconque accord de la société Prophal avoir supporté une avance de travaux de 105 050 euros au titre du second marché et qu'elle ne démontre pas en quoi une somme de 105 050 euros a été transférée du premier au second marché et correspondrait aux travaux du premier marché exécuté et doit, en conséquence, être déboutée de sa demande en paiement du fait de sa carence dans l'administration de la preuve ; qu'en se fondant cependant sur ce devis, pour condamner la société Prophal à payer à la société [...] une somme complémentaire de 65 000 euros, sans se prononcer, au regard de ces chefs de conclusions, sur son absence de tout caractère probant, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne peut se constituer un titre à soi-même ;

Alors 3°) que, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; dans ses écritures d'appel (concl., p. 7-8), la société Prophal a fait valoir que l'attestation de M. F... W... est produite uniquement pour les besoins de la cause et qu'il apparaît tout à fait extraordinaire que M. F... W... qui n'est pas concerné par cette procédure se souvienne subitement le 12 mai 2014 de propos qui auraient été échangés oralement au cours d'une réunion tenue le 9 mars 2009 soit plus de 5 ans auparavant ; qu'en se fondant cependant sur cette attestation, pour affirmer que les parties auraient négocié les modalités de paiement des travaux exécutés sur le premier chantier, sans se prononcer, au regard de ces chefs de conclusions, sur son absence de tout caractère probant, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Prophal à payer à la société [...] la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat.

Aux motifs que « le préjudice de [...] du fait de la rupture du second marché doit s'apprécier dans les termes suivants :

- le marché (sur devis 27-056-5) a été convenu pour un montant de 378 000 Ht. Déduction faite de l'acompte finalement réglé de 33 960 euros Ht le solde du marché s'élève à la somme de 344 040 euros, dont à déduire le montant des travaux effectués sur le chantier Cavallier (Cf supra 2-2-1). En conséquence lors de l'arrêt du chantier il restait à réaliser un montant de travaux de 279 040 euros HT (344 000 - 65 000), ce qui représente la perte de chiffre d'affaire par [...],
- le préjudice doit prendre en compte la désorganisation de l'entreprise par l'effet des circonstances de la rupture et la nécessité où elle demeurée de devoir rester prête à redémarrer le chantier sur réponse attendue de Prophal, ainsi que la perte financière résultant de la perte d'une grande partie de ce marché, qui doit s'apprécier en terme de perte équivalente à la marge bénéficiaire attendue sur les travaux qui restaient à exécuter.

que la cour retiendra à ce titre une indemnisation à hauteur de 70 000 euros que Prophal devra lui verser à titre de dommages-intérêts ».

Alors 1°) que la cassation à intervenir sur le premier moyen du chef de l'arrêt ayant prononcé la résolution du second marché, entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt ayant condamné la société Prophal à payer à la société [...] la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

Alors, en toute hypothèse, 2°) que pour condamner la société Prophal à payer à la société [...] la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel a énoncé que le préjudice doit prendre en compte la désorganisation de l'entreprise par l'effet des circonstances de la rupture et la nécessité où elle demeurée de devoir rester prête à redémarrer le chantier sur réponse attendue de la société Prophal, ainsi que la perte financière résultant de la perte d'une grande partie de ce marché, qui doit s'apprécier en terme de perte équivalente à la marge bénéficiaire attendue sur les travaux qui restaient à exécuter ; qu'en statuant, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait pour évaluer le préjudice qu'aurait subi la société [...] à hauteur de 70 000 euros, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, en toute hypothèse, 3°) que, dans ses écritures d'appel (concl., 4-5), la société Prophal a soutenu que le préjudice de la société [...] 2TAIT nul puisque comme le souligne, à juste titre, le tribunal ? les travaux effectués ont été payés et ceux sur lesquels porte la demande de dommages et intérêts de la société [...] n'ont pas été exécutés et que son préjudice résulte, en conséquence, uniquement de la non mise en œuvre de la fin du second marché n° 27.056-5 ; qu'elle ajoutait que le projet étant actuellement à l'arrêt, elle n'avait donc pas vocation à faire exécuter, en tous cas dans l'immédiat, la poursuite des travaux de démolition ; qu'elle précisait que si le devis n° 27.056-5 du 18 février 2009 prévoyait une durée de travaux de 3/4 mois, il ne faisait état d'aucune date en ce qui concerne le commencement des travaux proprement dits ; qu'elle en concluait que la société [...] ne saurait invoquer un quelconque préjudice puisque sa demande porte sur des travaux non exécutés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions de nature à établir que la société [...] n'avait subi de préjudice, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, en toute hypothèse, 4°) que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 4-5), la société Prophal a soutenu que la société [...] se contente d'indiquer, de façon laconique, qu'elle subit un préjudice du fait de la non-exécution de ce contrat sans aucunement caractériser ledit préjudice ni fournir la moindre pièce à l'appui ; qu'elle précisait que le fait « d'avoir tout mis en place pour assurer l'exécution du chantier, notamment en terme de logistique et de plannings » selon les dires de la société [...], outre le caractère particulièrement vague de cette affirmation, ne saurait constituer un préjudice justifiant l'octroi d'une indemnisation et que cette demande est d'autant moins fondée qu'elle avait indiqué à la société [...] qu'aucune avancée commerciale nouvelle sur le projet ne lui permettait de procéder à la poursuite de la démolition de sorte qu'on ne comprend pas très bien quel préjudice aurait pu subir la société [...] en terme « de logistique et de plannings », de sorte que cette dernière ne saurait sérieusement prétendre avoir subi un préjudice en terme « de logistique et de plannings » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions de nature à établir que la société [...] n'avait subi de préjudice, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-16186
Date de la décision : 19/03/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 mar. 2020, pourvoi n°15-16186


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:15.16186
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