LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 mars 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 232 F-D
Pourvoi n° J 19-13.700
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme D....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 janvier 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2020
Mme N... D..., épouse V..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° J 19-13.700 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre des tutelles des majeurs), dans le litige l'opposant à l'association de tutelle et d'intégration d'Aquitaine, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de Me Brouchot, avocat de Mme D..., et après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 avril 2018), Mme D..., née le [...] , a été placée sous curatelle renforcée par jugement du 18 décembre 2015.
2. Par requête du 25 janvier 2016, elle a saisi le juge des tutelles d'une demande de mainlevée de la mesure.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Mme D... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de mainlevée de la mesure de protection, alors :
« 1°/ que la curatelle suppose une double condition soit, d'une part, une altération des facultés mentales ou corporelles de l'intéressé et, d'autre part, la nécessité pour celui-ci d'être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile ; que la cour d'appel qui n'a pas constaté que Mme D... avait besoin d'être conseillée ou assistée d'une manière continue pour l'accomplissement de ces actes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 440 du code civil ;
2°/ que dans le régime de la curatelle renforcée, le curateur perçoit les revenus de la personne protégée et assure lui-même le règlement des dépenses ; que la cour d'appel qui n'a pas recherché si Mme D... était, ou non, apte à percevoir ses revenus et à en faire une utilisation raisonnable, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 472 du code civil. »
Réponse au moyen
4. Ayant relevé d'une part que, selon l'expert, Mme D... souffrait d'un léger déficit de la mémoire et des capacités d'attention et de concentration, que ses facultés de raisonnement et de jugement étaient susceptibles d'être influencées par une certaine dépendance affective, existant du fait de son douloureux passé, et que cette détérioration modérée la rendait vulnérable et suggestible, parfois même incohérente, d'autre part, que, selon les observations du curateur, elle était encore influençable et dépensait trop, ce dont elle a déduit que l'intéressée continuait de présenter une altération des facultés mentales, d'avoir besoin d'être conseillée ou assistée d'une manière continue pour l'accomplissement des actes de la vie civile et qu'elle était inapte à percevoir ses revenus et à en faire une utilisation normale, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision au regard des conditions posées par les articles 440 et 472 du code civil.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Mme D... fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que la cour d'appel s'est bornée à entériner le rapport d'expertise du Dr M... lequel comporte des contradictions quant à l'état de Mme D..., indiquant, d'un côté, qu'elle ne présente pas de troubles psychotiques ni de troubles de l'humeur et dispose de capacités de raisonnement et de jugement, et, d'un autre côté, qu'elle présente une détérioration relativement modérée de son fonctionnement cognitif et intellectuel, pour conclure au maintien de la mesure de protection ; qu'ainsi la cour d'appel qui s'est approprié ce rapport d'expertise a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en s'abstenant de rechercher dans quelle mesure l'état de Mme D... était de nature à empêcher l'expression de sa volonté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 425 du code civil. »
Réponse au moyen
6. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la portée du rapport d'expertise que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise dès lors que la mesure de protection était fondée sur une altération des facultés mentales, a, sans contradiction de motifs, légalement justifié sa décision sur le fondement de l'article 425 du code civil.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme D... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour Mme D...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme D... de sa demande de mainlevée de la mesure de curatelle ouverte à son égard ;
AUX MOTIFS QU‘en application des articles 425 et suivants du code civil, toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté, peut bénéficier d'une mesure de protection juridique tant de sa personne que de ses intérêts patrimoniaux ou limitée expressément à l'une de ces deux missions ; qu'en l'espèce, Mme N... D... veuve V... qui sollicite la mainlevée de la curatelle renforcée prise à son bénéfice a été examinée par un médecin expert à son domicile, à sa demande, et en présence de son conseil ; que l'expert note que si l'examen de l'appelante ne met pas en évidence de troubles psychotiques particuliers, elle souffre d'un léger déficit de la mémoire et des capacités d'attention et de concentration ; que ses capacités de raisonnement et de jugement sont susceptibles d'être influencées par des éléments d'ordre affectif et par une certaine dépendance affective, existant du fait de son douloureux passé ; que cette détérioration modérée la rend vulnérable et suggestible, parfois même incohérente ; que la cour relève que les constatations médicales récentes indiquent que la curatelle renforcée dont bénéficie l'appelante est justifié par une altération modérée de ses capacités mentales et que son maintien est indispensable ; qu'au vu de ces éléments actuels et des observations faites par l'ATI d'Aquitaine sur le mode de fonctionnement au quotidien de Mme N... D... veuve V..., il convient de confirmer le jugement déféré et de débouter l'appelante de sa demande de mainlevée ;
1) ALORS QUE la curatelle suppose une double condition soit, d'une part, une altération des facultés mentales ou corporelles de l'intéressé et, d'autre part, la nécessité pour celui-ci d'être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile ; que la cour d'appel qui n'a pas contesté que Mme D... avait besoin d'être conseillée ou assistée d'une manière continue pour l'accomplissement de ces actes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 440 du code civil ;
2) ALORS QUE dans le régime de la curatelle renforcée, le curateur perçoit les revenus de la personne protégée et assure lui-même le règlement des dépenses ; que la cour d'appel qui n'a pas recherché si Mme D... était, ou non, apte à percevoir ses revenus et à en faire une utilisation raisonnable, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 472 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme D... de sa demande de mainlevée de la mesure de curatelle ouverte à son égard ;
AUX MOTIFS QU‘en application des articles 425 et suivants du code civil, toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté, peut bénéficier d'une mesure de protection juridique tant de sa personne que de ses intérêts patrimoniaux ou limitée expressément à l'une de ces deux missions ; qu'en l'espèce, Mme N... D... veuve V... qui sollicite la mainlevée de la curatelle renforcée prise à son bénéfice a été examinée par un médecin expert à son domicile, à sa demande, et en présence de son conseil ; que l'expert note que si l'examen de l'appelante ne met pas en évidence de troubles psychotiques particuliers, elle souffre d'un léger déficit de la mémoire et des capacités d'attention et de concentration ; que ses capacités de raisonnement et de jugement sont susceptibles d'être influencées par des éléments d'ordre affectif et par une certaine dépendance affective, existant du fait de son douloureux passé ; que cette détérioration modérée la rend vulnérable et suggestible, parfois même incohérente ; que la cour relève que les constatations médicales récentes indiquent que la curatelle renforcée dont bénéficie l'appelante est justifié par une altération modérée de ses capacités mentales et que son maintien est indispensable ; qu'au vu de ces éléments actuels et des observations faites par l'ATI d'Aquitaine sur le mode de fonctionnement au quotidien de Mme N... D... veuve V..., il convient de confirmer le jugement déféré et de débouter l'appelante de sa demande de mainlevée ;
1) ALORS QUE la cour d'appel s'est bornée à entériner le rapport d'expertise du Dr M... lequel comporte des contradictions quant à l'état de Mme D..., indiquant, d'un côté, qu'elle ne présente pas de troubles psychotiques ni de troubles de l'humeur et dispose de capacités de raisonnement et de jugement, et, d'un autre côté, qu'elle présente une détérioration relativement modérée de son fonctionnement cognitif et intellectuel, pour conclure au maintien de la mesure de protection ; qu'ainsi la cour d'appel qui s'est approprié ce rapport d'expertise a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU'en s'abstenant de rechercher dans quelle mesure l'état de Mme D... était de nature à empêcher l'expression de sa volonté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 425 du code civil.