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18/03/2020 | FRANCE | N°18-15219

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 mars 2020, 18-15219


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mars 2020

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 347 F-D

Pourvoi n° Q 18-15.219

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MARS 2020

M. N... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q

18-15.219 contre l'arrêt rendu le 16 février 2018 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société ISS...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 mars 2020

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 347 F-D

Pourvoi n° Q 18-15.219

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 MARS 2020

M. N... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-15.219 contre l'arrêt rendu le 16 février 2018 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société ISS propreté, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , ayant un établissement, [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. E..., de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société ISS propreté, après débats en l'audience publique du 12 février 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 16 février 2018), que M. E... a été engagé en qualité d'agent qualifié de service par la société ISS propreté suivant contrat de travail du 22 juin 1989, soumis à la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés ; qu'invoquant une atteinte au principe d'égalité de traitement, il a, le 16 octobre 2015, saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement d'un rappel de prime de treizième mois au titre des années 2012, 2013 et 2014 ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond sont tenus de respecter les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les conclusions respectives des parties ; que lorsque le salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » a soumis au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les éléments fournis par M. E... établissaient une disparité de traitement résultant de l'attribution d'une prime de treizième mois réservée à certaines catégories de salariés de la société ISS propreté ; qu'au titre des éléments objectifs propres à justifier cette différence de traitement, l'employeur se bornait à invoquer une différence de fonctions et une situation de travail non comparable entre les salariés exerçant une « fonction support » et ceux exerçant une activité « opérationnelle » ; qu'il déniait à cet égard toute pertinence aux trois filières définies par l'annexe I, relative aux classifications, de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés ; qu'en se fondant au contraire, pour retenir que la disparité de traitement était justifiée de façon objective et pertinente, sur une analyse comparée des missions, tâches, compétences et responsabilité des différentes catégories professionnelles telles qu'elles sont définies par l'annexe I, relative aux classifications, de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge doit observer en toutes circonstances le principe dela contradiction et ne peut en conséquence fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que pour infirmer le jugement de première instance, la cour d'appel a retenu, à partir d'une analyse des mentions de l'annexe I, relative aux classifications, de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, que les catégories de salariés de la société ISS propreté bénéficiant de la prime de treizième mois exerçaient des responsabilités plus importantes que celles confiées à M. E.... avec des niveaux de compétence, d'autonomie et de polyvalence sensiblement supérieurs, justifiant de façon objective et pertinente la disparité de traitement ; que l'employeur invoquait pour sa part au soutien de son appel une différence de fonctions et une situation de travail non comparable entre les salariés exerçant une « fonction support » et ceux exerçant une activité « opérationnelle », en déniant toute pertinence aux filières et catégories définies par l'annexe I de la convention collective susmentionnée ; qu'en fondant ainsi sa solution sur un moyen relevé d'office, radicalement différent de celui qui était invoqué par l'appelant, sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations, la cour d'appel a méconnu les exigences du contradictoire, en violation de l'article 16 du code de procédure civile et du droit à un procès équitable garanti notamment par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre les salariés qui effectuent un même travail ou un travail de valeur égale ; qu'afin de vérifier si les salariés d'une même entreprise effectuent un travail de valeur égale, le juge doit comparer concrètement leur situation au sein de l'entreprise, sans pouvoir s'en tenir à une comparaison théorique au regard des classifications prévues par la convention collective applicable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est fondée exclusivement sur une analyse comparée des missions, tâches, compétences et responsabilités des différentes catégories professionnelles telles qu'elles sont définies par l'annexe I, relative aux classifications, de la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, pour en déduire que les catégories de salariés de la société ISS Propreté bénéficiant de la prime de treizième mois exerçaient des responsabilités plus importantes que celles confiées à M. E..., avec des niveaux de compétence, d'autonomie et de polyvalence sensiblement supérieurs, justifiant de façon objective et pertinente la disparité de traitement ; qu'en omettant ainsi de rechercher de façon concrète, au regard des tâches et fonctions assumées par M. E... au cours des trois années en litige, si son niveau de responsabilité, de compétence, d'autonomie et de polyvalence était effectivement inférieur à l'ensemble des salariés bénéficiant la prime de treizième mois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » ;

4°/ qu'aux termes des grilles de classification figurant en annexe I de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, il est seulement requis d'un employé administratif du premier échelon (EA1) qu'il sache communiquer avec son environnement professionnel pour accomplir sa mission, qu'il suive des consignes précises et impératives et qu'il accomplisse des travaux d'exécution simples ou des tâches répétitives, sur modèles ou après simple démonstration, sans la moindre responsabilité, tandis qu'il est requis d'un agent qualifié de service de troisième échelon (AQS3), qu'il communique avec le client et puisse régler un problème technique permettant de satisfaire la qualité de la prestation, qu'il choisisse, sous le contrôle de son supérieur hiérarchique, les moyens et méthodes à utiliser et qu'il puisse les adapter à la situation de travail, qu'il utilise des méthodes et procédures complexes, des techniques complexes, acquises par une formation appropriée obligatoire ou par une expérience validée, qu'il organise son travail et qu'il soit en mesure d'apprécier le contrôle de la prestation exécutée ; qu'en prétendant déduire de ces énonciations qu'un employé administratif du premier échelon, bénéficiant de la prime de treizième mois au sein de la société ISS propreté, exerçait des responsabilités plus importantes, avec un niveau de compétence, d'autonomie et de polyvalence sensiblement supérieur, que celles confiées à M. E..., agent qualifié de service de troisième échelon, la cour d'appel a violé l'annexe I de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés ;

5°/ qu'en tout état de cause, qu'en se fondant exclusivement sur les grilles de classification figurant en annexe I de la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, quand celles-ci ne permettaient pas d'établir que la totalité des catégories de salariés de la société ISS propreté qui bénéficiaient de la prime de treizième mois avaient un niveau de responsabilité, de compétence, d'autonomie et de polyvalence plus important que celui de M. E..., la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à justifier sa solution, en violation du principe « à travail égal, salaire égal » ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les agents de maîtrise, cadres, assistants et personnels administratifs auxquels était attribuée la prime de treizième mois, exerçaient des responsabilités plus importantes que celles confiées au salarié qui relevait de la catégorie des agents qualifiés de service, et qu'ils étaient en outre soumis à des niveaux de compétence, d'autonomie et de polyvalence sensiblement supérieurs, la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que l'intéressé et les agents bénéficiaires de la prime de treizième mois n'étaient pas placés dans une situation identique ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. E... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. E...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement, débouté monsieur E... de sa demande tendant à la condamnation de la société ISS Propreté à lui verser une somme de 7.851,05 euros brut au titre d'un rappel de prime de treizième mois pour les années 2012 à 2014 ;

Aux motifs que pour la clarté de l'exposé il échet de préciser que la convention collective applicable fixe une grille de classifications reposant sur les trois filières suivantes : 1) La filière « Exploitation » : • Agents de service et chefs d'équipe : cette catégorie compte 4 niveaux (AS, AQS, ATQS, et CE). Les emplois du 1er niveau sont intitulés « Agents de service », ceux du 2ème niveau « Agents qualifiés de service »
et ceux du 3ème niveau « Agents très qualifiés de service ». Le 4ème niveau dédié à l'encadrement intermédiaire, distingue, quant à lui, les chefs d'équipe. • Agents de maîtrise (MP1 à MP5) : cette catégorie comporte 5 niveaux, eux-mêmes subdivisés en ou 2 échelons. Les échelons MP1 et MP2 correspondent à la classe IV des agents de maîtrise et techniciens. 2) La filière « administrative » : cette filière compte 4 échelons « employés » (EA1 à EA4) et 3 échelons « maîtrise » (MA1 à MA3), eux-mêmes subdivisés en 3 échelons. 3) La filière « cadre » : cette filière comporte 6 échelons (CA1 à CA6) ;

Qu'il est constant qu'au sein de la société Iss Propreté certains salariés de l'entreprise bénéficient d'une prime de 13ème mois payable avec le salaire de décembre ; qu'il est avéré que la prime litigieuse est versée par décision unilatérale de l'employeur et non en application de la convention collective nationale des entreprises de propreté ou d'un accord collectif particulier ; qu'elle ne relève pas d'avantage d'un maintien d'un avantage individuel acquis ou de la compensation d'un préjudice suite à un transfert d'entreprise ou à la dénonciation d'un accord collectif ; que M. N... E... qui exerçait les fonctions d'agent qualifié de service au sein de la société Iss Propreté et relevait de la classification AQS 3b selon la convention collective nationale, compare sa situation à celles des autres salariés relevant des catégories professionnelles EA, CA, MA, et MP au regard de l'attribution de la prime litigieuse pour en conclure une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » ; qu'il appartient au salarié qui s'estime victime d'une inégalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait, loyalement obtenus, laissant supposer son existence ; qu'il incombe seulement ensuite à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs et pertinents ; que la SA Iss Propreté produit aux débats la liste des personnels percevant la prime litigieuse ainsi que leur qualification ; qu'à la lecture de cette pièce, il apparaît que ce 13ème mois est exclusivement versé aux agents administratifs (classification EA) ainsi qu'aux agents de maîtrise et cadres (classifications CA, MA et MP) qui exercent des fonctions spécifiques (assistant paie, assistant d'agence, assistant d'exploitation, assistant de facturation, assistance du personnel, assistante d'antenne, attaché d'exploitation, secrétaires responsables administratifs, responsable ou chef d'exploitation, responsables d'agence) à l'exclusion du personnel de la filière exploitation (classifications AS, AQS, ATQS) ne relevant pas des catégories agents de maîtrise ou cadres ; qu'une différence de catégorie professionnelle (ou de fonctions) entre des salariés placés dans une situation comparable au regard d'un avantage ne suffit pas, à elle seule, à exclure l'application du principe d'égalité dès lors que cet avantage résulte d'une décision unilatérale de l'employeur ; que dans cette hypothèse l'employeur doit démontrer que la différence de traitement repose sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence en cas de litige ; que malgré la différence de catégories professionnelles, il convient de se livrer à une analyse comparée des missions de tâches, des compétences et des responsabilités des salariés percevant la prime de 13ème mois avec la situation de M. N... E... pour déterminer s'il s'agit d'un même travail ou d'un travail de valeur égale au regard de l'avantage considéré ; que pour ce faire, il y a lieu de se référer à l'annexe I de la convention collective relative aux classifications ; que l'annexe dont s'agit définit pour chacun des échelons des différentes filières le degré d'autonomie-initiative, de technicité et de responsabilité requis ; que les critères sus-énumérés conduisent à juger en premier lieu que les responsables d'agence, responsables de site, responsables clients, responsables administratifs, responsables d'exploitation et ingénieurs commerciaux ont des fonctions d'encadrement, de gestion, et de développement ou suivi de la clientèle (management d'une équipe, définition et réalisation d'objectifs, détermination des moyens pour y parvenir, coordination des secteurs, animation de réunions, suivi de l'exécution des prestations, suivi des clients etc.) qui correspondent à des pratiques professionnelles très différentes de celles des agents de service avec des niveaux exigés en matière de compétence (diplômes, techniques
), d'expériences, de qualités professionnelles et personnelles bien supérieurs à ceux des agents de service ; que s'agissant des différentes catégories d'assistants et de secrétaires classées en MA, elles disposent, de par l'annexe I de la convention collective, d'un pouvoir de conseil, de proposition de solutions et d'animation, voir de direction d'équipes ; que l'exercice de ces compétences qui s'additionnent à leurs tâches administratives (comptabilité, gestion
) requiert un bon niveau professionnel ainsi que des connaissances techniques, telles que l'informatique, la comptabilité, la gestion etc
, leur polyvalence leur permettant de disposer ainsi du degré d'autonomie requis par la convention collective ; qu'en ce qui concerne les autres personnels relevant de la filière administrative, quand bien même l'échelon de base (échelon EA1) postule une exécution des consignes ou l'existence de tâches répétitives, ces fonctions de secrétariat exigent a minima une connaissance de l'orthographe et de la bureautique ; que les échelons EA1 et EA4 de la filière supposent pour leur part que les personnels qui sont investis de ces fonctions soient aptes à effectuer des travaux et des tâches dans plusieurs domaines ou dans des domaines complexes ; que pour la convention collective ces salariés sont présumés capables soit de communiquer avec l'environnement professionnel pour accomplir leurs missions, soit de tenir une conversation professionnelle avec le client de manière à régler un problème technique relevant de sa compétence ; que selon l'annexe I de la convention collective l'agent qualifié de service (AQS), catégorie à laquelle appartenait M. N... E... dans la société Iss Propreté est une fonction dont le degré d'initiative et de responsabilité est inexistant (ech. 1 : organise les travaux à partir d'instructions générales, echel. 2 : propose à sa hiérarchie des moyens et des méthodes à utiliser pour réaliser les prestations il a la responsabilité de l'entretien du matériel électromécanique, echel. 3 : il choisit sous le contrôle de son supérieur hiérarchique les moyens et les méthodes à utiliser – il organise son travail) ; que par ailleurs les fonctions dont s'agit ne nécessitent pas de qualification ou d'expérience particulière ; qu'eu égard aux éléments d'appréciation dont la cour dispose, il apparaît que M. N... E... n'effectuait pas un travail identique ou de valeur égale à celui des salariés bénéficiant de la prime litigieuse ; qu'il s'évince en effet des constatations qui précèdent que les agents de maîtrise, cadres, assistants et personnels administratifs exerçaient des responsabilités plus importantes que celles confiées à M. N... E... avec des niveaux de compétence, d'autonomie et de polyvalence sensiblement supérieurs, justifiant de façon objective et pertinente la disparité de traitement résultant de l'attribution d'une prime de treizième mois à ces salariés ; qu'en conséquence le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Iss Propreté à payer à M. N... E... la somme de 7851,05 euros à titre de rappel de prime de 13ème mois ;

Alors, tout d'abord, que les juges du fond sont tenus de respecter les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les conclusions respectives des parties ; que lorsque le salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » a soumis au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les éléments fournis par monsieur E... établissaient une disparité de traitement résultant de l'attribution d'une prime de treizième mois réservée à certaines catégories de salariés de la société ISS Propreté ; qu'au titre des éléments objectifs propres à justifier cette différence de traitement, l'employeur se bornait à invoquer une différence de fonctions et une situation de travail non comparable entre les salariés exerçant une « fonction support » et ceux exerçant une activité « opérationnelle » (conclusions ISS Propreté, pp. 6-9) ; qu'il déniait à cet égard toute pertinence aux trois filières définies par l'annexe I, relative aux classifications, de la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés (id., p. 7) ; qu'en se fondant au contraire, pour retenir que la disparité de traitement était justifiée de façon objective et pertinente, sur une analyse comparée des missions, tâches, compétences et responsabilité des différentes catégories professionnelles telles qu'elles sont définies par l'annexe I, relative aux classifications, de la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile :

Alors, ensuite, que le juge doit observer en toutes circonstances le principe de la contradiction et ne peut en conséquence fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que pour infirmer le jugement de première instance, la cour d'appel a retenu, à partir d'une analyse des mentions de l'annexe I, relative aux classifications, de la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, que les catégories de salariés de la société ISS Propreté bénéficiant de la prime de treizième mois exerçaient des responsabilités plus importantes que celles confiées à monsieur E.... avec des niveaux de compétence, d'autonomie et de polyvalence sensiblement supérieurs, justifiant de façon objective et pertinente la disparité de traitement ; que l'employeur invoquait pour sa part au soutien de son appel une différence de fonctions et une situation de travail non comparable entre les salariés exerçant une « fonction support » et ceux exerçant une activité « opérationnelle » (conclusions ISS Propreté, pp. 6-9), en déniant toute pertinence aux filières et catégories définies par l'annexe I de la convention collective susmentionnée ; qu'en fondant ainsi sa solution sur un moyen relevé d'office, radicalement différent de celui qui était invoqué par l'appelant, sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations, la cour d'appel a méconnu les exigence du contradictoire, en violation de l'article 16 du code de procédure civile et du droit à un procès équitable garanti notamment par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors, par ailleurs, que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre les salariés qui effectuent un même travail ou un travail de valeur égale ; qu'afin de vérifier si les salariés d'une même entreprise effectuent un travail de valeur égale, le juge doit comparer concrètement leur situation au sein de l'entreprise, sans pouvoir s'en tenir à une comparaison théorique au regard des classifications prévues par la convention collective applicable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est fondée exclusivement sur une analyse comparée des missions, tâches, compétences et responsabilités des différentes catégories professionnelles telles qu'elles sont définies par l'annexe I, relative aux classifications, de la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, pour en déduire que les catégories de salariés de la société ISS Propreté bénéficiant de la prime de treizième mois exerçaient des responsabilités plus importantes que celles confiées à monsieur E..., avec des niveaux de compétence, d'autonomie et de polyvalence sensiblement supérieurs, justifiant de façon objective et pertinente la disparité de traitement ; qu'en omettant ainsi de rechercher de façon concrète, au regard des tâches et fonctions assumées par monsieur E... au cours des trois années en litige, si son niveau de responsabilité, de compétence, d'autonomie et de polyvalence était effectivement inférieur à l'ensemble des salariés bénéficiant la prime de treizième mois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal » ;

Alors, encore, qu'aux termes des grilles de classification figurant en annexe I de la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, il est seulement requis d'un employé administratif du premier échelon (EA1) qu'il sache communiquer avec son environnement professionnel pour accomplir sa mission, qu'il suive des consignes précises et impératives et qu'il accomplisse des travaux d'exécution simples ou des tâches répétitives, sur modèles ou après simple démonstration, sans la moindre responsabilité, tandis qu'il est requis d'un agent qualifié de service de troisième échelon (AQS3), qu'il communique avec le client et puisse régler un problème technique permettant de satisfaire la qualité de la prestation, qu'il choisisse, sous le contrôle de son supérieur hiérarchique, les moyens et méthodes à utiliser et qu'il puisse les adapter à la situation de travail, qu'il utilise des méthodes et procédures complexes, des techniques complexes, acquises par une formation appropriée obligatoire ou par une expérience validée, qu'il organise son travail et qu'il soit en mesure d'apprécier le contrôle de la prestation exécutée ; qu'en prétendant déduire de ces énonciations qu'un employé administratif du premier échelon, bénéficiant de la prime de treizième mois au sein de la société ISS Propreté, exerçait des responsabilités plus importantes, avec un niveau de compétence, d'autonomie et de polyvalence sensiblement supérieur, que celles confiées à monsieur E..., agent qualifié de service de troisième échelon, la cour d'appel a violé l'annexe I de la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés ;

Alors, en tout état de cause, qu'en se fondant exclusivement sur les grilles de classification figurant en annexe I de la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, quand celles-ci ne permettaient pas d'établir que la totalité des catégories de salariés de la société ISS Propreté qui bénéficiaient de la prime de treizième mois avaient un niveau de responsabilité, de compétence, d'autonomie et de polyvalence plus important que celui de monsieur E..., la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à justifier sa solution, en violation du principe « à travail égal, salaire égal ».


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-15219
Date de la décision : 18/03/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 16 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 mar. 2020, pourvoi n°18-15219


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.15219
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