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11/03/2020 | FRANCE | N°18-21518

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 mars 2020, 18-21518


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 mars 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 292 F-D

Pourvoi n° M 18-21.518

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020

La société Sofila, société par acti

ons simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 18-21.518 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2018 par la cour d'appel de Grenoble (c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 mars 2020

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 292 F-D

Pourvoi n° M 18-21.518

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020

La société Sofila, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 18-21.518 contre l'arrêt rendu le 26 juin 2018 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. I... V..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

M. V... a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Sofila, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. V..., après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 26 juin 2018), M. V... a été engagé à compter du 1er mai 1992, en qualité de technicien, par la société Moulinages des Crozes aux droits de laquelle est venue la société Sofila, filiale de la société BMI. Le 27 janvier 2014, le salarié, qui était devenu responsable recherche et développement, a été licencié pour motif économique.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens du pourvoi incident éventuel du salarié

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens ci-après annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur

Enoncé du moyen

4. La société Sofila fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'a pas respecté les règles relatives à l'ordre des licenciements et de la condamner à indemniser le salarié à ce titre alors « que les critères d'ordre des licenciements doivent être appliqués aux seuls salariés de l'entreprise, peu important que celle-ci appartienne à un groupe et qu'elle exerce une partie de son activité sur le même site qu'une autre entreprise de ce groupe ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué, comme des pièces versées aux débats, que M. L... a été embauché par la société BMI, et non par la société Sofila, et qu'il travaillait dans les mêmes locaux que M. V..., mais pour la société BMI ; qu'il ressort par ailleurs du jugement, confirmé sur ce point, qu'aucune situation de confusion d'intérêts, d'activité et de direction n'était établie entre les sociétés Sofila et BMI ; qu'il en résulte que la société Sofila ne pouvait appliquer à M. L..., qui n'était pas son salarié, les critères d'ordre des licenciements, même s'il occupait comme M. V... un poste en recherche et développement ; qu'en considérant cependant que la société Sofila aurait dû comparer la situation de M. V... et celle de M. L... afin de fixer l'ordre des licenciements, au motif inopérant que les deux salariés occupaient des postes en recherche et développement et qu'ils travaillaient dans le même laboratoire sur le même site, cependant que l'appartenance de M. L... à une entreprise distincte interdisait de lui appliquer les critères d'ordre des licenciements, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :

5. Sauf lorsque l'employeur ne doit opérer aucun choix parmi les salariés à licencier ou sauf accord collectif conclu au niveau de l'entreprise ou à un niveau plus élevé, les critères d'ordre des licenciements pour motif économique doivent être mis en oeuvre au niveau de l'entreprise, à l'égard de l'ensemble du personnel appartenant à la même catégorie professionnelle.

6. Pour juger que la société Sofila n'a pas respecté les règles relatives à l'ordre des licenciements et la condamner à payer au salarié une certaine somme à ce titre, l'arrêt retient que l'intéressé faisait partie du département recherche et développement lequel, dans le groupe BMI, comprend plusieurs personnes dont M. L... qui, embauché pour la société mère BMI et non la société filiale Sofila un an avant le licenciement de M. V..., travaillait cependant sur le même site et dans le même laboratoire. Il relève que la société Sofila ne démontre pas que le secteur dans lequel le salarié occupait un poste était distinct de celui du poste de M. L... et qu'ils n'exerçaient pas des fonctions de même nature. Il ajoute que les deux salariés appartenant bien à la même catégorie professionnelle, il y a lieu de comparer leur situation afin de fixer l'ordre des licenciements. Constatant que M. V... bénéficiait de la plus grande ancienneté ainsi que de l'expérience professionnelle la plus importante, il en déduit que la société Sofila n'a pas respecté les règles relatives à l'ordre des licenciements.

7. En statuant ainsi, en appliquant les critères d'ordre des licenciements à des salariés appartenant à des entreprises distinctes, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Sofila n'a pas respecté les règles relatives à l'ordre des licenciements et la condamne à indemniser M. V... à hauteur de 82 450 euros en raison du préjudice résultant de la perte de son emploi suite au non-respect des règles relatives à l'ordre des licenciements, l'arrêt rendu le 26 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. V... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Sofila.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la société Sofila n'a pas respecté les règles relatives à l'ordre des licenciements et d'AVOIR condamné la société Sofila à indemniser M. V... à hauteur de 82.450 euros en raison du préjudice résultant de la perte de son emploi suite au non-respect des règles relatives à l'ordre des licenciements ;

AUX MOTIFS QUE « Selon les dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail, dès lors que l'employeur procède à un licenciement pour motifs économiques, individuel ou collectif, il doit fixer des critères lui permettant d'établir l'ordre des licenciements afin de déterminer le ou les salariés à licencier. Ces critères prennent notamment en compte : 1º Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2º L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; 3º La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; 4º Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. Les critères d'ordre sont appliqués dans le cadre de l'entreprise à l'ensemble des salariés appartenant à la même catégorie professionnelle dont relèvent les emplois supprimés sauf si tous les emplois d'une même catégorie professionnelle sont supprimés. La notion de catégorie professionnelle au sein de laquelle s'applique l'ordre des licenciements ne se réduit pas à un emploi déterminé mais doit viser l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. En l'espèce, M. V... fait partie du département Retamp;D qui dans le groupe BMI comprend plusieurs personnes dont M. L... embauché le 4 février 2013 juste après le rachat de la société SOFILA par le groupe BMI qui travaille sur le même site et dans le même laboratoire que M. V..., bien que M. L... ait été embauché 1 an avant le licenciement de M. V... pour la société BMI (société mère) et non la société SOFILA (filiale). La société SOFILA ne démontre pas que le secteur du fil mouliné dans lequel M. V... occupait un poste en Recherche et Développement était distinct du poste de M. L... chargé de la recherche dans le secteur du fil fantaisie et qu'ils n'exerçaient pas des fonctions de même nature comme le laisse à penser la dénomination de leurs fonctions et le travail dans le même laboratoire sur le même site. Le seul fait que M. L... n'occupait pas un statut de cadre n'ayant aucune incidence sur le profil du poste compte tenu de sa faible ancienneté dans le groupe. Par conséquent il apparaît que M. V... et M. L... appartenaient bien à la même catégorie professionnelle et qu'il y avait lieu de comparer la situation des deux salariés afin de fixer l'ordre des licenciements économiques et que M. V... était le salarié bénéficiant de la plus grande ancienneté (22 années) et qu'il disposait de l'expérience professionnelle la plus importante. Par conséquent il apparaît que la société SOFILA n'a pas respecté les règles relatives à l'ordre des licenciements et M. V... justifie du préjudice résultant de la perte de son emploi compte tenu de son âge lors du licenciement (50 ans) et de son ancienneté dans l'entreprise (22 ans) et de la difficulté de retrouver ensuite un emploi en outre moins rémunéré (3 ans). Il convient par voie de réformation de condamner la société SOFILA à verser à M. V... une indemnisation à ce titre à hauteur de 82.450 € » ;

ALORS QUE les critères d'ordre des licenciements doivent être appliqués aux seuls salariés de l'entreprise, peu important que celle-ci appartienne à un groupe et qu'elle exerce une partie de son activité sur le même site qu'une autre entreprise de ce groupe ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué, comme des pièces versées aux débats, que M. L... a été embauché par la société BMI, et non par la société Sofila, et qu'il travaillait dans les mêmes locaux que M. V..., mais pour la société BMI ; qu'il ressort par ailleurs du jugement, confirmé sur ce point, qu'aucune situation de confusion d'intérêts, d'activité et de direction n'était établie entre les sociétés Sofila et BMI ; qu'il en résulte que la société Sofila ne pouvait appliquer à M. L..., qui n'était pas son salarié, les critères d'ordre des licenciements, même s'il occupait comme M. V... un poste en Recherche et Développement ; qu'en considérant cependant que la société Sofila aurait dû comparer la situation de M. V... et celle de M. L... afin de fixer l'ordre des licenciements, au motif inopérant que les deux salariés occupaient des postes en Recherche et Développement et qu'ils travaillaient dans le même laboratoire sur le même site, cependant que l'appartenance de M. L... à une entreprise distincte interdisait de lui appliquer les critères d'ordre des licenciements, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-5 du code du travail

Moyens produits AU POURVOI INCIDENT EVENTUEL par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. V....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Valence du 4 mai 2016 en ce qu'il avait dit que M. V... avait été licencié pour des motifs économiques et débouté, en conséquence, ce dernier de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE conformément à l'article L. 1233-3 du code du travail applicable aux faits de l'espèce, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à de mutations technologiques ; que s'ajoutent aux causes ci dessus énumérées, la réorganisation de l'entreprise ou du secteur d'activité pour sauvegarder sa compétitivité, et la cessation d'activité ; que les difficultés rencontrées par l'entreprise doivent être réelles et sérieuses pour justifier un licenciement économique ; que lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national ; que la lettre de licenciement économique de M. V... en date du 15 janvier 2014 fait mention d'une baisse d'activité de chaque entité du groupe BMI récurrente dans la branche textile du fait de la modification des modes d'approvisionnement des clients au profit des pays émergeant, de la crise économique et de la diminution conjoncturelle des dépenses d'habillement et de la désaffection de la mode pour les fils moulinés qui restent le coeur de la production des entités du groupe ; que la société Sofila précise que le groupe BMI tente depuis plusieurs années de faire face à des difficultés économiques par la fermeture de sites, la réduction de personnel ou la réorganisation de la production ; que le rachat de la société Sofila en perte de vitesse par le groupe BMI avait pour but de relocaliser en France les unités de production mais la société Sofila enregistre des pertes de plus en plus importantes et le chiffre d'affaires se dégrade, le résultat d'exploitation faisant apparaître en 2012-2013 une perte de 425 K euros ; que la recherche fondamentale n'a plus sa raison d'être (baisse de 37 % dans ce secteur en 11 ans) ; qu'en l'espèce M. V... conteste les difficultés économiques invoquées et fait valoir qu'il n'y a qu'un seul secteur d'activité, celui de la préparation des fibres textiles et filatures pour la société Sofila et le groupe BMI pour plusieurs secteurs de clientèle ; qu'il soutient que l'activité de la société Sofila dans le secteur textile est non seulement bénéficiaire par rapport aux prévisions mais également en progression, le secteur textile se redressant en France depuis 2013 et la croissance, conformément à ce qu'indique la presse ; que la situation de BMI est saine et ses fonds propres importants ; que le chiffre d'affaire consolidé de la société Sofila est en nette progression ; qu'il ressort de l'analyse du chiffre d'affaire consolidé du groupe BMI de 2009 à juillet 2014 une baisse constante de 13.562.020 euros à 11.893.852 euros et la société Sofila de 13.588.209 à 8.215.352 euros ; que le résultat d'exploitation de la société Sofila sur la même période 2012-2013 a connu une progression de -38.309 euros à 181.929 euros puis une nouvelle baisse à 118.928 euros en 2013-2014 ; que le résultat net d'exploitation consolidé du groupe passant de 34.770 euros à -235.000 euros ; que le résultat net de la société Sofila a chuté de 922.790 euros à -1.394.997 euros et celui du groupe consolidé a progressé de 110.247 euros en 2008 à 228.188 euros en 2013-2014 ; que toutefois il appert que la hausse du chiffre d'affaire constaté entre juillet 2011 et juillet 2013 résulte de l'intégration des résultats de la société BMI et non d'une augmentation réelle du résultat d'exploitation des différentes sociétés du groupe et que pour dégager de la trésorerie il a été procédé à la vente de bâtiments et de terrains ; que des sommes ont également été perçues au titre de remboursement de sinistres et d'un emprunt ; qu'en outre, le choix consistant à constater la perte correspondant aux valeurs des actifs surévalués en 2008 sur l'exercice clos en juillet 2014 entre dans le pouvoir de direction de l'employeur aux fins de rétablir la réalité du bilan ; que le seul article de presse faisant état de la bonne santé économique de la société Sofila ne pouvant être considéré comme un élément de preuve de la réalité économique de l'entreprise ; que les difficultés tant de la société Sofila que du groupe BMI étant ainsi avérées, il y a lieu de considérer par voie de confirmation que le licenciement pour motifs économiques est fondé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société Sofila comme d'ailleurs le groupe Billion Mayor Industrie intervient dans le secteur industriel du textile, en particulier dans le moulinage, texturation, secteurs particulièrement exposés et dont les difficultés sont récurrentes ; qu'il y a eu sur les dernières années précédant le licenciement une récurrence des pertes d'exploitation et une diminution du chiffre d'affaires ; que les performances économiques comme les résultats comptables des filiales de la société Sofila SAS traduisent une situation globalement dégradée ; qu'il ressort des pièces produites aux débats que les difficultés économiques étaient constantes et que si la trésorerie comme le résultat net d'exploitation ont pu parfois enregistrer quelques embellies cela était dû à des opérations non liées à l'exploitation telles que des ventes immobilières ou des remboursements de sinistres ; qu'à l'inverse les charges d'exploitation passées ne constituent pas des manipulations comptables mais répondent au contraire à des obligations comptables exigées par la règlementation et les commissaires aux comptes, des biens immobiliers ou physiques apparaissant comme totalement surévalués, ce que reconnaît d'ailleurs le cabinet Eurex ; que dans ces conditions il y a lieu de considérer que le licenciement de M. V... I... trouve bien son fondement dans les difficultés économiques de la société Sofila et de ses filiales ; que la décision de suppression du poste de M. V... I... a été prise sur la base de considérations techniques dans le cadre de la réorganisation, l'activité de Sofila en particulier dans le secteur habillement ne justifiant plus la présence d'un cadre dédié à la recherche développement ; qu'au moment où la décision de licenciement a été prise les difficultés de Sofila et du groupe Billion Mayor Industrie étaient bien réelles et que l'amélioration passagère connue paf le secteur ultérieurement ne peut en modifier la réalité, d'autant que l'on pourra relever que M. V... I..., bien que régulièrement informé de sa priorité de réembauchage ne s'est pas manifesté auprès de l'entreprise pour éventuellement en bénéficier ; que la société, n'a postérieurement au départ de M. V... I..., créé aucun poste pour le remplacer, le secteur du fil mouliné pour l'habillement n'en ayant pas justifié ni l'intérêt, ni la possibilité ; que le poste créé avant le départ de M. V... I..., au sein de la société Billion Mayor Industrie et confié à M. L... répondait à une nécessité de remplacement et se situe statutairement comme techniquement à un niveau différent de celui tenu par M. V... I... ;

1°) ALORS QUE lorsque l'entreprise à laquelle appartient le salarié dépend d'un groupe, les difficultés économiques doivent être appréhendées au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise ; qu'en se fondant, pour juger le licenciement économique fondé sur une cause réelle et sérieuse, sur la circonstance inopérante que le résultat net de la société Sofila, qui appartenait au groupe BMI, avait chuté de 922.790 euros à - 1.394.997 euros entre 2008 et 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;

2°) ALORS QUE la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que le résultat net du groupe consolidé avait progressé de + 110.247 euros en 2008 à + 228.188 euros en 2013-2014, a néanmoins, pour juger le licenciement économique fondé sur une cause réelle et sérieuse, énoncé que les difficultés du groupe BMI étaient avérées, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire l'absence de difficultés économiques du groupe BMI et a ainsi violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;

3°) ALORS QU'en se bornant, pour juger le licenciement économique fondé sur une cause réelle et sérieuse, à énoncer qu'il ressortait de l'analyse du chiffre d'affaire consolidé du groupe BMI de 2009 à juillet 2014 une baisse constante de 13.562.020 euros à 11.893.852 euros et de la société Sofila de 13.588.209 à 8.215.352 euros, que le résultat d'exploitation de cette société sur la même période 2012-2013 avait connu une progression de -
38.309 euros à 181.929 euros puis une nouvelle baisse à 118.928 euros en 2013-2014, le résultat net d'exploitation consolidé du groupe passant de 34.770 euros à - 235.000 euros et que le résultat net de la société Sofila avait chuté de 922.790 euros à - 1.394.997 euros et celui du groupe consolidé progressé de 110.247 euros en 2008 à 228.188 euros en 2013-2014, sans rechercher si la circonstance que tous les indicateurs du groupe BMI étaient en nette progression entre l'année 2008 et l'année 2014 du licenciement, le chiffre d'affaires consolidé du groupe progressant de 9.302.732 à 11.893.852 euros sur cette période, le résultat d'exploitation consolidé de - 860.920 à - 235.000 euros et le résultat net consolidé de - 2.254.924 à + 228.075 euros, n'excluait pas l'existence de difficultés économiques suffisamment importantes et durables pour justifier la suppression de l'emploi du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Valence du 4 mai 2016 en ce qu'il avait dit que la société Sofila avait satisfait à l'obligation de reclassement qui lui incombait et débouté, en conséquence, M. V... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE quand bien même l'employeur justifie d'un motif économique tel que défini par l'article L. 1233-3 du code du travail, l'article L. 1233-4 du même code prévoit qu'il ne peut procéder au licenciement qu'après avoir recherché le reclassement du salarié dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ;
que le reclassement s'effectue prioritairement sur un poste relevant de la même catégorie d'emploi avec une rémunération équivalente et, à défaut, sous réserve de l'accord du salarié, il peut s'effectuer sur une catégorie d'emploi inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ; que l'employeur doit rechercher à reclasser individuellement les salariés quelque soit le nombre de salariés concernés par le licenciement et même si l'entreprise a fait l'objet d'une procédure collective ; que la recherche doit être effective et sérieuse ; qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens ; que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages-intérêts ; qu'il appartient à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens ; qu'en l'espèce, M. V... qui occupait en février 2014 des fonctions de « responsable Retamp;D Moulinage Guidage + responsable qualité », en qualité de cadre pour un salaire de 4.850 euros brut s'est vu proposer un poste d'ouvrier coefficient 152 sis à 200 kilomètres du lieu de travail précédent contre rémunération de 1.430 euros brut au sein de la société Moulinage du Pont, autre filiale du groupe BMI ; que la consultation du registre d'entrées et de sorties du personnel de la société Sofila démontre qu'il n'y avait pas de poste disponible équivalent à celui de M. V... et que personne n'a été recruté sur son poste ; que les recherches ont été effectuées dans toutes les entreprises du groupe susceptibles de recevoir du personnel ; qu'en outre l'employeur avait l'obligation de lui proposer les postes disponibles y compris éloignés et sur une catégorie de poste inférieure pour satisfaire à son obligation de moyen de reclassement ; que la société Sofila a donc respecté son obligation de reclassement et le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur ce point ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société Sofila a respecté son obligation de rechercher un poste de reclassement, qu'elle a interrogé les différentes entités du groupe Billion Mayor Industrie ; qu'il ressort des pièces communiquées et en particulier des registres d'entrées et sorties du personnel qu'aucun poste disponible n'était susceptible d'être proposé à M. V... I..., en dehors du poste d'ouvrier de production qui lui il été proposé ; que cette proposition résulte bien des obligations faites à l'employeur en matière de reclassement, et qu'elle ne saurait être regardée, comme le soutient le demandeur comme ayant un caractère vexatoire ; qu'il ressort de la structure des emplois au sein de Sofila comme du groupe Billion Mayor Industrie qu'aucune autre proposition ne pouvait être fuite à M. V... I..., compte tenu de ses compétences, de l'activité et bien sûr de la situation économique ;

1°) ALORS QUE l'employeur doit exécuter loyalement son obligation de reclassement ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que M. V..., qui occupait en février 2014 des fonctions de « responsable Retamp;D Moulinage Guidage + responsable qualité », en qualité de cadre pour un salaire de 4.850 euros brut, s'était vue proposer, à titre de reclassement, un seul poste d'ouvrier coefficient 152 sis à 200 kilomètres du lieu de travail précédent contre rémunération de 1.430 euros brut au sein de la société Moulinage du Pont, autre filiale du groupe BMI, a néanmoins, pour juger le licenciement fondé sur une cause économique réelle et sérieuse, énoncé que l'employeur avait respecté son obligation de reclassement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait au contraire que l'employeur, en proposant au salarié une seule offre de reclassement, le jour de l'entretien préalable, impliquant une importante baisse de salaire outre un déclassement radical, avait manqué à son obligation de loyauté dans l'exécution de son obligation de reclassement, privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse, et a ainsi violé les articles L. 1221-1 et L. 1233-4 du code du travail ;

2°) ALORS QUE M. V... soutenait, dans ses écritures d'appel (p. 30), que la société Sofila lui avait proposé un poste de reclassement qu'elle savait non pérenne dans une entreprise du groupe, la société Moulinages du Pont, dont elle connaissait, au moment du licenciement, la fragilité puisqu'elle venait de tenir une assemblée, le 23 janvier 2014, dans laquelle elle constatait la perte de la moitié du capital, et qu'elle allait dissoudre quelques mois plus tard en janvier 2015, et versait aux débats, preuve à l'appui, respectivement en pièces n°s 68 et 74 de son bordereau de communication de pièces annexé à ses conclusions, le communiqué internet du 30 octobre 2014 et le procès-verbal d'assemblée du 23 janvier 2014 dont il faisait spécialement état au sein de celles-ci (conclusions p. 30), tous éléments établissant le manque de loyauté de l'employeur dans l'exécution de son obligation de reclassement ; qu'en énonçant, pour juger le licenciement fondé sur une cause économique réelle et sérieuse, que l'employeur avait respecté son obligation de reclassement, la cour d'appel n'a ainsi pas répondu à ce moyen déterminant des conclusions d'appel et a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-21518
Date de la décision : 11/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 26 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 mar. 2020, pourvoi n°18-21518


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.21518
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