LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 mars 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 270 F-P+B
Pourvoi n° E 19-23.287
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme M..., représentée par l'ATFPO-SMJPM.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 septembre 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2020
1°/ Mme R... M..., domiciliée [...], actuellement hospitalisée au centre [...],
2°/ l'association tutélaire de la fédération protestante des oeuvres (ATFPO), dont le siège est [...], représentée par Mme S... B..., mandataire judiciaire à la protection de la majeure, agissant en qualité de curateur de Mme M...,
ont formé le pourvoi n° E 19-23.287 contre l'ordonnance rendue le 26 juillet 2019 par le premier président de la cour d'appel de Versailles, dans le litige les opposant :
1°/ au centre hospitalier Marcel Rivière, dont le siège est [...],
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié en son parquet général, 5 rue Carnot, 78000 Versailles,
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme M..., et de l'ATFPO-SMJPM, son curateur, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat du centre hospitalier Marcel Rivière, et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Versailles, 26 juillet 2019), et les pièces de la procédure, le 3 juillet 2019, Mme M... a été admise en hospitalisation psychiatrique sans consentement en urgence, à la demande de sa curatrice, par décision du directeur d'établissement prise sur le fondement de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique.
2. Le 8 juillet 2019, en application de l'article L. 3211-12-1 du même code, le directeur a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
3. Mme M... fait grief à l'ordonnance de prolonger la mesure de soins sans consentement, alors :
« 1°/ que le directeur de l'établissement peut, à titre exceptionnel, en cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, les conditions étant cumulatives, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant d'un médecin, qui peut être un médecin exerçant dans l'établissement ; qu'en l'espèce, la requérante a été admise en soins psychiatriques, suivant la procédure d'urgence prévue par l'article L. 3212-3 du code de la santé publique, sans que soit caractérisée la situation d'urgence évoquée ; qu'ainsi, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 3212-3 du code de la santé publique et l'article 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le directeur de l'établissement peut, à titre exceptionnel, en cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, les conditions étant cumulatives, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant d'un médecin, qui peut être un médecin exerçant dans l'établissement ; qu'en l'espèce, la requérante a été admise en soins psychiatriques, sur la foi d'un seul certificat médical qui n'explique pas en quoi les constatations de son auteur qui n'évoquent aucun risque de passage à l'acte auto agressif ou même de danger quelconque pour la personne du malade, seraient de nature à engendrer un risque grave d'atteinte à son intégrité, que la décision d'hospitalisation du directeur de l'établissement hospitalier ne fait pas davantage état d'un tel risque ; qu'ainsi, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 3212-3 du code de la santé publique et l'article 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ qu'en toute hypothèse, l'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de trouble mental doit être rendue nécessaire par l'intensité du trouble dont elle souffre, toute autre mesure moins contraignante ayant été jugée insuffisante ; qu'en se bornant à relever que la requérante présentait un envahissement délirant et hallucinatoire et tenait des propos incohérents, le médecin soulignant le déni de celle-ci à l'égard de ces troubles, dans un contexte de rupture de soins et de suivi, et que "cet envahissement délirant et hallucinatoire avec les troubles de comportement qui en résultent et la méconnaissance de leur caractère pathologique, l'expose à une dangerosité pour elle et pour les autres autour d'elle", sans préciser toutefois la nature du danger qu'elle présenterait, et l'urgence de la situation, et ainsi la nécessité de son hospitalisation complète plutôt qu'une surveillance médicale régulière, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique et l'article 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que conformément à l'article L. 3212-5 du code de la santé publique, le directeur de l'établissement d'accueil doit transmettre sans délai au représentant de l'État dans le département ou, à Paris, au préfet de police, ainsi qu'à la Commission départementale des soins psychiatriques, toute décision d'admission d'une personne en soins psychiatriques à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, qu'il doit également transmettre, sans délai, à cette commission une copie du certificat médical d'admission, du bulletin d'entrée et de chacun des certificats médicaux élaborés lors de la période d'observation du patient ; que le dossier transmis au juge ne comporte pas la preuve de l'exécution de ces obligations ; qu'en se prononçant sans avoir lui-même vérifié l'exécution de ces obligations constitutives d'une garantie essentielle de la personne faisant l'objet d'une admission suivant la procédure d'urgence prévue par l'article L. 3212-3 du code de la santé publique le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3212-3 et L. 3212-5 du code de la santé publique et 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
4. D'une part, si l'article L. 3216-1 du code de la santé publique donne compétence au juge des libertés et de la détention pour connaître des contestations relatives à la régularité des décisions administratives prises en matière de soins psychiatriques sans consentement, celui-ci n'est jamais tenu de relever d'office le moyen pris de l'irrégularité de la procédure au regard des dispositions de ce code.
5. Mme M... n'ayant pas soutenu, dans ses conclusions d'appel, que le directeur de l'établissement aurait manqué à l'obligation de transmission, au préfet et à la commission départementale des soins psychiatriques, des pièces visées à l'article L. 3212-5 du code de la santé publique, le premier président n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée.
6. D'autre part, le premier président ayant constaté que le certificat médical initial décrivait un envahissement délirant et hallucinatoire de Mme M... accompagné de troubles du comportement et d'une méconnaissance de leur caractère pathologique qui exposaient la patiente à une dangerosité pour elle et pour les autres, il a pu en déduire qu'étaient caractérisés l'urgence, le risque grave d'atteinte à l'intégrité de la personne et la nécessité d'une surveillance médicale constante.
7. Le moyen ne peut donc être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour Mme R... M..., représentée par l'ATFPO-SMJPM
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du 12 juillet 2019 rendue par le juge des libertés et de la détention de Versailles qui a maintenu la mesure de soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète
AUX MOTIFS QUE
L'article L. 3212-3 du code de la santé publique dispose qu'en cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, le directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d'un médecin exerçant dans l'établissement.
Le certificat médical initial a notamment relevé que Mme M... présentait un envahissement délirant et hallucinatoire et tenait des propos incohérents, le médecin soulignant le déni de celle-ci à l'égard de ces troubles, dans un contexte de rupture de soins et de suivi. Il précise que "cet envahissement délirant et hallucinatoire avec les troubles de comportement qui en résultent et la méconnaissance de leur caractère pathologique, expose Mme M... à une dangerosité pour elle et pour les autres autour d'elle". Le docteur A... conclut que dans ces conditions elle ne peut consentir à son hospitalisation alors même que les troubles qu'elle présente nécessitent des soins en urgence assortis d'une surveillance médicale constante.
Sont ainsi caractérisées l'urgence et le risque grave d'atteinte à l'intégrité de Mme M... en sorte que le directeur pouvait prononcer l'admission en soins psychiatriques de celle-ci au vu du seul certificat médical du docteur A... exerçant dans l'établissement. Il s'ensuit que le moyen soulevé par Mme M... n'est pas fondé.
Les certificats des 24 heures et des 72 heures mentionnent la persistance des idées délirantes à thématique de persécution et mystique et confirment la nécessité de la poursuite des soins en hospitalisation complète, ces certificats soulignant que Mme M... qui dénie toujours. ses troubles est ambivalente aux soins.
Le dernier avis circonstancié du 24 juillet 2019 indique également que Mme M... est suivie en psychiatrie depuis plusieurs années pour psychoses chroniques avec de nombreuses hospitalisations ces deux dernières années et relate l'absence de continuité des soins notamment avec le CMP.
Il est ainsi établi que Mme M... présente toujours des troubles mentaux rendant impossible son consentement et qui imposent encore à ce jour que lui soient prodigués des soins assortis d'une surveillance médicale constante, lesquels ne peuvent être dispensés que dans le cadre d'une hospitalisation complète.
Il convient d'ajouter qu'il n'appartient pas au juge d'apprécier la nature du traitement prodigué à Mme M..., lequel relève des seuls médecins.
Les restrictions apportées à l'exercice des libertés individuelles de Mme M... sont ainsi adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en oeuvre du traitement requis.
L'ordonnance dont appel sera donc confirmée.
1°) ALORS QUE, le directeur de l'établissement peut, à titre exceptionnel, en cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, les conditions étant cumulatives, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant d'un médecin, qui peut être un médecin exerçant dans l'établissement ; qu'en l'espèce, la requérante a été admise en soins psychiatriques, suivant la procédure d'urgence prévue par l'article L. 3212-3 du code de la santé publique, sans que soit caractérisée la situation d'urgence évoquée ; qu'ainsi, le Premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 3212-3 du code de la santé publique et l'article 5 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;
2°) ALORS QUE, le directeur de l'établissement peut, à titre exceptionnel, en cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, les conditions étant cumulatives, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant d'un médecin, qui peut être un médecin exerçant dans l'établissement ; qu'en l'espèce, la requérante a été admise en soins psychiatriques, sur la foi d'un seul certificat médical qui n'explique pas en quoi les constatations de son auteur qui n'évoquent aucun risque de passage à l'acte auto agressif ou même de danger quelconque pour la personne du malade, seraient de nature à engendrer un risque grave d'atteinte à son intégrité, que la décision d'hospitalisation du directeur de l'établissement hospitalier ne fait pas davantage état d'un tel risque ; qu'ainsi, le Premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 3212-3 du code de la santé publique et l'article 5 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de trouble mental doit être rendue nécessaire par l'intensité du trouble dont elle souffre, toute autre mesure moins contraignante ayant été jugée insuffisante ; qu'en se bornant à relever que la requérante présentait un envahissement délirant et hallucinatoire et tenait des propos incohérents, le médecin soulignant le déni de celle-ci à l'égard de ces troubles, dans un contexte de rupture de soins et de suivi, et que "cet envahissement délirant et hallucinatoire avec les troubles de comportement qui en résultent et la méconnaissance de leur caractère pathologique, l'expose à une dangerosité pour elle et pour les autres autour d'elle", sans préciser toutefois la nature du danger qu'elle présenterait, et l'urgence de la situation, et ainsi la nécessité de son hospitalisation complète plutôt qu'une surveillance médicale régulière, le Premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique et l'article 5 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;
4°) ALORS QUE conformément à l'article L. 3212-5 du Code de la santé publique, le directeur de l'établissement d'accueil doit transmettre sans délai au représentant de l'État dans le département ou, à Paris, au préfet de police, ainsi qu'à la Commission départementale des soins psychiatriques, toute décision d'admission d'une personne en soins psychiatriques à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, qu'il doit également transmettre, sans délai, à cette commission une copie du certificat médical d'admission, du bulletin d'entrée et de chacun des certificats médicaux élaborés lors de la période d'observation du patient ; que le dossier transmis au juge ne comporte pas la preuve de l'exécution de ces obligations ; qu'en se prononçant sans avoir luimême vérifié l'exécution de ces obligations constitutives d'une garantie essentielle de la personne faisant l'objet d'une admission suivant la procédure d'urgence prévue par l'article L. 3212-3 du code de la santé publique le Premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3212-3 et L. 3212-5 du code de la santé publique et 5 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.