LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 mars 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 296 F-P+B+I
Pourvoi n° P 19-15.406
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2020
1°/ Mme M... N... J... , domiciliée [...] ,
2°/ Mme H... F..., domiciliée [...] ,
ont formé le pourvoi n° P 19-15.406 contre l'arrêt rendu le 18 février 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 4), dans le litige les opposant au Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de Mmes N... J... et F..., de Me Le Prado, avocat du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre.
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 février 2019), et les productions, après le décès de W... K... survenu le [...], des suites d'une pathologie dont le lien avec son exposition à l'amiante a été médicalement constatée le 22 novembre 2006, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA), par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 22 juillet 2010, 6 août 2010, 26 septembre 2013, 18 juin 2014, 24 octobre 2016 et 19 janvier 2017, a notifié à sa veuve Mme X... U..., ses fils MM. Y..., L...'S..., B... et I... K..., ses filles Mmes A... D..., Q... T..., Q... P..., V... O..., R... K..., ses petits-fils MM. C... T..., E... T..., G... K..., JE... K..., B... GA..., TY... K..., DV... K... et KE... K... et ses petites-filles Mmes OO... T..., TB... D..., MS... D..., EF... P..., VC... O..., R... K..., Q... FB..., VC... SM..., HY... NS... MK... VF..., WR... K..., FI... K..., E... NK... et Q... GA... (les consorts K...) diverses offres d'indemnisation au titre de leurs préjudices personnels, ainsi qu'au titre de l'action successorale, pour le préjudice fonctionnel et les préjudices extrapatrimoniaux du défunt, lesquelles ont été acceptées sans réserve.
2. Par lettre du 30 novembre 2017, Mmes N... J... et F..., fille et petite-fille du défunt, ont saisi le FIVA d'une demande d'indemnisation de leur préjudice moral et d'accompagnement.
3. Le FIVA ayant, le 20 février 2018, rejeté cette demande qu'il estimait prescrite, Mmes N... J... et F... ont formé un recours contre cette décision, le 20 avril 2018.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mmes N... J... et F... font grief à l'arrêt de dire leurs demandes formées le 30 novembre 2017 irrecevables car prescrites alors « que l'effet interruptif du délai de prescription de dix ans attaché à l'offre d'indemnisation du FIVA adressée à certains ayants droit d'une victime décédée des suites d'une maladie causée par l'amiante bénéficie aux autres ayants droit sollicitant l'indemnisation de leur préjudice ; qu'en retenant que l'offre du FIVA du 22 juillet 2010 et ses offres subséquentes n'avaient pas interrompu le délai de prescription au profit de Mme N... J... et de Mme F... faute, pour celles-ci, d'avoir été parties aux demandes ayant abouti à ces offres, la cour d'appel a violé les articles 2240 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000. »
Réponse de la cour
5. Il résulte de l'article 2240 du code civil que la reconnaissance, par le débiteur, du droit de celui contre lequel il prescrit ne bénéficie qu'au créancier concerné par cette reconnaissance.
6. La cour d'appel ayant relevé, d'une part, que Mmes N... J... et F... n'avaient pas été « parties » aux demandes d'indemnisation des consorts K... ayant abouti à l'offre du FIVA du 22 juillet 2010 puis aux offres subséquentes, et d'autre part que le FIVA ne s'était jamais reconnu débiteur à leur égard, en a exactement déduit que les premières demandes d'indemnisation formées par Mmes N... J... et F... le 30 novembre 2017, après l'expiration du délai de prescription le 22 novembre 2016, étaient irrecevables.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne Mme N... J... et Mme F... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile rejette les demandes.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour Mmes N... J... et F....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les demandes formées le 30 novembre 2017 par Mme M... W... J... et Melle H... F... étaient irrecevables car prescrites ;
AUX MOTIFS QUE les parties sont d'accord pour fixer le point de départ du délai de prescription décennale au 22 novembre 2006, date du certificat médical établissant le lien de causalité entre le décès de M. W... K... et sa pathologie liée à son exposition à l'amiante ; que Mme N... J... et Mlle F... soutiennent que la prescription décennale a été interrompue par l'offre partielle d'indemnisation en date du 22 juillet 2010 faite par le FIVA aux consorts K... et qu'elles disposent dès lors d'un délai expirant le 22 juillet 2020 pour formuler auprès de cet organisme une demande d'indemnisation complémentaire ; qu'en droit commun, et en application de l'article 2235, 2240 à 2242 du code civil, la prescription est interrompue par la reconnaissance par le débiteur du droit du créancier ; qu'en l'occurrence, au regard des pièces produites, il n'est démontré ni que Mme N... J... ni que Mlle F... ont été parties aux demandes effectuées et ayant abouti à l'offre du 22 juillet 2010 puis aux offres subséquentes ; que le FIVA observe à juste titre que sa saisine intervient a minima par l'envoi du formulaire prévu à cet effet conformément à l'article 15 I. du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 modifié et qu'en l'espèce, aucun formulaire ne lui a été envoyé par les intéressées avant ceux des 10 et 13 novembre 2017 ; qu'il s'ensuit qu'il ne s'est pas reconnu débiteur de l'indemnisation des préjudices personnels des requérantes et que l'interruption du délai de la prescription décennale n'est pas établie ; que Mme N... J... et Mlle F... disposaient donc d'un délai expirant le 22 novembre 2016 pour solliciter l'indemnisation de leurs préjudices personnels ;
ALORS QUE l'effet interruptif du délai de prescription de dix ans attaché à l'offre d'indemnisation du FIVA adressée à certains ayants droit d'une victime décédée des suites d'une maladie causée par l'amiante bénéficie aux autres ayants droit sollicitant l'indemnisation de leur préjudice ; qu'en retenant que l'offre du FIVA du 22 juillet 2010 et ses offres subséquentes n'avaient pas interrompu le délai de prescription au profit de Mme N... J... et de Mlle F... faute, pour celles-ci, d'avoir été parties aux demandes ayant abouti à ces offres, la cour d'appel a violé les articles 2240 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000.