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04/03/2020 | FRANCE | N°18-24923

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 mars 2020, 18-24923


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2020

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 271 F-D

Pourvoi n° N 18-24.923

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme S....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 septembre 2018.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU

PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 MARS 2020

Mme I... S..., domiciliée [...] , a f...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2020

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 271 F-D

Pourvoi n° N 18-24.923

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme S....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 septembre 2018.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 MARS 2020

Mme I... S..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° N 18-24.923 contre le jugement rendu le 26 janvier 2017 par le conseil de prud'hommes de Paris (section activités diverses, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Spada, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de Mme S..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Spada, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Paris, 26 janvier 2017) rendu en dernier ressort, Mme S... a été engagée en qualité de secrétaire à compter du 6 février 2015 par la société Spada, cabinet d'avocats, qu'elle a quitté le 7 septembre 2015 à la suite d'une rupture conventionnelle homologuée de son contrat de travail.

2. Elle a saisi le 15 mars 2016 la juridiction prud'homale afin d'obtenir notamment le paiement d'un rappel d'heures supplémentaires et de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief au jugement de la débouter de l'ensemble de ses demandes, notamment celle de dommages-intérêts compensant le salaire brut de ses absences des 2, 3, 4 et 7 septembre 2015 alors :

« 1°/ que selon l'article 10.3 de l'avenant n° 57 du 25 juin 1999 relatif au temps de travail conclu dans le cadre de la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979, le paiement des heures supplémentaires peut être converti au gré de l'employeur en repos de remplacement ; que dans ce cas, les dates de repos sont fixées par l'employeur moyennant un délai de prévenance de deux semaines ; qu'en considérant que la société Spada avait pu faire le choix du paiement des heures supplémentaires sous la forme d'un repos de remplacement, puis s'exonérer du délai de prévenance de deux semaines en raison de "l'imminence de la fin du contrat de travail de Mme S...", quand le délai de prévenance ne peut en aucun cas être éludé par l'employeur, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;

2°/ que selon l'article 10.3 de l'avenant n° 57 du 25 juin 1999 relatif au temps de travail conclu dans le cadre de la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979, le paiement des heures supplémentaires peut être converti au gré de l'employeur en repos de remplacement ; qu'en affirmant que "Mme S... ne rapporte pas la preuve d'un préjudice spécifique qu'elle aurait subi" en raison du non-respect par l'employeur du délai de prévenance quand ce préjudice se trouvait nécessairement caractérisé par le fait que la salariée s'était trouvée privée de la rémunération des heures supplémentaires accomplies, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

4. Le conseil de prud'hommes, après avoir constaté que l'employeur avait imposé à la salariée de prendre entre le 2 et le 7 septembre 2015 un repos de remplacement compensant des heures supplémentaires effectuées en août 2015, a souverainement retenu que la salariée n'établissait pas avoir subi un préjudice du fait du non-respect du délai de prévenance de deux semaines prévu par l'article 10.3 de l'avenant n° 57 du 25 juin 1999 relatif au temps de travail conclu dans le cadre de la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979.

5. Il a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief au jugement de la débouter de l'ensemble de ses demandes, notamment celle portant sur un rappel d'heures supplémentaires au titre du mois d'août 2015, alors :

« 1°/ que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu'en déboutant la salariée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires au titre du mois d'août 2015, au motif que celle-ci "ne fournit aucun élément de nature à fonder sa demande d'heures supplémentaires", le conseil de prud'hommes, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient seulement au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu'en déboutant la salariée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires au titre du mois d'août 2015, tout en constatant que la société Spada "ne verse pas aux débats les fiches de pointage du mois d'août 2015", d'où il résultait nécessairement que l'employeur s'était délibérément soustrait à ses obligations en matière de preuve, le conseil de prud'hommes n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 3174-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Sous le couvert de griefs de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve par le conseil de prud'hommes, qui a estimé, sans méconnaître les règles de preuve, que la demande en paiement d'heures supplémentaires n'était pas étayée.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. La salariée fait grief au jugement de la débouter de l'ensemble de ses demandes, notamment celle de dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail, alors « que les juges du fond ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des écritures des parties ; que dans ses conclusions, Mme S... sollicitait la condamnation de son employeur à lui payer une indemnité de 400 euros au motif notamment qu'elle s'était trouvée empêchée de récupérer ses affaires personnelles lors de son éviction du cabinet Spada ; qu'en énonçant que la salariée n'explicitait pas les fondements juridique et factuel de sa demande et que celle-ci faisait double emploi avec le préjudice relatif au paiement des heures supplémentaires, le conseil de prud'hommes a dénaturé les écritures de Mme S... et a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Le conseil de prud'hommes, qui a procédé à l'interprétation de conclusions qui n'étaient ni claires ni précises, n'a pu les dénaturer.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme S... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour Mme S...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté Mme I... S... de l'ensemble de ses demandes à l'égard de la société Spada, notamment de sa demande tendant à la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 400 euros à titre de dommages et intérêts compensant le salaire brut des absences des 2, 3, 4 et 7 septembre 2018 ;

AUX MOTIFS QUE Mme S... sollicite le paiement d'une somme de 400 euros à titre de dommages-intérêts pour compenser le salaire brut des absences du 2 au 7 septembre 2015 inclus. Elle expose que son employeur lui a imposé à compter du 2 septembre la récupération des heures supplémentaires qui lui étaient dues au titre de son travail du mois d'août 2015 sur la période comprise entre le 2 septembre 2015 à 13 h 45 et la fin prévue de son contrat de travail le 7 septembre. Mme S... estime que l'employeur lui devait un délai de prévenance de 15 jours, conformément aux stipulations de la convention collective des personnels salariés des cabinets d'avocats (article 10.3). Il n'est pas contesté par l'employeur que la demande de prise d'un congé de remplacement des heures supplémentaires a bien été faite le 2 septembre 2015 à Mme S.... Compte-tenu cependant de l'imminence de la fin du contrat de travail de Mme S..., l'employeur était dans l'impossibilité de respecter le délai de prévenance de 15 jours. En conséquence, le conseil dira que Mme S... est mal fondée à contester la régularité de la demande prise de congé et observera que Mme S... ne rapporte pas la preuve d'un préjudice spécifique qu'elle aurait subi de ce chef (jugement pp. 2-3) ;

ALORS, d'une part, QUE selon l'article 10.3 de l'avenant n° 57 du 25 juin 1999 relatif au temps de travail conclu dans le cadre de la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979, le paiement des heures supplémentaires peut être converti au gré de l'employeur en repos de remplacement ; que dans ce cas, les dates de repos sont fixées par l'employeur moyennant un délai de prévenance de deux semaines ; qu'en considérant que la société Spada avait pu faire le choix du paiement des heures supplémentaires sous la forme d'un repos de remplacement, puis s'exonérer du délai de prévenance de deux semaines en raison de « l'imminence de la fin du contrat de travail de Mme S... », quand le délai de prévenance ne peut en aucun cas être éludé par l'employeur, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;

ALORS, d'autre part, QUE selon l'article 10.3 de l'avenant n° 57 du 25 juin 1999 relatif au temps de travail conclu dans le cadre de la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979, le paiement des heures supplémentaires peut être converti au gré de l'employeur en repos de remplacement ; qu'en affirmant que « Mme S... ne rapporte pas la preuve d'un préjudice spécifique qu'elle aurait subi » en raison du non-respect par l'employeur du délai de prévenance quand ce préjudice se trouvait nécessairement caractérisé par le fait que la salariée s'était trouvée privée de la rémunération des heures supplémentaires accomplies, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté Mme I... S... de l'ensemble de ses demandes à l'égard de la société Spada, notamment de sa demande tendant à la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 812,35 euros au titre des heures supplémentaires du mois d'août 2015 ;

AUX MOTIFS QUE Mme S... demande le paiement d'heures supplémentaires au mois d'août 2015. Malgré les sollicitations de Mme S..., l'employeur ne verse pas aux débats les fiches de pointage du mois d'août 2015. Cependant, Mme S... ne fournit aucun élément de nature à fonder sa demande d'heures supplémentaires : en effet, s'agissant d'une période de vacances au cours de laquelle, semble-t-il, seul un avocat de la structure était présent au cabinet, la charge de travail de Mme S... ne justifiait pas a priori l'exécution d'heures supplémentaires. Et ce d'autant moins que Mme S... a également pris des congés payés au cours du mois d'août 2015. En conséquence, Mme S... sera déboutée de sa demande (jugement p. 3) ;

ALORS, d'une part, QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu'en déboutant Mme S... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires au titre du mois d'août 2015, au motif que celle-ci « ne fournit aucun élément de nature à fonder sa demande d'heures supplémentaires », le conseil de prud'hommes, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L.3171-4 du code du travail ;

ALORS, d'autre part, QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient seulement au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu'en déboutant Mme S... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires au titre du mois d'août 2015, tout en constatant que la société Spada « ne verse pas aux débats les fiches de pointage du mois d'août 2015 », d'où il résultait nécessairement que l'employeur s'était délibérément soustrait à ses obligations en matière de preuve, le conseil de prud'hommes n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L.3174-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté Mme I... S... de l'ensemble de ses demandes à l'égard de la société Spada, notamment de sa demande tendant à la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 400 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE Mme S... demande ensuite une somme de 400 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son départ anticipé du cabinet Spada. Cependant, Mme S... qui n'explicite pas le fondement juridique de sa demande, n'explique pas plus son fondement factuel. Il apparaît en réalité que cette demande fait double-emploi avec celle présentée par Mme S... au titre du préjudice subi du fait de la récupération des heures supplémentaires sur les journées du 3 au 7 septembre 2015. En conséquence, Mme S... sera déboutée de sa demande (jugement p. 3) ;

ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des écritures des parties ; que dans ses conclusions (p. 6 al. 1 et 2), Mme S... sollicitait la condamnation de son employeur à lui payer une indemnité de 400 euros au motif notamment qu'elle s'était trouvée empêchée de récupérer ses affaires personnelles lors de son éviction du cabinet Spada ; qu'en énonçant que la salariée n'explicitait pas les fondements juridique et factuel de sa demande et que celle-ci faisait double emploi avec le préjudice relatif au paiement des heures supplémentaires, le conseil de prud'hommes a dénaturé les écritures de Mme Ghernaout et a violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-24923
Date de la décision : 04/03/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 26 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 mar. 2020, pourvoi n°18-24923


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.24923
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