La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/03/2020 | FRANCE | N°18-17025

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 mars 2020, 18-17025


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 255 F-D

Pourvoi n° C 18-17.025

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 MARS 2020

La société Europe Arab Bank, sociÃ

©té anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 18-17.025 contre l'arrêt rendu le 20 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 255 F-D

Pourvoi n° C 18-17.025

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 MARS 2020

La société Europe Arab Bank, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° C 18-17.025 contre l'arrêt rendu le 20 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à M. D... I..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Europe Arab Bank, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. I..., après débats en l'audience publique du 28 janvier 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mars 2018), M. I... a été engagé par la société Europe Arab Bank (la société) en qualité de directeur chargé des affaires industrielles « Corporate Banking » le 3 septembre 2007. Il a été licencié pour motif économique le 30 novembre 2012 et a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. L'employeur fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande du salarié tendant à l'application de la clause de reprise d'ancienneté à l'indemnité complémentaire de licenciement, alors « que les juges ne peuvent dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, la clause de reprise d'ancienneté prévue par l'article 9 du contrat de travail ne prévoyait la reprise d'ancienneté que pour l'indemnité conventionnelle de licenciement ; que la cour d'appel, par motifs adoptés des premiers juges, a cependant appliqué la clause de reprise d'ancienneté à l'indemnité complémentaire exceptionnelle, qui n'était nullement envisagée par la clause, en retenant que la reprise d'ancienneté prévue dans le contrat de travail doit se faire sur l'ensemble des éléments soumis à ancienneté ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a dénaturé la clause précitée, en violation du principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les éléments de la cause ».

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

3. L'article 9 du contrat de travail du salarié est ainsi rédigé : « En cas de licenciement du salarié, sauf faute grave ou lourde de sa part, l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective des banques, selon le cas, lui sera versée. Toutefois, pour tenir compte de son ancienneté dans la profession bancaire, la société s'oblige, sauf faute grave ou lourde à calculer ladite indemnité de licenciement en fonction de la convention collective des banques et de l'ancienneté qu'il avait acquise dans son précédent emploi, soit un décompte à partir du 5 avril 1993 ».

4. Pour condamner l'employeur à payer une certaine somme au salarié au titre de l'indemnité complémentaire de licenciement, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la reprise d'ancienneté prévue par le contrat de travail doit se faire sur l'ensemble des éléments soumis à ancienneté et que le salarié a exactement calculé le montant de l'indemnité complémentaire de licenciement en fonction de sa reprise d'ancienneté.

5. En statuant ainsi, alors que l'article 9 du contrat de travail limitait la reprise d'ancienneté au calcul de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. L'employeur reproche à l'arrêt de faire droit à la demande du salarié relative au bonus 2012, alors « que le salarié n'a aucun droit acquis au bonus discrétionnaire ; que seule la rémunération variable, suspendue à un objectif qui doit être fixé, peut être déterminée par le juge en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, ou compte tenu des données de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, par motifs adoptés des premiers juges, a fixé le montant du bonus à hauteur de son montant maximum, en se bornant à relever qu'il n'avait pas été déterminé et communiqué, et qu'aucun objectif n'avait été fixé ; qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher aucunement, comme il lui était pourtant demandé, si le bonus litigieux n'avait pas un caractère discrétionnaire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail, et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige :

7. Selon le premier de ces textes, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun ; aux termes du second, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

8. Pour faire droit à la demande du salarié au titre du bonus pour l'année 2012, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'employeur n'a pas fixé d'objectif au salarié, et qu'il y a lieu de lui allouer le montant maximum dont il pouvait bénéficier, correspondant au montant perçu pour l'année 2008.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le bonus n'avait pas un caractère discrétionnaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Europe Arab Bank à payer à M. I... la somme de 200 637 euros à titre d'indemnité complémentaire de licenciement, et les sommes de 38 333,33 euros et 3 833,33 euros au titre du bonus 2012 et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 20 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. I... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Europe Arab Bank.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande du salarié tendant à l'application de la clause de reprise d'ancienneté à l'indemnité complémentaire de licenciement et d'avoir condamné l'exposante à payer au salarié la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Aux motifs adoptés que « le salarié a perçu à ce titre 60 838 euros ; qu'il réclame un complément qui, à la vue des pièces produites, est justifié ; que la partie demanderesse a exactement calculé son montant en fonction de sa reprise d'ancienneté et de relèvement de 0,25 à 0, 375 pour une ancienneté supérieure à 10 ans ; qu'il n'est pas contesté que le salarié devait voir le relèvement de cette indemnité à 0, 375 au lieu de 0, 25 par semestre complet de présence ; que la reprise d'ancienneté prévue dans le contrat de travail doit se faire sur l'ensemble des éléments soumis à ancienneté ; que le calcul est le suivant :

Indemnité complémentaire
15 759,25 x 0,375
x 39 trimestres complets
230 475,00

Majoration au titre des années de présence
19 x 1000 euros
19 000 euros

Majoration au titre des personnes à charge fiscalement
4 000 x 3
12 000,00 euros

Total

261 475,00 euros

que compte tenu de la somme perçue, il allouera 200 637 euros » ;

Alors 1°) que les juges ne peuvent dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, la clause de reprise d'ancienneté prévue par l'article 9 du contrat de travail ne prévoyait la reprise d'ancienneté que pour l'indemnité conventionnelle de licenciement : « En cas de licenciement de Monsieur D... I..., sauf faute grave ou lourde de sa part, l'indemnité de licenciement prévue par la Convention Collective des Banques, selon le cas, lui sera versée. Toutefois, pour tenir compte de son ancienneté dans la profession bancaire, l'EUROPE ARAB BANK s'oblige, sauf faute grave ou lourde à calculer ladite indemnité de licenciement en fonction de la Convention Collective des Banques et de l'ancienneté qu'il avait acquise dans son précédent emploi chez IXIS CIB, soit un décompte à partir du 5 avril 1993 » ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, par motifs adoptés des premiers juges (jugement entrepris, p. 4), a cependant appliqué la clause de reprise d'ancienneté à l'indemnité complémentaire exceptionnelle, qui n'était nullement envisagée par la clause, en retenant « que la reprise d'ancienneté prévue dans le contrat de travail doit se faire sur l'ensemble des éléments soumis à ancienneté » ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a dénaturé la clause précitée, en violation du principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les éléments de la cause ;

Alors 2°) que les juges ne peuvent dénaturer l'objet du litige tel qu'il est défini par les conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que la clause de reprise d'ancienneté n'envisageait que l'indemnité conventionnelle de licenciement de sorte que la clause ne devait jouer que pour celle-ci, et non pour l'indemnité complémentaire, peu important le relèvement de cette indemnité à 0,375 au lieu de 0,25 (conclusions d'appel de l'exposante, p. 10 et 11) ; qu'en retenant cependant, pour faire application de la clause de reprise d'ancienneté à l'ensemble des droits du salarié, « qu'il n'est pas contesté que le salarié devait voir le relèvement de cette indemnité à 0,375 au lieu de 0,25 par semestre complet de présence » (jugement entrepris, p. 4), la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Europe Arab Bank et a ainsi violé de l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors, en tout état de cause, 3°) que la clause de reprise d'ancienneté ne vaut que pour les éléments qu'elle envisage ; qu'en l'espèce, la clause de reprise d'ancienneté prévoyait expressément qu'elle devait jouer pour la seule indemnité conventionnelle de licenciement, à l'exclusion de tout autre élément, et notamment de l'indemnité complémentaire (conclusions d'appel de l'exposante, p. 11) ; qu'en relevant, pour appliquer la clause de reprise d'ancienneté à « l'ensemble des droits du salarié » « qu'il n'est pas contesté que le salarié devait voir le relèvement de cette indemnité à 0,375 au lieu de 0,25 par semestre complet de présence » (jugement entrepris, p. 4), la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 dans sa version applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande du salarié relative au bonus 2012 et d'avoir condamné l'exposante à payer au salarié la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Aux motifs adoptés qu'« aucun objectif n'avait été fixé au demandeur ; que le Conseil de prud'hommes de Paris prendra le montant maximal de la part variable de la rémunération du salarié ; que, conformément à l'article 4 du contrat de travail, il devait être déterminé et communiqué le moment venu, cela n'a pas été fait ; que le montant maximum dont il peut bénéficier est 40 000 euros (montant perçu pour 2008), il convient de proratiser ce montant pour 11,5 mois, soit 38 333, 33 euros; que c'est cette somme qui lui sera allouée, ainsi que les congés payés y afférents, soit 3 833, 33 euros » ;

Alors 1°) que les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, l'article 4 du contrat de travail stipulait que « Pour l'année 2008 et les années suivantes les dispositions relatives au bonus de Monsieur D... I... seront déterminées et communiquées le moment venu. La base et le paiement de ces bonus seront déterminés à la seule discrétion de la Banque en fonction des critères raisonnables appropriés à la nature et au mode d'exercice de ses fonctions » ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, par motifs adoptés des premiers juges (jugement entrepris, p. 5), a fixé le montant du bonus à hauteur de son montant maximum, en se bornant à relever qu'il n'avait pas été déterminé et communiqué, et qu'aucun objectif n'avait été fixé ; qu'en se déterminant ainsi au mépris de la stipulation expresse selon laquelle le bonus était discrétionnaire, la cour d'appel a dénaturé la stipulation précitée, en violation du principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ;

Alors2°) et en tout état de cause, que le salarié n'a aucun droit acquis au bonus discrétionnaire ; que seule la rémunération variable, suspendue à un objectif qui doit être fixé, peut être déterminée par le juge en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, ou compte tenu des données de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, par motifs adoptés des premiers juges (jugement entrepris, p. 5), a fixé le montant du bonus à hauteur de son montant maximum, en se bornant à relever qu'il n'avait pas été déterminé et communiqué, et qu'aucun objectif n'avait été fixé ; qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher aucunement, comme il lui était pourtant demandé (conclusions d'appel de l'exposante, p. 12), si le bonus litigieux n'avait pas un caractère discrétionnaire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-17025
Date de la décision : 04/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 mar. 2020, pourvoi n°18-17025


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.17025
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award