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04/03/2020 | FRANCE | N°18-12055

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 mars 2020, 18-12055


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 276 F-D

Pourvoi n° A 18-12.055

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 MARS 2020

M. D... F..., domicilié [...] , a formé le

pourvoi n° A 18-12.055 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2017 par la cour d'appel de Nouméa (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 mars 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 276 F-D

Pourvoi n° A 18-12.055

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 MARS 2020

M. D... F..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° A 18-12.055 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2017 par la cour d'appel de Nouméa (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Helisud, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , dont un établissement est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. F..., de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Helisud, et après débats en l'audience publique du 29 janvier 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. David, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. F... a été engagé en qualité de pilote hélicoptère par la société Helisud, selon contrat de travail à temps partiel du 18 juin 2008 ; que, licencié pour faute grave le 5 juin 2013, le salarié a saisi un tribunal du travail de demandes au titre de la rupture et de l'exécution du contrat de travail ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article Lp. 223-10 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ;

Attendu que, selon ce texte, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle du travail et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou, le cas échéant, les semaines du mois ; qu'il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'un contrat de travail à temps complet, l'arrêt retient, d'abord que si l'absence d'écrit conforme fait présumer que l'emploi est à temps complet, cette présomption est une présomption simple qui est renversée par la preuve, rapportée par l'employeur, que le salarié n'est pas tenu en permanence à sa disposition, de la durée convenue des horaires de travail et de la possibilité pour le salarié de prévoir son rythme de travail à l'avance, ensuite que le salarié assurait la fonction de chef pilote et en cette qualité avait en charge la répartition des vols entre les différents pilotes de la société, que ses bulletins de salaire établissent la corrélation entre le nombre d'heures rémunérées tel qu'il figure sur le décompte détaillé produit par l'employeur et le nombre d'heures figurant sur les bulletins de salaire, enfin que le salarié, dès lors qu'il avait la responsabilité exclusive de la répartition des temps de vol entre les pilotes et des heures de travail rémunérées qui en découlent, ne peut valablement se prévaloir de la présomption de contrat de travail à temps plein, qu'il avait une parfaite maîtrise de la détermination de ses heures de travail puisqu'il en avait le libre choix et que sont par ailleurs caractérisés le fait qu'il n'était pas tenu en permanence à la disposition de son employeur, que la durée de ses horaires de travail était convenue et qu'il avait la possibilité de prévoir son rythme de travail à l'avance ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que l'employeur faisait la preuve de la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire, convenue, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le contrat de travail de M. F... était un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel et en ce qu'il déboute M. F... de ses demandes tendant au paiement de rappels de salaire consécutifs à la requalification de son contrat de travail en contrat à temps partiel, l'arrêt rendu le 14 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;

Condamne la société Helisud aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Helisud et la condamne à payer à M. F... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. F...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a dit que le contrat de travail de Monsieur F... était un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel et l'a débouté, par conséquent, de ses demandes de rappel de salaire au titre de la demande de requalification en contrat à temps complet ;

AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'article Lp. 223-10 du code de travail de Nouvelle Calédonie : "Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne notamment : 1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle du travail ; 2° La répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou, le cas échéant, les semaines du mois, sauf pour les salariés des associations d'aide à domicile. Le contrat de travail définit en outre les conditions dans lesquelles une modification de celte répartition peut intervenir. Toute modification de cette répartition est notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle doit intervenir ; 3° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixé par le contrat, dans le cadre éventuellement prévu par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié au regard des dispositions précitées ; que si l'absence d'écrit conforme fait présumer que l'emploi est à temps complet, cette présomption est une présomption simple qui tombe devant la preuve, rapportée par l'employeur : - que le salarié n'est pas tenu en permanence à la disposition de l'employeur, - de la durée convenue des horaires de travail, - de la possibilité pour le salarié de prévoir son rythme de travail à l'avance ; qu'il résulte des attestations de Monsieur C... P..., salarié de l'entreprise HELISUD, de Madame X... J..., salariée responsable désignée aux opérations sol de la société HELISUD, de Monsieur M... R..., pilote engagé par la société HELISUD, de Monsieur M... H... , pilote, que Monsieur F... assurait la fonction de chef pilote et qu'en cette qualité avait en charge la répartition des vols entre les différents pilotes de la société ; qu'en effet, le décompte détaillé des heures rémunérées mensuellement à Monsieur F... produit par l'employeur, établit que Monsieur F... a d'abord été rémunéré en qualité de pilote pour la période du mois de janvier 2009 au mois de février 2011 puis en qualité de chef pilote à partir du mois de mars 2011 jusqu'au mois d'avril 2013 et qu'il percevait, en sus de la rémunération des heures effectuées mensuellement par lui, une prime mensuelle attachée à ces fonctions de chef pilote ; que les bulletins de salaires de Monsieur F..., communiqués par l'employeur, établissent la corrélation entre le nombre d'heures rémunérées tel qu'il figure sur le décompte précité et le nombre d'heures figurant sur les bulletins de salaire, .de sorte qu'il importe peu, contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, que ledit décompte n'ait pas été soumis à la signature de Monsieur F... dès lors que celui-ci est corroboré par les horaires mentionnés sur les bulletins de salaire qui n'ont jamais été remis en cause par Monsieur F... ; que l'organisation du travail, telle qu'elle est décrite unanimement et de manière très circonstanciée par chacun des auteurs des attestations précitées s'établit ainsi : - les vols étaient indiqués sur le tableau d'ordres de vol par la secrétaire au sol plusieurs jours à l'avance, - Monsieur F... avait en charge la répartition de l'ensemble des vols entre les différents pilotes, - aucune astreinte ou permanence n'était mise en place et les vols qui se rajoutaient, ainsi que ceux du week-end et des jours fériés, étaient répartis entre les volontaires compte tenu de leur disponibilité respective, - les variations importantes d'horaires que l'on observe dans le cas de Monsieur F... qui, par exemple, a été rémunéré sur la base de 29,1 heures au mois d'avril 2010 et de 91,9 heures au mois d'octobre 2010, sont exclusivement dues à son fait puisqu'il s'attribuait en priorité, ce fait est attesté par Monsieur H... , par Monsieur R... et par Monsieur P..., le plus grand nombre de vols, en particulier quand ceux-ci comportaient une plus longue attente sur les sites miniers et ce afin de lui permettre de bénéficier d'une rémunération plus importante, - chaque bulletin de salaire fait la distinction entre les heures travaillées et les heures d'attente, étant rappelé que pour tout pilote, en vertu de l'article 4-1-2 de l'arrêté 24 juillet 1991 relatif aux conditions d'utilisation des aéronefs civils en aviation générale, applicable en Nouvelle Calédonie en vertu de l'arrêté du 15 mars 2000, un vol ne peut être entrepris que si le commandant de bord s'est assuré qu'il est réalisable par l'équipage et par l'aéronef dans le respect de la réglementation applicable ; qu'il en résulte que les heures travaillées incluent obligatoirement pour le pilote commandant de bord le temps de préparation du plan de vol et que l'employeur rapporte exactement la preuve de la rémunération de toutes les heures travaillées incluant le temps réglementaire consacré à la préparation des vols ; qu'il s'évince de ces constatations que c'est avec une évidente mauvaise foi que Monsieur F... fait grief à la SARL HELISUD de l'avoir employé sur un temps plein en l'obligeant à se tenir à la disposition de la société pour effectuer des vols sans aucune planification alors que l'employeur rapporte la preuve que Monsieur F..., pour la période de septembre 2010 à avril 2013, avait en charge la responsabilité de la répartition des vols et qu'il n'était astreint à aucune présence sur site en dehors des heures de vols planifiées à l'avance ; que Monsieur M... H... atteste à cet égard que Monsieur F... s'attribuait par priorité le plus grand nombre de vols, créant un mécontentement entre les pilotes qui a provoqué la décision de la direction de rééquilibrer les vols entre chaque pilote, en désignant en la personne de Monsieur H... , un nouveau chef pilote ; que dès lors que Monsieur F... avait la responsabilité exclusive de la répartition des temps de vol entre les pilotes et des heures de travail rémunérées qui en découlent, il ne peut valablement se prévaloir de la présomption de contrat de travail à temps plein ; qu'il apparaît en effet qu'il avait une parfaite maîtrise de la détermination de ses heures de travail puisqu'il en avait le libre choix et que sont par ailleurs caractérisés le fait qu'il n'était pas tenu en permanence à la disposition de son employeur, que la durée de ses horaires de travail était convenue et qu'il avait la possibilité de prévoir son rythme de travail à l'avance ; qu'il est utile de noter à cet égard que le contrat de travail de Monsieur F... ne prévoyait aucune clause d'exclusivité et que celui-ci était régulièrement inscrit au MET en qualité de pilote patenté, en parallèle de son contrat de travail salarié de sorte que l'on comprend mal la justification d'une telle activité indépendante si Monsieur F... n'avait pas eu la pleine maîtrise de ses horaires de travail ;

ALORS QUE, premièrement, le salarié qui se trouve dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il doit travailler se tient, en conséquence, en permanence à la disposition de l'employeur, de sorte que son contrat de travail doit être considéré comme un contrat de travail à temps complet ; qu'en présence d'un contrat écrit qui ne prévoit ni la durée ni la répartition du temps de travail, les juges du fond sont tenus de rechercher si l'employeur justifie de la durée exacte du travail convenue entre les parties ; que pour considérer, en l'espèce, que Monsieur F... ne s'était pas trouvé en permanence à la disposition de l'employeur, que la durée du travail était convenue entre les parties et que Monsieur F... avait la possibilité de prévoir son rythme de travail à l'avance, la cour d'appel a retenu que les vols étaient indiqués sur le tableau d'ordres de vol par la secrétaire au sol plusieurs jours à l'avance, que Monsieur F... avait en charge la répartition de l'ensemble des vols entre les différents pilotes, qu'aucune astreinte ou permanence n'était mise en place et que les vols qui s'ajoutaient, ainsi que ceux du week-end et des jours fériés, étaient répartis entre les volontaires compte tenu de leur disponibilité respective, sans prendre en considération à aucun moment l'effet que pouvait avoir l'ajout de vols sans préavis, voire à la dernière minute, au tableau de vol, sur la prévisibilité du rythme de travail, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article et Lp. 223-10 du code de travail de Nouvelle Calédonie ;

ALORS QUE, deuxièmement, et en toute hypothèse, en affirmant, en premier lieu, que c'était « en cette qualité [de chef pilote que Monsieur F...] avait en charge la répartition des vols entre les différents pilotes de la société » », puis en affirmant, en deuxième lieu, que « Monsieur F... a(vait) [
] été rémunéré en qualité de [
] de chef pilote à partir du mois de mars 2011 jusqu'au mois d'avril 2013 » et affirmant, en troisième lieu et enfin que « que l'employeur rapport(ait) la preuve que Monsieur F..., pour la période de septembre 2010 à avril 2013, avait en charge la responsabilité de la répartition des vols », la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, violant l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a décidé que les agissements de Monsieur F... caractérisaient la faute grave, le déboutant de l'intégralité de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture de son contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE la faute grave est caractérisée dès lors qu'est établie la réalité d'une violation du contrat de travail rendant impossible le maintien de celui-ci ; Sur le manquement à l'obligation de discrétion Monsieur F... est astreint par les obligations résultant de son contrat de travail à une obligation de discrétion qui s'inscrit dans le devoir de loyauté qui préside aux relations de travail ; que Monsieur F... (sic) produit un document intitulé « Etude technique et financière sur la mise en place d'un hélicoptère au le janvier 2013 » étude réalisée par Monsieur F... à l'intention de l'organisme Pilotage Maritime ; outre que rien n'indique que cette étude ait été à un quelconque moment demandée à Monsieur F... par son employeur ou même par le Pilotage Maritime, il apparaît que par cette proposition, Monsieur F... suggérait à cet organisme, client de la SARL HELISUD, d'acquérir directement un hélicoptère induisant implicitement de ne plus recourir aux services de la société ; que Monsieur F... ne rapporte absolument pas la preuve qui lui incombe, que cette étude lui avait été commandée par son employeur et s'inscrivait dans le cadre de son contrat de travail alors qu'il apparaît qu'un tel comportement, émanant d'un salarié titulaire d'une patente de pilote d'hélicoptère, caractérise une intention non équivoque de capter la clientèle de son employeur à son seul profit ; qu'ainsi Monsieur F..., trahissant les intérêts de la société qui l'emploie pour privilégier ses intérêts propres, e cherché à détourner à son seul profit un client de la société HELISUD ; que le manquement à l'obligation de discrétion est donc caractérisé ; Sur le manquement à l'obligation d'assurer la sécurité et la continuité du vol Les dispositions de l'article 4-1-1-2 et 5-6-3 de l'arrêté du 24 juillet 1991 relatives aux conditions d'utilisation des aéronefs civils en aviation générale, applicables en Nouvelle Calédonie en vertu de l'arrêté du 15 mars 2000 portant extension de l'arrêté du 29 janvier 1996, stipulent que le commandant de bord est responsable de la conduite et de la sécurité du vol et qu'il doit s'assurer avant tout vol que les quantités de consommables lui permettent d'effectuer le vol prévu avec une marge acceptable dé sécurité ; qu'en l'espèce, il est constant que le 4 avril 2013, la SARL HELISUD a confié à Monsieur F... une mission de transport de passagers sur un site minier, que Monsieur F... a interrompu cette mission et qu'il est retourné seul à l'[...] après avoir informé la direction d'HELISUD que l'hélicoptère ne disposait pas d'une réserve suffisante de carburant ; qu'il est également acquis que Monsieur F... a laissé sur le site les passagers transportés et que ceux-ci ont été ramenés par un hélicoptère appartenant à une autre société car aucun appareil de la SARL HELISUD n'était disponible à ce moment-là ; que Monsieur F... affirme sans aucunement le démontrer, qu'il a vu son employeur le jour même et que celui-ci, informé de cette situation, ne lui aurait fait aucun reproche alors même que le dirigeant de la société Monsieur U..., témoigne avoir vainement tenté ce jour-là de contacter Monsieur F... ; que la contradiction de ces deux témoignages est en tout état de cause sans incidence sur la faute qui est caractérisée dès lors d'une part, que Monsieur F... a manqué à son obligation en tant que chef de bord, de s'assurer préalablement au vol que celui-ci était réalisable avec une marge acceptable de sécurité et que, d'autre part, Monsieur F... a abandonné les passagers dont il avait en charge la sécurité, sans avoir sollicité les consignes de sa hiérarchie et sans attendre le relais de leur prise en charge ; Sur le manquement à l'obligation de remplir le plan de vol et d'exploitation Monsieur F... reconnaît avoir transporté, au cours d'une mission d'appontage sur un minéralier, réalisée le 9 février 2013, une personne non mentionnée dans le plan de vol dont il indique qu'elle était une amie et que le transport ponctuel de passagers autres que ceux prévus était ponctuellement toléré par la société ; que le manuel d'exploitation en vigueur au mois de juin 2009 au sein de la société HELISUD rappelle expressément que l'identité des personnes transportées est inscrite sur le plan de vol d'exploitation ; que la SARL HELISUD produit aux débats le plan de vol exploitation établi le 9 février 2013 par Monsieur F... qui ne mentionne qu'un seul passager, Monsieur S... W... alors qu'il est constant que le jour de cette mission, une passagère amie de Monsieur F... était également embarquée, Madame Y..., dont Monsieur F... produit l'attestation dans laquelle celle-ci indique que ce dernier l'avait appelée la veille pour l'inviter à faire une "balade" en hélicoptère ; qu'il apparaît que ce document détermine la masse de tous les éléments d'exploitation, des membres d'équipage et des passagers dont les poids sont indiqués ; que le plan de vol d'exploitation regroupe l'ensemble des renseignements spécifiés au sujet du vol, il est signé par le commandant de bord dont il engage la responsabilité et communiqué aux organismes de la circulation aérienne ; qu'il est destiné à s'assurer de la sécurité du vol en fonction des performances et des limitations d'emploi de l'aéronef ainsi que des conditions prévues relatives à la route à suivre et aux aérodromes ou aux héliports intéressés ; que, par conséquent, en omettant de renseigner l'identité d'un passager et son poids, Monsieur F..., qui ne démontre aucunement qu'une telle pratique ait été tolérée par sa direction, a manqué à son obligation d'établir les données de masse et de centrage spécifiant la charge du vol et sa répartition et a ainsi délibérément mis en danger les deux passagers transportés ; que Monsieur F... a donc commis une faute grave rendant impossible le maintien du contrat de travail en trahissant les intérêts de son employeur au profit des siens propres, en ne s'assurant pas, préalablement au vol du 4 avril 2013, qu'il disposait des quantités de carburant nécessaires à l'accomplissement de sa mission, en abandonnant les passagers transportés sur un site sans attendre le relais de leur prise en charge et en omettant sciemment de remplir les données du plan de vol d'exploitation du 9 février 2013 ; que le licenciement est donc justifié par la faute grave entièrement imputable à Monsieur F... et le jugement sera confirmé de ce chef ;

ALORS QUE, premièrement, la faute grave n'est caractérisée qu'en présence d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la réalisation, par un salarié, d'une prestation à titre gratuit pour un client de l'employeur ne peut être considérée comme une faute d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même s'il existe un risque qu'elle conduise indirectement à la perte de tout ou partie des prestations fournies par l'employeur audit client, dès lors que la prestation litigieuse du salarié ne constitue pas, en tant que telle, un acte de nature à concurrencer de manière déloyale les activités de l'employeur ; de sorte qu'en retenant, en l'espèce, que le fait, par Monsieur F..., d'avoir réalisé une étude technique et financière sur la mise en place d'un hélicoptère au 1er janvier 2013 à l'intention de l'organisme PILOTAGE MARITIME était gravement fautive, en ce « qu'il apparai(ssait) que par cette proposition, Monsieur F... suggérait à cet organisme, client de la SARL HELISUD, d'acquérir directement un hélicoptère induisant implicitement de ne plus recourir aux services de la société », sans constater que la prestation litigieuse fournie à titre gratuit par Monsieur F... constituait, en tant que telle, un acte de nature à concurrencer de manière déloyale les activités de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles Lp. 122-1, Lp. 122-3, Lp 122-22, Lp 122-24, Lp 122-27 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ;

ALORS QUE, deuxièmement, le licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des faits imputables à celui-ci ; qu'en imputant à Monsieur F... la totalité de la responsabilité d'un évènement fâcheux pour les passagers, sans procéder à une analyse précise des faits et du partage des responsabilités, bien qu'il ressortait des éléments produits par le salarié et de la relation précise et exacte des faits que Monsieur F... avait été victime du comportement inattendu d'un tiers (le pilote de l'Ecureuil AS350 B3), d'une succession de circonstances qui l'avaient contraint à débarquer des passagers compte tenu du potentiel de son appareil, alors qu'il avait insisté pour que l'échange d'hélicoptère se fasse sur place, ce qui n'avait pas pu se faire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles Lp. 122-1, Lp. 122-3, Lp 122-22, Lp 122-24, Lp 122-27 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ;

ALORS QUE, troisièmement, lorsque les faits constatés, même s'il sont apparemment fautifs, s'inscrivent dans le cadre d'une tolérance au sein de l'entreprise, que celle-ci ne peut ignorer, sa mise en oeuvre par un salarié qui, par ailleurs, exécute avec rigueur ses obligations contractuelles, ne justifie pas un licenciement pour faute grave ni même un licenciement disciplinaire ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que Monsieur F... avait commis une faute grave en prenant au bord de son appareil une personne qui n'était pas prévue dans le plan de vol, sans constater que la sécurité du vol était effectivement menacée ni rechercher si, comme s'en prévalait Monsieur F... dans ses conclusions, le fait d'embarquer, à titre exceptionnel et lorsque les données relatives à la sécurité du vol le permettent, un invité non prévu dans le plan de vol ne constituait pas une pratique que l'employeur avait, à tout le moins, toléré, de sorte qu'il ne pouvait plus s'en prévaloir à l'égard de Monsieur F... pour lui imputer une faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles Lp. 122-1, Lp. 122-3, Lp 122-22, Lp 122-24, Lp 122-27 du code du travail de Nouvelle-Calédonie.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-12055
Date de la décision : 04/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 14 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 mar. 2020, pourvoi n°18-12055


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.12055
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