LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 février 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 245 F-D
Pourvoi n° Y 19-10.608
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 FÉVRIER 2020
La société Caisse méditerranéenne de financement, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-10.608 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à M. Y... T..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Caisse méditerranéenne de financement, de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. T..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que lorsqu'un acte de saisie-attribution est délivré sur le fondement de plusieurs titres exécutoires, constatant des créances distinctes, l'acte de saisie doit, en application de l'article R. 211-1, 3°, du code des procédures civiles d'exécution, contenir un décompte distinct en principal, frais et intérêts échus pour chacun d'eux ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'après avoir fait pratiquer plusieurs saisies-attributions au préjudice de M. et Mme T..., la société Caisse méditerranéenne de financement (la banque) en a fait pratiquer une nouvelle le 26 juin 2015, sur le fondement de deux actes notariés de prêt, entre les mains de la société Garden City Gerzat dont la mainlevée a été ordonnée par un juge de l'exécution ;
Attendu que pour prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-attribution du 26 juin 2015, l'arrêt retient que le décompte de la créance doit permettre de déterminer le montant des sommes restant dues au regard des sommes perçues et de l'imputation de celles-ci sur les deux prêts pris distinctement, que le décompte de créances est imprécis en ce que les imputations portées sur chacun des deux prêts ne sont pas indiquées, que la banque s'est contentée d'additionner le capital dû pour chaque prêt, les primes d'assurance, les indemnités de résiliation, les intérêts échus pour chaque prêt, les frais, le coût des actes de procédures pour en tirer un total général duquel toutes les sommes récupérés par ailleurs ont été déduites et que cette façon de procéder, parce qu'elle ne permet pas aux débiteurs de savoir sur quel prêt et dans quel ordre les sommes récupérées sont déduites des créances, ne constitue pas « le décompte » prévu par les textes ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'acte de saisie-attribution comportait un décompte distinct des sommes réclamées en principal, intérêts et accessoires pour chacun des deux prêts, décompte dont l'absence seule est susceptible d'entraîner la nullité de la mesure, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. T... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. T..., le condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Caisse méditerranéenne de financement ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Caisse méditerranéenne de financement.
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait ordonné la mainlevée de la saisie-attribution, statuant à nouveau de ce chef et y substituant, d'avoir prononcé la nullité du procès-verbal de la saisie-attribution pratiquée, le 26 juin 2015, à l'encontre des époux T..., entre les mains de la société GARDEN CITY GERZAT, à la demande de la CAMEFI ;
Aux motifs que :
Sur la nullité de la saisie-attribution
Aux termes de l'article L111-7 du code des procédures civiles d'exécution « Le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation ».
Néanmoins, la nouvelle saisie-attribution n'est valable que pour autant que les sommes saisies attribuées en exécution des précédentes mesures d'exécution soient inférieures au montant de la créance détenue par la CAMEFI à l'encontre des époux T... en vertu des actes notariés rappelés ci-dessus.
Il s'en déduit que le décompte de la créance de CAMEFI présentée en appui du procès-verbal de saisie-attribution doit permettre de déterminer le montant des sommes restant dues au regard des sommes perçues et de l'imputation de celles-ci sur les deux prêts pris distinctement.
La cour doit ainsi procéder à l'examen du décompte litigieux.
Faute d'avoir effectivement communiqué à son dossier de plaidoirie le procès-verbal de saisie-attribution pourtant porté en pièce 91, il a été demandé à l'avocat de CAMEFI de produire la pièce en cours de délibéré.
A l'examen du procès-verbal de saisie en date du 26 juin 2015 désormais versé aux débats par la CAMEFI, la cour observe que le décompte de créances qui y est annexé est imprécis en ce que les imputations portées sur chacun des deux prêts ne sont pas indiquées.
Le créancier s'est contenté d'additionner le capital dû pour chaque prêt au 22 juillet (outre les intérêts conventionnels), les primes d'assurance, les indemnités de résiliation, les intérêts échus pour chaque prêt, les frais, le coût des actes de procédures...pour en tirer un total général auquel toutes les sommes récupérées sur les gestionnaires en charge de la location des biens immobiliers acquis (soit 122.712,52 €) ont été déduites.
Cette façon de procéder parce qu'elle ne permet pas aux débiteurs de savoir sur quel prêt et dans quel ordre les sommes récupérées sont déduites des créances ne constitue pas « le décompte » prévu par les textes.
Quand bien même les règlements s'imputent en premier lieu sur les intérêts (de retard, puis conventionnels), ils doivent ensuite être soustraits de la créance en capital la plus lourde -l'assiette la plus large fait courir le plus d'intérêts..-puisque c'est là que réside l'intérêt bien pensé du débiteur.
La déduction des sommes perçues sur les indemnités de résiliation doit être faite en dernier.
Parce qu'au cas présent, M. T... ne sait pas si les intérêts de retard, puis les intérêts conventionnels, sont « remboursés » -pour les deux prêts. Pour le prêt dont le capital produit le plus d'intérêts - et surtout si les prochains loyers versés par les gestionnaires -du fait de saisies antérieures- permettront de commencer à payer la créance en capital la plus importante, la cour prononce la nullité du décompte tel que joint au procès-verbal de saisie-attribution.
A titre surabondant, la cour note que la somme récupérée par versements directs au créancier (122.712,52 €) couvre la totalité des sommes dues par M. T... en intérêts échus au 22 juin 2015 ainsi que les primes d'assurance-vie échues au 22 juin 2015 -ce qui représente une enveloppe de moins de 100.000 €- de sorte que le résiduel ou 22.712,52 € devrait s'imputer du prêt 20224701 (prêt présentant l'assiette la plus large).
Il est rappelé que le créancier doit imputer les paiements selon ce que commande l'intérêt de son débiteur comme l'indique l'article 1256 du code civil.
Il est indiqué à la CAMEFI que la lecture du décompte doit permettre à M. T... de savoir exactement ce qui reste dû pour chacun des prêts décaissés avec détail des sommes restant dues en intérêts (et ventilation intérêts conventionnels et intérêts de retard), capital, frais.
Le jugement est confirmé par substitution de motifs ;
Alors, d'une part, que selon l'article R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, « le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers. Cet acte contient à peine de nullité
3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation » ; que lorsqu'un acte de saisie-attribution est délivré sur le fondement de plusieurs titres exécutoires, constatant des créances distinctes, l'acte de saisie doit contenir un décompte distinct en principal, frais et intérêts échus pour chacun d'eux ; que seule l'absence de décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus est susceptible d'entrainer la nullité de l'acte de saisie-attribution ; qu'en énonçant, que « le décompte de la créance de CAMEFI présentée en appui du procès-verbal de saisie-attribution doit permettre de déterminer le montant des sommes restant dues au regard des sommes perçues et de l'imputation de celles-ci sur les deux prêts pris distinctement », quand le décompte joint à l'acte de saisie-attribution contient, en particulier, le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus aux époux T... pour chacun des deux prêts, la Cour d'appel a violé l'article R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Alors, d'autre part, que selon l'article R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, « le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers. Cet acte contient à peine de nullité
3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation » ; qu'en énonçant, que « le décompte de la créance de CAMEFI présentée en appui du procès-verbal de saisie-attribution doit permettre de déterminer le montant des sommes restant dues au regard des sommes perçues et de l'imputation de celles-ci sur les deux prêts pris distinctement » et qu'« à l'examen du procès-verbal de saisie en date du 26 juin 2015 désormais versé aux débats par la CAMEFI, la cour observe que le décompte de créances qui y est annexé est imprécis en ce que les imputations portées sur chacun des deux prêts ne sont pas indiquées. Le créancier s'est contenté d'additionner le capital dû pour chaque prêt au 22 juillet (outre les intérêts conventionnels), les primes d'assurance, les indemnités de résiliation, les intérêts échus pour chaque prêt, les frais, le coût des actes de procédures...pour en tirer un total général auquel toutes les sommes récupérées sur les gestionnaires en charge de la location des biens immobiliers acquis (soit 122.712,52 €) ont été déduites. Cette façon de procéder parce qu'elle ne permet pas aux débiteurs de savoir sur quel prêt et dans quel ordre les sommes récupérées sont déduites des créances ne constitue pas « le décompte » prévu par les textes », quand le décompte joint à l'acte de saisie-attribution, qui contient, en particulier, le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus aux époux T... pour chacun des deux comptes, n'avait pas, en sus, à « permettre de déterminer le montant des sommes restant dues au regard des sommes perçues et de l'imputation de celles-ci sur les deux prêts pris distinctement », à indiquer « les imputations portées sur chacun des deux prêts », la Cour d'appel a violé l'article R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Alors, de troisième part, que selon l'article R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, « le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers. Cet acte contient à peine de nullité
3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation » ; qu'en énonçant, que « le décompte de la créance de CAMEFI présentée en appui du procès-verbal de saisie-attribution doit permettre de déterminer le montant des sommes restant dues au regard des sommes perçues et de l'imputation de celles-ci sur les deux prêts pris distinctement » et qu'« à l'examen du procès-verbal de saisie en date du 26 juin 2015 désormais versé aux débats par la CAMEFI, la cour observe que le décompte de créances qui y est annexé est imprécis en ce que les imputations portées sur chacun des deux prêts ne sont pas indiquées. Le créancier s'est contenté d'additionner le capital dû pour chaque prêt au 22 juillet (outre les intérêts conventionnels), les primes d'assurance, les indemnités de résiliation, les intérêts échus pour chaque prêt, les frais, le coût des actes de procédures...pour en tirer un total général auquel toutes les sommes récupérées sur les gestionnaires en charge de la location des biens immobiliers acquis (soit 122.712,52 €) ont été déduites. Cette façon de procéder parce qu'elle ne permet pas aux débiteurs de savoir sur quel prêt et dans quel ordre les sommes récupérées sont déduites des créances ne constitue pas « le décompte » prévu par les textes », quand, lorsque le débiteur conteste les modalités d'imputation des paiements arrêtées par le créancier et que sa contestation est fondée, il incombe alors au juge du fond, s'il y est invité, de les redresser et, partant, de cantonner la saisie-attribution, de sorte que l'absence de précision à cet égard du décompte n'était pas susceptible d'affecter la validité de la saisie-attribution, la Cour d'appel a violé l'article R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Alors, de quatrième part, qu'en faisant application de la règle figurant à l'article 1256 ancien du code civil selon laquelle « lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputé sur la dette que le débiteur avait pour lors le plus d'intérêt d'acquitter entre celles qui sont pareillement échues », quand l'exercice par un débiteur de son droit légal d'imputer son paiement selon ladite règle suppose un paiement intégral de cette dette, en application de l'article 1244 du même code, la Cour d'appel a violé les textes précités ;
Alors, de cinquième part, qu'en faisant application de la règle figurant à l'article 1256 ancien du code civil selon laquelle « lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputé sur la dette que le débiteur avait pour lors le plus d'intérêt d'acquitter entre celles qui sont pareillement échues », qui permet de déterminer l'imputation des paiements en cas de pluralité de dettes, en l'appliquant dette par dette, pour en déduire, en particulier, que « la déduction des sommes perçues sur les indemnités de résiliation doit être faite en dernier », la Cour d'appel a violé le texte précité ;
Alors, de sixième part, qu'en retenant, à l'appui de sa décision, au visa de de la règle figurant à l'article 1256 ancien du code civil, que « la déduction des sommes perçues sur les indemnités de résiliation doit être faite en dernier », quand, au même titre que les intérêts, l'indemnité de résiliation constitue l'accessoire de la créance et que le débiteur ne peut, sans le consentement du créancier, imputer les paiements sur le capital par préférence à cet accessoire, la Cour d'appel a violé les articles 1254 et 1256 ancien du code civil ;
Et alors, enfin, qu'en retenant, à l'appui de sa décision, que « les règlements
doivent
être soustraits de la créance en capital la plus lourde -l'assiette la plus large fait courir le plus d'intérêts...-puisque c'est là que réside l'intérêt bien pensé du débiteur » et retenir que « parce qu'au cas présent, M. T... ne sait pas si les intérêts de retard, puis les intérêts conventionnels, sont « remboursés » -pour les deux prêts. Pour le prêt dont le capital produit le plus d'intérêts - et surtout si les prochains loyers versés par les gestionnaires -du fait de saisies antérieures- permettront de commencer à payer la créance en capital la plus importante, la cour prononce la nullité du décompte tel que joint au procès-verbal de saisie-attribution. A titre surabondant, la cour note que la somme récupérée par versements directs au créancier (122.712,52 €) couvre la totalité des sommes dues par M. T... en intérêts échus au 22 juin 2015 ainsi que les primes d'assurance-vie échues au 22 juin 2015 -ce qui représente une enveloppe de moins de 100.000 €- de sorte que le résiduel ou 22.712,52 € devrait s'imputer du prêt 20224701 (prêt présentant l'assiette la plus large) », quand, les deux prêts ayant été consentis au même taux d'intérêt, il était indifférent que les paiements reçus par la CAMEFI s'imputent sur l'un ou sur l'autre, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1256 ancien du code civil.