La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/02/2020 | FRANCE | N°18-23350;18-23521

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 février 2020, 18-23350 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 136 F-D

Pourvois n°
C 18-23.350
P 18-23.521 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 FÉVRIER 2020

I. 1°/ Mme G..

. A..., épouse S..., domiciliée [...] ,

2°/ M. U... A..., domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° C 18-23.350 contre un arrêt n° RG : 17/12668 rend...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 136 F-D

Pourvois n°
C 18-23.350
P 18-23.521 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 FÉVRIER 2020

I. 1°/ Mme G... A..., épouse S..., domiciliée [...] ,

2°/ M. U... A..., domicilié [...] ,

ont formé le pourvoi n° C 18-23.350 contre un arrêt n° RG : 17/12668 rendu le 5 juin 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige les opposant :

1°/ à la société [...] , société civile professionnelle, dont le siège est [...] , prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société [...] ,

2°/ à la société [...] , société anonyme, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société Services travaux locations gérances (STLG), société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

4°/ à la société Mab finance, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

5°/ à M. R... A..., domicilié [...] ,

6°/ à M. E... A..., domicilié [...] ,

7°/ Partie intervenante : L'association Tutélia, dont le siège est [...] , prise en qualité de curateur de M. R... A...,

défendeurs à la cassation.

II. 1°/ M. R... A...,

2°/ Mme G... S..., épouse A...,

3°/ M. U... A...,

4°/ M. E... A...,

ont formé le pourvoi n° P 18-23.521 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :

1°/ à la société [...] , ès qualités,

2°/ à la société [...] ,

3°/ à la société Services travaux locations gérances (STLG),

4°/ à la société Mab France, société par actions simplifiée,

5°/ Partie intervenante : L'association Tutélia, dont le siège est [...] , prise en qualité de curateur de M. R... A...,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs au pourvoi n° C 18-23.350 invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demandeurs au pourvoi n° P 18-23.521 invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de Mme G... A... et M. U... A..., de Me Le Prado, avocat de la société [...] , ès qualités, et de la société Services travaux locations gérances, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de MM. R... et E... A..., après débats en l'audience publique du 7 janvier 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Joint les pourvois n° C 18-23.350 et P 18-23.521, qui attaquent le même arrêt ;

Donne acte à l'ATSM 77 de ce qu'elle reprend l'instance en qualité de tuteur de M. R... A... ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 641-12, 3° et R. 641-21, alinéa 2, du code de commerce ;

Attendu que lorsque le juge-commissaire est saisi, sur le fondement du premier de ces textes, d'une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d'un immeuble utilisé pour l'activité de l'entreprise, en raison d'un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des conditions spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l'article L. 145-41 du code de commerce, à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société [...] (la société [...]) exerçait son activité dans des locaux donnés en location par Mme G... A... et MM. R..., E... et U... A... ; que le 5 décembre 2016, la société [...] a été mise en liquidation judiciaire, la société [...] étant désignée en qualité de liquidateur ; qu'un jugement du 18 janvier 2017, confirmé par un arrêt du 18 mai 2017, a arrêté le plan de cession de la société [...] au profit de la société STLG, le bail étant exclu du périmètre de la cession ; que le 8 février 2017, le liquidateur a saisi le juge-commissaire d'une requête tendant à l'autoriser à céder le bail, sur le fondement de l'article L. 642-19 du code de commerce, deux sociétés s'étant portées acquéreurs, la société STLG et la société Mab finance ; que devant le juge-commissaire, les bailleurs se sont opposés à cette demande et ont demandé, à titre principal, la constatation de la résiliation de plein droit du bail, pour défaut de paiement des loyers ;

Attendu que, pour rejeter la demande de constatation de la résiliation du bail et, en conséquence, autoriser la cession du bail au profit de la société STLG, l'arrêt retient que les dispositions de l'article L. 622-14 du code de commerce ne dérogent pas aux dispositions de l'article L. 145-41 du même code prévoyant, en cas de clause résolutoire, la délivrance préalable d'un commandement, le liquidateur pouvant se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-41 susmentionné et solliciter des délais de paiement, ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire, tant que la résiliation du bail n'est pas constatée par une décision ayant acquis l'autorité de la chose jugée, et que le fait d'opter pour la saisine du juge-commissaire, plutôt que pour celle du juge des référés, afin de demander le constat de la résiliation du bail ne dispense pas de la délivrance préalable d'un commandement de payer visant la clause résolutoire, le statut des baux commerciaux s'appliquant quel que soit le juge saisi, en raison de son caractère d'ordre public ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le bailleur, qui agissait devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation du bail sans revendiquer le bénéfice de la clause résolutoire de ce dernier, n'était pas dans l'obligation de délivrer le commandement exigé par l'article L. 145-41 du code de commerce, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt n° RG : 17/12668 rendu le 5 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société [...], en qualité de liquidateur de la société [...] , aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt.

Le conseiller referendaire rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits aux pourvoi n° C 18-23.350 et P 18-23.521 par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mme G... A... et M. U... A....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de résiliation du bail et d'avoir en conséquence autorisé la cession au profit de la société STLG du contrat de bail ayant pour objet 4 parcelles sis à [...] , dépendant de la liquidation judiciaire de la société [...] , moyennant le prix de 2.000 € ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE consécutivement au jugement de liquidation judiciaire, le liquidateur a poursuivi le contrat de bail, mais n'a pas réglé les loyers dus en contrepartie ; que c'est ainsi que l'indivision bailleresse a adressé deux mises en demeure au liquidateur judiciaire, les 8 février 2017 et 30 mars 2017, précisant qu'en l'absence de paiement rapide, elle serait contrainte de lui faire délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire contenue au bail ; qu'aucun commandement de payer ne fut délivré, mais lors de l'audience devant le juge-commissaire afin d'autoriser la cession du droit au bail, l'indivision A... a sollicité que le juge-commissaire constate la résiliation de plein droit du bail pour non-paiement des loyers, malgré une mise en demeure adressée au liquidateur et demeurée infructueuse ; que le liquidateur judiciaire s'est opposé à la constatation de la résiliation du bail, au motif qu'aucun commandement de payer n'avait été délivré et le lendemain de l'audience, soit le 23 mai 2017, le liquidateur a adressé à l'avocat de l'indivision A... le montant des loyers dus ; que les appelants reprochent au juge-commissaire de les avoir déboutés de leur demande de constatation de la résiliation de plein droit du contrat de bail, alors que plus de trois mois s'étant écoulés depuis l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et les loyers étant demeurés impayés, ils considèrent que le juge-commissaire avait l'obligation de constater la résiliation de plein droit sollicitée ; que pour débouter l'indivision bailleresse de sa demande de résiliation, le juge-commissaire a relevé qu'aucun commandement de payer n'avait été préalablement délivré et qu'au surplus le mandataire liquidateur avait régularisé la situation en payant la totalité des loyers échus ; que selon l'article L. 641-12 du code de commerce, la résiliation du bail des immeubles utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient lorsque le bailleur demande la résiliation judiciaire ou fait constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 622-14 du même code ; que selon l'article L622-14 du code de commerce, la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement ; que si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration de ce délai, il n'y a pas lieu à résiliation ; que par ailleurs, il résulte de l'article L.145-41 du code de commerce que toute clause insérée dans un bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux, le juge saisi d'une demande de délais de grâce, pouvant en accordant des délais, suspendre la résiliation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée ; que les dispositions de l'article L.622-14 du code de commerce ne dérogent pas aux dispositions de l'article L. 145-41 du même code prévoyant, en cas de clause résolutoire, la délivrance préalable d'un commandement, le liquidateur pouvant se prévaloir des dispositions de l'article L.145-41 susmentionné et solliciter des délais de paiement, ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire, tant que la résiliation du bail n'est pas constatée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée ; qu'il s'ensuit que la résolution de plein droit du bail commercial pour défaut de paiement des loyers et charges pendant plus de trois mois après le jugement d'ouverture n'est pas acquise tant qu'il n'y a pas eu, en application de l'article L. 145-41 du code de commerce, délivrance par acte d'huissier d'un commandement de payer au preneur, l'écoulement d'un délai d'un mois pendant lequel ce commandement est demeuré infructueux, et, enfin, l'écoulement des délais de grâce éventuellement octroyés au preneur ; que contrairement à ce que soutiennent les bailleurs, le fait d'opter pour la saisine du juge-commissaire plutôt que pour le juge des référés, d'une demande en constat de la résiliation du bail ne les dispense pas de la délivrance préalable d'un commandement de payer visant la clause résolutoire, et le statut des baux commerciaux s'applique quel que soit le juge saisi, en raison de son caractère d'ordre public, la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en cours par le juge-commissaire, en application des articles L.622-14 et R.622-13 alinéa 2 du code de commerce devant intervenir sans préjudice de l'article L. 145-41 du même code ; qu'en conséquence, c'est à juste titre qu'il n'a pas été fait droit à la demande de constatation de la résiliation du bail et l'ordonnance sera donc confirmée de ce chef (arrêt, p. 4 et 5) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU' aucune demande de résiliation n'a été formulée par le bailleur avant l'audience de ce jour malgré les termes de son courrier en date du 30 mars 2017 par lequel Maître T..., avocat des bailleurs, indique au liquidateur « à défaut de paiement rapide (des loyers), je serai contraint de vous faire parvenir un commandement de payer visant la clause résolutoire » ; qu'aucun commandement de payer n'a jamais été adressé ; que faute d'avoir satisfait à cette formalité préalable, le juge ne saurait constater l'acquisition de la clause résolutoire et prononcer la résiliation du bail, considérant en outre que le mandataire liquidateur soutient avoir régularisé la situation des loyers échus impayés postérieurs à la liquidation ; que le bail dont s'agit a ainsi été poursuivi postérieurement à la liquidation judiciaire et n'est ni résilié ni résolu au jour de l'audience (ordonnance, p. 5) ;

1°) ALORS QUE le juge-commissaire a compétence pour constater la résiliation de plein droit du bail d'immeuble dans les conditions prévues à l'article L. 641-12 du code de commerce, applicable en cas de liquidation judiciaire du preneur ; que lorsque le bailleur choisit de saisir le juge-commissaire, et non le juge des référés, d'une demande tendant à la résiliation du contrat de bail pour défaut de paiement des loyers postérieurement à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, sans invoquer le bénéfice de la clause résolutoire stipulée dans le bail, il n'a pas à respecter l'obligation de délivrer un commandement de payer préalable énoncée à l'article L. 145-41 du code de commerce ; qu'en décidant le contraire (arrêt, p. 5), la cour d'appel a violé les articles L. 641-12 et R. 641-21 du code de commerce ;

2°) ALORS QU'EN OUTRE, après l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire contre le débiteur, le bailleur peut demander au juge-commissaire la résiliation judiciaire ou le constat la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire ; que, dans un tel cas, le bailleur n'a pas à délivrer au débiteur un commandement de payer, préalablement à sa demande tendant à l'anéantissement du bail commercial pour défaut de paiement des loyers pendant plus de trois mois après l'ouverture d'une liquidation judiciaire ; qu'en décidant néanmoins le contraire (arrêt, p. 5 § 4), tandis que la procédure de liquidation judiciaire obéit, en cas de défaut de paiement des loyers postérieurement à son ouverture, à un régime de résiliation de plein droit du bail dérogatoire au droit commun, le juge-commissaire étant tenu de prononcer la résiliation sur la seule constatation d'un défaut de paiement d'au moins trois mois de loyers, la cour d'appel a violé l'article L. 641-12 3°) du code de commerce ;

3°) ALORS QUE le bailleur auquel les loyers ne sont pas payés par le débiteur en liquidation judiciaire pendant plus de trois mois après l'ouverture de la procédure collective, peut demander au juge-commissaire qu'il constate la résiliation de plein droit du contrat de bail ; que le juge-commissaire, saisi d'une telle demande, doit prononcer la résiliation sur la seule constatation d'un défaut de paiement des loyers plus de trois mois après l'ouverture de la procédure collective ; que le paiement des loyers dus après l'expiration de ce délai de trois mois n'est pas nature à priver le bailleur de son droit de solliciter la résiliation de plein droit du bail commercial ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, par motifs réputés adoptés (ordonnance, p. 5 § 8), écarté la demande en résiliation de plein droit du bail commercial formée par les consorts A... en relevant que « le mandataire soutient avoir régularisé la situation des loyers échus impayés postérieurs à la liquidation » ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que ce paiement n'était intervenu qu'après l'audience du 23 mai 2017, soit plus de trois mois après le prononcé de la liquidation judiciaire, intervenu le 5 décembre 2016, et postérieurement à la demande en résiliation de plein droit formée par les consorts A..., la cour d'appel a violé l'article L. 641-12 3°) du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de résiliation du bail et d'avoir en conséquence autorisé la cession au profit de la société STLG du contrat de bail ayant pour objet 4 parcelles sis à [...] , dépendant de la liquidation judiciaire de la société [...] , moyennant le prix de 2.000 € ;

AUX MOTIFS QUE devant la présente cour, l'indivision bailleresse reproche au juge-commissaire d'avoir autorisé la cession du bail commercial en violation de l'article 8 du contrat de bail qui prévoit que le preneur ne pourra céder son droit au bail, sans l'autorisation du bailleur, si ce n'est à l'acquéreur de son fonds de commerce ; qu'elle fait valoir que la cession des baux n'est pas concomitante à la cession du fonds de commerce intervenue consécutivement au jugement arrêtant le plan et que dès lors elle est en droit de s'opposer à cette cession ; que toutefois, la société STLG, à laquelle la société [...] a été cédée par le jugement du tribunal de commerce du 18 janvier 2017, puis par les actes de cession du 28 février 2017, est bien l'acquéreur du fonds de commerce de cette société et aucun texte, ni aucune clause contractuelle n'exigent que la cession de droit au bail soit concomitante à la cession du fonds de commerce pour qu'il puisse y être procédé sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'accord du bailleur ; qu'il convient donc de confirmer l'ordonnance qui a autorisé la cession du droit au bail (arrêt, p. 5 § 7 à 10 et p. 8 § 1) ;

ALORS QUE l'article 8 du contrat de bail commercial conclu entre la société [...] et M. R... A... stipulait que « le preneur ne pourra pas céder son droit au présent bail, si ce n'est à l'acquéreur de son fonds de commerce »; que la cour d'appel a jugé qu'« aucun texte ni aucune clause contractuelle n'exigent que la cession de droit au bail soit concomitante à la cession du fonds de commerce pour qu'il puisse y être procédé sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'accord du bailleur » (arrêt, p. 5 dernier §), ce dont elle a déduit que la cession du droit au bail à la société STLG, qui avait acquis le fonds de commerce de la société [...] en excluant expressément la reprise des baux, pouvait être autorisée malgré le désaccord des bailleurs ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que le contrat de bail ne prévoyait la cession du droit au bail qu'à l'occasion de la cession du fonds de commerce, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du bail et violé le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause.
Moyens produits au pourvoi n° P 18-23.521 par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour MM. R..., E... A... et l'ATSM 77, en qualité de tuteur de M. R... A....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir autorisé la cession au profit de la société STLG du contrat de bail ayant pour objet quatre parcelles situées à Esmans dépendant de la liquidation judiciaire de l'entreprise [...] et d'avoir rejeté la demande de résiliation du bail ;

Aux motifs propres que consécutivement au jugement de liquidation judiciaire, le liquidateur avait poursuivi le contrat de bail, mais n'avait pas réglé les loyers dus en contrepartie ; que c'est ainsi que l'indivision bailleresse avait adressé deux mises en demeure au liquidateur judiciaire, les 8 février 2017 et 30 mars 2017, précisant qu'en l'absence de paiement rapide, elle serait contrainte de lui faire délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire contenue au bail ; qu'aucun commandement de payer ne fut délivré, mais lors de l'audience devant le juge-commissaire afin d'autoriser la cession du droit au bail, l'indivision A... a sollicité que le juge-commissaire constate la résiliation de plein droit du bail pour non-paiement des loyers, malgré une mise en demeure adressée au liquidateur et demeurée infructueuse ; que le liquidateur judiciaire s'est opposé à la constatation de la résiliation du bail, au motif qu'aucun commandement de payer n'avait été délivré et le lendemain de l'audience, soit le 23 mai 2017, le liquidateur a adressé à l'avocat de l'indivision A... le montant des loyers dus ; que les appelants reprochaient au juge-commissaire de les avoir déboutés de leur demande de constatation de la résiliation de plein droit du contrat de bail, alors que plus de trois mois s'étant écoulés depuis l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et les loyers étant demeurés impayés, ils considéraient que le juge-commissaire avait l'obligation de constater la résiliation de plein droit sollicitée ; que pour débouter l'indivision bailleresse de sa demande de résiliation, le juge-commissaire avait relevé qu'aucun commandement de payer n'avait été préalablement délivré et qu'au surplus le mandataire liquidateur avait régularisé la situation en payant la totalité des loyers échus ; que selon l'article L. 641-12 du code de commerce, la résiliation du bail des immeubles utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient lorsque le bailleur demande la résiliation judiciaire ou fait constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 622-14 du même code ; que selon l'article L. 622-14 du code de commerce, la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement ; que si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration de ce délai, il n'y a pas lieu à résiliation ; que par ailleurs, il résultait de l'article L.145-41 du code de commerce que toute clause insérée dans un bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux, le juge saisi d'une demande de délais de grâce, pouvant en accordant des délais, suspendre la résiliation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée ; que les dispositions de l'article L. 622-14 du code de commerce ne dérogent pas aux dispositions de l'article L. 145-41 du même code prévoyant, en cas de clause résolutoire, la délivrance préalable d'un commandement, le liquidateur pouvant se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-41 susmentionné et solliciter des délais de paiement, ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire, tant que la résiliation du bail n'était pas constatée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée ; qu'il s'ensuivait que la résolution de plein droit du bail commercial pour défaut de paiement des loyers et charges pendant plus de trois mois après le jugement d'ouverture n'était pas acquise tant qu'il n'y avait pas eu, en application de l'article L. 145-41 du code de commerce, délivrance par acte d'huissier d'un commandement de payer au preneur, l'écoulement d'un délai d'un mois pendant lequel ce commandement est demeuré infructueux, et, enfin, l'écoulement des délais de grâce éventuellement octroyés au preneur ; que contrairement à ce que soutenaient les bailleurs, le fait d'opter pour la saisine du juge-commissaire plutôt que pour le juge des référés, d'une demande en constat de la résiliation du bail ne les dispensait pas de la délivrance préalable d'un commandement de payer visant la clause résolutoire et le statut des baux commerciaux s'appliquait quel que soit le juge saisi, en raison de son caractère d'ordre public, la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en cours par le juge-commissaire, en application des articles L. 622-14 et R. 622-13 alinéa 2 du code de commerce devant intervenir sans préjudice de l'article L. 145-41 du même code ; qu'en conséquence, c'était à juste titre qu'il n'avait pas été fait droit à la demande de constatation de la résiliation du bail et l'ordonnance serait donc confirmée de ce chef (arrêt, p. 4 et 5) ;

Et aux motifs adoptés qu'aucune demande de résiliation n'avait été formulée par le bailleur avant l'audience de ce jour malgré les termes de son courrier en date du 30 mars 2017 par lequel Maître T..., avocat des bailleurs, indiquait au liquidateur « à défaut de paiement rapide (des loyers), je serai contraint de vous faire parvenir un commandement de payer visant la clause résolutoire» ; qu'aucun commandement de payer n'avait jamais été adressé ; que faute d'avoir satisfait à cette formalité préalable, le juge ne saurait constater l'acquisition de la clause résolutoire et prononcer la résiliation du bail, considérant en outre que le mandataire liquidateur soutenait avoir régularisé la situation des loyers échus impayés postérieurs à la liquidation ; que le bail dont s'agit avait ainsi été poursuivi postérieurement à la liquidation judiciaire et n'était ni résilié ni résolu au jour de l'audience (ordonnance, p. 5) ;

Alors 1°) que le juge-commissaire a compétence pour constater la résiliation de plein droit du bail d'immeuble dans les conditions prévues par l'article L. 641-12 du code de commerce, applicable en cas de liquidation judiciaire du preneur ; que le bailleur qui choisit de saisir le juge-commissaire et non le juge des référés d'une demande tendant à la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers postérieurement à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, sans invoquer le bénéfice de la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail, n'a pas à respecter l'obligation de délivrance préalable d'un commandement de payer ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 641-12 et R. 641-21 du code de commerce ;

Alors 2°) qu'après l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire contre le débiteur, le bailleur peut demander au juge-commissaire la résiliation judiciaire ou le constat de la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement, pendant plus de trois mois, des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, sans avoir à délivrer préalablement au débiteur un commandement de payer ; qu'en décidant néanmoins le contraire (arrêt, p. 5 § 4), tandis que la procédure de liquidation judiciaire obéit, en cas de défaut de paiement des loyers postérieurement à son ouverture, à un régime de résiliation de plein droit du bail dérogatoire au droit commun, qui oblige le juge-commissaire à prononcer la résiliation sur la seule constatation d'un défaut de paiement d'au moins trois mois de loyers, la cour d'appel a violé l'article L. 641-12 3°) du code de commerce ;

Alors 3°) que le bailleur auquel les loyers ne sont pas payés par le débiteur en liquidation judiciaire pendant plus de trois mois après l'ouverture de la procédure collective, peut demander au juge-commissaire qu'il constate la résiliation de plein droit du contrat de bail ; que le paiement des loyers dus après l'expiration de ce délai de trois mois n'est pas de nature à priver le bailleur de son droit de solliciter la résiliation de plein droit du bail commercial, acquise par le défaut de paiement pendant la période de trois mois susmentionnée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, par motifs réputés adoptés (ordonnance, p. 5 § 8), écarté la demande en résiliation de plein droit du bail commercial formée par les consorts A... en relevant que « le mandataire soutient avoir régularisé la situation des loyers échus impayés postérieurs à la liquidation » ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que ce paiement n'était intervenu qu'après l'audience du 23 mai 2017, soit plus de trois mois après le prononcé de la liquidation judiciaire le 5 décembre 2016, et postérieurement à la demande en résiliation de plein droit formée par les consorts A..., la cour d'appel a violé l'article L. 641-12 3°) du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir autorisé la cession du contrat de bail au profit de la société STLG ;

Aux motifs que devant la présente cour, l'indivision bailleresse reprochait au juge-commissaire d'avoir autorisé la cession du bail commercial en violation de l'article 8 du contrat de bail qui prévoyait que le preneur ne pouvait céder son droit au bail, sans l'autorisation du bailleur, si ce n'est à l'acquéreur de son fonds de commerce ; qu'elle faisait valoir que la cession des baux n'était pas concomitante à la cession du fonds de commerce intervenue consécutivement au jugement arrêtant le plan et que dès lors elle était en droit de s'opposer à cette cession ; que toutefois, la société STLG, à laquelle la société [...] avait été cédée par le jugement du tribunal de commerce du 18 janvier 2017, puis par les actes de cession du 28 février 2017, était bien l'acquéreur du fonds de commerce de cette société et aucun texte, ni aucune clause contractuelle n'exigeaient que la cession de droit au bail soit concomitante à la cession du fonds de commerce pour qu'il puisse y être procédé sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'accord du bailleur ; qu'il convenait donc de confirmer l'ordonnance qui a autorisé la cession du droit au bail ;

Alors que l'article 8 du contrat de bail commercial conclu entre la société [...] et M. R... A... stipulait que « le preneur ne pourra pas céder son droit au présent bail, si ce n'est à l'acquéreur de son fonds de commerce »; qu'en considérant que la cession du droit au bail à la société STLG, qui avait acquis le fonds de commerce de la société [...] en excluant expressément la reprise des baux, pouvait être autorisée malgré le désaccord des bailleurs, tandis que le contrat de bail ne prévoyait la cession du droit au bail qu'à l'occasion de la cession du fonds de commerce, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du bail et violé le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-23350;18-23521
Date de la décision : 26/02/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 05 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 fév. 2020, pourvoi n°18-23350;18-23521


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.23350
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award