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26/02/2020 | FRANCE | N°18-19737

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 février 2020, 18-19737


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 204 FS-P+B

Pourvoi n° A 18-19.737

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 FÉVRIER 2020

1°/ la société Delta alternative manageme

nt, société par actions simplifiée, dont le siège est [...],

2°/ la société [...], société anonyme, dont le siège est [...],

3°/ la société La Fi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 204 FS-P+B

Pourvoi n° A 18-19.737

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 FÉVRIER 2020

1°/ la société Delta alternative management, société par actions simplifiée, dont le siège est [...],

2°/ la société [...], société anonyme, dont le siège est [...],

3°/ la société La Financière de l'Europe, société par actions simplifiée, dont le siège est [...],

ont formé le pourvoi n° A 18-19.737 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige les opposant :

1°/ à M. U... Q..., domicilié [...], pris en qualité de président du conseil d'administration de la société CGG,

2°/ à M. Y... M..., domicilié [...], pris en qualité de directeur général de la société CGG,

3°/ à M. H... J..., domicilié [...] , pris en qualité de représentant des salariés,

4°/ à Mme S... A..., domiciliée [...], prise en de réprésentante des salariés,

5°/ à M. K... N..., domicilié [...], pris en qualité de représentant du comité d'entreprise,

6°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, service financier et commercial, [...],

7°/ à la société FHB, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...], prise en la personne de Mme C... T..., en sa double qualité d'administrateur et de commissaire à l'exécution du plan de la société CGG,

8°/ à la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [...], prise en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société CGG,

9°/ à la société JG Capital management, dont le siège est [...], prise en qualité de contrôleur à la procédure collective,

10°/ à la société DNCA Finance, société en commandite simple, dont le siège est [...],

11°/ à la société SICAV DNCA Invest, dont le siège est [...], société de droit luxembourgeois,

12°/ à la société SICAV Oralie Patrimoine, dont le siège est [...],

13°/ à la société CGG, société anonyme, dont le siège est [...],

14°/ à la société HMG Finance, société anonyme, dont le siège est [...],

défendeurs à la cassation.

La société HMG Finance a formé un pourvoi incident conre le même arrêt ;

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Delta alternative management, [...], La Financière de l'Europe et HMG Finance, de la SCP Gaschignard, avocat de la société JG Capital management, ès qualités, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat des sociétés DNCA Finance, SICAV DNCA Invest et SICAV Oralie Patrimoine, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de MM. Q..., M..., J..., ès qualités et de la société CGG, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Vallansan, M. Remeniéras, Mmes Graff-Daudret, Vaissette, Fontaine, Fevre, M. Riffaud, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, M. Blanc, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2018), la société CGG, société faîtière du groupe international CGG, a bénéficié, le 27 février 2017, d'une procédure de mandat ad hoc dans le cadre de laquelle elle a engagé des discussions avec ses principaux créanciers et actionnaires répartis en quatre groupes, dont celui des créanciers titulaires d'obligations à haut rendement dites obligations « High Yield » et celui des créanciers titulaires d'obligations convertibles en actions nouvelles ou existantes dites obligations Oceane.

2. Par un jugement du 14 juin 2017, la société CGG a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, la société MJA, en la personne de Mme R..., étant désignée mandataire judiciaire et la société FHB, en la personne de Mme T..., administrateur. Quatorze procédures américaines dites de « Chapter 11 » ont été ouvertes aux Etats-Unis afin de mettre sous protection l'ensemble des actifs du groupe CGG.

3. Le 28 juillet 2017, le comité des établissements de crédits et assimilés et l'assemblée unique des obligataires (l'AUO) ont adopté respectivement à l'unanimité et à une majorité de 93,5 % le projet de plan de sauvegarde préparé par la société CGG et prévoyant notamment la conversion d'une grande partie de la dette obligataire en capital à un taux de conversion de 3,12 euros par action pour les obligations « High Yield » et de 10,26 euros pour les obligations Oceane et la possibilité pour les obligataires « High Yield » de souscrire à des émissions de titres.

4. Par une déclaration du 4 août 2017, les sociétés Keren Finance, Delta Alternative Management (la société Delta), [...] (la société [...]), La Financière de l'Europe, Ellipsis Asset Management et HMG Finance, porteurs de 23 % des obligations Oceane, qui estimaient que le plan ne traitait pas équitablement les porteurs de dette « High Yield » et les détenteurs d'obligations Oceane, ont demandé au tribunal de rejeter le plan de sauvegarde de la société CGG comme étant contraire aux dispositions de l'article L. 626-32 du code de commerce.

Examen des moyens

Sur les premiers moyens des pourvois principal et incident, rédigés en termes identiques, réunis :

Enoncé du moyen

5. Les sociétés Delta, La Financière de l'Europe, [...] et HMG finance font grief à l'arrêt de dire irrecevable la demande de rejet du plan, d'arrêter le plan de sauvegarde de la société CGG et de rejeter les demandes fondées sur un abus de majorité alors « que les dispositions de l'article L. 626-34-1 du code de commerce, prévoyant que " le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l'application des articles L. 626-30 à L. 626-32 et sur l'arrêté ou la modification du plan ", autorisent les créanciers et obligataires à former une contestation " à l'encontre de la décision du comité ou de l'assemblée dont ils sont membres " ; que le texte n'opère aucune restriction quant à la recevabilité de la contestation, dès lors que celle-ci, d'une part, porte sur l'application des articles L. 626-30 à L. 626-32 du code de commerce et, d'autre part, a pour objet la décision du comité ou de l'assemblée dont l'auteur de la contestation est membre ; que les sociétés appelantes, membres de l'assemblée unique des obligataires, ont contesté la décision prise par cette assemblée, d'approuver le plan de sauvegarde, opérant, sans justification, une différenciation disproportionnée entre les créanciers obligataires, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 626-32 du code de commerce ; qu'en affirmant cependant, pour confirmer le jugement entrepris ayant dit irrecevable leur contestation, que " les recours exercés par les créanciers ou les obligataires ne peuvent porter que sur les décisions des comités ou assemblée dont ils sont membres, et non sur le plan de sauvegarde lui-même, et sur les contestations relatives à la constitution et au vote des comités de créanciers ou de l'assemblée des obligataires ", quand aucune disposition n'interdit aux créanciers obligataires de contester la délibération de l'assemblée unique des obligataires, dont ils sont membres, en ce que cette délibération a approuvé un plan de sauvegarde, opérant, sans justification, une différenciation disproportionnée entre les créanciers obligataires, de sorte que le plan ne pouvait être arrêté, la cour d'appel a violé, par refus d'application les articles L. 626-32, L. 626-34-1 et L. 661-1 6° du code de commerce, ensemble et par fausse application de l'article 121 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 626-34-1 du code de commerce, le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l'application des articles L. 626-30 à L. 626-32 et sur l'arrêté ou la modification du plan, et les créanciers ne peuvent former une contestation que contre la décision du comité ou de l'assemblée dont ils sont membres. Il en résulte qu'un créancier titulaire d'obligations, membre de l'AUO, ne peut contester que l'adoption du projet de plan par cette assemblée et seulement lorsque les dispositions relatives à la constitution de cette assemblée, sa convocation, et les conditions de sa délibération telles que prévues par l'article L. 626-32 ne lui semblent pas avoir été correctement appliquées.

7. Ayant relevé que les sociétés Delta, La Financière de l'Europe, [...] et HMG Finance ne contestaient ni la régularité de la tenue de l'AUO ou sa composition ni la régularité des votes mais contestaient la délibération de cette assemblée sur la modalité du plan de sauvegarde relative au traitement des porteurs d'obligations Oceane, qui serait, selon elles, différent de celui des porteurs d'obligations « High Yield » sans que cela soit justifié, la cour d'appel a exactement retenu que, ce faisant, ces sociétés faisaient indirectement appel du plan de sauvegarde lui-même et non de la délibération de l'AUO, en contestant un élément de fond du plan portant sur le remboursement des obligations selon leur nature, ce que les textes précités ne leur permettaient pas.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur les seconds moyens des pourvois principal et incident, rédigés en termes identiques, réunis :

Enoncé du moyen

9. Les sociétés Delta, La Financière de l'Europe, [...] et HMG Finance font le même grief à l'arrêt alors :

1°/ « que l'abus de majorité se définit comme la prise d'une décision, par les détenteurs de la majorité des voix, non conforme à l'intérêt de la collectivité et prise dans l'unique dessein de favoriser le groupe majoritaire au détriment de la minorité ; que, s'agissant de la délibération de l'assemblée unique des obligataires, l'intérêt devant être pris en considération est celui des obligataires membres de l'assemblée et non celui de l'entreprise ; qu'en affirmant, cependant, pour écarter l'abus de majorité invoqué, qu' " il existe un abus de majorité lorsqu'une décision est prise contrairement à l'intérêt social ", que " la finalité d'un plan de sauvegarde est d'assurer la pérennité de l'activité, le maintien des emplois et l'apurement du passif " et que " les appelantes ne soutiennent pas que la délibération adoptée à la majorité, relative au remboursement des obligations Oceane, serait contraire à l'intérêt social ", quand l'abus de majorité devait s'apprécier au regard du seul intérêt de la collectivité des obligataires et non de celui de l'entreprise ou de la finalité d'un plan de sauvegarde, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 626-34-1 du code de commerce ;

2°/ que le juge ne peut dénaturer les termes des écrits qui lui sont soumis ; que, dans leurs conclusions, les appelantes faisaient expressément valoir, pour justifier de l'abus de majorité, que la délibération prise, adoptant le plan proposé, prévoyait, de manière disproportionnée, un traitement bien plus défavorable pour les porteurs d'obligations Oceane, membres minoritaires de l'assemblée, par rapport aux porteurs d'obligations High Yield, majoritaires, alors que cette distinction ne reposait sur aucune justification objective et n'était pas nécessaire pour la reprise de l'entreprise ; qu'en affirmant cependant, pour écarter l'abus de majorité invoqué, que les appelantes ne soutiennent pas que cette délibération aurait été adoptée par la majorité à leur détriment, la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis des conclusions des appelantes, en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

3°/ que dans leurs conclusions, les sociétés appelantes observaient que l'approbation du plan, lors de l'assemblée unique des obligataires, par une partie des porteurs d'obligations Oceane s'expliquait par le vote favorable des sociétés DNCA, investisseur institutionnel présent de longue date au sein de la société CGG et ayant participé à la négociation et la conclusion de ce plan, qui détenaient tout à la fois des obligations Oceane mais également des obligations High Yield ; qu'en ce qu'elle se serait fondée, pour écarter l'abus de majorité invoqué, sur le constat que " la majorité des porteurs d'obligations Oceane a voté en faveur de la délibération litigieuse ", sans s'expliquer sur le moyen tiré de ce que les porteurs des deux types d'obligations, Oceane et High Yield, avaient approuvé un plan qui leur était favorable, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le projet de plan ne peut établir un traitement différencié entre les créanciers obligataires que si les différences de situation le justifient ; que, dans leurs conclusions, les appelantes faisaient valoir et démontraient que le traitement différencié des porteurs d'obligation n'était justifié ni par une subordination des obligations Oceane aux obligations High Yield, ni par une prétendue différence de nature des obligations, pas plus que par la valeur des " garanties " dont les obligations High Yield bénéficient ; qu'elles observaient que l'expert désigné par le tribunal, à la demande de la société CGG, qui n'avait pas cru utile de procéder à leur audition, n'avait pas pu établir la valeur économique des garanties, censée justifier la différence de traitement et elles produisaient, à l'appui de leurs dires, un rapport de M. G..., expert agréé auprès de la cour d'appel de Paris, qui, se fondant sur des estimations chiffrées, démontrait l'absence de justification, quelle que soit l'approche retenue, de l'écart de traitement entre les porteurs d'obligations High Yield et les porteurs d'obligations Oceane ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande fondée sur l'abus de majorité, à affirmer que " la délibération relative au remboursement des obligations offre aux porteurs d'Oceane un traitement plus favorable qu'en l'absence de plan de sauvegarde " et, par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, qu' " il résulte des éléments fournis au tribunal et particulièrement du rapport du technicien B...-I..., en date du 25 octobre 2017, désigné par Monsieur le juge-commissaire par ordonnance du 9 octobre 2017, que le traitement différencié entre les créanciers est raisonnable et justifiable ", que " le traitement différencié des porteurs d'Oceane et des obligataires High Yield est fondé sur des données et des arguments objectifs " et que " le plan de sauvegarde est satisfaisant au regard de l'intérêt des créanciers ", sans examiner, fut-ce brièvement, le rapport d'expertise produit, ni rechercher, comme il lui était demandé, s'il ne ressortait pas de ce rapport la preuve de l'absence de fondement des conclusions du technicien B...-I... et la preuve de l'absence de justification et de nécessité de l'écart de traitement entre les porteurs d'obligations High Yield et les porteurs d'obligations Oceane, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 626-34-1 du code de commerce, ensemble le principe d'égalité de traitement. »

Réponse de la Cour

10. Les sociétés Delta, La Financière de l'Europe, [...] et HMG Finance sont sans intérêt à critiquer le rejet par la cour d'appel de leur demande fondée sur un abus de majorité dès lors que, un tel abus ne relevant pas des contestations concernant la constitution de l'AUO, sa convocation ou les conditions de sa délibération, cette demande était irrecevable en application de l'article L. 626-34-1 du code de commerce.

11. Le moyen est donc irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident ;

Condamne la société Delta alternative management, la société [...], la société La Financière de l'Europe, et la société HMG Finance aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Delta alternative management, [...] et La Financière de l'Europe et les condamne à payer à M. Q..., pris en qualité d'ancien président du conseil d'administration de la société CGG, M. M..., pris en qualité d'ancien directeur général de la société CGG, la société CGG et M. J..., pris en qualité de représentant des salariés de la société CGG, la somme globale de 3 000 euros, et aux sociétés DNCA Finance, SICAV DNC Invest et Sicav Oralie patrimoine la même somme globale ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société HMG Finance et la condamne à payer à M. Q..., pris en qualité d'ancien président du conseil d'administration de la société CGG, M. M..., pris en qualité d'ancien directeur général de la société CGG, la société CGG, M. J..., pris en qualité de représentant des salariés de la société CGG, la somme globale de 3 000 euros, et aux sociétés DNCA Finance, SICAV DNC Invest et Sicav Oralie patrimoine la même somme globale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les sociétés Delta alternative management, [...] et La Financière de l'Europe.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, dit irrecevable la demande de rejet du plan des sociétés Keren Finance, Delta Alternative Management, [...], Financière de l'Europe, Ellipsis Asset Management et HMG Finance, d'avoir arrêté le plan de sauvegarde de la société CGG, SA et, y ajoutant, d'avoir débouté les sociétés Delta Alternative Management, [...], Financière de l'Europe et HMG Finance de leur demande fondée sur un abus de majorité,

AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions de l'article L 626-32 du code de commerce, lorsqu'il existe des obligataires, une assemblée générale des obligataires est constituée qui délibère sur le projet de plan adopté par les comités de créanciers ; que cet article détermine notamment les modalités de vote et de majorité

; qu'il mentionne également à titre d'exemples les points du projet de plan sur lesquels peut porter la délibération ; qu'ainsi, la délibération peut porter notamment sur les délais de paiements, les abandons de créances et il est mentionné que « (...) le projet de plan peut établir un traitement différencié entre les créanciers obligataires si les différences de situation le justifient. (...) » ; que l'article L 626–34-1 dispose que « le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l'application des articles L 626–30 à L 626–32 et sur l'arrêté ou la modification du plan. Les créanciers ne peuvent former une contestation qu'à l'encontre de la décision du comité ou de l'assemblée dont ils sont membres. » ; que l'article L 661–1 6° du code de commerce dispose que les décisions arrêtant le plan de sauvegarde sont susceptibles d'appel « de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, le comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel et du ministère public, ainsi que de la part du créancier ayant formé une contestation en application de l'article L 626–34-1 du code de commerce. » ; que le rapport au Président de la République, relatif à l'ordonnance n° 2008–1345 du 18 décembre 2008, portant réforme du droit des entreprises en difficulté, ayant introduit ces deux articles dans le code de commerce éclaire cette disposition ; qu'il expose que « afin d'éviter que l'exercice des recours ne retarde excessivement le processus d'adoption du plan, l'article 71, (devenu L 626–34–1 du code de commerce), prévoit, d'une part, que les contestations relatives à la constitution et au vote des comités de créanciers ou de l'assemblée des obligataires seront tranchées dans le jugement statuant sur l'arrêté du plan et, d'autre part, que les créanciers ne pourront contester que les décisions adoptées par le comité ou l'assemblée dont ils sont membres. » ; qu'enfin, l'article L 626–31 du code de commerce donne au tribunal la mission de s'assurer que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés ; qu'il ressort de la combinaison de ces textes que le législateur, dans un souci de célérité, a entendu limiter les recours à l'encontre du plan de sauvegarde et que les recours exercés par les créanciers ou les obligataires ne peuvent porter que sur les décisions des comités ou assemblée dont ils sont membres et non sur le plan de sauvegarde lui-même et sur les contestations relatives à la constitution et au vote des comités de créanciers ou de l'assemblée des obligataires ainsi que l'énonce le rapport mentionné ci-dessus ; qu'en l'espèce, les appelantes ne contestent ni la régularité de la tenue de l'AUO ou sa composition, ni la régularité des votes ; qu'elles contestent la délibération de l'assemblée sur la modalité du plan de sauvegarde relative au traitement des porteurs d'obligations Oceane ; que ce traitement serait, selon elle, différent de celle des porteurs d'obligations High Yield sans que cela soit justifié ; que, ce faisant, la cour observe que les appelantes font indirectement appel du plan de sauvegarde lui-même et non de la délibération de l'AUO en ce qu'elles contestent un élément de fond du plan portant sur le remboursement des obligations selon qu'il s'agit d'obligations Oceane ou d'obligations High Yield ; que leur appel est donc irrecevable ;

ET AUX MOTIFS, adoptés des premiers juges, QUE l'article L. 626–34–1 du code de commerce dispose que : « le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l'application des articles L 626–30 à L 626–32 et sur l'arrêté ou la modification du plan. Les créanciers ne peuvent former une contestation qu'à l'encontre de la décision du comité ou de l'assemblée tant ils sont membres » ; qu'au soutien de leur argumentation, les sociétés demanderesses s'appuient sur un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 18 novembre 2010 ; que cet arrêt considère que le créancier obligataire exprime individuellement son vote et a qualité pour contester la décision prise par l'AUO et pour interjeter appel du jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde ; que, cependant, les sociétés demanderesses sollicitent du tribunal de rejeter le plan comme étant contraire aux dispositions de l'article L 626–32 du code de commerce, que celui-ci dispose que :
« Lorsqu'il existe des obligataires, une assemblée générale constituée de l'ensemble des créanciers titulaires d'obligations émises en France ou à l'étranger est convoquée dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, afin de délibérer sur le projet de plan adopté par les comités de créanciers.
La délibération peut notamment porter sur des délais de paiement, un abandon total ou partiel des créances obligataires et, lorsque le débiteur est une société par actions dont tous les actionnaires ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports, des conversions de créances en titres donnant ou pouvant donner accès au capital. Le projet de plan peut établir un traitement différencié entre les créanciers obligataires si les différences de situation le justifient. Il prend en compte les accords de subordination entre créanciers conclus avant l'ouverture de la procédure.
La décision est prise à la majorité des deux tiers du montant des créances obligataires détenues par les porteurs ayant exprimé leur vote, nonobstant toute clause contraire et indépendamment de la loi applicable au contrat d'émission. Pour les porteurs bénéficiaires d'une fiducie constituée à titre de garantie par le débiteur, sont seuls pris en compte les montants de leurs créances obligataires non assorties d'une telle sûreté. Ne prennent pas part au vote les créanciers obligataires pour lesquels le projet de plan ne prévoit pas de modification des modalités de paiement ou prévoit un paiement intégral en numéraire dès l'arrêté du plan ou dès l'admission de leurs créances. Les dispositions du quatrième alinéa de l'article L 626–30–2 sont applicables au vote de l'assemblée générale. »
Que cet article ne porte que sur la tenue de l'AUO ; qu'en conséquence, les porteurs d'Oceane ne peuvent porter leur contestation que sur la validité de la tenue de l'AUO et la validité des décisions qu'elle a prises mais pas sur la validité du projet de plan lui-même ; que les sociétés demanderesses ne contestent à aucun moment ni le calcul des droits de vote ni les modalités du vote ou le décompte des voix lors de l'AUO qui a voté le plan de sauvegarde le 28 juillet 2017; que leur contestation n'entre pas dans le champ, précisément défini, prévu par l'article L 626-64-1 du code de commerce ; que le tribunal dira irrecevable la demande de rejet du plan des sociétés Delta Alternative Management, [...], Financière de l'Europe, Ellipsis Asset Management et HMG Finance ;

ALORS QUE les dispositions de l'article L 626-34-1 du code de commerce, prévoyant que « le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l'application des articles L 626-30 à L 626-32 et sur l'arrêté ou la modification du plan », autorisent les créanciers et obligataires à former une contestation « à l'encontre de la décision du comité ou de l'assemblée dont ils sont membres » ; que le texte n'opère aucune restriction quant à la recevabilité de la contestation, dès lors que celle-ci, d'une part, porte sur l'application des articles L 626-30 à L 626-32 du code de commerce et, d'autre part, a pour objet la décision du comité ou de l'assemblée dont l'auteur de la contestation est membre ; que les sociétés appelantes, membres de l'assemblée unique des obligataires, ont contesté la décision prise par cette assemblée, d'approuver le plan de sauvegarde, opérant, sans justification, une différenciation disproportionnée entre les créanciers obligataires, en méconnaissance des dispositions de l'article 626-32 du code de commerce ; qu'en affirmant cependant, pour confirmer le jugement entrepris ayant dit irrecevable leur contestation, que « les recours exercés par les créanciers ou les obligataires ne peuvent porter que sur les décisions des comités ou assemblée dont ils sont membres, et non sur le plan de sauvegarde lui-même, et sur les contestations relatives à la constitution et au vote des comités de créanciers ou de l'assemblée des obligataires », quand aucune disposition n'interdit aux créanciers obligataires de contester la délibération de l'assemblée unique des obligataires, dont ils sont membres, en ce que cette délibération a approuvé un plan de sauvegarde, opérant, sans justification, une différenciation disproportionnée entre les créanciers obligataires, de sorte que le plan ne pouvait être arrêté, la cour d'appel a violé, par refus d'application les articles L 626-32, L 626-34-1 et L 661–1 6° du code de commerce, ensemble et par fausse application de l'article 121 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, dit irrecevable la demande de rejet du plan des sociétés Keren Finance, Delta Alternative Management, [...], Financière de l'Europe, Ellipsis Asset Management et HMG Finance, d'avoir arrêté le plan de sauvegarde de la société CGG, SA et, y ajoutant, d'avoir débouté les sociétés Delta Alternative Management, [...], Financière de l'Europe et HMG Finance de leur demande fondée sur un abus de majorité,

AUX MOTIFS QUE la cour considère que les appelantes sont recevables à contester par la voie de l'appel la décision de l'AUO en ce qu'elle constituerait un abus de majorité, un tel grief touchant à la régularité du vote qui serait affecté d'un vice ; qu' il existe un abus de majorité lorsqu'une décision est prise contrairement à l'intérêt social au détriment de la minorité et dans le but de favoriser la majorité ; que la cour rappelle que la finalité d'un plan de sauvegarde est d'assurer la pérennité de l'activité, le maintien des emplois et l'apurement du passif ; que les appelantes ne soutiennent pas que la délibération adoptée par la majorité relative au remboursement des obligations Oceane serait contraire à l'intérêt social ; qu'elles ne soutiennent pas non plus que cette délibération aurait été adoptée par la majorité des obligataires dans le but de leur nuire et à leur détriment ; que la cour note à ce propos que les appelantes ne représentent que 15 % des porteurs d'Océane et que les obligations Oceane ne représentent elles-mêmes que 20 % des obligations émises par CGG montrant ainsi que la majorité des porteurs d'obligations Oceane a voté en faveur de la délibération litigieuse ; qu'enfin, la délibération relative au remboursement des obligations offre aux porteurs d'Oceane un traitement plus favorable qu'en l'absence de plan de sauvegarde ; que les appelantes n'établissant pas l'existence d'un abus de majorité à leur détriment, elles seront déboutées de leur demande ;

ET AUX MOTIFS, adoptés des premiers juges, QUE l'existence d'une différence objective de situation justifiant une différence de traitement entre deux catégories de créanciers obligataires est une question de fait ; qu'il résulte des éléments fournis au tribunal et particulièrement du rapport du technicien B... – I..., en date du 25 octobre 2017, désigné par Monsieur le juge commissaire par ordonnance du 9 octobre 2017, que le traitement différencié entre les créanciers est raisonnable et justifiable ; que le traitement différencié des porteurs d'Oceane et des obligataires High Yield est fondé sur des données et des arguments objectifs ; (...) ; qu'ainsi au terme des différentes consultations, le projet de plan de sauvegarde est satisfaisant au regard de l'intérêt des créanciers, des actionnaires et des salariés ;

1 – ALORS QUE l'abus de majorité se définit comme la prise d'une décision, par les détenteurs de la majorité des voix, non conforme à l'intérêt de la collectivité et prise dans l'unique dessein de favoriser le groupe majoritaire au détriment de la minorité ; que, s'agissant de la délibération de l'Assemblée unique des obligataires, l'intérêt devant être pris en considération est celui des obligataires membres de l'assemblée et non celui de l'entreprise ; qu'en affirmant, cependant, pour écarter l'abus de majorité invoqué, qu' « il existe un abus de majorité lorsqu'une décision est prise contrairement à l'intérêt social », que «la finalité d'un plan de sauvegarde est d'assurer la pérennité de l'activité, le maintien des emplois et l'apurement du passif » et que « les appelantes ne soutiennent pas que la délibération adoptée à la majorité, relative au remboursement des obligations Oceane, serait contraire à l'intérêt social », quand l'abus de majorité devait s'apprécier au regard du seul intérêt de la collectivité des obligataires et non de celui de l'entreprise ou de la finalité d'un plan de sauvegarde, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 626-34-1 du code de commerce ;

2 – ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes des écrits qui lui sont soumis ; que, dans leurs conclusions, les appelantes faisaient expressément valoir, pour justifier de l'abus de majorité, que la délibération prise, adoptant le plan proposé, prévoyait, de manière disproportionnée, un traitement bien plus défavorable pour les porteurs d'obligations Oceane, membres minoritaires de l'assemblée, par rapport aux porteurs d'obligations High Yield, majoritaires, alors que cette distinction ne reposait sur aucune justification objective et n'était pas nécessaire pour la reprise de l'entreprise, (cf. conclusions, p. 8 et 9, notamment) ; qu'en affirmant cependant, pour écarter l'abus de majorité invoqué, que les appelantes ne soutiennent pas que cette délibération aurait été adoptée par la majorité à leur détriment, la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis des conclusions des appelantes, en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

3 – ALORS QUE dans leurs conclusions, les sociétés appelantes observaient que l'approbation du plan, lors de l'assemblée unique des obligataires, par une partie des porteurs d'obligations Oceane s'expliquait par le vote favorable des sociétés DNCA, investisseur institutionnel présent de longue date au sein de la société CGG et ayant participé à la négociation et la conclusion de ce plan, qui détenaient tout à la fois des obligations Oceane mais également des obligations High Yield, (conclusions, p. 6, in fine) ; qu'en ce qu'elle se serait fondée, pour écarter l'abus de majorité invoqué, sur le constat que « la majorité des porteurs d'obligations Oceane a voté en faveur de la délibération litigieuse », sans s'expliquer sur le moyen tiré de ce que les porteurs des deux types d'obligations, Oceane et High Yield, avaient approuvé un plan qui leur était favorable, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4 – ALORS QUE le projet de plan ne peut établir un traitement différencié entre les créanciers obligataires que si les différences de situation le justifient ; que, dans leurs conclusions, les appelantes faisaient valoir et démontraient que le traitement différencié des porteurs d'obligation n'était justifié ni par une subordination des obligations Oceane aux obligations High Yield, ni par une prétendue différence de nature des obligations, pas plus que par la valeur des « garanties » dont les obligations High Yield bénéficient ; qu'elles observaient que l'expert désigné par le tribunal, à la demande de la société CGG, qui n'avait pas cru utile de procéder à leur audition, n'avait pas pu établir la valeur économique des garanties, censée justifier la différence de traitement et elles produisaient, à l'appui de leurs dires, un rapport de M. U... G..., expert agréé auprès de la cour d'appel de Paris, qui, se fondant sur des estimations chiffrées, démontrait l'absence de justification, quelle que soit l'approche retenue, de l'écart de traitement entre les porteurs d'obligations High Yield et les porteurs d'obligations Oceane, (cf. conclusions, p. 16 et svtes et rapport d'expertise, prod. ) ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande fondée sur l'abus de majorité, à affirmer que « la délibération relative au remboursement des obligations offre aux porteurs d'Oceane un traitement plus favorable qu'en l'absence de plan de sauvegarde » et, par motifs, éventuellement adoptés des premiers juges, qu'« il résulte des éléments fournis au tribunal et particulièrement du rapport du technicien B... – I..., en date du 25 octobre 2017, désigné par Monsieur le juge commissaire par ordonnance du 9 octobre 2017, que le traitement différencié entre les créanciers est raisonnable et justifiable », que « le traitement différencié des porteurs d'Oceane et des obligataires High Yield est fondé sur des données et des arguments objectifs » et que « le plan de sauvegarde est satisfaisant au regard de l'intérêt des créanciers », sans examiner, fut-ce brièvement, le rapport d'expertise produit, ni rechercher, comme il lui était demandé, s'il ne ressortait pas de ce rapport la preuve de l'absence de fondement des conclusions du technicien B...–I... et la preuve de l'absence de justification et de nécessité de l'écart de traitement entre les porteurs d'obligations High Yield et les porteurs d'obligations Oceane, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L 626-34-1 du code de commerce, ensemble le principe d'égalité de traitement.
Moyens produits AU POURVOI INCIDENT par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société HMG Finance.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, dit irrecevable la demande de rejet du plan des sociétés Keren Finance, Delta Alternative Management, [...], Financière de l'Europe, Ellipsis Asset Management et HMG Finance, d'avoir arrêté le plan de sauvegarde de la société CGG, SA et, y ajoutant, d'avoir débouté les sociétés Delta Alternative Management, [...], Financière de l'Europe et HMG Finance de leur demande fondée sur un abus de majorité,

AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions de l'article L 626-32 du code de commerce, lorsqu'il existe des obligataires, une assemblée générale des obligataires est constituée qui délibère sur le projet de plan adopté par les comités de créanciers ; que cet article détermine notamment les modalités de vote et de majorité
; qu'il mentionne également à titre d'exemples les points du projet de plan sur lesquels peut porter la délibération ; qu'ainsi, la délibération peut porter notamment sur les délais de paiements, les abandons de créances et il est mentionné que « (...) le projet de plan peut établir un traitement différencié entre les créanciers obligataires si les différences de situation le justifient. (...) » ; que l'article L 626–34-1 dispose que « le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l'application des articles L 626–30 à L 626–32 et sur l'arrêté ou la modification du plan. Les créanciers ne peuvent former une contestation qu'à l'encontre de la décision du comité ou de l'assemblée dont ils sont membres. » ; que l'article L 661–1 6° du code de commerce dispose que les décisions arrêtant le plan de sauvegarde sont susceptibles d'appel « de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, le comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel et du ministère public, ainsi que de la part du créancier ayant formé une contestation en application de l'article L 626–34-1 du code de commerce. » ; que le rapport au Président de la République, relatif à l'ordonnance n° 2008–1345 du 18 décembre 2008, portant réforme du droit des entreprises en difficulté, ayant introduit ces deux articles dans le code de commerce éclaire cette disposition ; qu'il expose que « afin d'éviter que l'exercice des recours ne retarde excessivement le processus d'adoption du plan, l'article 71, (devenu L 626–34–1 du code de commerce), prévoit, d'une part, que les contestations relatives à la constitution et au vote des comités de créanciers ou de l'assemblée des obligataires seront tranchées dans le jugement statuant sur l'arrêté du plan et, d'autre part, que les créanciers ne pourront contester que les décisions adoptées par le comité ou l'assemblée dont ils sont membres. » ; qu'enfin, l'article L 626–31 du code de commerce donne au tribunal la mission de s'assurer que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés ; qu'il ressort de la combinaison de ces textes que le législateur, dans un souci de célérité, a entendu limiter les recours à l'encontre du plan de sauvegarde et que les recours exercés par les créanciers ou les obligataires ne peuvent porter que sur les décisions des comités ou assemblée dont ils sont membres et non sur le plan de sauvegarde lui-même et sur les contestations relatives à la constitution et au vote des comités de créanciers ou de l'assemblée des obligataires ainsi que l'énonce le rapport mentionné ci-dessus ; qu'en l'espèce, les appelantes ne contestent ni la régularité de la tenue de l'AUO ou sa composition, ni la régularité des votes ; qu'elles contestent la délibération de l'assemblée sur la modalité du plan de sauvegarde relative au traitement des porteurs d'obligations Oceane ; que ce traitement serait, selon elle, différent de celle des porteurs d'obligations High Yield sans que cela soit justifié ; que, ce faisant, la cour observe que les appelantes font indirectement appel du plan de sauvegarde lui-même et non de la délibération de l'AUO en ce qu'elles contestent un élément de fond du plan portant sur le remboursement des obligations selon qu'il s'agit d'obligations Oceane ou d'obligations High Yield ; que leur appel est donc irrecevable ;

ET AUX MOTIFS, adoptés des premiers juges, QUE l'article L 626–34–1 du code de commerce dispose que : « le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l'application des articles L 626–30 à L 626–32 et sur l'arrêté ou la modification du plan. Les créanciers ne peuvent former une contestation qu'à l'encontre de la décision du comité ou de l'assemblée tant ils sont membres » ; qu'au soutien de leur argumentation, les sociétés demanderesses s'appuient sur un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 18 novembre 2010 ; que cet arrêt considère que le créancier obligataire exprime individuellement son vote et a qualité pour contester la décision prise par l'AUO et pour interjeter appel du jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde ; que, cependant, les sociétés demanderesses sollicitent du tribunal de rejeter le plan comme étant contraire aux dispositions de l'article L 626–32 du code de commerce, que celui-ci dispose que :
« Lorsqu'il existe des obligataires, une assemblée générale constituée de l'ensemble des créanciers titulaires d'obligations émises en France ou à l'étranger est convoquée dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, afin de délibérer sur le projet de plan adopté par les comités de créanciers.
La délibération peut notamment porter sur des délais de paiement, un abandon total ou partiel des créances obligataires et, lorsque le débiteur est une société par actions dont tous les actionnaires ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports, des conversions de créances en titres donnant ou pouvant donner accès au capital.
Le projet de plan peut établir un traitement différencié entre les créanciers obligataires si les différences de situation le justifient. Il prend en compte les accords de subordination entre créanciers conclus avant l'ouverture de la procédure.

La décision est prise à la majorité des deux tiers du montant des créances obligataires détenues par les porteurs ayant exprimé leur vote, nonobstant toute clause contraire et indépendamment de la loi applicable au contrat d'émission. Pour les porteurs bénéficiaires d'une fiducie constituée à titre de garantie par le débiteur, sont seuls pris en compte les montants de leurs créances obligataires non assorties d'une telle sûreté. Ne prennent pas part au vote les créanciers obligataires pour lesquels le projet de plan ne prévoit pas de modification des modalités de paiement ou prévoit un paiement intégral en numéraire dès l'arrêté du plan ou dès l'admission de leurs créances. Les dispositions du quatrième alinéa de l'article L 626–30–2 sont applicables au vote de l'assemblée générale. »
Que cet article ne porte que sur la tenue de l'AUO ; qu'en conséquence, les porteurs d'Oceane ne peuvent porter leur contestation que sur la validité de la tenue de l'AUO et la validité des décisions qu'elle a prises mais pas sur la validité du projet de plan lui-même ; que les sociétés demanderesses ne contestent à aucun moment ni le calcul des droits de vote ni les modalités du vote ou le décompte des voix lors de l'AUO qui a voté le plan de sauvegarde le 28 juillet 2017 ; que leur contestation n'entre pas dans le champ, précisément défini, prévu par l'article L 626-64-1 du code de commerce ; que le tribunal dira irrecevable la demande de rejet du plan des sociétés Delta Alternative Management, [...], Financière de l'Europe, Ellipsis Asset Management et HMG Finance ;

ALORS QUE les dispositions de l'article L 626-34-1 du code de commerce, prévoyant que « le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l'application des articles L 626-30 à L 626-32 et sur l'arrêté ou la modification du plan », autorisent les créanciers et obligataires à former une contestation « à l'encontre de la décision du comité ou de l'assemblée dont ils sont membres » ; que le texte n'opère aucune restriction quant à la recevabilité de la contestation, dès lors que celle-ci, d'une part, porte sur l'application des articles L 626-30 à L 626-32 du code de commerce et, d'autre part, a pour objet la décision du comité ou de l'assemblée dont l'auteur de la contestation est membre ; que les sociétés appelantes, membres de l'assemblée unique des obligataires, ont contesté la décision prise par cette assemblée, d'approuver le plan de sauvegarde, opérant, sans justification, une différenciation disproportionnée entre les créanciers obligataires, en méconnaissance des dispositions de l'article 626-32 du code de commerce ; qu'en affirmant cependant, pour confirmer le jugement entrepris ayant dit irrecevable leur contestation, que « les recours exercés par les créanciers ou les obligataires ne peuvent porter que sur les décisions des comités ou assemblée dont ils sont membres, et non sur le plan de sauvegarde lui-même, et sur les contestations relatives à la constitution et au vote des comités de créanciers ou de l'assemblée des obligataires », quand aucune disposition n'interdit aux créanciers obligataires de contester la délibération de l'assemblée unique des obligataires, dont ils sont membres, en ce que cette délibération a approuvé un plan de sauvegarde, opérant, sans justification, une différenciation disproportionnée entre les créanciers obligataires, de sorte que le plan ne pouvait être arrêté, la cour d'appel a violé, par refus d'application les articles L 626-32, L 626-34-1 et L 661–1 6° du code de commerce, ensemble et par fausse application de l'article 121 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, dit irrecevable la demande de rejet du plan des sociétés Keren Finance, Delta Alternative Management, [...], Financière de l'Europe, Ellipsis Asset Management et HMG Finance, d'avoir arrêté le plan de sauvegarde de la société CGG, SA et, y ajoutant, d'avoir débouté les sociétés Delta Alternative Management, [...], Financière de l'Europe et HMG Finance de leur demande fondée sur un abus de majorité,

AUX MOTIFS QUE la cour considère que les appelantes sont recevables à contester par la voie de l'appel la décision de l'AUO en ce qu'elle constituerait un abus de majorité, un tel grief touchant à la régularité du vote qui serait affecté d'un vice ; qu' il existe un abus de majorité lorsqu'une décision est prise contrairement à l'intérêt social au détriment de la minorité et dans le but de favoriser la majorité ; que la cour rappelle que la finalité d'un plan de sauvegarde est d'assurer la pérennité de l'activité, le maintien des emplois et l'apurement du passif ; que les appelantes ne soutiennent pas que la délibération adoptée par la majorité relative au remboursement des obligations Oceane serait contraire à l'intérêt social ; qu'elles ne soutiennent pas non plus que cette délibération aurait été adoptée par la majorité des obligataires dans le but de leur nuire et à leur détriment ; que la cour note à ce propos que les appelantes ne représentent que 15 % des porteurs d'Océane et que les obligations Oceane ne représentent elles-mêmes que 20 % des obligations émises par CGG montrant ainsi que la majorité des porteurs d'obligations Oceane a voté en faveur de la délibération litigieuse ; qu'enfin, la délibération relative au remboursement des obligations offre aux porteurs d'Oceane un traitement plus favorable qu'en l'absence de plan de sauvegarde ; que les appelantes n'établissant pas l'existence d'un abus de majorité à leur détriment, elles seront déboutées de leur demande ;

ET AUX MOTIFS, adoptés des premiers juges, QUE l'existence d'une différence objective de situation justifiant une différence de traitement entre deux catégories de créanciers obligataires est une question de fait ; qu'il résulte des éléments fournis au tribunal et particulièrement du rapport du technicien B... – I..., en date du 25 octobre 2017, désigné par Monsieur le juge commissaire par ordonnance du 9 octobre 2017, que le traitement différencié entre les créanciers est raisonnable et justifiable ; que le traitement différencié des porteurs d'Oceane et des obligataires High Yield est fondé sur des données et des arguments objectifs ; (...) ; qu'ainsi au terme des différentes consultations, le projet de plan de sauvegarde est satisfaisant au regard de l'intérêt des créanciers, des actionnaires et des salariés ;

1 – ALORS QUE l'abus de majorité se définit comme la prise d'une décision, par les détenteurs de la majorité des voix, non conforme à l'intérêt de la collectivité et prise dans l'unique dessein de favoriser le groupe majoritaire au détriment de la minorité ; que, s'agissant de la délibération de l'Assemblée unique des obligataires, l'intérêt devant être pris en considération est celui des obligataires membres de l'assemblée et non celui de l'entreprise ; qu'en affirmant, cependant, pour écarter l'abus de majorité invoqué, qu' « il existe un abus de majorité lorsqu'une décision est prise contrairement à l'intérêt social », que «la finalité d'un plan de sauvegarde est d'assurer la pérennité de l'activité, le maintien des emplois et l'apurement du passif » et que « les appelantes ne soutiennent pas que la délibération adoptée à la majorité, relative au remboursement des obligations Oceane, serait contraire à l'intérêt social », quand l'abus de majorité devait s'apprécier au regard du seul intérêt de la collectivité des obligataires et non de celui de l'entreprise ou de la finalité d'un plan de sauvegarde, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L 626-34-1 du code de commerce ;

2 – ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes des écrits qui lui sont soumis ; que, dans leurs conclusions, les appelantes faisaient expressément valoir, pour justifier de l'abus de majorité, que la délibération prise, adoptant le plan proposé, prévoyait, de manière disproportionnée, un traitement bien plus défavorable pour les porteurs d'obligations Oceane, membres minoritaires de l'assemblée, par rapport aux porteurs d'obligations High Yield, majoritaires, alors que cette distinction ne reposait sur aucune justification objective et n'était pas nécessaire pour la reprise de l'entreprise, (cf. conclusions, p. 8 et 9, notamment) ; qu'en affirmant cependant, pour écarter l'abus de majorité invoqué, que les appelantes ne soutiennent pas que cette délibération aurait été adoptée par la majorité à leur détriment, la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis des conclusions des appelantes, en violation du principe interdisant au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

3 – ALORS QUE dans leurs conclusions, les sociétés appelantes observaient que l'approbation du plan, lors de l'assemblée unique des obligataires, par une partie des porteurs d'obligations Oceane s'expliquait par le vote favorable des sociétés DNCA, investisseur institutionnel présent de longue date au sein de la société CGG et ayant participé à la négociation et la conclusion de ce plan, qui détenaient tout à la fois des obligations Oceane mais également des obligations High Yield, (conclusions, p. 6, in fine) ; qu'en ce qu'elle se serait fondée, pour écarter l'abus de majorité invoqué, sur le constat que « la majorité des porteurs d'obligations Oceane a voté en faveur de la délibération litigieuse », sans s'expliquer sur le moyen tiré de ce que les porteurs des deux types d'obligations, Oceane et High Yield, avaient approuvé un plan qui leur était favorable, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4 – ALORS QUE le projet de plan ne peut établir un traitement différencié entre les créanciers obligataires que si les différences de situation le justifient ; que, dans leurs conclusions, les appelantes faisaient valoir et démontraient que le traitement différencié des porteurs d'obligation n'était justifié ni par une subordination des obligations Oceane aux obligations High Yield, ni par une prétendue différence de nature des obligations, pas plus que par la valeur des « garanties » dont les obligations High Yield bénéficient ; qu'elles observaient que l'expert désigné par le tribunal, à la demande de la société CGG, qui n'avait pas cru utile de procéder à leur audition, n'avait pas pu établir la valeur économique des garanties, censée justifier la différence de traitement et elles produisaient, à l'appui de leurs dires, un rapport de M. U... G..., expert agréé auprès de la cour d'appel de Paris, qui, se fondant sur des estimations chiffrées, démontrait l'absence de justification, quelle que soit l'approche retenue, de l'écart de traitement entre les porteurs d'obligations High Yield et les porteurs d'obligations Oceane, (cf. conclusions, p. 16 et svtes et rapport d'expertise, prod. ) ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande fondée sur l'abus de majorité, à affirmer que « la délibération relative au remboursement des obligations offre aux porteurs d'Oceane un traitement plus favorable qu'en l'absence de plan de sauvegarde » et, par motifs, éventuellement adoptés des premiers juges, qu'« il résulte des éléments fournis au tribunal et particulièrement du rapport du technicien B... – I..., en date du 25 octobre 2017, désigné par Monsieur le juge commissaire par ordonnance du 9 octobre 2017, que le traitement différencié entre les créanciers est raisonnable et justifiable », que « le traitement différencié des porteurs d'Oceane et des obligataires High Yield est fondé sur des données et des arguments objectifs » et que « le plan de sauvegarde est satisfaisant au regard de l'intérêt des créanciers », sans examiner, fut-ce brièvement, le rapport d'expertise produit, ni rechercher, comme il lui était demandé, s'il ne ressortait pas de ce rapport la preuve de l'absence de fondement des conclusions du technicien B...–I... et la preuve de l'absence de justification et de nécessité de l'écart de traitement entre les porteurs d'obligations High Yield et les porteurs d'obligations Oceane, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L 626-34-1 du code de commerce, ensemble le principe d'égalité de traitement.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-19737
Date de la décision : 26/02/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Sauvegarde - Plan de sauvegarde - Adoption - Approbation par l'assemblée des obligataires - Droit de contestation - Limite

En application de l'article L. 626-34-1 du code de commerce, le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l'application des articles L. 626-30 à L. 626-32 et sur l'arrêté ou la modification du plan de sauvegarde et les créanciers ne peuvent former une contestation que contre la décision du comité ou de l'assemblée dont ils sont membres. En conséquence, un créancier titulaire d'obligations, membre de l'assemblée unique des obligataires [AUO], ne peut contester que l'adoption du projet de plan par cette assemblée et seulement lorsque les dispositions relatives à la constitution de cette assemblée, sa convocation, et les conditions de sa délibération telles que prévues par l'article L. 626-32 ne lui semblent pas avoir été correctement appliquées. Il en résulte que ne sont pas recevables les demandes d'un tel créancier qui, sans discuter la régularité de la constitution de l'AUO, de sa convocation ou des conditions de sa délibération, conteste un élément de fond du plan de sauvegarde portant sur les modalités de remboursement des obligations selon leur nature et invoque un abus de majorité


Références :

articles L. 626-30 à L. 626-32 et L. 626-34-1 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 mai 2018

A rapprocher :Com., 21 février 2012, pourvoi n° 11-11696, Bull. 2012, IV, n° 45 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 fév. 2020, pourvoi n°18-19737, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Gaschignard, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.19737
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