La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/02/2020 | FRANCE | N°18-11430

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 février 2020, 18-11430


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 145 F-D

Pourvoi n° W 18-11.430

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 FÉVRIER 2020

La société Paprec Ile-de-France

, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 18-11.430 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 145 F-D

Pourvoi n° W 18-11.430

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 FÉVRIER 2020

La société Paprec Ile-de-France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 18-11.430 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2017 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Compagnie d'assurances Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ à la société Veolia propreté Ile-de-France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

3°/ à la société Translis, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,

4°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de Covea Fleet,

5°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, dont le siège est [...] , société d'assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Fleet,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Paprec Ile-de-France, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Compagnie d'assurances Axa France IARD, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Veolia propreté Ile-de-France, de Me Le Prado, avocat de la société MMA IARD et de la société MMA IARD assurances mutuelles, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 novembre 2017) et les productions, la société Trans DPR Ile-de-France (la société Trans DPR) a été chargée d'acheminer des déchets appartenant à la société Paprec Ile-de-France (la société Paprec) vers une installation de stockage appartenant à la société Routière de l'Est parisien, filiale de la société Veolia Ile-de-France, devenue Veolia propreté Ile-de-France, (la société Veolia). Après le chargement des déchets le 30 août 2011, le chauffeur de la société Trans DPR a stationné son véhicule dans un parking exploité par la société Veolia. Dans la nuit du 30 au 31 août, ce véhicule ainsi que trois autres, stationnés à proximité, appartenant aux sociétés Trans DPR et Translis, ont été détruits ou partiellement endommagés à la suite d'un incendie dû, selon une expertise ordonnée en référé, à un phénomène d'auto-inflammation des déchets.

2. Les 26, 29 et 31 décembre 2014, la société Trans DPR a assigné les sociétés Paprec, Veolia et Translis pour voir condamner la première au paiement de dommages-intérêts, sur le fondement de la responsabilité délictuelle du fait des choses. La société Axa France IARD, subrogée dans les droits de la société Trans DPR, et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances Mutuelles (les sociétés MMA), venant aux droits de la société Covea Fleet, subrogée dans les droits des sociétés Translis et Trans DPR, sont intervenues à l'instance. La société Veolia a formé une demande en paiement de dommages-intérêts contre la société Paprec en réparation, notamment, des dégâts causés à son parking. Cette dernière a opposé la nature contractuelle des actions en responsabilité engagées par les sociétés Trans DPR et Veolia ainsi que leur prescription en application de l'article L. 133-6 du code de commerce.

Examen des moyens

Sur le moyen unique, pris en ses quatrième et cinquième branches, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La société Paprec fait grief à l'arrêt de déclarer recevable comme non prescrite l'action exercée à son encontre par la société Veolia alors « que l'action exercée par le destinataire à l'encontre de l'expéditeur en réparation des dommages causés à l'occasion du transport par la chose transportée est soumise au délai d'un an prévu en matière de contrat de transport ; qu'en l'espèce, il était reproché à l'expéditeur de n'avoir pas informé le transporteur de la dangerosité des déchets transportés, dont l'inflammation sur le parking du destinataire avait causé des dommages à ce dernier ; qu'en jugeant que la prescription annale en matière de contrat de transport n'était pas applicable à l'action exercée par le destinataire à l'encontre de l'expéditeur aux motifs inopérants qu'elle ne concernait pas la réparation du dommage causé au « véhicule de transport », quand l'action du destinataire contre l'expéditeur en raison de l'inexécution alléguée de ses obligations contractuelles découlait nécessairement du contrat de transport, la cour d'appel a violé l'article L. 133-6 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. L'arrêt relève que la société Paprec et la société Routière de l'Est parisien, sont convenues de l'enlèvement des déchets entreposés au centre de déchets appartenant à la première en vue de leur enfouissement dans l'installation de stockage de déchets appartenant à la seconde et que leur transport a été confié à la société Trans DPR, de sorte que la destinataire était la société Routière de l'Est parisien, tandis que la société Veolia était tiers au contrat de transport.

6. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée de ce chef.

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Paprec fait grief à l'arrêt de déclarer recevable comme non prescrite l'action de la société Trans DPR alors que « l'action exercée par le transporteur à l'encontre de l'expéditeur en réparation des dommages causés par la chose transportée à l'engin de transport est soumise à la prescription d'un an prévue en matière de contrat de transport ; qu'en l'espèce, il était reproché à l'expéditeur de n'avoir pas informé le transporteur de la dangerosité des déchets transportés, dont l'embrasement avait notamment provoqué la destruction du camion utilisé pour le transport ; qu'en jugeant que la prescription annale était inapplicable puisqu'elle ne concernait pas la réparation du dommage causé au « véhicule de transport », quand l'action destinée à obtenir la réparation des dommages subis par le transporteur à raison de l'inexécution alléguée de ses obligations contractuelles découlait nécessairement du contrat de transport, la cour d'appel a violé l'article L. 133-6 du code de commerce ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 133-6 du code de commerce :

8. Pour déclarer recevable l'action en responsabilité exercée contre l'expéditeur par la société Trans DPR, dans les droits de laquelle sont subrogées les sociétés Axa France IARD et MMA, l'arrêt, après avoir relevé que l'engin de transport et d'autres véhicules appartenant à la société Trans DPR avaient été endommagés par les marchandises transportées, retient que « la prescription annale en matière de contrat de transport n'est applicable au voiturier que pour la garantie de la perte des objets à transporter et non, par conséquent, au véhicule de transport auquel un dommage a été causé ».

9. En statuant ainsi, alors que l'action en réparation des dommages causés par la marchandise transportée à l'engin de transport exercée par le transporteur contre la société Paprec, expéditrice, était, au sens de l'article L. 133-6, alinéa 2, du code de commerce, l'une de celles auxquelles peut donner lieu le contrat de transport, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette l'exception tirée de la prescription de l'action engagée par la société Trans DPR Ile-de-France, dans les droits de laquelle sont subrogées les sociétés Axa France IARD, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, condamne la société Paprec à verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de 2 000 euros à la société Axa France IARD et 1 000 euros à chacune des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et, confirmant le jugement, condamne la société Paprec Ile-de-France à payer à la société Axa France IARD, subrogée dans les droits de la société Trans DPR Ile-de-France, la somme de 123 867,18 euros, au titre du préjudice matériel subi par cette dernière, avec intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2014, condamne la société Paprec Ile-de-France à payer aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Fleet, et pour moitié à chacune, la somme totale de 161 465 euros et condamne la société Paprec Ile-de-France à payer, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 000 euros à la société Axa France IARD et la somme de 500 euros, chacune, aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, l'arrêt rendu le 28 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés Axa France IARD, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, en ce qu'elles sont subrogées dans les droits de la société Trans DPR, et la société Axa France IARD à payer à la société Paprec Ile-de-France la somme globale de 3 000 euros et condamne cette dernière à payer à la société Veolia propreté Ile-de-France la somme de 3 000 euros et aux sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, en ce qu'elles sont subrogées dans les droits de la société Translis, la somme globale de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Paprec Ile-de-France.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré recevable et non prescrite l'action exercée à l'encontre de la société Paprec, D'AVOIR condamné la société Paprec à payer à l'assureur Axa France Iard, subrogé dans les droits de la société Trans DPR, la somme de 123 867,18 euros au titre du préjudice matériel subi par la société Trans DPR et ce avec intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2014, D'AVOIR condamné la société Paprec à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, venant aux droits de la société Covea Fleet et de la société Translis, et pour moitié à chacune, la somme totale de 161 465 euros, D'AVOIR condamné la société Paprec à payer à la société Veolia IDF la somme de 20 322,60 euros, D'AVOIR condamné la société Paprec à payer à la société Translis la somme de 22 200 euros, D'AVOIR condamné la société Paprec Ile-de-France à verser aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, chacune pour moitié, les sommes de 1 047,15 euros et 2 960,75 euros et D'AVOIR condamné la société Paprec Ile-de-France à verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de : 2 000 euros à la société Axa France Iard, 2 000 euros à la société Veolia propreté Ile-de-France, 1 000 euros à chacune des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles.

AUX MOTIFS QUE « sur la prescription de l'action fondée sur le contrat de transport ; que pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a accueilli l'action engagée à son encontre sur le fondement des dispositions de l'article 1384, alinéas 1 et 2, du code civil, en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, la société Paprec oppose, pour la première fois en cause d'appel, aux assureurs de la société Trans DPR et à la société Veolia, la lettre de voiture et la responsabilité contractuelle qui en résulte pour soutenir, sur le fondement de l'article L. 133-6 du code de commerce, que l'action était prescrite après l'expiration du délai d'un an qui a suivi le dépôt du rapport d'expertise, et alors que la jurisprudence a posé le principe que la responsabilité contractuelle s'applique à la réparation de tous les dommages qui sont des effets de l'inexécution du contrat sur la personne ou sur les biens du cocontractant, qu'ils soient co-substantiels à l'inexécution ou consécutifs à celle-ci ; que sur le fondement de l'article L. 133-1 du code de commerce, la prescription annale en matière de contrat de transport n'est applicable au voiturier que pour la garantie de la perte des objets à transporter, et non par conséquent au véhicule de transport auquel un dommage a été causé, de sorte que, sans qu'il soit nécessaire de discuter les moyens des intimées tirés de la nullité du contrat de transport, il convient de rejeter l'exception ; sur la responsabilité de la société Paprec dans le sinistre ; que pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité, et la faire supporter sur la société Trans DPR, la société Paprec soutient n'avoir commis aucune faute et avoir transféré la garde des déchets au transporteur alors, en premier lieu, et d'une première part, qu'elle a régulièrement informé le transporteur de la nature des déchets qu'elle lui a confiés, ces déchets étant désignés sur la « feuille de tournée » comme « DIB-DU-Déchets encombrants » correspondant à la nomenclature des « déchets industriels banals » ou « déchets ultimes », c'est à dire non valorisables ainsi que l'expert l'a relevé dans son rapport retenant qu'ils n'entraient pas dans le classement des déchets dangereux, et tandis que de seconde part, la société Trans DPR, dont l'activité est soumise à la déclaration de l'article R. 541-50 du code de l'environnement relative au transport de déchets, est spécialiste du transport de déchets ; que la société Paprec prétend, en second lieu, que la nature des déchets qu'elle a confiés n'est pas à l'origine du sinistre, en affirmant, d'une part, qu'un matériau qui peut être combustible ou qui peut s'enflammer, ne constitue pas, par lui-même, un déchet dangereux, et en se prévalant, d'autre part, de l'analyse de l'expert, page 21 de son rapport, selon laquelle « l'un des principaux facteurs de l'inflammation des déchets dans la remorque réside également dans leur stockage, confiné pendant plusieurs heures en été. C'était la seule remorque avec un chargement à être remisée ce soir-là sur le parking Veolia ce qui était peu fréquent », et qui retient, page 16, que « Trois circonstances concomitantes ont favorisé ce phénomène d'auto-inflammation : - Le temps de stockage - toute une soirée et une partie de la nuit » dans une semi-remorque presque entièrement close ; - La nature des déchets « déchets DU, dont des végétaux encore humides » stockés en grande quantité dans la semi-remorque, - L'absence de surveillance efficace des lieux et de l'ensemble routier n°1, en particulier absence du conducteur, absence de consignes spécifiques dans le cas d'une semi-remorque ; que, en premier lieu, que l'expert a, d'une part, relevé page 16 de son rapport, que « la fermentation des déchets organiques combustibles tels que des végétaux encore humides des matelas ou de la mousse a pu créer un échauffement et provoquer une ignition interne de la matière contenue dans la semi-remorque puis progressant vers le haut du stockage de la remorque une inflammation des matières situées en surface, à l'air », pour conclure que « L'hypothèse d'un incendie par auto-inflammation des matériaux contenus dans les déchets de la semi-remorque de l'ER n°1 est donc la plus probable », ce dont il résulte que les déchets présentaient le danger de provoquer un incendie ; qu'alors au surplus que, page 8 de son rapport, l'expert indique avoir limité son examen d'après « les seuls matériaux non brûlésé, il n'a pu péremptoirement et sans contradiction conclure que « a priori tous ces déchets appartiennent à la catégorie des DIB et ne sont donc pas classés comme déchets dangereux », de sorte que ses observations sur les conditions de leur transport et leur lien de causalité dans l'origine du sinistre ne peuvent être prises en considération dans la détermination de la responsabilité du transporteur ; que, en second lieu, qu'il est constant que la société Paprec supportait la responsabilité de trier ses déchets et de les enlever avant de les confier au transporteur pour le compte de la société Routière de l'Est parisien, de sorte qu'en sa qualité de spécialiste du recyclage des déchets, la société Paprec supportait l'obligation d'informer le transporteur sur la nature de ces déchets et des risques que leur transport représentait de manière, pour le transporteur, à adapter les moyens de leur acheminement ; qu'en l'état de ces constatations, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a relevé le manquement de la société Paprec à son obligation d'information, et retenu sa responsabilité exclusive dans le sinistre pour la condamner à garantir les assureurs de la société Trans DPR et Translis et à indemniser la société Veolia IDF ; sur les revendications des préjudices et des frais liés au sinistre ; que la société Translis conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes en paiement des sommes de 5 500 euros au titre de ses pertes d'activité, et 1 000 euros au titre de la désorganisation de l'entreprise ; qu'au demeurant, elle n'établit pas plus devant la cour que devant les premiers juges, les preuves de ces préjudices, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces prétentions ; que d'après ce que les premiers juges ont tranché sur les indemnités dues par la société Paprec aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, assureurs de la société Translis et Trans DPR, le dispositif des conclusions de ces dernières se limite à voir infirmer le jugement en ce qu'ont été rejetées les deux sommes de 1 047,15 euros et 2 960,75 euros qu'elles ont, chacune pour moitié, réclamée au titre des frais d'expertise de la ‘procédure VEI' pour les véhicules des sociétés Trans DPR et Translis ; qu'il sera fait droit à la demande, alors que les procédures des véhicules économiquement irréparables que les assureurs ont conduites est d'application d'ordre publique suivant les articles L. 327-1 à L. 327-3 du code de la route ; sur les frais irrépétibles et les dépens ; que la société Paprec succombe à l'action, en sorte qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens, tandis qu'en cause d'appel, il est équitable de la condamner à verser au titre des frais irrépétibles, 2 000 euros à la société Axa France Iard, 2 000 euros à la société Veolia IDF et 1 000 euros à chacune des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, outre les dépens d'appel ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « selon une jurisprudence constante, la responsabilité du dommage causé par le fait d'une chose est liée à l'usage et aux pouvoirs de direction et de contrôle qui caractérisent la garde ; que sauf l'effet de stipulations contraires valables entre les parties, le propriétaire de la chose bien que la confiant à un tiers ne cesse d'en être responsable que s'il est établi que ce tiers a reçu corrélativement toute possibilité de prévenir lui-même le préjudice qu'elle peut causer ; que le rapport d'expertise conclut : « L'incendie est dû à un phénomène d'auto inflammation de déchets de Paprec qui étaient stockés dans la semi-remorque international (
) appartenant à Trans DPR », « Trans DPR, propriétaire de l'ensemble routier ER n° 1 dans lequel l'incendie a s'est déclaré, avait pour mission de transporter les déchets qui avaient été chargés dans le centre de Gennevilliers, Paprec ile de France était propriétaire des déchets, constitués de matériaux hétéroclites, combustibles et inflammables, dont l'auto inflammation est la cause de l'incendie » ; que le rapport d'expertise précise que les déchets chargés par Paprec sur l'ER n° 1 à l'origine du sinistre appartenaient à réglementairement à la catégorie « déchets industriels banals » (DIB) ; que cette information est systématiquement portée sur la lettre de transport remise au conducteur de l'ensemble routier ; que l'expertise judiciaire a montré « les matériaux combustibles étaient nombreux et variés » dans la cargaison du véhicule ayant pris feu, ce qui n'est pas conforme à la propre classification « déchets industriels banals » de Paprec ; qu'il en résulte donc que TRANS DPR disposait d'une information erronée sur le chargement que Paprec lui avait confié ce qui, selon les dispositions de l'article 1384 du code civil, interdit à Paprec de se prétendre dégagée de la responsabilité de l'incendie causé par l'auto inflammation des déchets lui appartenant ; que la Convention sur le contrat de transport international de marchandises par route n'est pas applicable au présent litige, car il s'agit d'un transport interne et d'autre part l'alinéa 4.d de l'article 17 de cette Convention précise que le transporteur est déchargé de sa responsabilité si la perte « résulte de la nature même de certaines marchandises exposées par des causes inhérentes à cette nature même et notamment par détérioration interne et spontanée » ; que Paprec, faute d'avoir donné une information exacte sur la nature du chargement de l'ER n° 1, ne peut se prévaloir d'avoir transféré la garde des déchets à Trans DPR, en reste donc responsable, sera donc déclarée responsable du sinistre et déboutée de ses demandes à l'encontre de Trans DPR et Veolia ».

1°/ ALORS QUE l'action exercée par le transporteur à l'encontre de l'expéditeur en réparation des dommages causés par la chose transportée à l'engin de transport est soumise à la prescription d'un an prévue en matière de contrat de transport ; qu'en l'espèce, il était reproché à l'expéditeur de n'avoir pas informé le transporteur de la dangerosité des déchets transportés, dont l'embrasement avait notamment provoqué la destruction du camion utilisé pour le transport ; qu'en jugeant que la prescription annale était inapplicable puisqu'elle ne concernait pas la réparation du dommage causé au « véhicule de transport » (arrêt attaqué, p. 8, §2), quand l'action destinée à obtenir la réparation des dommages subis par le transporteur à raison de l'inexécution alléguée de ses obligations contractuelles découlait nécessairement du contrat de transport, la cour d'appel a violé l'article L. 133-6 du code de commerce.

2°/ ALORS QUE l'action exercée par le destinataire à l'encontre de l'expéditeur en réparation des dommages causés à l'occasion du transport par la chose transportée est soumise au délai d'un an prévu en matière de contrat de transport ; qu'en l'espèce, il était reproché à l'expéditeur de n'avoir pas informé le transporteur de la dangerosité des déchets transportés, dont l'inflammation sur le parking du destinataire avait causé des dommages à ce dernier ; qu'en jugeant que la prescription annale en matière de contrat de transport n'était pas applicable à l'action exercée par le destinataire à l'encontre de l'expéditeur aux motifs inopérants qu'elle ne concernait pas la réparation du dommage causé au « véhicule de transport » (arrêt attaqué, p. 8, §2), quand l'action du destinataire contre l'expéditeur en raison de l'inexécution alléguée de ses obligations contractuelles découlait nécessairement du contrat de transport, la cour d'appel a violé l'article L. 133-6 du code de commerce.

3°/ ALORS QUE le créancier d'une obligation contractuelle ne peut se prévaloir à l'encontre du débiteur de cette obligation, quand bien même il y aurait intérêt, des règles régissant la responsabilité extracontractuelle ; qu'en condamnant l'expéditeur à indemniser le transporteur et le destinataire des préjudices consécutifs au défaut prétendu d'information sur la dangerosité des déchets transportés, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1384, al. 1 et 2 du code civil, dans leur version applicable à l'époque des faits, pris ensemble le principe de non-cumul des responsabilités extracontractuelle et contractuelle.

4°/ ALORS QUE le gardien d'une chose est celui qui exerce sur elle les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle ; qu'en l'espèce, l'expéditeur avait remis au transporteur les déchets à transporter en sorte qu'il lui en avait conventionnellement transmis l'usage, la direction et le contrôle ; qu'en relevant que l'expéditeur était néanmoins responsable du dommage causé par les déchets dont il avait conservé la garde, aux motifs inopérants qu'il n'avait pas informé le transporteur du risque que les déchets puissent provoquer un incendie, sans caractériser aucun élément permettant d'établir que l'expéditeur avait conservé sur les déchets les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, al. 1 et 2 du code civil, dans sa version applicable à l'époque des faits.

5°/ ALORS QUE le transporteur professionnel spécialisé est tenu de se renseigner sur le chargement qu'il transporte et de s'assurer par lui-même de leur dangerosité sans s'en tenir aux informations qui lui sont remises par l'expéditeur ; qu'en l'espèce, il était constant que le transporteur était spécialisé dans le transport des déchets recyclables ; qu'ainsi, en affirmant péremptoirement que le dommage trouvait sa cause exclusive dans la faute de l'expéditeur, sans même avoir recherché si, en sa qualité de spécialiste du transport de déchets recyclables, il n'appartenait pas au transporteur de vérifier par lui-même, fût-ce par un simple contrôle visuel, la nature des déchets qui lui étaient confiés sans s'en tenir aux information transmises par l'expéditeur ce qui, le cas échéant, lui aurait permis de prendre les précautions élémentaires pour éviter la survenance du dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1384 du code civil, dans leur version applicable à l'époque des faits.

6°/ ALORS QUE la faute de la victime en lien de causalité avec la survenance du dommage exonère au moins partiellement le responsable ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que le fait pour un transporteur professionnel de déchets recyclables de laisser entreposer des déchets dans une remorque presque entièrement close, sans aucune surveillance, pendant toute un soirée et une partie de la nuit, était constitutif d'une faute dont l'expert avait relevé qu'elle avait était l'un des « principaux facteurs de l'inflammation des déchets » (rapport, p. 21) ; qu'en affirmant péremptoirement que le dommage trouvait sa « cause exclusive » dans le comportement de l'expéditeur, sans rechercher si le fait de confiner puis d'entreposer sans surveillance toute une soirée et une partie de la nuit un chargement de déchets sur un parking en plein été était fautive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa version applicable à l'époque des faits.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-11430
Date de la décision : 26/02/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 fév. 2020, pourvoi n°18-11430


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.11430
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award