LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 février 2020
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 208 F-D
Pourvoi n° J 19-10.572
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. H....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 novembre 2018.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2020
M. D... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 19-10.572 contre l'arrêt rendu le 22 décembre 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (14e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la caisse primaire centrale d'assurance maladie (CPCAM) des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Arter, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société PSR, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
4°/ à la société Axa France IARD, dont le siège est [...] ,
5°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Renault-Malignac, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. H..., de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat des sociétés Arter, PSR et Axa France IARD, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Renault-Malignac, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il y a lieu de donner acte à M. H... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 décembre 2017), salarié de la société de travail temporaire Arter (l'employeur) et mis à la disposition de la société PSR (l'entreprise utilisatrice), M. H... a été victime, le 6 août 2013, d'un accident que la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a pris en charge au titre de la législation professionnelle.
3. M. H... a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur qui a appelé en garantie l'entreprise utilisatrice.
4. Par arrêt irrévocable du 7 avril 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a reconnu la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice, substituée dans la direction à l'employeur, statué sur la majoration de la rente attribuée à la victime et avant dire droit sur la réparation de ses préjudices personnels, lui a alloué une provision et a ordonné une expertise médicale. A la suite du dépôt du rapport d'expertise, M. H... a présenté des demandes d'indemnisation.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile , il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Énoncé du moyen
6. M. H... fait grief à l'arrêt de fixer, après déduction de la provision déjà perçue par lui, à la somme de 14 892,50 euros la réparation de ses préjudices, alors « que le préjudice d'agrément réparable en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir ; qu'ayant constaté que M. H... ne justifiait pas d'une pratique habituelle du foot si ce n'est à l'occasion de rencontres amicales, la cour d'appel qui a subordonné l'indemnisation de ce préjudice à l'exercice d'une activité sportive dans le cadre d'une salle de sport et/ou de musculation, d'un club de sport ou d'un stade d'entraînement, a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale :
7. Le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.
8. Pour rejeter la demande en indemnisation du préjudice d'agrément de M. H..., l'arrêt, après avoir constaté que l'expert avait relevé que la victime éprouvait une gêne avec impossibilité de pratiquer le football, retient que le préjudice d'agrément n'est indemnisé que si la victime est en mesure de rapporter la preuve qu'elle ne peut plus pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs, que M. H... ne justifie nullement d'une telle pratique habituelle du football, si ce n'est à l'occasion de rencontres amicales, et qu'en l'absence de document établissant sa fréquentation habituelle d'une salle de sports, de musculation, d'un club de sport ou d'un stade d'entraînement, les attestations produites sont insuffisantes pour justifier l'indemnisation qu'il sollicite.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour ,
DONNE ACTE à M. H... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en indemnisation du préjudice d'agrément de M. H... et fixe, après déduction de la provision déjà perçue par celui-ci , à la somme de 14 892,50 euros la réparation de ses préjudices, l'arrêt rendu le 22 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne les sociétés Arter, PSR et Axa France IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum les sociétés Arter, PSR et Axa France IARD à payer à la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par M. Pireyre, président de chambre, et par Mme Pontonnier, greffier de chambre présent lors de la mise à disposition de l'arrêt le treize février deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. H....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué de n'avoir fixé, après déduction de la provision de 8.000 € déjà perçue par M. H..., qu'à la somme de 14.892,50 € la réparation de ses préjudices ;
AUX MOTIFS QUE sur le préjudice d'agrément, D... H... réclame 10 000 euros à ce titre ; que l'expert a relevé qu'il éprouvait une gêne avec impossibilité de pratiquer le foot et était gêné dans l'impossibilité de se livrer à la musculation ; que toutefois le préjudice d'agrément n'est indemnisé que si la victime est en mesure de rapporter la preuve qu'elle ne peut plus pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisir ; que D... H... ne justifie nullement d'une telle pratique habituelle du foot si ce n'est à l'occasion de rencontres amicales ; qu'en l'absence de document établissant sa fréquentation habituelle d'une salle de sports et/ou de musculation et d'un club de sport ou d'un stade d'entraînement, les attestations produites sont insuffisantes pour justifier l'indemnisation qu'il sollicite et dont il sera en conséquence débouté (arrêt p.6 §14 à 19) ;
ALORS QUE le préjudice d'agrément réparable en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir ; qu'ayant constaté que M. H... ne justifiait pas d'une pratique habituelle du foot si ce n'est à l'occasion de rencontres amicales, la cour d'appel qui a subordonné l'indemnisation de ce préjudice à l'exercice d'une activité sportive dans le cadre d'une salle de sport et/ou de musculation, d'un club de sport ou d'un stade d'entraînement, a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué de n'avoir fixé, après déduction de la provision de 8.000 € déjà perçue par M. H..., qu'à la somme de 14.892,50 € la réparation de ses préjudices ;
AUX MOTIFS QUE sur la perte de promotion professionnelle, D... H... réclame de ce chef la somme de 528 422 euros dont il demande à voir déduits le RSA et la rente par lui perçus ; qu'il convient de rappeler que l'incidence professionnelle de l'accident du travail est d'ores et déjà indemnisée par la rente majorée servie à la victime laquelle répare notamment les pertes de gains professionnels résultant de l'incapacité permanente partielle qui subsiste le jour de la consolidation ; que D... H... ne démontre pas qu'à la date de la survenance de l'accident du travail il ait amorcé un cursus de qualification professionnelle laissant supposer que sans l'accident ce cursus aurait continué et qu'en raison de l'accident et de ses conséquences, il ne peut plus exercer son métier ; qu'il sera dès lors débouté de sa demande sur ce point (arrêt p.7 § 6 à 10) ;
ALORS QUE la victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur a doit à l'indemnisation de la perte, subie en raison de l'accident et de ses conséquences, de la possibilité d'exercer le métier pour lequel elle s'était formée ou pour lequel elle était en cours de qualification professionnelle ; que, dans ses conclusions d'appel, M. H... avait fait valoir qu'il était titulaire d'un CAP de conduite routière, que son emploi en intérim devait lui permettre de valider un CAP par examen mais que l'accident est survenu le premier jour et qu'en raison de celui-ci il ne pouvait plus ni conduire ni porter de charges lourdes, qu'en raison de l'accident et de ses conséquences, il ne pouvait plus utiliser son diplôme pour être chauffeur livreur ; qu'en énonçant que M. H... ne démontrait pas qu'à la date de survenance de l'accident du travail, il avait amorcé un cursus de qualification professionnelle laissant supposer que sans l'accident ce cursus aurait continué et qu'en raison de l'accident et de ses conséquences, il ne pouvait plus exercer son métier, sans répondre à ce chef de ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.