LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 février 2020
Cassation
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 203 F-D
Pourvois n°
W 18-25.644
Y 18-25.646
à C 18-25.650
E 18-25.652
à H 18-25.654
J 18-25.656
K 18-25.657
JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 FÉVRIER 2020
La société RPCE, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé les pourvois n° W 18-25.644, Y 18-25.646, Z 18-25.647, A 18-25.648, B 18-25.649, C 18-25.650, E 18-25.652, F 18-25.653, H 18-25.654, J 18-25.656 et K 18-25.657 contre onze ordonnances rendues le 5 octobre 2018 par le conseil de prud'hommes de Grasse, statuant en formation de référé dans les litiges l'opposant respectivement à :
1°/ Mme U... C..., épouse T..., domiciliée [...] ,
2°/ Mme W... B..., épouse Q..., domiciliée [...] ,
3°/ Mme I... M..., épouse A..., domiciliée [...] ,
4°/ Mme W... M..., épouse R..., domiciliée [...] ,
5°/ Mme O... S..., épouse K..., domiciliée [...] ,
6°/ Mme V... L..., domiciliée [...] ,
7°/ M. Y... Q..., domicilié [...] ,
8°/ Mme I... G..., domiciliée [...] ,
9°/ Mme E... D..., épouse P..., domiciliée [...] ,
10°/ Mme X... J..., domiciliée [...] ,
11°/ Mme Z... M..., domiciliée [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, un moyen unique identique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de la société RPCE, de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mmes C..., B..., S..., L..., G..., D..., J..., I..., H... et Z... M..., et de M. Q..., après débats en l'audience publique du 15 janvier 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° W 18-25.644, Y 18-25.646, Z 18-25.647, A 18-25.648, B 18-25.649, C 18-25.650, E 18-25.652, F 18-25.653, H 18-25.654, J 18-25.656 et K 18-25.657 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les ordonnances attaquées (conseil de prud'hommes de Grasse, 5 octobre 2018) rendues en référé et en dernier ressort, Mme C... et dix autres salariés de la société RPCE ont saisi, le 10 août 2018, la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de leur employeur à leur verser une somme correspondant à la prime de 13e mois de 2017 et à la moitié de celle de 2018.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, qui est recevable
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief aux ordonnances de le condamner à payer aux salariés un rappel de 13e mois pour 2017 et 2018 pour moitié, alors « que la recevabilité du référé provision est subordonnée à l'existence d'une obligation non sérieusement contestable ; qu'en se bornant, pour allouer à la salariée une provision à titre de rappel de 13e mois, à énoncer qu'à la suite de la cession du 20 décembre 2016, tous les contrats de travail en cours au jour de la cession avaient subsisté entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise avec les avantages divers et variés pouvant exister, que le 2 janvier 2017, le nouvel employeur avait écrit à la salariée pour dénoncer le 13e mois et qu'il ne pouvait ignorer au moment de la reprise l'existence d'un 13e mois dans l'entreprise depuis 2005, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'usage applicable au sein de l'entreprise cédée de faire bénéficier les salariés d'un 13e mois n'avait pas été valablement révoqué par le repreneur qui avait procédé aux formalités de dénonciation propres aux usages, de sorte que la demande de provision se heurtait à une contestation sérieuse, la formation de référé du conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-7 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 1455-7 du code du travail :
4. Aux termes de ce texte, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
5. Pour condamner l'employeur à payer aux salariés des sommes au titre de leurs primes de 13e mois pour l'année 2017 et le 1er semestre 2018, les ordonnances retiennent que le nouvel employeur ne pouvait ignorer, au moment de sa reprise, l'existence d'un 13e mois dans l'entreprise depuis 2005.
6. En statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'usage tendant au bénéfice d'une prime de 13e mois n'avait pas été régulièrement dénoncé en sorte que l'obligation était sérieusement contestable, le conseil de prud'hommes n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les ordonnances de référé rendues le 5 octobre 2018, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Grasse ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces ordonnances et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Nice statuant en formation de référé ;
Condamne les salariés aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des ordonnances cassées ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen, identique aux pourvois n° W 18-25.644, Y 18-25.646, Z 18-25.647, A 18-25.648, B 18-25.649, C 18-25.650, E 18-25.652, F 18-25.653, H 18-25.654, J 18-25.656 et K 18-25.657, produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour la société RPCE
La société RPCE fait grief à l'ordonnance attaquée de l'avoir condamnée à verser aux salariés un rappel de 13ème mois 2017 et 2018 pour moitié ;
AUX MOTIFS QUE la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, elle peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ; qu'au regard des pièces du dossier, il apparaît au conseil qu'à la date du 20 décembre 2016, la société RPDC a fait l'objet d'une cession totale au profit de la SARL Force 9 ; qu'à la suite de cette cession et en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, tous les contrats de travail en cours au jour de ladite cession ont subsisté entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise avec les avantages divers et variés pouvant exister ; qu'à la date du 2 janvier 2017, soit quelques jours après, le nouvel employeur écrit au salarié pour dénoncer le 13ème mois ; que le conseil, en sa formation de référé, constate que le repreneur ne pouvait ignorer au moment de la reprise l'existence d'un 13ème mois dans l'entreprise depuis 2005 ; qu'en conséquence le conseil condamne la société RPCE à régler le 13ème mois dans sa totalité pour l'année 2017 et pour sa moitié pour celui de 2018 ;
ALORS QUE la recevabilité du référé provision est subordonnée à l'existence d'une obligation non sérieusement contestable ; qu'en se bornant, pour allouer à la salariée une provision à titre de rappel de 13ème mois, à énoncer qu'à la suite de la cession du 20 décembre 2016, tous les contrats de travail en cours au jour de la cession avaient subsisté entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise avec les avantages divers et variés pouvant exister, que le 2 janvier 2017, le nouvel employeur avait écrit à la salariée pour dénoncer le 13ème mois et qu'il ne pouvait ignorer au moment de la reprise l'existence d'un 13ème mois dans l'entreprise depuis 2005, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'usage applicable au sein de l'entreprise cédée de faire bénéficier les salariés d'un 13ème mois n'avait pas été valablement révoqué par le repreneur qui avait procédé aux formalités de dénonciation propres aux usages, de sorte que la demande de provision se heurtait à une contestation sérieuse, la formation de référé du conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-7 du code du travail.