LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 février 2020
Rejet
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 207 F-D
Pourvoi n° E 18-22.478
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 FÉVRIER 2020
La société Pacé Loisirs diffusion, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 18-22.478 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2018 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. B... Q..., domicilié [...] ,
2°/ à Pôle emploi de Rennes, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Pacé Loisirs diffusion, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. Q..., après débats en l'audience publique du 15 janvier 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 juillet 2018), M. Q... a été engagé le 16 juillet 2007 par la société Pôle Ouest, devenue la société Pacé Loisirs diffusion, en qualité de vendeur commercial, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet. Il a été licencié le 25 juillet 2014.
2. Il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. Q... des sommes à titre de rappels d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, ainsi qu'une indemnité pour travail dissimulé, alors :
« 1°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer ses demandes par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en accueillant, en l'espèce, la demande de rappel de salaire de M. Q... au titre d'heures supplémentaires qu'il aurait accomplies entre le mois de novembre 2012 et le mois d'avril 2014 en se fondant exclusivement sur des éléments vagues et imprécis selon lesquels la direction demandait aux salariés du magasin d'arriver à leur poste 15 à 20 minutes plus tôt le matin et de rester pendant le même temps après la fermeture le soir sans comptabiliser ces ajouts de temps de travail, sans constater la production, par M. Q..., d'éléments suffisamment précis quant aux horaires qu'il avait lui-même effectivement réalisés, afin de permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2°/ que le salarié ne peut prétendre au paiement d'un complément de salaire correspondant à l'accomplissement d'heures supplémentaires que lorsqu'il a accompli un travail effectif commandé par l'employeur ou exigé par sa charge de travail en dehors de son horaire contractuel ; de sorte qu'en accueillant la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies par M. Q... en se bornant à affirmer que les horaires de début et de fin de journée mentionnés sur les plannings produits par l'employeur ne reflétaient pas la réalité des horaires de travail, sans rechercher si M. Q... avait été systématiquement contraint d'effectuer un travail commandé par son employeur avant ou après les horaires d'ouverture du magasin ni si, à tout le moins, M. Q... s'était effectivement trouvé dans l'impossibilité d'accomplir ses missions contractuelles dans le cadre des plannings définis par l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, devenu 1103, 1104 et 1193, du code civil, L. 3121-22, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. Ayant relevé que l'employeur demandait à ses salariés de commencer le travail avant le début de service et de le poursuivre après la fin de l'horaire de service sans comptabiliser ce temps de travail, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument délaissée et constaté par une appréciation souveraine des éléments de preuve que la demande était étayée, a légalement justifié sa décision.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme pour travail dissimulé, alors « que la dissimulation partielle d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; de sorte qu'en décidant que la société Pacé Loisirs diffusion avait dissimulé une partie du temps de travail de M. Q..., sans caractériser l'intention de dissimulation de l'employeur, au-delà de la constatation, par l'Inspection du travail, de l'inexactitude des bulletins de paie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Ayant constaté que l'employeur mentionnait en toute connaissance de cause sur les bulletins de salaire un nombre d'heures de travail inférieur au nombre d'heures réellement effectuées, la cour d'appel, qui a caractérisé l'élément intentionnel de la dissimulation, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pacé Loisirs diffusion aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pacé Loisirs diffusion et la condamne à payer à M. Q... la somme de 3 000 euros.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Pacé Loisirs diffusion.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure
EN CE QU'IL a condamné la société PACE LOISIRS DIFFUSION à payer à Monsieur Q... les sommes de 1.703,32 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et de 170,33 € au titre des congés payés afférents, ainsi que la somme de 12 536,82 € pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QU'il ne fait pas débat que le magasin ouvrait à 9 h30 et fermait à 19h30 tous les jours, du lundi au samedi ; qu'au soutien de sa demande, M. Q... verse aux débats un décompte de ses heures de travail, dont il ressort l'existence d'heures supplémentaires sur la période litigieuse s'étendant de novembre 2012 à avril 2014 ; que l'employeur verse quant à lui les plannings de travail pour tous les salariés, de 2012 à 2014, mentionnant, en ce qui concerne M. Q..., dans la très grande majorité des cas, une prise de poste à 9 h 30 et un départ à 19h30, correspondant, somme toute aux horaires d'ouverture du magasin ; que les collègues de travail de M. Q... et le délégué du personnel confirment néanmoins que les horaires de début et de fin de journée mentionnés sur ces plannings ne reflètent pas la réalité des horaires de travail puisque la direction demandait aux salariés du magasin d'arriver à leur poste 15 à 20 minutes plus tôt le matin et de rester pendant le même temps après la fermeture le soir sans comptabiliser ces ajouts de temps de travail ; qu'en l'état de ce qui précède et la société ne produisant aucun document sur les heures effectivement réalisées par son salarié, la cour retient l'existence d'heures supplémentaires, non mentionnées sur les fiches de paie produites aux débats et majorées à 25 % dont le paiement n'est pas justifié par l'employeur ;
ALORS QUE, premièrement, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer ses demandes par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en accueillant, en l'espèce, la demande de rappel de salaire de Monsieur Q... au titre d'heures supplémentaires qu'il aurait accomplies entre le mois de novembre 2012 et le mois d'avril 2014 en se fondant exclusivement sur des éléments vagues et imprécis selon lesquels la direction demandait aux salariés du magasin d'arriver à leur poste 15 à 20 minutes plus tôt le matin et de rester pendant le même temps après la fermeture le soir sans comptabiliser ces ajouts de temps de travail, sans constater la production, par Monsieur Q..., d'éléments suffisamment précis quant aux horaires qu'il avait lui-même effectivement réalisés, afin de permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
ALORS QUE, deuxièmement, le salarié ne peut prétendre au paiement d'un complément de salaire correspondant à l'accomplissement d'heures supplémentaires que lorsqu'il a accompli un travail effectif commandé par l'employeur ou exigé par sa charge de travail en dehors de son horaire contractuel ; de sorte qu'en accueillant la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies par Monsieur Q... en se bornant à affirmer que les horaires de début et de fin de journée mentionnés sur les plannings produits par l'employeur ne reflétaient pas la réalité des horaires de travail, sans rechercher si Monsieur Q... avait été systématiquement contraint d'effectuer un travail commandé par son employeur avant ou après les horaires d'ouverture du magasin ni si, à tout le moins, Monsieur Q... s'était effectivement trouvé dans l'impossibilité d'accomplir ses missions contractuelles dans le cadre des plannings définis par l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, devenu 1103, 1104 et 1193, du code civil, L. 3121-22, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)L'arrêt attaqué encourt la censure
EN CE QU'IL a condamné la société PACE LOISIRS DIFFUSION à payer à Monsieur Q... la somme de 12 536,82 € pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 8223-1 du Code du travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l'article L. 8221-5 a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, à moins que l'application de règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable ; qu'en omettant de manière intentionnelle de mentionner sur les bulletins de salaire les heures réellement effectuées par son salarié, pratique par ailleurs dénoncée par les salariés et l'Inspection du travail, l'employeur a contrevenu aux dispositions précitées;
ALORS QUE la dissimulation partielle d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; de sorte qu'en décidant que la société PACE LOISIRS DIFFUSION avait dissimulé une partie du temps de travail de Monsieur Q..., sans caractériser l'intention de dissimulation de l'employeur, au-delà de la constatation, par l'Inspection du travail, de l'inexactitude des bulletins de paie, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du Code du travail.