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04/07/2018 | FRANCE | N°16/02290

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 04 juillet 2018, 16/02290


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N° 309



N° RG 16/02290













M. Cyril X...



C/



SAS PACE LOISIRS DIFFUSION

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 JUILLET 2018





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:



Président : Madame Régine CAPRA

Conseiller : Madame Liliane LE MERLUS

Conseiller : Madame Véronique PUJES



GREFFIER :



Madame MORIN, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique ...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N° 309

N° RG 16/02290

M. Cyril X...

C/

SAS PACE LOISIRS DIFFUSION

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 JUILLET 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:

Président : Madame Régine CAPRA

Conseiller : Madame Liliane LE MERLUS

Conseiller : Madame Véronique PUJES

GREFFIER :

Madame MORIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 Janvier 2018

devant Madame Véronique PUJES, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Juillet 2018 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré initialement prévu le 16 Mai 2018 comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur Cyril X...

[...]

Représenté par Me Bruno Y... de la SELARL PHENIX, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Catherine Z..., avocat au barreau de RENNES

INTIMEE :

SAS PACE LOISIRS DIFFUSION

[...]

Représentée par Me Emmanuel A..., avocat au barreau de COUTANCES substitué par Me B... D..., avocat au barreau de RENNES

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat à durée indéterminée du 16 juillet 2007 à effet du 16 août suivant, M. X... a été engagé à temps complet par la Société Pôle Ouest en qualité de vendeur commercial coefficient 190 au magasin Intersport de Pacé, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 350 euros outre une prime de 0,5% de son chiffre d'affaires net facturé avec une garantie de rémunération brute annuelle de 17 400 euros. Le contrat comportait en outre une clause de non concurrence.

Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale du commerce des articles de sports et équipements de loisirs.

Le 1er juin 2010, M. X... a été promu chef de rayon junior, coefficient 220, statut agent de maîtrise, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 486 euros outre une prime sur objectifs, les autres dispositions du contrat de travail demeurant inchangées.

Aux termes d'un avenant signé le 24 septembre 2012 avec la société Pacé Loisirs Diffusion venant aux droits de la société Pôle Ouest, à effet au 1er octobre 2012, M. X... a été nommé animateur de rayon, coefficient 220, agent de maîtrise, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 802 euros pour 169 heures (39 heures par semaine en ce compris 4 heures supplémentaires).

En dernier lieu, M. X... avait en charge le rayon cycles et randonnée.

M. X... s'est vu notifier deux avertissements par courriers du 24 février et du 27 mai 2014, qu'il a contestés.

Le salarié a été placé en arrêt de travail à compter du 28 mai 2014.

A l'issue de la visite médicale de reprise du 1er juillet 2014, le salarié a été déclaré inapte à tous postes dans le magasin Intersport au visa de l'article R 4624-31 du code du travail compte-tenu du danger immédiat pour sa santé.

Par courrier du 7 juillet 2014,l'employeur a informé le salarié que son reclassement s'avérait impossible en raison de 'la nature spécifique de l'activité' et qu'une procédure de licenciement serait dès lors engagée le concernant.

Il a effectivement été convoqué le 11 juillet 2014 à un entretien préalable fixé le 23 juillet puis a été licencié le 25 juillet 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes le 23 décembre 2014 aux fins, dans le dernier état de ses demandes, de voir :

1/ à titre principal:

- dire que son licenciement est nul comme étant la conséquence directe d'un harcèlement moral et/ou de la souffrance au travail dont il a été victime,

- condamner la société Pacé Loisirs Diffusion à lui payer les sommes suivantes :

* indemnité de préavis (2 mois) : 4.178,94 euros,

* congés payés afférents : 417,89 euros,

* indemnité pour licenciement nul : 20.895 euros nets (10 mois) ,

* dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité : 20.895 euros nets,

2/ à titre subsidiaire:

- dire que la société Pacé Loisirs Diffusion a manqué à son obligation de reclassement et que le licenciement est abusif ,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* indemnité de préavis (2 mois) : 4.178,94 euros,

* congés payés afférents : 417,89 euros,

* indemnité pour licenciement abusif : 20.895 euros nets (10 mois),

3/ en toute hypothèse:

- annuler les avertissements notifiés le 24 février 2014 et le 27 mai 2014,

- réduire la durée de la clause de non concurrence à une année,

- condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

* 1.703,32 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

* 170,33 euros pour les congés payés afférents,

* 12.536,82 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 4.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles sur les congés payés,

* 4.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation,

* 4.596,83 euros au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence,

* 4.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal et ordonner la capitalisation des intérêts,

- ordonner l'exécution provisoire,

- ordonner la remise sous astreinte d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi rectifiés,

- condamner la société aux dépens.

L'employeur a sollicité le rejet de ces prétentions et demandé, à titre subsidiaire, la réduction à de plus justes proportions des sommes qui seraient allouées à M. X.... Elle réclamait également 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation du salarié aux dépens de l'instance.

Par Jugement en date du 4 mars 2016, le conseil de prud'hommes de Rennes a :

- considéré que les avertissements étaient justifiés,

- dit que le licenciement de M. X... était consécutif à une inaptitude totale et que sa nullité pour harcèlement ne pouvait être retenue,

- dit que la société n'avait pas manqué à son obligation de reclassement,

- condamné la société à verser à M. X... les sommes suivantes :

* 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles sur les congés payés,

* 4 596, 83 euros en contrepartie de la clause de non-concurrence,

* 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société aux dépens.

M. X... a régulièrement interjeté appel de cette décision le 22 mars 2016.

Il demande à la cour de :

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société à lui payer les sommes suivantes :

- 2.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles sur les congés payés,

- 4.596,83 euros en contrepartie de la clause de non concurrence,

- 1.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

* l'infirmer en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes, qu'il reprend devant la cour,

* condamner la société à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société demande à la cour de:

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions hormis celles concernant le fractionnement des congés payés, la clause de non concurrence, et l'article 700 du Code de procédure civile.

- débouter M. X... de toutes ses prétentions et, à titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions les sommes allouées à M. X..., en ramenant notamment le montant de la contrepartie au titre de la clause de non-concurrence à 2 049,94 euros bruts,

- condamner M. X... à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires

Il ne fait pas débat que le magasin ouvrait à 9 h30 et fermait à 19h30 tous les jours, du lundi au samedi.

Au soutien de sa demande, M. X... verse aux débats un décompte de ses heures de travail, dont il ressort l'existence d'heures supplémentaires sur la période litigieuse s'étendant de novembre 2012 à Avril 2014.

L'employeur verse quant à lui les plannings de travail pour tous les salariés, de 2012 à 2014, mentionnant, en ce qui concerne M. X..., dans la très grande majorité des cas, une prise de poste à 9 h 30 et un départ à 19h30, correspondant, somme toute aux horaires d'ouverture du magasin. Les collègues de travail de M. X... et le délégué du personnel confirment néanmoins que les horaires de début et de fin de journée mentionnés sur ces plannings ne reflètent pas la réalité des horaires de travail puisque la Direction demandait aux salariés du magasin d'arriver à leur poste 15 à 20 minutes plus tôt le matin et de rester pendant le même temps après la fermeture le soir sans comptabiliser ces ajouts de temps de travail.

En l'état de ce qui précède et la société ne produisant aucun document sur les heures effectivement réalisées par son salarié, la cour retient l'existence d'heures supplémentaires, non mentionnées sur les fiches de paie produites aux débats et majorées à 25 % dont le paiement n'est pas justifié par l'employeur.

Par voie d'infirmation, il sera dans ces conditions fait droit à la demande de ce dernier à hauteur de la somme de 1 703,32 €, outre 170,33 € pour les congés payés afférents.

Sur les avertissements

- celui du 24 février 2014

Aux termes de cet avertissement, l'employeur reprochait au salarié son insubordination, plus précisément:

- de ne pas avoir communiqué au directeur du magasin, qui le lui avait demandé à plusieurs reprises et en dernier lieu le mardi 18 février 2014, les écarts sur les univers dont il avait la charge, écarts observés depuis l'inventaire réalisé le mercredi 12 février précédent,

- d'avoir confié cette tâche à un vendeur,

- d'avoir dit qu'il reviendrait vers le directeur le 18 février en fin de journée pour faire la synthèse sur les anomalies mais s'être abstenu de le faire,

- d'avoir haussé le ton de manière agressive et en présence de clients face à son directeur qui l'avait interpellé le 19 février, créant ainsi une situation délicate, nuisant à la bonne ambiance de travail et à l'image de l'entreprise.

M. X... a contesté cet avertissement le 11 mars en faisant valoir les points suivants:

- trois jours seulement s'étaient écoulés depuis l'inventaire, et non six, lorsque le directeur lui a fait sa demande compte tenu du jeudi et du dimanche (jours de repos),

- pendant ces trois jours, le directeur lui avait confié diverses missions supplémentaires:

* vendredi 14: réception, mise en place, balisage et vente de matériels de ski pour l'opération de destockage massif prévue le lendemain,

* samedi 15: journée 100% clients,

* lundi 17: poursuite du destockage et priorité à la vente.

- il a néanmoins commencé le traitement des écarts d'inventaire ce lundi, alors même qu'il était seul dans les rayons randonnée et ski,

- le mardi 18 février, le directeur lui a demandé de faire la dernière ligne droite pour l'opération de destockage, puis, à partir de la fin d'après midi, d'enlever les étiquettes solde sur les articles des rayons cycles, randonnée, ski et musculation et d'inscrire des prix ronds sur les produits concernés, étant précisé que les stagiaires et l'assistant devaient quitter le magasin à 18 heures,

- c'est son directeur qui, en l'interpellant dans le magasin devant la clientèle s'est montré irrespectueux à son égard et a généré la situation délicate, alors qu'ils pouvaient avoir une discussion isolée.

L'absence de tout élément de preuve étayant les allégations de l'employeur contestées par M. X... aux termes de courriers particulièrement motivés, ne permet pas de considérer les faits reprochés au salarié comme établis. La cour considère ainsi que l'avertissement est injustifié; par voie d'infirmation, il sera annulé.

- celui du 27 mai 2014

Aux termes de cet avertissement, l'employeur reproche au salarié de se dérober à ses obligations d'animateur de rayon, évoque une absence d'engagement professionnel caractérisé par un manque d'initiative, d'organisation, de gestion du temps de travail et de management défaillant de son équipe, et indique que le 6 mai, un client ayant fait remarquer qu'un article figurant dans le catalogue n'avait pas été étiqueté en promotion, le responsable adjoint a pu constater qu'un nombre important de produits du rayon randonnée dont la promotion se terminait le 10 mai suivant avait été peu ou pas mis en avant.

M. X... a contesté cet avertissement en 11 juin 2014 en expliquant que M. E..., animateur, lui avait demandé d'alterner les produits sur les têtes de gondole entre les articles 1er prix et les articles catalogue, de sorte qu'il n'est en rien responsable de ce que le responsable adjoint lui a reproché.

Là encore, en l'état des arguments développés par le salarié pour expliquer la situation, arguments au final non contredits par l'employeur, qui, pour le reste se borne à des généralités non étayées, la cour considère que l'avertissement est injustifié; par voie d'infirmation, il sera lui aussi annulé.

Sur le licenciement

M. X... soutient que l'inaptitude à l'origine de son licenciement est consécutive à des faits de harcèlement moral, qui ont débuté suite à sa demande en paiement d'heures supplémentaires et qui se sont manifestés par une pression permanente, des remarques et des sanctions injustifiées, et d'actions visant à le discréditer devant son équipe et les clients. Il en déduit que le licenciement est nul.

La société conteste l'existence d'un harcèlement moral et fait valoir en substance, que :

- la 'dégradation' des conditions de travail dont se plaint M. X... depuis l'arrivée de la nouvelle direction ne constitue en réalité que la modification d'ordre technique du management avec des nouvelles modalités d'organisation générale, relevant de son pouvoir de direction en sa qualité d'employeur,

- M. X... n'a pas entrepris de démarche pour voir reconnaître le caractère professionnel de son arrêt de travail,

- qu'il s'est par ailleurs livré à des activités sportives de haut niveau pendant cet arrêt, ce qui paraît peu compatible avec les allégations de harcèlement moral aux conséquences dévastatrices sur l'état de santé.

L'article L 1152-1 du code du travail dispose que':

«'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel».

Selon l'article L 1152-2 du même code,

«'Aucun salarié ,aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés'».

Aux termes de l'article L 1154-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige:

«'Lorsque survient un litige relatif à l'application des'articles L. 1152-1 à L. 1152-3'et'L. 1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'».

En application des textes rappelés ci-dessus, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Enfin, il résulte de l'article L 1152-3 dudit code que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Les deux avertissements notifiés à M. X... en l'espace de trois mois, en février et mai 2014, étaient injustifiés et sont comme tels annulés par la cour. Le salarié a fait part de son conflit avec la Direction au médecin du travail et/ou l'infirmier, et s'est plaint de troubles anxieux en lien avec cette situation depuis au moins le mois d'avril 2014 (cf dossier médical). Une collègue, Mme C..., confirme que le directeur du magasin critiquait ouvertement le travail de M. X... devant son équipe et les clients, et lui a demandé de ne pas échanger avec celui-ci dans le cadre du travail afin de l'isoler. Le salarié a par ailleurs été placé en arrêt de travail dans les suites immédiates du second de ces avertissements pour un syndrome dépressif réactionnel qui a nécessité un suivi psychiatrique (cf attestations des Drs Reux et Joseph) et déclaré inapte à tous postes dans le magasin en une seule visite par le médecin du travail au visa de l'article R 4624-31 du code du travail.

M. X... établit ainsi la matérialité de faits, qui, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral, dépassant le seul cadre d'un changement de technique managériale. Or, l'employeur ne démontre pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dès lors que l'inaptitude de M. X... résulte de faits de harcèlement moral, le licenciement notifié au salarié en méconnaissance des dispositions précitées est nul.

M. X... reproche à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de sécurité en matière de prévention du harcèlement moral en ayant utilisé tous les moyens pour le faire 'craquer'.

L'employeur manque à son obligation de sécurité lorsque le salarié est victime sur son lieu de travail de harcèlement moral.

En réparation du préjudice subi par M. X... du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité en terme de harcèlement moral, il y a lieu d'allouer à ce dernier la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts.

Sur les conséquences

Il est constant que le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit d'une part aux indemnités de rupture, d'autre part à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue à l'article L 1235-3 du code de travail.

M. X... est dans ces conditions fondé à réclamer la somme de 4 178,94 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 417,89 € pour les congés payés afférents, non autrement discutées dans leur montant et au surplus justifiées.

M. X..., qui était âgé de 40 ans lors du licenciement et qui comptait une ancienneté de sept années, est par ailleurs fondé à réclamer une indemnité réparant son préjudice résultant du licenciement nul, qui sera fixée à la somme de 16 000 €.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Aux termes de l'article L. 8223-1 du Code du travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l'article L. 8221-5 a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, à moins que l'application de règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable.

En omettant de manière intentionnelle de mentionner sur les bulletins de salaire les heures réellement effectuées par son salarié, pratique par ailleurs dénoncée par les salariés et l'Inspection du travail, l'employeur a contrevenu aux dispositions précitées.

Il convient en conséquence, par voie d'infirmation, d'allouer à M. X... la somme de 12 536,82 € qu'il sollicite sur le fondement de l'article L. 8223-1 précité.

Sur l'obligation de formation

En application de l'article L 6321-1 du Code du travail, l'employeur doit assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi.

La société, qui soutient avoir dispensé des formations internes à M. X..., ne verse aux débats aucun justificatif en attestant.

M. X... est resté sans emploi pendant au moins toute l'année 2015.

L'absence de formation pendant sept ans ayant obéré la capacité de M. X... à retrouver un emploi, le salarié est fondé à prétendre à la réparation de son préjudice, qu'en l'état des éléments de la cause, la cour évalue à 1 500 € .

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a rejeté la demande sur ce point.

Sur la clause de non concurrence

Aux termes de son contrat de travail, M. X... était soumis à une obligation de non concurrence d'une durée de deux ans à compter de la date de cessation effective de son activité au service de l'employeur; il était précisé qu'en contrepartie de cette obligation, le salarié percevrait à la date de la rupture effective du contrat, une indemnité forfaitaire brute égale à deux fois le salaire moyen brut des trois derniers mois précédant la rupture.

Les premiers juges ont ramené la durée de la clause à une année, ce qui ne fait pas l'objet de contestation devant la cour.

Le juge ne pouvant pas modifier le montant de la contrepartie financière, c'est en vain que l'employeur demande à la cour de réduire de moitié le montant alloué en première instance, lequel sera en conséquence confirmé.

Sur les congés payés

L'article 48 de la convention collective applicable dispose que 'la fraction des congés à accorder obligatoirement d'une façon continue pendant la période légale des congés payés est de 18 jours ouvrables (...)'.

Il ne fait pas débat que M. X... n'a jamais bénéficié, sur la période de congés payés du 1er mai au 31 octobre, de 18 jours de congés payés continus. Le contrat de travail du salarié prévoyait au demeurant expressément que celui-ci devait prendre ses congés payés répartis sur deux semaines du 1er juin au 30 septembre et trois fois une semaine entre le 1er octobre et le 30 avril.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont indemnisé M. X... du préjudice subi du fait du non respect des dispositions conventionnelles, caractérisé par un temps réduit consacré à la vie privée et familiale et au repos prolongé réparateur.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué à ce titre la somme de 2 500 € à titre de dommages-intérêts.

Sur les intérêts

Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation. Les créances indemnitaires ci-dessus sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, applicable lors de l'introduction de l'instance.

Sur la remise des documents sociaux

La société devra remettre à M. X... les documents de fin de contrat et le bulletin de salaire rectifiés conformes au présent arrêt; l'astreinte, en revanche, n'est pas nécessaire.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

La société, qui succombe pour l'essentiel dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a donc lieu de la condamner à payer à M. X... une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 1 500 €, en sus de celle qui lui a été allouée en première instance.

La société doit être déboutée de cette même demande.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au secrétariat-greffe,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Rennes du 4 mars 2016 ;

Et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Annule les avertissements notifiés à M. X... les 24 février et 27 mai 2014;

Dit que le licenciement de M. X... intervenu en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2 du code du travail est nul;

Condamne la société Pacé Loisirs Diffusion à payer à M. X... les sommes suivantes:

- la somme de 1 703,32 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 170,33 € pour les congés payés afférents,

- 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation en matière de harcèlement moral,

- 4 178,94 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 417,89 € pour les congés payés afférents,

- 16 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 12 536,82 € pour travail dissimulé

- 1 500 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation.

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation;

Dit que les créances indemnitaires ci-dessus sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil';

Dit que la société société Pacé Loisirs Diffusion devra remettre à M. X... un bulletin de salaire et les documents de rupture conformes au présent arrêt;

Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte ;

Condamne la société Pacé Loisirs Diffusion à payer à M. X... la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Pacé Loisirs Diffusion de sa demande d'indemnité de procédure ;

Condamne la société Pacé Loisirs Diffusion aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, et signé par Madame Capra, président, et Madame Morin, greffier.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

Mme MORINMme CAPRA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 16/02290
Date de la décision : 04/07/2018

Références :

Cour d'appel de Rennes 05, arrêt n°16/02290 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-04;16.02290 ?
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