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06/02/2020 | FRANCE | N°18-24535

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 06 février 2020, 18-24535


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 février 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 174 F-D

Pourvoi n° R 18-24.535

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2020

La société ..., société par actions simplifiée, dont le siège est

[...] , a formé le pourvoi n° R 18-24.535 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2018 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le liti...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 février 2020

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 174 F-D

Pourvoi n° R 18-24.535

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2020

La société ..., société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° R 18-24.535 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2018 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Gan Outre-Mer IARD, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société ..., de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Gan Outre-Mer IARD, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 3 juillet 2018) et les productions, que la société ... (la société Cottrell) a souscrit le 16 mars 2004 une police d'assurance « multirisques industrielle » auprès de la société GFA Caraïbes, coassureur avec la société Gan Outre-Mer IARD (la société Gan) ; que le risque était réparti à proportion de 60 % à la charge de la société GFA Caraïbes, désignée comme apéritrice, et de 40 % à la charge de la société Gan ; que la société Cottrell a effectué le 13 mars 2009 une déclaration de sinistre auprès de la société GFA Caraïbes en raison de pertes d'exploitation liées aux différents mouvements sociaux ayant affecté la Martinique en février et mars 2009 ; que la société GFA Caraïbes ayant opposé un refus de garantie, la société Cottrell l'a assignée le 24 novembre 2010 en exécution du contrat et obtenu sa condamnation, par jugement du 6 mars 2012, à lui payer la somme de 763 169,40 euros correspondant à 60 % de l'indemnité d'assurance ; que la société Cottrell a assigné le 14 octobre 2015 la société Gan en paiement de la somme de 508 769,60 euros représentant les 40 % restant ;

Attendu que la société ... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action contre la société Gan, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en relevant, pour dire qu'il n'était stipulé aucun mandat général de représentation active ou passive de tous les assureurs par la seule Compagnie apéritrice que, selon le titre 10 du contrat d'assurance, les déclarations de sinistre devaient être déclarées à la seule Compagnie apéritrice et sont opposables à tous les coassureurs, cependant que le contrat précisait également que « dans les rapports avec l'assuré, la compagnie apéritrice seule interviendra, sauf s'il est institué une commission de règlement », ce dont il s'inférait que le mandat incluait la représentation des coassureurs dans le cadre d'une action judiciaire, la d'appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis du titre 10 du contrat d'assurance, en violation de l'obligation qui lui est faite de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

2°/ qu'en déclarant prescrite l'action de la société Cottrell à l'égard de la compagnie Gan, motifs pris qu'il n'était stipulé aucun mandat général de représentation active ou passive de tous les assureurs au profit de la compagnie apéritrice, la compagnie GFA Caraïbes, de sorte de l'interruption de la prescription n'avait pas pu jouer à l'égard de la compagnie Gan, coassureur, après avoir pourtant constaté que la compagnie GFA Caraïbes, en qualité de société apéritrice, était mandatée pour recueillir seule les déclarations de sinistre, lesquelles sont opposables à tous les coassureurs, ce dont il s'inférait qu'elle était bien mandatée pour défendre à l'action de l'assuré contre tous les coassureurs et que le délai de prescription était interrompu à l'égard de chacun d'eux, peu important qu'aucune solidarité n'ait été stipulée entre les coassureurs et que le règlement des indemnités d'assurances ait été par ailleurs expressément réparti entre les coassureurs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article 114-1 du code des assurances ;

3°/ que le délai de prescription est suspendu lorsque celui contre qui il court se trouve dans l'impossibilité d'agir ; qu'en considérant que la société Cottrell disposait de tous les éléments nécessaires pour agir à la fois contre la société apéritrice, la compagnie GFA Caraïbes, et la compagnie Gan, coassureur, dès le refus de prise en charge de la société apéritrice et, en tout cas, au moment où cette dernière lui a opposé le moyen selon lequel elle ne pouvait être poursuivie pour l'entier sinistre, cependant que la société Cottrell, qui pouvait légitimement penser ne devoir s'adresser qu'à la seule société apéritrice, comme il était stipulé dans le contrat d'assurance, n'a su qu'elle devait attraire la compagnie Gan pour obtenir le paiement du reliquat de 40 % de l'indemnité d'assurance que lorsque le jugement du 3 mars 2012 est devenu définitif, de sorte de le délai de prescription n'a recommencé à courir qu'à cette date, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances ;

Mais attendu, d'abord, qu'en énonçant qu'il ne résulte pas des termes du contrat un mandat général de représentation de tous les assureurs par la seule société apéritrice, la cour d'appel n'a pas dénaturé par omission les stipulations du titre 10 de la police d'assurance qui prévoient qu' « en cas d'expertise et dans les rapports avec l'assuré, la compagnie apéritrice seule interviendra, sauf s'il est constitué une commission de règlement » ;

Attendu, ensuite, que le mandat conféré à la société apéritrice de recueillir les déclarations de sinistre n'impliquant pas l'existence d'un pouvoir de représentation en justice, la cour d'appel, qui a relevé par ailleurs que toute solidarité était exclue, en a exactement déduit que l'interruption de la prescription à l'encontre de la société GFA Caraïbes par l'assignation du 24 novembre 2010 était sans effet sur la prescription ayant couru au profit de la société Gan ;

Attendu, enfin, qu'ayant relevé que la société ... connaissait les différents coassureurs et le montant respectif de leur garantie, la cour d'appel a pu en déduire qu'elle disposait de tous les éléments nécessaires pour agir à la fois contre la société GFA Caraïbes et contre la société Gan dès le refus de prise en charge qui lui avait été notifié ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société ... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société ... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Cottrell.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré, au visa de l'article L. 114-1 du Code des assurances, la société ... irrecevable en son action en paiement de l'indemnité d'assurance dirigée contre la Compagnie Gan, découlant du contrat souscrit le 16 mars 2004 ;

AUX MOTIFS QUE « l'article 10 de la police litigieuse sur la répartition de la coassurance précise que les compagnies désignées garantissent Y assuré aux conditions générales et particulières, chacune pour sa part respective et sans solidarité entre elles ; que la Compagnie apéritrice ne peut encourir une responsabilité vis à vis des coassureurs du fait de ses attributions ; que les déclarations de sinistre devaient être déclarées à la seule Compagnie apéritrice et resteraient opposables à tous les coassureurs, l'encaissement total des primes se faisait entre les mains de l'apéritrice, celle-ci devait seule intervenir en cas d'expertise et enfin, il est précisé que le montant total des indemnités incombant à l'ensemble des coassureurs sera payé par les soins de la compagnie apéritrice pour les sinistres égaux ou inférieurs au plafond usuel géré sans appel de fonds auprès des coassureurs : que la répartition entre la GFA et la GAN est précisée in fine à raison de 60% pour le premier et 40% pour le second ; que contrairement à ce qu' à retenu le tribunal il ne résulte pas des termes du contrat un mandat général de représentation active et/ou passive de tous les assureurs par la seule Compagnie apéritrice ; que d'une part la solidarité est expressément exclue, les actes réunis entre les mains de la seule Compagnie apéritrice sont spécifiquement énumérés, et elle n'assure le règlement complet que des petits sinistres ; qu'après la déclaration de sinistres régulièrement faite à la société apéritrice faite le 13 mars 2009, celle-ci a notifié à l'assuré sa décision de non prise en charge par courrier du 3 avril 2009 ; qu'à partir de cette date, la SAS ..., qui connaissait les différents coassureurs et le montant respectif de leur garantie, disposait de tous les éléments nécessaires pour agir à la fois contre le GFA et contre le GAN ; qu'en outre, dès l'introduction de l'action en paiement contre le GFA CARAIBES, par assignation du 24 novembre 2010, la partie défenderesse a opposé notamment le moyen suivant lequel elle ne pouvait être poursuivie pour l'entier sinistre mais seulement dans la limite de 60% ; que la question de savoir si l'appel à la cause du GAN était nécessaire à la réparation des conséquences dommageables de l'entier sinistre était donc connue de l'assuré ; que l'interruption de la prescription à l'encontre du GFA CARAIBES étant sans effet sur la prescription ayant couru au profit du GAN, il ne peut qu'être constaté que lors de sa lettre de mise en demeure du 30 mai 2012, et de son appel à la cause du GAN par assignation du 6 septembre 2012, la société ... était déjà hors délai ; que . Ainsi aucun des événements procéduraux invoqués comme cause d'interruption ou de suspension de la prescription par l'intimée jusqu'à son assignation devant le juge du fond par acte du 14 octobre 2015, n'est opérant ; que par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de considérer que le GAN a, à aucun moment reconnu le droit de la société ... contre qui elle prescrivait, ni qu'elle aurait renoncé au bénéfice de la prescription une fois celle-ci acquise ; que le jugement doit donc être infirmé en toutes ses dispositions » ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en relevant, pour dire qu'il n'était stipulé aucun mandat général de représentation active ou passive de tous les assureurs par la seule Compagnie apéritrice que, selon le titre 10 du contrat d'assurance, les déclarations de sinistre devaient être déclarées à la seule Compagnie apéritrice et sont opposables à tous les coassureurs, cependant que le contrat précisait également que « dans les rapports avec l'assuré, la Compagnie apéritrice seule interviendra, sauf s'il est institué une commission de règlement », ce dont il s'inférait que le mandat incluait la représentation des coassureurs dans le cadre d'une action judiciaire, la d'appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis du titre 10 du contrat d'assurance, en violation de l'obligation qui lui est faite de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU' en déclarant prescrite l'action de la société Cottrell à l'égard de la Compagnie Gan, motifs pris qu'il n'était stipulé aucun mandat général de représentation active ou passive de tous les assureurs au profit de la compagnie apéritrice, la Compagnie GFA Caraïbes, de sorte de l'interruption de la prescription n'avait pas pu jouer à l'égard de la Compagnie Gan, coassureur, après avoir pourtant constaté que la Compagnie GFA Caraïbes, en qualité de société apéritrice, était mandatée pour recueillir seule les déclarations de sinistre, lesquelles sont opposables à tous les coassureurs, ce dont il s'inférait qu'elle était bien mandatée pour défendre à l'action de l'assuré contre tous les coassureurs et que le délai de prescription était interrompu à l'égard de chacun d'eux, peu important qu'aucune solidarité n'ait été stipulée entre les coassureurs et que le règlement des indemnités d'assurances ait été par ailleurs expressément réparti entre les coassureurs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article 114-1 du code des assurances ;

3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le délai de prescription est suspendu lorsque celui contre qui il court se trouve dans l'impossibilité d'agir ; qu'en considérant que la société Cottrell disposait de tous les éléments nécessaires pour agir à la fois contre la société apéritrice, la Compagnie GFA Caraïbes, et la Compagnie Gan, coassureur, dès le refus de prise en charge de la société apéritrice et, en tout cas, au moment où cette dernière lui a opposé le moyen selon lequel elle ne pouvait être poursuivie pour l'entier sinistre, cependant que la société Cottrell, qui pouvait légitimement penser ne devoir s'adresser qu'à la seule société apéritrice, comme il était stipulé dans le contrat d'assurance, n'a su qu'elle devait attraire la Compagnie Gan pour obtenir le paiement du reliquat de 40% de l'indemnité d'assurance que lorsque le jugement du 3 mars 2012 est devenu définitif, de sorte de le délai de prescription n'a recommencé à courir qu'à cette date, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-24535
Date de la décision : 06/02/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 03 juillet 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 06 fév. 2020, pourvoi n°18-24535


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Marc Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.24535
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