LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 février 2020
Cassation
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 150 F-D
Pourvoi n° M 19-10.505
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme W....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 novembre 2018.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2020
Mme Y... W..., divorcée P... , domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° M 19-10.505 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2017 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant à la société Limpa nettoyages, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lesourd, avocat de Mme W..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Limpa nettoyages, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 octobre 2017), Mme W..., salariée de la société Limpa nettoyages, a saisi le 21 septembre 2010 la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement.
2. Le 21 novembre 2011, elle a relevé appel du jugement du conseil de prud'hommes du 7 novembre 2011 qui a dit son licenciement fondé sur une faute grave et a rejeté ses demandes.
3. La cour d'appel a ordonné la radiation de l'affaire par ordonnances des 20 décembre 2012, 19 mars 2014 et 16 septembre 2015. Cette dernière ordonnance, notifiée le 17 septembre 2015, indiquait que « les parties ne pourront procéder à la réinscription de l'affaire que sur justification de l'exécution des diligences suivantes :
- dépôt des demandes au soutien de l'appel de la décision critiquée,
- justification de la notification à l'adversaire des demandes ainsi présentées. »
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que l'instance est périmée et de constater sa péremption alors « qu'il résulte des dispositions de l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, qu'en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que si l'expiration de ce délai constitue bien une date butoir, les parties peuvent valablement accomplir lesdites diligences avant qu'il n'ait commencé à courir ; que, par des ordonnances successives, dont la dernière en date du 16 septembre 2015 et notifiée le lendemain, les parties se sont vues imposer deux types de diligences à peine de péremption consistant au dépôt au greffe de leurs demandes et à leur communication à leur adversaire ; que la cour d'appel a constaté que la salariée avait bien communiqué ses demandes au greffe le 29 septembre 2015 ; qu'en considérant que cette diligence, combinée à leur communication préalable à l'employeur, n'avait pas fait obstacle à la péremption de l'instance, au motif inopérant que cette dernière diligence était intervenue antérieurement à la notification de la dernière ordonnance et tandis qu'il résultait ainsi de ses propres constatations que l'ensemble des diligences avaient bien été accomplies antérieurement à l'expiration du délai de péremption de deux ans, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'en évinçaient et a ainsi violé les articles 386 du code de procédure civile et R. 1452-8 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 386 du code de procédure civile et l'article R. 1452-8 du code du travail, alors en vigueur :
5. Selon le second de ces textes, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
6. Pour dire l'instance périmée et constater son extinction, l'arrêt retient que la salariée a transmis ses conclusions le 29 septembre 2015 sans justifier de leur communication à la partie adverse. Il relève que si le conseil de l'employeur a admis dans une lettre du 16 septembre 2015 avoir reçu les conclusions adverses, l'envoi par la salariée de ses écritures à la partie adverse, antérieurement à la notification de l'ordonnance de radiation du 16 septembre 2015 fixant cette diligence, est sans effet sur le délai de péremption. Il ajoute qu'il n'est pas contesté que la salariée n'a pas adressé ses conclusions à son adversaire dans le délai de deux ans après la notification de cette ordonnance.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'ensemble des diligences mises à la charge de la salariée avaient été accomplies antérieurement à l'expiration du délai de péremption de deux ans, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire est les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Limpa nettoyages aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Limpa nettoyages à payer à la SCP Lesourd la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour Mme W....
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que l'instance était périmée et constaté sa péremption ;
AUX MOTIFS QUE « l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, prévoit : « en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction » ; que l'instance est éteinte par l'effet de la péremption lorsque le demandeur n'a accompli qu'une des deux diligences qui avaient été mises à sa charge par une ordonnance de radiation, dans le délai de deux ans suivant la notification de cette ordonnance ; que l'ordonnance de radiation du 16 septembre 2015 a : « dit que les parties ne pourront procéder à la réinscription de l'affaire sur justification de l'exécution des diligences suivantes : - dépôt des demandes au soutien de l'appel de la décision critiquée, - justification de la notification à l'adversaire des demandes ainsi présentées, dit qu'en application des dispositions prévues par l'article 386 du nouveau code de procédure civile, l'instance sera périmée si aucune des parties n'accomplit de diligences dans les deux ans, dit que la notification de la présente décision ordonnant le retrait de l'affaire du rôle de la cour fait courir le délai de péremption au regard des diligences incombant aux parties pour obtenir la réinscription de l'affaire au rôle » ; qu'elle a été notifiée le 17 septembre 2015 ; que Mme P..., par courrier du 29 septembre 2015, a transmis « ses conclusions ampliatives » et demandé la réinscription de l'affaire au rôle, sans justifier de leur communication à la partie adverse ; que, quant bien même le conseil de la SAS Limpa Nettoyages, dans un courrier du 16 septembre 2015, a admis avoir reçu les conclusions adverses, dès lors que cet envoi est antérieur à la notification de l'ordonnance de radiation, il est sans effet sur le délai de péremption ; que le conseil de Mme P... a été avisé, par courrier du 29 septembre 2016, que l'audience se tiendrait le 20 septembre 2017 et qu'il recevrait une convocation dans les 8 mois ; que la convocation lui a été envoyée le 14 décembre 2016 ; qu'il est donc mal fondé de se prévaloir d'une erreur du greffe et de ce qu'il n'aurait été avisé de la date d'audience que par courrier de l'avocat adverse du 19 septembre 2017 ; qu'en tout état de cause, peu important les délais de convocation, Mme P... disposait d'un délai de deux ans après notification de l'ordonnance de radiation pour transmettre ses conclusions à son contradicteur et qu'elle ne discute pas que, le 19 septembre 2017, après l'expiration du délai de péremption, elle ne l'avait pas fait » ;
ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, qu'en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que si l'expiration de ce délai constitue bien une date butoir, les parties peuvent valablement accomplir lesdites diligences avant qu'il n'ait commencé à courir ; que, par des ordonnances successives, dont la dernière en date du 16 septembre 2015 et notifiée le lendemain, les parties se sont vues imposer deux types de diligences à peine de péremption consistant au dépôt au greffe de leurs demandes et à leur communication à leur adversaire ; que la cour d'appel a constaté que la salariée avait bien communiqué ses demandes au greffe le 29 septembre 2015 (arrêt, p. 3, § 9) ; qu'en considérant que cette diligence, combinée à leur communication préalable à l'employeur, n'avait pas fait obstacle à la péremption de l'instance, au motif inopérant que cette dernière diligence était intervenue antérieurement à la notification de la dernière ordonnance et tandis qu'il résultait ainsi de ses propres constatations que l'ensemble des diligences avaient bien été accomplies antérieurement à l'expiration du délai de péremption de deux ans, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'en évinçaient et a ainsi violé les articles 386 du code de procédure civile et R. 1452-8 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.