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05/02/2020 | FRANCE | N°18-26184

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 février 2020, 18-26184


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 février 2020

Cassation sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 119 F-D

Pourvoi n° G 18-26.184

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 FÉVRIER 2020

M. J... U..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n°

G 18-26.184 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 février 2020

Cassation sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 119 F-D

Pourvoi n° G 18-26.184

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 FÉVRIER 2020

M. J... U..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° G 18-26.184 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Compagnie générale de location d'équipement, société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ à Mme Y... H..., domiciliée [...] ,

défenderesses à la cassation.

La société Compagnie générale de location d'équipement a formé un pourvoi éventuel contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. U..., de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Compagnie générale de location d'équipement, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 18 septembre 2018), par acte sous seing privé du 12 mars 2008, la société Compagnie générale de location d'équipements (le bailleur) a consenti à M. U... (le locataire) et à Mme H... un contrat de location avec option d'achat portant sur un catamaran [...] 441 construit par la société [...] (le vendeur), livré au locataire le 4 juin 2009.

2. Par actes des 22 juillet et 24 septembre 2013, soutenant que le bateau ne disposait pas de certificat de conformité régulier, le locataire a assigné en nullité du contrat de location pour absence d'objet, Mme H... et le bailleur. Celui-ci a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation du contrat de location avec option d'achat, alors « que le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils ont été fixés par les conclusions des parties ; que, dans ses conclusions d'appel n° 3, le locataire sollicitait la confirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grenoble le 23 mai 2016 en ce qu'il avait annulé pour défaut d'objet le contrat de location avec option d'achat du voilier catamaran [...] 441 conclu le 12 mars 2018 entre le bailleur, d'une part, le locataire et Mme H..., d'autre part ; que le demandeur faisait, en effet, expressément valoir que l'absence de certificat de conformité de ce voilier, sans lequel ce bateau ne pouvait être francisé, naviguer, être assuré ou vendu, privait d'objet le contrat de location avec option d'achat de sorte que ce contrat était frappé de nullité ; qu'en affirmant que le locataire agissait à l'encontre du bailleur sur le fondement du manquement à l'obligation de délivrance, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :

4. Pour rejeter la demande de nullité du contrat de location avec option d'achat formée par le locataire, l'arrêt retient que l'action est fondée sur un manquement à l'obligation de délivrance et qu'aux termes du contrat, celle-ci pèse sur le seul vendeur.

5. En statuant ainsi, alors que le locataire sollicitait exclusivement la nullité du contrat de location avec option d'achat pour défaut d'objet, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen unique du pourvoi incident

Enoncé du moyen

6. Le bailleur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action en nullité du contrat de location avec option d'achat, alors « que la nullité d'un acte pour défaut d'objet, laquelle ne tend qu'à la protection des intérêts privés des parties, relève du régime des nullités relatives ; que, sous l'empire de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, le point de départ du délai de prescription d'une action en nullité d'un contrat pour défaut d'objet se situait au jour de l'acte ; que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile n'a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'acte argué de nullité pour défaut d'objet avait été conclu le 12 mars 2008 et que l'action en nullité de cet acte avait été introduite le 22 juillet 2013 ; qu'il résultait de ces constatations que l'action en nullité du contrat du 12 mars 2008, introduite au-delà du délai quinquennal de la prescription extinctive ayant commencé à courir le 22 juillet 2013, était prescrite ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 :

7. Il résulte de ce texte que le point de départ du délai de prescription d'une action en nullité d'un contrat pour défaut d'objet, laquelle ne tend qu'à la protection des intérêts privés des parties et relève du régime des nullités relatives, se situe au jour de l'acte.

8. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité, l'arrêt retient que le délai court à compter du jour où le locataire a été en mesure de connaître l'irrégularité du certificat de conformité du voilier, soit le 2 juin 2009, date d'établissement de la déclaration écrite de conformité.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. L'application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile est suggérée par le bailleur.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

12. Le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action en nullité du contrat de location avec option d'achat pour défaut d'objet introduite par le locataire se situe au 12 mars 2008, date de la conclusion du contrat. L'action ayant été introduite le 22 juillet 2013, elle est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE l'action en nullité du contrat de location avec option d'achat introduite par M. U... irrecevable comme prescrite ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. U...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. J... U... de sa demande d'annulation du contrat de location avec option d'achat, en date du 12 mars 2008, d'un voilier catamaran de marque [...] et de type 441, d'une valeur de 403 000 € HT, pour une durée de 15 ans.

AUX MOTIFS QUE sur la demande de nullité du contrat souscrit le 12 mars 2008, J... U... agit à l'encontre de la CGLE sur le fondement du manquement à l'obligation de délivrance ; qu'or il ressort des articles D et 8 du contrat de location avec option d'achat que l'obligation de délivrance du bailleur est exécuté par le vendeur sous le contrôle du locataire, et que les obligations du bailleur sont limitées au paiement du prix au seul vu du procès-verbal de livraison-réception signé par le vendeur et le locataire ; que le procès-verbal de livraison-réception du voilier a été signé le 4 juin 2009 par J... U... agissant en son nom personnel et comme mandataire de Cgmer, bailleur, ainsi que par le fournisseur, Dean Catamarans ; que dès lors que l'obligation de délivrance pèse sur le seul fournisseur, J... U... n'est pas fondé en sa demande formée à l'encontre du bailleur et le jugement sera donc infirmé.

1) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils ont été fixés par les conclusions des parties ; que, dans ses conclusions d'appel n° 3 (p.33), M. U... sollicitait la confirmation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grenoble le 23 mai 2016 en ce qu'il avait annulé pour défaut d'objet le contrat de location avec option d'achat du voilier catamaran [...] 441 conclu le 12 mars 2018 entre la Sa Cgle, d'une part, M. U... et Mme H..., d'autre part ; que l'exposant faisait, en effet, expressément valoir (conclusions précitées p.7) que l'absence de certificat de conformité de ce voilier, sans lequel ce bateau ne pouvait être francisé, naviguer, être assuré ou vendu, privait d'objet le contrat de location avec option d'achat de sorte que ce contrat était frappé de nullité ; qu'en affirmant que M. U... agissait à l'encontre de la Cgle sur le fondement du manquement à l'obligation de délivrance, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.

2) ALORS en tout état de cause QUE dans le cas d'un contrat de location avec option d'achat d'un voilier, l'irrégularité du certificat de conformité de ce voilier nécessaire à la régularité de son acte de francisation, sans lequel il ne peut naviguer ni être assuré ni vendu, se rapporte à l'objet même du contrat et non à l'obligation de délivrance du bailleur et, affectant donc une condition de validité de la formation du contrat, entraîne sa nullité ; qu'en l'espèce, M. U... faisait valoir que l'irrégularité du certificat de conformité du voilier de marque [...] et de type 441 privait d'objet le contrat de location avec option d'achat conclu le 12 mars 2018 et entraînait donc sa nullité ; qu'en estimant que sa demande était fondée sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance et en lui opposant en conséquence, pour le débouter de sa demande d'annulation du contrat, les clauses D et 8 dudit contrat relatives à l'obligation de délivrance du bailleur, la cour d'appel, qui a appliqué ces clauses à une situation qui s'analysait en une absence d'objet du contrat et qu'elles n'avaient donc pas vocation à régir, a violé les articles 1108 et 1126 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie générale de location d'équipement

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action en nullité du contrat de location avec option d'achat du 12 mars 2008 formée par M. U... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'action en nullité du contrat conclu le 12 mars 2008 est soumise au délai de prescription de cinq ans ; qu'ainsi que l'a retenu le tribunal, ce délai court à compter du jour où les consorts U... H... ont été en mesure de connaître l'irrégularité du certificat de conformité du voilier, soit le 2 juin 2009, date d'établissement de la déclaration écrite de conformité ; que l'action introduite le 22 juillet 2013 est donc recevable ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le délai de prescription court à compter de la date à laquelle M. J... U... et Mme Y... H... ont été mis en mesure d'avoir connaissance de l'irrégularité de la déclaration écrite de conformité faisant référence au certificat l'examen concernant un autre type de voilier, soit à compter de la date d'établissement de cette DEC, le 2 juin 2009 ; que l'assignation ayant été délivrée le 22 juillet 2013, la société CGLE sera déboutée de sa fin de non-recevoir :

ALORS QUE la nullité d'un acte pour défaut d'objet, laquelle ne tend qu'à la protection des intérêts privés des parties, relève du régime des nullités relatives ; que sous l'empire de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, le point de départ du délai de prescription d'une action en nullité d'un contrat pour défaut d'objet se situait au jour de l'acte ; que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile n'a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commandé à courir antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'en l'espèce la cour d'appel a relevé que l'acte argué de nullité pour défaut d'objet avait été conclu le 12 mars 2008 et que l'action en nullité de cet acte avait été introduite le 22 juillet 2013 ; qu'il résultait de ces constatations que l'action en nullité du contrat du 12 mars 2008, introduite au-delà du délai quinquennal de la prescription extinctive ayant commencé à courir le 22 juillet 2013, était prescrite ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-26184
Date de la décision : 05/02/2020
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 18 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 fév. 2020, pourvoi n°18-26184


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Marc Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.26184
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