LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 janvier 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 48 F-D
Pourvoi n° D 19-10.038
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2020
1°/ la société Archi 3A, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ la société G5 construction, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société 3A réalisation,
3°/ la société Mutuelle des architectes français, dont le siège est [...] ,
ont formé le pourvoi n° D 19-10.038 contre l'arrêt rendu le 9 octobre 2018 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Colas Sud Ouest, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
2°/ à la société Logistique ussacoise, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
3°/ à la société QBE insurance limited, dont le siège est [...] ,
défenderesses à la cassation.
La société Colas Sud Ouest a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pronier, conseiller, les observations de la SCP Boulloche, avocat des sociétés G5 construction et Mutuelle des architectes français, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Logistique ussacoise, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Colas Sud Ouest, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2019 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Pronier, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Donne acte à la société Archi 3A du désistement de son pourvoi et à la société G5 construction et à la société Mutuelle des architectes français (la MAF) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société QBE insurance limited ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis, ci-après annexés :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 9 octobre 2018), que la société Logistique ussacoise a confié à la société Archi 3A, aux droits de laquelle est venue la société 3A réalisation, puis la société G5 construction, la maîtrise d'oeuvre d'un chantier de construction d'une base logistique de transports routiers comprenant des bâtiments à usage de bureaux, des entrepôts et des abords extérieurs aménagés ; que la société SCREG Ouest, aux droits de laquelle vient la société Colas Sud Ouest, a été chargée du terrassement et des voiries ; que les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 23 juin 2008 ; que, se plaignant de désordres, la société Logistique ussacoise a, après expertise, assigné la société SCREG et les sociétés 3A réalisation et Archi 3A en indemnisation de ses préjudices, puis, après une expertise complémentaire, a appelé à l'instance la MAF ;
Attendu que la société G5 construction, la MAF et la société Colas Sud Ouest font grief à l'arrêt de condamner la société Colas Sud Ouest à payer la somme de 1 063 281 euros au titre des malfaçons affectant les parkings et de condamner la société G5 construction à la garantir dans la limite de 50 % ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les désordres affectant les parkings, constatés par les experts, qui s'étaient révélés après la réception, étaient de nature à porter atteinte à la destination de l'ouvrage, la cour d'appel, qui a retenu que la société Logistique ussacoise était fondée à prétendre à la reprise intégrale des parkings, cette solution étant la seule à assurer une remise en état pérenne de l'ouvrage, a, abstraction faite d'un motif erroné, mais surabondant, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société G5 construction, la MAF et la société Colas Sud Ouest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés G5 construction, MAF et Colas Sud Ouest et condamne les sociétés G5 construction et Colas Sud Ouest à payer à la société Logistique ussacoise la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour les sociétés G5 construction, venant aux droits de 3A réalisation, et Mutuelle des architectes français (MAF)
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société G5 Construction à garantir la société Colas de sa condamnation à payer à la société Logistique Ussacoise la somme de 1 063 281 € HT dans la limite de 50 %, soit la somme de 531 640,50 € HT ;
Aux motifs que sur « les défauts affectant les parkings et l'altimétrie des regards en fonte sur les espaces verts.
L'architecte maître d'oeuvre a négligé de faire procéder à une étude de sol préalable qui aurait permis :
- De mettre en évidence la mauvaise tenue du sous-sol qualifié de marécageux selon le rapport de l'économiste de la construction, M. W..., qui avait été consulté dans le cadre du projet initial.
- De mettre en oeuvre des solutions appropriées pour éviter un tassement excessif du sol ;
Que l'architecte a, en outre manqué à sa mission de surveillance du chantier qui aurait permis de déceler les défauts d'exécution imputables à la Screg.
Attendu que l'expertise judiciaire fait état de fautes d'exécution imputables à la Screg, à savoir :
- Défaut de compactage du sol
- Non-respect des préconisations de l'économiste de la construction, notamment dans le choix des matériaux
- Réalisation de sous-couches non conformes ne permettant pas de supporter les charges prévues.
- Attendu qu'en l'état de ces fautes, la société G5, venant aux droits de la société 3A Réalisation, devra garantir la Screg à concurrence de 50 % de l'indemnisation de 1 063 281 euros HT, soit la somme de 531 640,50 euros HT » (arrêt p. 6) ;
Et aux motifs, adoptés du jugement, que « la SARL de Logistique Ussacoise sollicite la condamnation in solidum de la SAS G5 Construction et de la société anonyme Colas Sud-Ouest sur le fondement de l'article 1792 du code civil, à la remise en état intégrale des parkings et de la voirie, soit au paiement de la somme de 1 063 281 € HT au titre des travaux de remise en état des parkings selon l'estimation de son expert.
Les désordres et malfaçons :
Les constatations expertales :
Les désordres relevés par l'expert judiciaire Y... le 1er octobre 2015 lors de sa première visite sont les suivants :
- Un tampon en fonte sur voirie s'est affaissé devant le parking VL Sud-Ouest,
- Un raccord périphérique en béton autour d'un regard en fonte est fissuré au Sud du parking devant le bâtiment,
- Les tampons en fonte de ces deux regards ne sont pas adaptés au type de trafic,
- Un raccord périphérique en béton autour d'un avaloir en fonte est dégradé au niveau de l'entrée,
- Deux flashes au niveau du parking VL sud est et sud-ouest
- Quatre nids de poule au niveau de l'entrée du parking, ainsi qu'au milieu de la partie sur du parking devant le bâtiment,
- Plusieurs zones de faïençage : au niveau de l'entrée, au sud et au nord du parking devant le bâtiment, devant la voirie qui mène à la station de relevage,
- 7 fissures longitudinales,
- Plusieurs orniérages à petit rayon sur le parking sud devant et à l'arrière du bâtiment
- Une zone de la couche de roulement est ségrégée au nord du parking devant le bâtiment.
L'origine des désordres (rapport Y..., page 14) :
L'expert judiciaire attribue ces désordres aux causes suivantes :
- L'affaissement du tampon fonte a pour origine un affaissement du sol sur lequel se fonde le regard support du tampon ;
- Les fissurations et la dégradation des raccords périphériques en béton autour du regard et d'un avaloir en fonte sont causées par une absence de compactage des sols sur lesquels se fondent ces raccords ;
- Les tampons des deux regards correspondent à la classe C205 destinée aux aires de stationnement de véhicules légers, aux trottoirs ou aux zones piétonnes et non à des véhicules lourds ;
- Les flashes sont dus à une mauvaise gestion des pentes d'écoulement des bordures ;
- Les nids-de-poule, les faïençages et les fissures longitudinales ont pour origine une déformation des couches de matériaux sous la chaussée :
* Les fissures longitudinales ont pour origine des sollicitations en flexion alternée de la couverture bitumineuse entraînant une dégradation par partie. Ces sollicitations en flexion alternées ont pour origine une déformation des couches supportant cette couche de roulement ;
* Les faïençages sont dus à une extension des fissures des couches support dans la couche de roulement ;
* Les nids-de-poule sont dus à des départs de matériaux de la couche de roulement sous l'action conjuguée d'infiltrations d'eau et d'un faïençage ;
- Des orniérages à petit rayon sont dus à une déformation de la chaussée (couches de roulement) ;
- La ségrégation au niveau de la couche de roulement peut avoir deux origines ;
* L'enrobé est arrivé trop refroidi sur le chantier ;
* Le réglage n'a pas été bien réalisé laissant en surface des granulats mal accrochés.
Impact des désordres sur l'ouvrage :
L'expert Y... indique (page 15) que l'affaissement du tampon en fonte perturbe la circulation des véhicules, que les fissurations et la dégradation des raccords périphériques en béton des regards et d'un avaloir vont croître avec l'accumulation du trafic formant ainsi des nids-de-poule qui vont à terme restreindre les zones de circulation des véhicules, que l'inadéquation des deux tampons des deux regards entraîne un risque de rupture de ces derniers qui entraînera une destruction des zones de circulation des véhicules, que les flaches entraînent une stagnation des eaux, une accumulation de débris d'origine végétale, que les nids-de-poule restreignent les zones de circulation, qu'ils vont croître avec l'accumulation du trafic ainsi que les faïençages qui vont s'accroître avec l'accumulation du trafic en gravité et en étendue, l'eau va s'infiltrer plus facilement et provoquera des départs de matériaux formant ainsi de nouveaux nids-de-poule, qui vont à terme restreindre les zones de circulation sur le site. Il précise également que les fissures longitudinales ont évolué vers le faïençage, qui va à moyen terme également restreindre les zones de circulation sur site, les orniérages à petit rayon perturbent la circulation, quant à la ségrégation au niveau de la couche de roulement, elle fragilise ces dernières et provoquera à moyen terme le départ de matériaux formant ainsi également des nids-de-poule qui vont restreindre les zones de circulation sur site.
L'expert judiciaire souligne que non seulement le compactage n'a pas été réalisé que c'est la source de l'affaissement su sol mais encore que les désordres de nids-de-poule, faïençage, fissures du parking étaient dus à une déformation des couches de matériaux sous la chaussée, et qu'il était nécessaire de vérifier la composition et la dimension de ces dernières à partir du rapport d'essai du laboratoire LRM réalisé à l'initiative du maître de l'ouvrage.
L'expert judiciaire conclut que les couches en sous-sol ne permettent pas de répondre aux exigences de portance que l'ouvrage devait supporter et il indique que si les affaissements ne sont pas généralisés, il note leur aggravation ou évolution constante et surtout indique pour ce qui concerne les zones d'orniérages, nids-de-poule, faïençage, fissures longitudinales, qu'elles sont apparues après la réception des travaux. Il relève l'affaissement du terrain qui a causé le dépassement de plus de 10 cm au-dessus du sol de deux regards en font, ces désordres naissant de non-conformités du sous-oeuvre et perturbent la circulation des véhicules, l'ouvrage devant permettre la circulation de poids-lourds. Il conclut que l'atteinte à la destination de l'ouvrage est acquise.
Sur la remise en état de l'ouvrage selon M. Y... :
L'expert judiciaire M. Y... en page 20 de son rapport, précise que le regard du tampon en fonte affaissé soit être enlevé le sol de fondation doit être traité et ce regard remplacé par un tampon conforme. Le tampon en fonte non conforme restant soit être remplacé et le raccord en béton doit être refait à cette occasion. Le raccord en béton dégradé au niveau de l'avaloir en fonte doit être détruit, le sol de fondation doit pet retraité et le raccord reconstitué. Concernant les flaches, il préconise la création de deux avaloirs supplémentaires. Concernant les nids-de-poule, faïençages, fissures longitudinales, les zones où sont apparus ces désordres correspondent aux zones de portance les plus faibles, il préconise de purger ces zones de voiries et de reconstituer une structure conforme aux règles de l'art. Concernant les zones d'orniérages et de ségrégation, il prévoit de refaire la couche de roulement. L'expert judiciaire chiffre à la somme de 367 166,64 € HT l'ensemble de ces travaux.
Il conclut son rapport en précisant qu'une partie importante de l'ouvrage ayant été réalisée de façon non conforme, il est envisageable que de nouveaux désordres apparaissent dans l'avenir.
Sur la date d'apparition des désordres et malfaçons relevés par M. Y... :
La société anonyme Colas Sud-Ouest, s'appuyant sur le rapport d'expertise de M. Y..., soutient que certains désordres seraient antérieurs à la réception des travaux intervenue le 12 juin 2008, qu'ils étaient apparents à la réception, qu'ils n'ont pas fait l'objet de réserves et sont donc couverts par la réception intervenue le 23 juin 2008.
Il sera relevé que l'expert judiciaire G..., désigné par une ordonnance du 26 octobre 2009, à la demande de la SARL de Logistique Ussacoise, notamment pour vérifier la réalité de désordres relatifs à la réalisation des parkings, a mentionné dans son rapport du 15 juin 2010, l'existence des défauts et malfaçons suivantes :
- Le parking côté gauche de l'entrée comporte un point bas-côté voie d'accès une forme de V pour l'écoulement superficiel des eaux de pluies,
- Le parking côté droit de l'entrée comporte un point bas côté intérieur de la propriété une forme de V pour l'écoulement superficiel des eaux de pluies,
- Sur la dégradation des parkings :
* La dégradation de voiries entre l'accès et les quais côté gauche en façade avant du bâtiment relèvent de la responsabilité de la société Screg ; son estimation pour la réfection du revêtement était de 200 m² x 25 €, soit 5 000 € HT ;
* La dégradation de la voirie côté arrière est liée à l'utilisation de la surface sur laquelle il n'a été réalisé qu'une prestation de finition provisoire. Il précise que ces désordres ne relèvent pas de la responsabilité de l'architecte (rapport page 17).
M. G... avait relevé la mauvaise qualité des enrobés (couches de surface des parkings) imputant cette malfaçon à un défaut de réalisation (page 14).
L'expert G... avait noté également que ces dommages étaient susceptibles d'aggravation.
La SARL de Logistique Ussacoise souligne que, par suite du temps et d'investigation plus poussées, il est apparu que les dégradations ont, en réalité, pour cause des malfaçons en profondeur consistant dans des défauts de conception et d'exécution rendant l'ouvrage impropre à sa destination.
Il est incontestable que les malfaçons relevées par l'expert G... étaient très limitées et sans commune mesure avec celles constatées par l'expert Y.... Il ne peut être contesté que les dégradations des parkings et de la voirie se sont révélées après réception dans toute leur ampleur.
Il ne peut dans ces conditions être sérieusement prétendu, par la société anonyme Colas que les désordres constatés par l'expert Y... étaient apparents à la réception et seraient couverts par celle-ci, faute de réserves formulées par le maître d'ouvrage le 23 juin 2008.
Sur la demande de reprise intégrale de la voirie et des parkings présentée par la SARL de Logistique Ussacoise :
La SARL de Logistique Ussacoise sollicite la reprise complète des parkings, exposant que l'expert Y... a chiffré le coût de la réfection de la voirie à la somme de 329 000 € hors taxes, que les surfaces prises en compte pour réaliser ce chiffrage sont insuffisantes, qu'elle n'entend pas contester le chiffrage unitaire de l'expert Y... mais conteste uniquement l'étendue nécessaire des travaux de réfection qu'il a retenue, l'expert ayant limité les travaux de reprise aux seules zones dégradées alors que c'est l'ensemble des parkings et de la voirie qui doit être repris.
Il est constant que les causes des malfaçons affectant les parkings et la voirie ont pour origine incontestable, le sous-oeuvre selon l'expert Y....
La SA Colas Sud-Ouest ne formule aucune critique sérieuse aux conclusions expertales concernant l'origine des désordres.
Pour émettre ses conclusions, M. Y... a, notamment en sa possession les documents suivants :
- le rapport d'un économiste de la construction, M. W..., dont le rapport a été commandé par l'architecte (SARL Archi 3A) dans le cadre du projet initial, pour renseigner la société Screg afin qu'elle puisse bâtir ses propositions financières, le terrain d'accueil étant marécageux et de nombreux travaux d'assainissement étant nécessaires avant d'ouvrir le chantier proprement dit.
M. W... avait préconisé sous la sous-couche d'enrobé, un matelas de réparation sur colonne de 0,85 ml de hauteur en matériaux rocheux sains et insensibles à l'eau ;
- une diagraphie de forage du sous-oeuvre effectuée à la demande de la SARL de Logistique Ussacoise, dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire de M. Y... consistant en des carottages réalisés sur la parcelle de la SARL de Logistique Ussacoise, au niveau de l'entrée et des quais de chargement, au niveau de la zone de lavage, du parking, de la voirie.
- le rapport d'analyse des matériaux du sous-sol ainsi prélevés, effectué par le laboratoire LRM à la demande du maître de l'ouvrage, qui a révélé que la société Screg n'a pas suivi les préconisations de l'économiste de la construction, les couches étant inférieures à 0,85 ml dont une qui ne fait que 0,30 ml. L'analyse effectuée par le laboratoire LRM a révélé également qu'à la place de matériaux rocheux et sains, insensibles à l'eau, la mise en place d'une couche de concassé schisteux, de schiste altéré, très sensible à l'eau par remontée capillaire, alors que M. W... avait préconisé des remblais en matériaux chimiquement neutres inexistants.
Il est donc établi par cette analyse retenue par l'expert judiciaire, la présence en sous-oeuvre de matériaux non conformes aux préconisations de l'économiste de la construction et à ceux prévus au marché de la société Screg.
Ces sous-couches, non conformes, ne supportent pas les poids pour lesquels elles sont censées être prévues.
Ces malfaçons relevées par l'expert judiciaire résultent de non-conformités du sous-oeuvre qui perturbent la circulation des véhicules, étant rappelé que l'objet de l'ouvrage est de permettre la circulation d'engins lourds ; de ce fait, elles portent atteinte à la destination de l'ouvrage.
Leur reprise en sous-sol ne peut être limitée aux seuls endroits où le désordre en surface s'est révélé, comme le prévoit l'expert Y... dans son rapport dès lors que la remise en état doit s'avérer pérenne compte tenu du caractère évolutif des dégradations et du caractère généralisé du défaut de conformité des sous-couches.
Les carottages ont révélé le défaut de conformité des sous-couches en plusieurs endroits ; de toute évidence c'est sur l'ensemble des parkings et de la voirie qu'existe ce défaut de conformité, le manque d'épaisseur des matériaux et leur non-conformité se retrouvant sur l'ensemble de la surface des parkings et pas seulement au niveau des points de carottage. S'agissant du sous-oeuvre, c'est manifestement sur l'ensemble de la surface que la société Screg s'est abstenue de respecter les préconisations qui lui avaient été demandées par l'architecte, au stade de l'appel d'offres.
La reprise en sous-sol va engendrer nécessairement une destruction de l'ensemble des surfaces et de leur reprise.
La SARL de Logistique Ussacoise est fondée à solliciter la reprise intégrale des parkings dès lors qu'elle est en droit de demander une remise en état pérenne et complète de l'ouvrage.
Il est donc établi que l'ouvrage a été réalisé sans tenir compte des préconisations de l'économiste de la construction et en contradiction avec le marché conclu avec la société Screg qui avait repris les préconisations de M. W....
La SA Screg devait, dans l'exécution de travaux se conformer aux préconisations techniques figurant dans ce document, reprises dans son marché. Le fait pour la société Screg de ne pas avoir respecté les préconisations de l'économiste de la construction constitue une faute contractuelle d'exécution engageant sa responsabilité décennale.
Le défaut de surveillance et de contrôle, par le maître d'oeuvre, des travaux de parking et de voirie effectués par Screg ont concouru à la réalisation du dommage. en effet, même s'il ne peut être exigé de l'architecte, une présence constante sur le chantier pendant toutes les étapes de réalisation, il lui incombe au regard de sa mission de contrôle, de direction et de surveillance des travaux, de s'assurer par des visites périodiques, que les prescriptions posées par l'économiste de la construction demandées à la société Screg et reprises par celle-ci dans le marché signé avec le maître d'ouvrage, ont été mises en oeuvre par celle-ci.
Au regard de la clause exclusive de responsabilité figurant dans le contrat d'architecte, rappelée ci-dessus, la responsabilité de l'entreprise Colas venant aux droits de la société Screg sera fixée à concurrence de 70 %, la responsabilité de la société SAS G5 Construction venant aux droits de la SAS 3A Réalisation (elle-même anciennement SARL Archi 3A) sera fixée à 30 %.
En conséquence, la société anonyme Colas Sud-Ouest sera condamnée à payer à la SARL de Logistique Ussacoise la somme de 744 296,70 € HT, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, au titre de 70 % des travaux de reprise des parkings et de la voirie et la SAS 3A Réalisation sera condamnée à payer la somme de 318 984,30 € HT sur le même fondement, représentant 30 % du coût des travaux de reprise » (jug. p. 20 à 25) ;
Alors que pour être indemnisable, le préjudice doit être actuel et certain ; que si des désordres évolutifs affectant un ouvrage peuvent être réparés sur le fondement de la garantie décennale, encore faut-il que le maître d'ouvrage justifie de l'existence de désordres successifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a confirmé un jugement qui avait évalué les travaux de reprise des défauts affectant parkings et voirie à la somme de 1.063.281 € HT correspondant à une reprise intégrale, après avoir retenu le caractère évolutif des dégradations ; que pourtant, l'expert judiciaire M. Y... avait évalué les travaux de reprise des désordres à la somme de 367.166,64 € HT correspondant à une reprise des seuls désordres survenus (cf jug. p. 22 § 2)
et précisé qu'il était « envisageable que de nouveaux désordres apparaissent dans l'avenir » (jug. p. 22 § 3) ; qu'en décidant ainsi, pour ordonner une reprise intégrale, que les désordres affectant les parkings et la voirie étaient évolutifs, sans avoir constaté l'apparition de nouveaux désordres à la suite de ceux survenus initialement qui ont fait l'objet de l'expertise judiciaire, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1792 du Code civil.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP L. Poulet-Odent, avocat aux Conseils, pour la société Colas Sud Ouest
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Colas Sud-Ouest à payer à la Société de Logistique Ussacoise la somme de 1 063 281 euros hors taxes au titre des malfaçons affectant les parkings et la voirie, la société G5 Construction devant la relever indemne de cette condamnation dans la limite de 50 %, soit la somme de 531 640,50 euros hors taxes ;
AUX MOTIFS, PROPRES, QUE sur les défauts affectant les parkings et l'altimétrie des regards en fonte sur les espaces verts ; que, dans son rapport du 15 juin 2010, M. G..., expert judiciaire, a constaté la dégradation des parkings réalisés par la SCREG en expliquant que ce désordre, qui trouve son origine dans la mauvaise qualité des produits utilisés et leur mauvaise mise en oeuvre, n'était pas apparent à la date de la réception ; que cet expert a relevé (rapport p. 14) que cette dégradation était susceptible d'aggravation compte tenu des contraintes d'utilisation liées à la circulation importante de poids lourds ; que M. Y..., expert judiciaire, a constaté dans son rapport du 14 mars 2016 : - la non conformité du niveau des regards en fonte, - l'affaissement de tampons qui restreint la circulation des véhicules, - des fissurations des raccords béton, l'apparition d'une dégradation de la couche de roulement du bitume (nids de poule, ornières, flaques d'eau) réalisée de manière non conforme aux règles de l'art ; que ces désordres, qui se sont révélés après la réception et qui sont susceptibles d'aggravations, sont de nature à porter atteinte à la destination de l'ouvrage; qu'ils relèvent de la garantie décennale de la SCREG ; que le tribunal de grande instance a exactement retenu que, compte tenu du caractère évolutif de ces désordres sur des zones de circulation soumises aux contraintes liées à la circulation de véhicules poids-lourds, leur reprise ne pouvait se limiter aux seuls endroits sur lesquels l'expert a constaté les dégradations et que le maître de l'ouvrage, fondé à obtenir réparation de son entier préjudice, était fondé à prétendre à la reprise intégrale des parkings, cette solution étant la seule à assurer une remise en état pérenne de l'ouvrage; que la SCREG sera condamnée à payer au maître de l'ouvrage le coût de cette reprise représentant un montant justifié de 1 063 281 euros hors taxes ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la SARL de Logistique Ussacoise sollicite la condamnation in solidum de la SAS G5 Construction et de la société anonyme Colas Sud-Ouest sur le fondement de l'article 1792 du code civil, à la remise en état intégrale des parkings et de la voirie, soit au paiement de la somme de 1 063 281 HT au titre des travaux de remise en état des parkings selon l'estimation de son expert ; que les désordres relevés par l'expert judiciaire Y... le 1er octobre 2015 lors de sa première visite sont les suivants : - un tampon en fonte sur voirie s'est affaissé devant le parking VL Sud-Ouest, - un raccord périphérique en béton autour d'un regard en fonte est fissuré au Sud du parking devant le bâtiment, - les tampons en fonte de ces deux regards ne sont pas adaptés au type de trafic, - un raccord périphérique en béton autour d'un avaloir en fonte est dégradé au niveau de l'entrée, - deux flashes au niveau du parking VL sud est et sud-ouest, - quatre nids de poule au niveau de l'entrée du parking, ainsi qu'au milieu de la partie sur du parking devant le bâtiment, - plusieurs zones de faïençage : au niveau de l'entrée, au sud et au nord du parking devant le bâtiment, devant la voirie qui mène à la station de relevage, - 7 fissures longitudinales, - plusieurs orniérages à petit rayon sur le parking sud devant et à l'arrière du bâtiment ; - une zone de la couche de roulement est ségrégée au nord du parking devant le bâtiment ; que l'expert Y... (p. 14) attribue ces désordres aux causes suivantes : - l'affaissement du tampon fonte a pour origine un affaissement du sol sur lequel se fonde le regard support du tampon, - les fissurations et la dégradation des raccords périphériques en béton autour du regard et d'un avaloir en fonte sont causées par une absence de compactage des sols sur lesquels se fondent ces raccords, - les tampons des deux regards correspondent à la classe C205 destinée aux aires de stationnement de véhicules légers, aux trottoirs ou aux zones piétonnes et non à des véhicules lourds, - les flashes sont dus à une mauvaise gestion des pentes d'écoulement des bordures, - les nids-de-poule, les faïençages et les fissures longitudinales ont pour origine une déformation des couches de matériaux sous la chaussée [* Les fissures longitudinales ont pour origine des sollicitations en flexion alternée de la couverture bitumineuse entraînant une dégradation par partie. Ces sollicitations en flexion alternées ont pour origine une déformation des couches supportant cette couche de roulement ; * Les faïençages sont dus à une extension des fissures des couches support dans la couche de roulement], les nids-de-poule sont dus à des départs de matériaux de la couche de roulement sous l'action conjuguée d'infiltrations d'eau et d'un faïençage, des orniérages à petit rayon sont dus à une déformation de la chaussée (couches de roulement), la ségrégation au niveau de la couche de roulement peut avoir deux origines [* l''enrobé est arrivé trop refroidi sur le chantier ou * le réglage n'a pas été bien réalisé laissant en surface des granulats mal accrochés] ; que, s'agissant de l'impact des désordres sur l'ouvrage, l'expert Y... indique (p. 15) que l'affaissement du tampon en fonte perturbe la circulation des véhicules, que les fissurations et la dégradation des raccords périphériques en béton des regards et d'un avaloir vont croître avec l'accumulation du trafic formant ainsi des nids-de-poule qui vont à terme restreindre les zones de circulation des véhicules, que l'inadéquation des deux tampons des deux regards entraîne un risque de rupture de ces derniers qui entraînera une destruction des zones de circulation des véhicules, que les flaches entraînent une stagnation des eaux, une accumulation de débris d'origine végétale, que les nids-de-poule restreignent les zones de circulation, qu'ils vont croître avec l'accumulation du trafic ainsi que les faïençages qui vont s 'accroître avec l'accumulation du trafic en gravité et en étendue, l'eau va s'infiltrer plus facilement et provoquera des départs de matériaux formant ainsi de nouveaux nids-de-poule, qui vont à terme restreindre les zones de circulation sur le site ; qu'il précise également que les fissures longitudinales ont évolué vers le faïençage, qui va à moyen terme également restreindre les zones de circulation sur site, les orniérages à petit rayon perturbent la circulation, quant à la ségrégation au niveau de la couche de roulement, elle fragilise ces dernières et provoquera à moyen terme le départ de matériaux formant ainsi également des nids-de-poule qui vont restreindre les zones de circulation sur site ; que l'expert judiciaire souligne que non seulement le compactage n'a pas été réalisé que c'est la source de l'affaissement du sol mais encore que les désordres de nids-de-poule, faïençage, fissures du parking étaient dus à une déformation des couches de matériaux sous la chaussée, et qu'il était nécessaire de vérifier la composition et la dimension de ces dernières à partir du rapport d'essai du laboratoire LRM réalisé à l'initiative du maître de l'ouvrage ; que l'expert judiciaire conclut que les couches en sous-sol ne permettent pas de répondre aux exigences de portance que l'ouvrage devait supporter et il indique que si les affaissements ne sont pas généralisés, il note leur aggravation ou évolution constante et surtout indique pour ce qui concerne les zones d'orniérages, nids-de-poule, faïençage, fissures longitudinales, qu'elles sont apparues après la réception des travaux ; qu'il relève l'affaissement du terrain qui a causé le dépassement de plus de 10 cm au-dessus du sol de deux regards en font, ces désordres naissant de non-conformités du sous-oeuvre et perturbent la circulation des véhicules, l'ouvrage devant permettre la circulation de poids-lourds. Il conclut que l'atteinte à la destination de l'ouvrage est acquise ; que sur la remise en état de l'ouvrage, l'expert judiciaire Y... (rapport, p. 20), précise que le regard du tampon en fonte affaissé soit être enlevé le sol de fondation doit être traité et ce regard remplacé par un tampon conforme ; que le tampon en fonte non conforme restant doit être remplacé et le raccord en béton doit être refait à cette occasion ; que le raccord en béton dégradé au niveau de l'avaloir en fonte doit être détruit, le sol de fondation doit pet retraité et le raccord reconstitué ; que, concernant les flaches, il préconise la création de deux avaloirs supplémentaires ; que, concernant les nids-de-poule, faïençages, fissures longitudinales, les zones où sont apparus ces désordres correspondent aux zones de portance les plus faibles, il préconise de purger ces zones de voiries et de reconstituer une structure conforme aux règles de l'art ; que, concernant les zones d'orniérages et de ségrégation, il prévoit de refaire la couche de roulement ; que l'expert judiciaire chiffre à la somme de 367 166,64 euros HT l'ensemble de ces travaux ; qu'il conclut son rapport en précisant qu'une partie importante de l'ouvrage ayant été réalisée de façon non conforme, il est envisageable que de nouveaux désordres apparaissent dans l'avenir ; que, sur la date d'apparition des désordres et malfaçons relevés par M. Y..., la société anonyme Colas Sud-Ouest, s'appuyant sur le rapport d'expertise de M. Y..., soutient que certains désordres seraient antérieurs à la réception des travaux intervenue le 12 juin 2008, qu'ils étaient apparents à la réception, qu'ils n'ont pas fait l'objet de réserves et sont donc couverts par la réception intervenue le 23 juin 2008 ; qu'il sera relevé que l'expert judiciaire G..., désigné par une ordonnance du 26 octobre 2009, à la demande de la SARL de Logistique Ussacoise, notamment pour vérifier la réalité de désordres relatifs à la réalisation des parkings, a mentionné dans son rapport du 15 juin 2010, l'existence des défauts et malfaçons suivantes : - le parking côté gauche de l'entrée comporte un point bas-côté voie d'accès une forme de V pour l'écoulement superficiel des eaux de pluies, - le parking côté droit de l'entrée comporte un point bas côté intérieur de la propriété une forme de V pour l'écoulement superficiel des eaux de pluies, - Sur la dégradation des parkings : * La dégradation de voiries entre l'accès et les quais côté gauche en façade avant du bâtiment relèvent de la responsabilité de la société Screg ; son estimation pour la réfection du revêtement était de 200 m² x 25 €, soit 5 000 € HT ; * La dégradation de la voirie côté arrière est liée à l'utilisation de la surface sur laquelle il n'a été réalisé qu'une prestation de finition provisoire. Il précise que ces désordres ne relèvent pas de la responsabilité de l'architecte (rapport p. 17) ; que M. G... avait relevé la mauvaise qualité des enrobés (couches de surface des parkings) imputant cette malfaçon à un défaut de réalisation (page 14) ; que l'expert G... avait noté également que ces dommages étaient susceptibles d'aggravation ; que la SARL de Logistique Ussacoise souligne que, par suite du temps et d'investigation plus poussées, il est apparu que les dégradations ont, en réalité, pour cause des malfaçons en profondeur consistant dans des défauts de conception et d'exécution rendant l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'il est incontestable que les malfaçons relevées par l'expert G... étaient très limitées et sans commune mesure avec celles constatées par l'expert Y... ; qu'il ne peut être contesté que les dégradations des parkings et de la voirie se sont révélées après réception dans toute leur ampleur ; qu'il ne peut dans ces conditions être sérieusement prétendu, par la société anonyme Colas que les désordres constatés par l'expert Y... étaient apparents à la réception et seraient couverts par celle-ci, faute de réserves formulées par le maître d'ouvrage le 23 juin 2008 ; que sur la demande de reprise intégrale de la voirie et des parkings présentée par la SARL de Logistique Ussacoise : la SARL de Logistique Ussacoise sollicite la reprise complète des parkings, exposant que l'expert Y... a chiffré le coût de la réfection de la voirie à la somme de 329 000 hors taxes, que les surfaces prises en compte pour réaliser ce chiffrage sont insuffisantes, qu'elle n'entend pas contester le chiffrage unitaire de l'expert Y... mais conteste uniquement l'étendue nécessaire des travaux de réfection qu'il a retenue, l'expert ayant limité les travaux de reprise aux seules zones dégradées alors que c'est l'ensemble des parkings et de la voirie qui doit être repris ; qu'il est constant que les causes des malfaçons affectant les parkings et la voirie ont pour origine incontestable, le sous-oeuvre selon l'expert Y... ; que la SA Colas Sud-Ouest ne formule aucune critique sérieuse aux conclusions expertales concernant l'origine des désordres ; que pour émettre ses conclusions, M. Y... a, notamment eu en sa possession les documents suivants : - le rapport d'un économiste de la construction, M. W..., dont le rapport a été commandé par l'architecte (SARL Archi 3A) dans le cadre du projet initial, pour renseigner la société Screg afin qu'elle puisse bâtir ses propositions financières, le terrain d'accueil étant marécageux et de nombreux travaux d'assainissement étant nécessaires avant d'ouvrir le chantier proprement dit ; que M. W... avait préconisé sous la sous-couche d'enrobé, un matelas de réparation sur colonne de 0,85 ml de hauteur en matériaux rocheux sains et insensibles à l'eau ; - une diagraphie de forage du sous-oeuvre effectuée à la demande de la SARL de Logistique Ussacoise, dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire de M. Y... consistant en des carottages réalisés sur la parcelle de la SARL de Logistique Ussacoise, au niveau de l'entrée et des quais de chargement, au niveau de la zone de lavage, du parking, de la voirie ; - le rapport d'analyse des matériaux du sous-sol ainsi prélevés, effectué par le laboratoire LRM à la demande du maître de l'ouvrage, qui a révélé que la société Screg n'a pas suivi les préconisations de l'économiste de la construction, les couches étant inférieures à 0,85 ml dont une qui ne fait que 0,30 ml ; que l'analyse effectuée par le laboratoire LRM a révélé également qu'à la place de matériaux rocheux et sains, insensibles à l'eau, la mise en place d'une couche de concassé schisteux, de schiste altéré, très sensible à l'eau par remontée capillaire, alors que M. W... avait préconisé des remblais en matériaux chimiquement neutres inexistants ; qu'il est donc établi par cette analyse retenue par l'expert judiciaire, la présence en sous-oeuvre de matériaux non conformes aux préconisations de l'économiste de la construction et à ceux prévus au marché de la société Screg ; que ces sous-couches, non conformes, ne supportent pas les poids pour lesquels elles sont censées être prévues ; que ces malfaçons relevées par l'expert judiciaire résultent de non-conformités du sous-oeuvre qui perturbent la circulation des véhicules, étant rappelé que l'objet de l'ouvrage est de permettre la circulation d'engins lourds ; que, de ce fait, elles portent atteinte à la destination de l'ouvrage, leur reprise en sous-sol ne peut être limitée aux seuls endroits où le désordre en surface s'est révélé, comme le prévoit l'expert Y... dans son rapport dès lors que la remise en état doit s'avérer pérenne compte tenu du caractère évolutif des dégradations et du caractère généralisé du défaut de conformité des sous-couches ; que les carottages ont révélé le défaut de conformité des sous-couches en plusieurs endroits ; de toute évidence c'est sur l'ensemble des parkings et de la voirie qu'existe ce défaut de conformité, le manque d'épaisseur des matériaux et leur non-conformité se retrouvant sur l'ensemble de la surface des parkings et pas seulement au niveau des points de carottage ; que s'agissant du sous-oeuvre, c'est manifestement sur l'ensemble de la surface que la société Screg s'est abstenue de respecter les préconisations qui lui avaient été demandées par l'architecte, au stade de l'appel d'offres ; que la reprise en sous-sol va engendrer nécessairement une destruction de l'ensemble des surfaces et de leur reprise ; que la SARL de Logistique Ussacoise est fondée à solliciter la reprise intégrale des parkings dès lors qu'elle est en droit de demander une remise en état pérenne et complète de l'ouvrage ; qu'il est donc établi que l'ouvrage a été réalisé sans tenir compte des préconisations de l'économiste de la construction et en contradiction avec le marché conclu avec la société Screg qui avait repris les préconisations de M. W... ; que la SA Screg devait, dans l'exécution de travaux se conformer aux préconisations techniques figurant dans ce document, reprises dans son marché, que le fait pour la société Screg de ne pas avoir respecté les préconisations de l'économiste de la construction constitue une faute contractuelle d'exécution engageant sa responsabilité décennale ; qu'au regard des fautes commises par l'architecte dans sa mission de contrôle, de direction et de surveillance des travaux, ainsi que de la clause exclusive de responsabilité figurant dans le contrat d'architecte, rappelée ci-dessus, la responsabilité de l'entreprise Colas venant aux droits de la société Screg sera fixée à concurrence de 70 %, la responsabilité de la société SAS G5 Construction venant aux droits de la SAS 3A Réalisation (elle-même anciennement SARL Archi 3A) sera fixée à 30 % ; qu'en conséquence, la société Colas Sud-Ouest sera condamnée à payer à la SARL de Logistique Ussacoise la somme de 744 296,70 HT, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, au titre de 70 % des travaux de reprise des parkings et de la voirie et la SAS 3A Réalisation sera condamnée à payer la somme de 318 984,30 HT sur le même fondement, représentant 30 % du coût des travaux de reprise » (jug. p. 20 à 25) ;
1° ALORS QUE le désordre évolutif est celui qui, né après l'expiration du délai décennal, trouve son siège dans l'ouvrage où un désordre de même nature a été constaté présentant le caractère de gravité requis par l'article 1792 du code civil et ayant fait l'objet d'une demande en réparation en justice pendant le délai décennal ; qu'un désordre ne peut dès lors être qualifié d'évolutif que s'il a été constaté que le désordre initial, auquel il est rattaché comme à sa cause, a compromis la solidité de l'ouvrage ou l'a rendu impropre à sa destination ; que l'exposante avait soutenu dans ses écritures (pp. 23-24) que si la société SLU affirmait que les désordres affectant le parking et la voirie rendaient ces ouvrages impropres à leur destination, cette impropriété, qui n'avait nullement été corroborée par l'expert, n'avait jamais été établie, ni à la date du dépôt du rapport de ce dernier (29 février 2016), ni à la date du jugement (9 juin 2017), ni au terme du délai décennal (23 juin 2018) ; que l'exposante avait de surcroît relevé que la société SLU n'avait jamais fait état de préjudices d'exploitation consécutifs à ce qui aurait été seulement une restriction de circulation, ni en première instance, ni devant la cour d'appel ; qu'en jugeant dès lors que les désordres apparus après la réception avaient un caractère évolutif et étaient de nature à porter atteinte à la destination de l'ouvrage, sans avoir retenu, que ce soit par motifs propres ou adoptés, aucun élément permettant de justifier que les désordres constatés pendant la période décennale, auxquels ces désordres nouveaux sont supposés se rattacher comme à leur cause, aient eux-mêmes porté atteinte à la destination de l'ouvrage, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
2° ALORS QUE pour être indemnisable, tout préjudice doit être actuel et certain ; qu'il en est ainsi du désordre « évolutif », lequel, pour pouvoir être qualifié tel, doit constituer l'aggravation d'un dommage antécédent ayant été dénoncé judiciairement à l'intérieur du délai décennal et ayant affecté le même ouvrage ; qu'ainsi, le dommage « évolutif », qui n'est pas un dommage futur, est un dommage actuel et certain trouvant la cause de son évolution dans un dommage antécédent, lui-même certain ; qu'en l'espèce, pour justifier la confirmation du jugement ayant évalué à la somme de 1 063 281 € hors taxes, à la charge de la société Colas Sud-Ouest, les travaux de reprise intégrale des désordres affectant les parkings et la voirie, la cour a retenu que ces désordres ayant un caractère évolutif, leur reprise ne pouvait se limiter aux seuls endroits sur lesquels l'expert avait constaté les dégradations ; que l'expert Y..., en effet, avait évalué les travaux de reprise des désordres effectivement survenus à la seule somme de 367 166,64 euros hors taxes, en retenant, ainsi que l'a constaté la motivation adoptée des premiers juges, qu'il était « envisageable que de nouveaux désordres apparaissent dans l'avenir » ; qu'en décidant dès lors, pour confirmer cette condamnation à une reprise intégrale, que les désordres correspondants, affectant les parkings et la voirie étaient « évolutifs », sans avoir constaté l'apparition d'aucun nouveau désordre trouvant sa cause dans les désordres constatés par l'expertise judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
3° ALORS QUE le désordre « évolutif » est un désordre actuel dont on induit le caractère évolutif par son lien certain avec un désordre antérieur qui, atteignant le même ouvrage, en constitue la cause ; qu'en l'espèce, la cour, par motifs propres et adoptés, a réputés évolutifs les désordres constatés par l'expert Y... au seul motif qu'il était envisageable qu'ils produisent de nouveaux désordres dans l'avenir et qu'ils étaient susceptibles d'aggravation ; qu'en condamnant dès lors la société Colas Sud-Ouest à payer une somme de 1 063 281 euros hors taxes correspondant pour partie à la reprise de désordres qui n'existaient pas, la cour a violé l'article 1792 du code civil ;
4° ALORS QUE le dommage « évolutif », qui n'est pas un dommage futur, est un dommage actuel et certain trouvant la cause de son évolution dans un dommage antécédent, lui-même certain, affectant le même ouvrage ; qu'en l'espèce, pour justifier, par motifs adoptés, la condamnation de la société Colas Sud-Ouest à payer à la société SLU la somme de 1 063 281 € hors taxes au titre d'une reprise intégrale des malfaçons affectant les parkings et la voirie, quand l'expert avait évalué la reprise des seuls désordres constatés à la somme de 367 166,64 euros hors taxes, la cour a retenu que les désordres affectant ces derniers étaient évolutifs ; qu'en se déterminant ainsi, après avoir pourtant constaté, par motifs adoptés, que l'apparition de nouveaux désordres était seulement « envisageable », « dans l'avenir », et par motifs propres qu'ils étaient seulement « susceptibles d'aggravation » (arrêt, p. 5, § 4), ce dont il résultait que lesdits désordres n'étaient pas « évolutifs » mais bien futurs, voire hypothétiques, la cour n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, en violation de l'article 1792 du code civil.