LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 janvier 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 134 F-P+B+I
Pourvoi n° J 18-25.012
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. L....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 27 septembre 2018.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2020
M. N... L..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 18-25.012 contre l'arrêt rendu le 1er mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. T... G..., domicilié [...] ,
2°/ à la société CDC habitat, anciennement dénommée OSICA, société anonyme, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. L..., de Me Le Prado, avocat de M. G..., de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société CDC habitat, et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brouard-Gallet, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2018), à la suite de la condamnation de la société Osica, devenue la société CDC habitat, bailleur de M. L..., à réaliser divers travaux dans le logement de ce dernier, le juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance a été saisi de diverses demandes et contestations relatives à ces travaux et au commandement délivré à cet effet par M. G..., huissier de justice, également attrait devant le juge de l'exécution par M. L....
2. M. L... a relevé appel, devant la cour d'appel de Versailles, du jugement le déboutant de ses demandes et lui ordonnant de laisser l'accès à son logement à son bailleur pour effectuer les travaux.
3. L'affaire ayant été renvoyée à la cour d'appel de Paris, en application de l'article 47 du code de procédure civile, le greffe de cette cour d'appel a invité les parties à poursuivre l'instance et à se constituer dans le délai d'un mois, à peine de radiation, laquelle a été prononcée le 4 décembre 2013, avant que l'affaire soit réinscrite au rôle le 11 décembre 2013, à la demande de la société Osica, formulée à l'occasion de sa constitution d'avocat. L'affaire a fait l'objet, le 23 décembre 2013, d'un avis de fixation à l'audience du 6 novembre 2014, avant d'être, le 23 octobre 2014, à nouveau radiée. M. L... a constitué un avocat le 13 octobre 2016 et sollicité le rétablissement de l'affaire.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, qui est recevable
Enoncé du moyen
4. M. L... fait grief à l'arrêt de constater l'extinction de l'instance d'appel par l'effet de la péremption et de rejeter toute autre demande alors « que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; qu'à compter de la fixation de la date des débats, les parties n'ont plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l'instance ; qu'en retenant l'extinction de l'instance d'appel par l'effet de la péremption, au motif qu'entre le 11 décembre 2013 et le 13 octobre 2016, date à laquelle M. L... a sollicité le rétablissement de l'affaire, plus de deux années s'étaient écoulées sans l'intervention d'aucune diligence des parties, cependant qu'à compter du 23 décembre 2013, date de l'avis de fixation de l'audience au 6 novembre 2014, le délai de péremption avait été suspendu jusqu'à la radiation de l'affaire, le 23 octobre 2014, point de départ d'un nouveau délai de deux années qui n'était pas expiré le 13 octobre 2016, la cour d'appel a violé les articles 2 et 386 du code de procédure civile ».
Réponse de la Cour
Vu les articles 2 et 386 du code de procédure civile :
5. Pour constater l'extinction de l'instance d'appel par l'effet de la péremption, l'arrêt retient qu'à compter de l'avis de fixation de l'affaire du 23 décembre 2013 et jusqu'à la déclaration du 13 octobre 2016 de l'appelant sollicitant le rétablissement de l'affaire, n'est intervenue aucune diligence des parties, qu'en effet, l'avis de fixation pour l'audience du 6 novembre 2014 a été adressé avant la clôture de l'affaire qui devait intervenir le 23 octobre 2014, de sorte qu'entre l'envoi de cet avis et la date prévue pour la clôture, les parties n'étaient pas dispensées d'accomplir des diligences interruptives de la péremption, qu'à cette date prévue pour la clôture, l'affaire a été de nouveau radiée et que ce n'est que le 13 octobre 2016 que l'appelant a constitué avocat et a sollicité le rétablissement, alors que plus de deux ans s'étaient écoulés depuis le 11 décembre 2013.
6. Or le cours du délai de péremption de l'instance est suspendu, en l'absence de possibilité pour les parties d'accomplir des diligences de nature à accélérer le déroulement de l'instance, à compter de la date de la fixation de l'affaire pour être plaidée. Lorsque l'affaire fait ultérieurement l'objet d'une radiation, un nouveau délai de deux ans commence à courir.
7. Dès lors, ayant constaté qu'un avis de fixation de l'affaire pour être plaidée avait été adressé le 23 décembre 2013 et que l'affaire avait été radiée le 23 octobre 2014, la cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. G... et la société CDC habitat aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. G... et la société CDC habitat ; les condamne in solidum à payer à la SCP Krivine et Viaud la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Krivine et Viaud, avocat aux Conseils, pour M. L...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR constaté l'extinction de l'instance d'appel par l'effet de la péremption et D'AVOIR rejeté toute autre demande ;
AUX MOTIFS QUE contrairement à ce que soutient l'appelant, la cour a clairement expliqué aux parties le moyen soulevé d'office, auquel d'ailleurs il répond à titre subsidiaire dans sa note du 26 janvier 2018 ; qu'il n'y a donc pas lieu à réouverture des débats sur ce point ; que la cour ne saurait par ailleurs statuer sur les demandes complémentaires de dommages-intérêts formées par l'appelant, aucune note en délibéré n'ayant été autorisée sur ce point ; que des pièces du dossier, il ressort que M. L... a interjeté appel par déclaration du 17 juillet 2012, par son conseil et via le Rpva, de sorte que son appel est recevable ; que sur la demande de péremption de l'instance d'appel, il est rappelé qu'en application de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences de nature à faire progresser l'instance pendant deux ans ; qu'en l'espèce, la cour a été saisie du présent appel par l'ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles du 22 octobre 2013, de sorte qu'il incombait aux parties d'effectuer les diligences nécessaires à compter de la réception de la lettre recommandée du 28 octobre 2013 les invitant à poursuivre l'instance, soit le 30 octobre 2013 pour M. L..., date à laquelle ce pli a été présenté mais non réclamé, et les 31 octobre 2013 et 4 novembre 2013, date à laquelle Maître G... et la société Osica ont respectivement signé l'accusé de réception ; que la première ordonnance de radiation du 4 décembre 2013 a été prononcée à la suite de cette lettre, au motif que les parties n'avaient pas constitué avocat ; que, par déclaration du 11 décembre 2013, la société Osica a constitué avocat et sollicité le rétablissement de l'affaire ; que cette constitution est une diligence des parties et par conséquent un nouveau délai de deux ans a commencé à courir à compter de l'accomplissement de cette formalité ; qu'à compter de l'avis de fixation de l'affaire du 23 décembre 2013 et jusqu'à la déclaration du 13 octobre 2016 de l'appelant sollicitant le rétablissement de l'affaire n'est intervenue aucune diligence des parties ; qu'en effet, l'avis de fixation pour l'audience du 6 novembre 2014 a été adressé avant la clôture de l'affaire qui devait intervenir le 23 octobre 2014, de sorte qu'entre l'envoi de cet avis et la date prévue pour la clôture, les parties n'étaient pas dispensées d'accomplir des diligences interruptives de la péremption ; qu'à cette date prévue pour la clôture, l'affaire a été de nouveau radiée et ce n'est que le 13 octobre 2016 que l'appelant a constitué avocat et a sollicité le rétablissement, alors que plus de deux ans s'étaient écoulés depuis le 11 décembre 2013 ; qu'il convient par conséquent de constater l'extinction de l'instance d'appel par l'effet de la péremption ;
1. ALORS QUE l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; qu'à compter de la fixation de la date des débats, les parties n'ont plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l'instance ; que, dès lors, en retenant l'extinction de l'instance d'appel par l'effet de la péremption, au motif notamment qu'entre l'envoi, le 23 décembre 2013, de l'avis de fixation de l'audience au 6 novembre 2014, et le 23 octobre 2014, date initiale de la clôture de l'instruction, les parties n'étaient pas dispensées d'accomplir des diligences interruptives (arrêt, p. 4, § 5), la cour d'appel a violé les articles 2 et 386 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; qu'à compter de la fixation de la date des débats, les parties n'ont plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l'instance ; qu'en retenant l'extinction de l'instance d'appel par l'effet de la péremption, au motif qu'entre le 11 décembre 2013 et le 13 octobre 2016, date à laquelle M. L... a sollicité le rétablissement de l'affaire, plus de deux années s'étaient écoulées sans l'intervention d'aucune diligence des parties, cependant qu'à compter du 23 décembre 2013, date de l'avis de fixation de l'audience au 6 novembre 2014, le délai de péremption avait été suspendu, la cour d'appel a violé les articles 2 et 386 du code de procédure civile ;
3. ALORS, subsidiairement, QUE l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; qu'à compter de la fixation de la date des débats, les parties n'ont plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l'instance ; qu'en retenant l'extinction de l'instance d'appel par l'effet de la péremption, au motif qu'entre le 11 décembre 2013 et le 13 octobre 2016, date à laquelle M. L... a sollicité le rétablissement de l'affaire, plus de deux années s'étaient écoulées sans l'intervention d'aucune diligence des parties, cependant qu'à compter du 23 décembre 2013, date de l'avis de fixation de l'audience au 6 novembre 2014, le délai de péremption avait été suspendu jusqu'à la radiation de l'affaire, le 23 octobre 2014, point de départ d'un nouveau délai de deux années qui n'était pas expiré le 13 octobre 2016, la cour d'appel a violé les articles 2 et 386 du code de procédure civile ;
4. ALORS QUE l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; qu'à compter de la fixation de la date des débats, les parties n'ont plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l'instance ; qu'en retenant l'extinction de l'instance d'appel par l'effet de la péremption, au motif qu'entre le 23 décembre 2013 et le 13 octobre 2016, date à laquelle M. L... a sollicité le rétablissement de l'affaire, plus de deux années s'étaient écoulées sans l'intervention d'aucune diligence des parties, cependant qu'à compter du 23 décembre 2013, date de l'avis de fixation de l'audience au 6 novembre 2014, le délai de péremption avait été suspendu, la cour d'appel a violé les articles 2 et 386 du code de procédure civile ;
5. ALORS, subsidiairement, QUE l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; qu'à compter de la fixation de la date des débats, les parties n'ont plus à accomplir de diligences de nature à faire progresser l'instance ; qu'en retenant l'extinction de l'instance d'appel par l'effet de la péremption, aux motifs qu'entre le 23 décembre 2013 et le 13 octobre 2016, date à laquelle M. L... a sollicité le rétablissement de l'affaire, plus de deux années s'étaient écoulées sans l'intervention d'aucune diligence des parties, cependant qu'à compter du 23 décembre 2013, date de l'avis de fixation de l'audience au 6 novembre 2014, le délai de péremption avait été suspendu jusqu'à la radiation de l'affaire le 23 octobre 2014, point de départ d'un nouveau délai de deux années qui n'était pas expiré le 13 octobre 2016, la cour d'appel a violé les articles 2 et 386 du code de procédure civile ;
6. ALORS QU'en ne répondant pas au moyen selon lequel, à tout le moins jusqu'au 23 octobre 2014, le délai de péremption avait été suspendu en raison du traitement de la demande d'aide juridictionnelle déposée par M. L... (conclusions, p. 10, quatre derniers §), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.