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29/01/2020 | FRANCE | N°18-18029

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 janvier 2020, 18-18029


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 janvier 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 131 F-D

Pourvoi n° U 18-18.029

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JANVIER 2020

M. S... C..., domicilié [...] , a f

ormé le pourvoi n° U 18-18.029 contre l'arrêt rendu le 3 avril 2018 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 janvier 2020

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 131 F-D

Pourvoi n° U 18-18.029

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 JANVIER 2020

M. S... C..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° U 18-18.029 contre l'arrêt rendu le 3 avril 2018 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. E... T..., domicilié [...] , mandataire judiciaire, pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [...] ,

2°/ à l'association UNEDIC délégation AGS CGEA d'Annecy, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. C..., après débats en l'audience publique du 18 décembre 2019 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. S... C... a été engagé par la société [...] en qualité de technicien TV qualification P3, à compter du 22 septembre 1998 ; qu'il a constitué, le 17 septembre 2007, avec une autre salariée, la société B... and S..., qui a acquis 49 % du capital social de la société [...] ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes à titre salarial et indemnitaire ; que la société [...] a été placée en liquidation judiciaire le 2 août 2017 et M. T... désigné en qualité de liquidateur ;

Sur la demande de rectification d'omission matérielle :

Vu l'article 463 du code de procédure civile ;

Attendu que la demande, qui vise à rectifier une omission de statuer, n'est pas recevable ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen, qui dénonce une omission de statuer pouvant être réparée par la juridiction qui l'a rendue suivant la procédure prévue par l'article 463 du code de procédure civile, n'ouvre pas droit à cassation ;

Mais, sur le premier moyen :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre du paiement des salaires dus à compter du mois de juillet 2007 et des congés payés afférents, l'arrêt retient que le fait pour le salarié de constituer en 2007 une société pour le compte de laquelle il effectuera désormais des prestations de service pour le compte de son seul et unique client la société [...] ne présume pas sa volonté de rompre son contrat de travail mais doit être considérée comme une simple suspension de son contrat de travail, que, sous le couvert de mandats de prestations de services établis entre la société [...] et la société B... and S... constituée par plusieurs de ses anciens salariés, ces derniers fournissaient en réalité à ladite société des prestations de travail dans des conditions qui les plaçaient dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celle-ci identique à celui ayant existé avant la création de la société B... and S..., que toutefois, il doit être constaté que le salarié, qui n'a effectivement pas perçu de salaires à compter du mois de juillet 2007 de la part de la société [...] , en était d'accord et a perçu une rémunération équivalente en qualité de cogérant de la société B... and S... pour les mêmes prestations de travail ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans caractériser la volonté non équivoque du salarié de renoncer au droit au paiement de son salaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif ayant dit que la prise d'acte du salarié aura les effets d'une démission et ayant rejeté l'ensemble des demandes à ce titre, critiqués par le troisième moyen ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Déclare irrecevable la demande en rectification d'une omission matérielle ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la prise d'acte de M. S... C... aura les effets d'une démission et rejette l'ensemble de ses demandes à ce titre ainsi que celle au titre des salaires postérieurement au mois de juillet 2007, l'arrêt rendu le 3 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne M. T..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [...] , aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. T..., ès qualités, à payer à M. C... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. C...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé partiellement le jugement déféré, d'AVOIR statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant, dit que la prise d'acte de M. C... aurait les effets d'une démission, de l'AVOIR débouté de l'ensemble de ses demandes à ce titre, et d'AVOIR débouté M. C... de sa demande au titre du paiement des salaires postérieurement au mois de juillet 2007 ;

AUX MOTIFS QUE « Le 17 septembre 2007, M. S... C... et Mme L..., autre salariée de la société [...] , constituaient la SARL B... and S... ayant pour objet social : « la création, la prise de participation exploitation de toute société de négoce vente de matériel les produits électroménagers », dont le siège social est situé à la même adresse que la société [...] et pour laquelle M. S... C... est devenu cogérant.
(
) Sur l'existence d'un contrat de travail après juillet 2007 :
L'article L. 8221-6 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce dispose que sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;
2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 213-11 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;
3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés.
L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.
Dans ce cas, il n'y a dissimulation d'emploi salarié que s'il est établi que le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement à l'accomplissement de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie.
Cependant, l'existence ou non d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties, ni de la qualification donnée, mais des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité du travailleur et doit être ainsi considéré comme salarié celui qui, quelle que soit la qualification donnée au contrat, accomplit un travail pour un employeur dans un lien de subordination juridique permanent, lequel résulte du pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements du travailleur.
En l'espèce, il n'est pas contesté que M. S... C... a été embauché par la société [...] en contrat à durée indéterminée le 21 septembre 1998 en qualité de technicien TV qualification P3 avec pour attributions le dépannage tant en atelier que chez les clients de télévisions et magnétoscopes et qu'à compter du 1er juillet 2007 les salaires ont cessé de lui être payés par l'employeur ainsi que les charges afférentes au salarié aux différents organismes et caisses.
Il n'est pas contesté non plus que le 17 septembre 2007, M. S... C... et Mme L..., autre salariée de la société [...] , ont constitué la SARL B... and S... ayant pour objet social : « la création, la prise de participation exploitation de toute société de négoce vente de matériel les produits électroménagers », dont le siège social était situé à la même adresse que la société [...] et pour laquelle M. S... C... est devenu cogérant.
Le 1er juillet 2007, M. C... J... avait cédé 49 % du capital social de la société [...] à la société B... and S... moyennant un prix de 245 000 € payables 84 mensualités financés par un crédit vendeur.
Mme M... U..., également salariée depuis de nombreuses années de la société [...] , acquérait par acte du 19 janvier 2009, 166 parts sociales de la SARL B... and S....
La société B... and S... facturait des prestations de services à son seul client, la société [...] , qui consistaient en la poursuite des activités professionnelles de M. S... C... et de ses deux associées au sein du magasin d'électroménager exploité par la société [...] dans lequel ils avaient tous trois exercé leurs activités salariales jusqu'à cette date.
Aucune procédure de licenciement de M. C... n'était mise en oeuvre.
La société [...] fait valoir que la démission de M. S... C... n'a pas été établie par écrit par simple erreur de l'expert comptable mais qu'elle est claire et non équivoque du fait des 5 années écoulées entre le changement de statut de M. S... B. et la saisine du le conseil des prud'hommes.
Toutefois la démission doit résulter d'une volonté claire et non équivoque du salarié de rompre le contrat et ne peut se présumer, en l'espèce le fait pour M. C... de constituer en 2007 une société pour le compte de laquelle il effectuera désormais des prestations de service pour le compte de son seul et unique client la société [...] ne présume pas sa volonté de rompre son contrat de travail mais doit être considérée comme une simple suspension de son contrat de travail.
En l'état des énonciations, il est démontré que M. J... faisait pression sur ses salariés pour la création d'une nouvelle structure dans laquelle ils seraient associés sous couvert d'une amélioration des conditions de rémunération et que pendant les années qui ont suivi la suspension de leur contrat de travail, les salariés dont M. S... C... pourtant devenus travailleurs indépendants au sein de la société B... and S..., restaient sous l'étroite subordination de M. J..., celui-ci étant le seul et unique client de la société B... and S... : le travail s'exerçait dans les mêmes locaux qu'auparavant, le magasin d'électro ménager, ses fonctions étaient identiques, les horaires de travail de M. S... C... étaient fixés par M. J... ainsi que les rendez-vous extérieurs, effectuant des taches qui ne correspondaient pas à un travailleur indépendant dirigeant une société prestataire de services, telles que des livraisons et qu'il devait même travailler pour une autre enseigne que M. J... dirigeait également.
Il en résulte que, sous le couvert de mandats de prestations de services établis entre la société [...] et la société B... and S... constituée par plusieurs de ses anciens salariés, ces derniers fournissaient en réalité à ladite société des prestations de travail dans des conditions qui les plaçaient dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celle-ci identique à celui ayant existé avant la création de la société B... and S....
Toutefois, il doit être constaté que M. S... C... qui n'a effectivement pas perçu de salaires à compter du mois de juillet 2007 de la part de la société [...] , en était d'accord et a perçu une rémunération équivalente en qualité de co gérant de la société B... and S... pour les mêmes prestations de travail. Sa demande de paiement des salaires sera par conséquent rejetée ainsi que les congés payés afférents par voie de réformation » ;

1°) ALORS QUE la compensation implique l'existence d'obligations réciproques ; qu'en l'espèce, en demandant la confirmation du jugement entrepris sur sa demande de rappel de salaire, M. C... était réputé, conformément à l'article 954 alinéa 4 du code de procédure civile, s'en approprier les motifs selon lesquels il n'appartenait pas aux juges « d'ordonner la compensation des sommes dues au titre des salaires avec les sommes par ailleurs perçues par le salarié de la société B... and S..., dans le cadre de relations purement commerciales au sujet desquelles une procédure est actuellement pendante devant le Tribunal de commerce de Romans » (jugement p. 4 § 2) ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que M. C... avait fourni à la société [...] des prestations de travail dans des conditions qui le plaçaient dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celle-ci, sans qu'un salaire ne lui ait été versé depuis juillet 2007, ce dont résultait le principe d'une créance salariale au profit de M. C... ; qu'en déboutant M. C... de sa demande de rappel de salaire au prétexte qu'il avait perçu une rémunération équivalente en qualité de co-gérant de la société B... and S... pour les mêmes prestations de travail, la cour d'appel a opéré une compensation entre les sommes dues par la société [...] à M. C... et celles perçues par ce dernier de la société B... and S... ; qu'en statuant ainsi, quand pourtant la société [...] n'était titulaire envers M. C... d'aucune créance susceptible de se compenser avec sa propre dette de salaire, la cour d'appel a violé les articles 1289 et suivants du code civil, dans leur version alors applicable ;

2°) ALORS QU'un salarié ne peut renoncer par avance à ses droits ; qu'en l'espèce, pour débouter M. C... de sa demande de rappel de salaire, la cour d'appel a notamment retenu qu'il était d'accord pour ne plus percevoir de salaire à compter du mois de juillet 2007 ; qu'en statuant ainsi, sans préciser la date à laquelle M. C... aurait donné son accord pour ne plus percevoir de salaire à compter de juillet 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE la renonciation d'un salarié à ses droits ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a constaté que M. J..., dirigeant de la société [...] , avait fait pression sur ses salariés, dont M. C..., pour la création en 2007 d'une nouvelle structure dans laquelle ils seraient associés sous couvert d'une amélioration des conditions de rémunération (arrêt p. 9 § 2) et a retenu que M. C... était placé dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de la société [...] , a débouté M. C... de sa demande de rappel de salaire notamment au prétexte qu'il était d'accord pour ne plus percevoir de salaire à compter du mois de juillet 2007 ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser la volonté claire et non équivoque du salarié de ne plus percevoir de salaire à compter de juillet 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de M. C... formée au titre des heures supplémentaires ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur les heures supplémentaires :
Conformément à l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; la durée légale du travail, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile ;
Par application de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande ;
Ainsi, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient aussi à ce dernier de fournir préalablement des éléments suffisamment précis de nature à étayer sa demande et à permettre également à l'employeur d'y répondre.
En l'espèce, M. S... C... verse un récapitulatif qu'il a établi de ses heures supplémentaires sous forme de tableaux sur la base de ses plannings sans mention d'horaires de début et de fin de journée indiqué.
Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que la demande du salarié n'était pas suffisamment étayée » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « Sur les heures supplémentaires

Il est de principe que la charge de la preuve des heures supplémentaires ne pèse pas plus sur le salarié demandeur que sur l'employeur qui les conteste.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, il appartient cependant au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce M. C..., qui réclame 26 154,92 euros au titre des heures supplémentaires, verse aux débats :

- des plannings qui ne mentionnent pas les heures de début et de fin de travail, mais uniquement divers rendez-vous, dont certains apparaissent d'ailleurs clairement personnels (« docteur », « rendez-vous en ville »),

- trois attestations qui ne permettent pas de préciser les horaires invoqués, s'agissant de l'attestation de Mme U... également engagée dans une procédure contre la SARL J..., de l'attestation d'un client Mr G... qui fait état de la charge de travail générale de MR Bernard lorsqu'il venait au magasin, et enfin de MR O..., salarié qui avait quitté l'entreprise avant la période visée.

Il ne peut être considéré dans ces conditions que le salarié ait étayé sa demande dans des conditions permettant à l'employeur d'y répondre, et celle-ci sera rejetée » ;

ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'un récapitulatif détaillé des heures supplémentaires établi par le salarié lui-même accompagné de plannings faisant état des nombreuses tâches confiées, et d'attestations corroborant la charge de travail du salarié constitue un élément suffisamment précis pour étayer la demande et permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres, que M. C... produisait, au soutien de sa demande d'heures supplémentaires, un récapitulatif de ses heures supplémentaires établi par lui sous forme de tableaux sur la base de ses plannings et, par motifs adoptés, qu'il avait versé aux débats lesdits plannings ainsi que trois attestations dont l'une d'entre elle faisait état de sa charge de travail ; qu'en affirmant que ces éléments étaient insuffisants à étayer la demande d'heures supplémentaires du salarié, lorsqu'il ressortait de ses constatations que le salarié avait produit des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve des horaires effectués sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé partiellement le jugement déféré, d'AVOIR statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant, dit que la prise d'acte de M. C... aurait les effets d'une démission, et de l'AVOIR débouté de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;

AUX MOTIFS QUE « En l'état des énonciations, il est démontré que M. J... faisait pression sur ses salariés pour la création d'une nouvelle structure dans laquelle ils seraient associés sous couvert d'une amélioration des conditions de rémunération et que pendant les années qui ont suivi la suspension de leur contrat de travail, les salariés dont M. S... C... pourtant devenus travailleurs indépendants au sein de la société B... and S..., restaient sous l'étroite subordination de M. J..., celui-ci étant le seul et unique client de la société B... and S... : le travail s'exerçait dans les mêmes locaux qu'auparavant, le magasin d'électro ménager, ses fonctions étaient identiques, les horaires de travail de M. S... C... étaient fixés par M. J... ainsi que les rendez-vous extérieurs, effectuant des taches qui ne correspondaient pas à un travailleur indépendant dirigeant une société prestataire de services, telles que des livraisons et qu'il devait même travailler pour une autre enseigne que M. J... dirigeait également.
Il en résulte que, sous le couvert de mandats de prestations de services établis entre la société [...] et la société B... and S... constituée par plusieurs de ses anciens salariés, ces derniers fournissaient en réalité à ladite société des prestations de travail dans des conditions qui les plaçaient dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celle-ci identique à celui ayant existé avant la création de la société B... and S....
(
) Sur la prise d'acte de M. S... C... :
Aux termes de l'article L. 1231-1 du code du travail, le salarié qui reproche à l'employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat. La prise d'acte doit être transmise à l'employeur ; lorsque le salarié justifie de manquements suffisamment graves de la part de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et dans le cas contraire d'une démission.
Toutefois les dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail selon lesquelles le contrat de travail peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié ne sont pas applicables pendant la période d'essai.
La prise d'acte ne nécessite aucun formalisme particulier mais doit être transmise directement à l'employeur.
En l'espèce, il y a lieu de remarquer que M. S... C... a attendu cinq années, que les relations avec M. J... se dégradent, avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail et qu'il a pendant cette période de temps accepté de continuer à travailler sous la subordination de M. J... dans le cadre fictif d'une structure sociale indépendante en connaissance de cause ayant même accepté l'association postérieure de Mme U... en 2009 à la société B... and S... soit deux années après la création de la société avec Mme L....
Par conséquent M. C... ne justifie pas de manquements suffisamment graves de la part de l'employeur de nature à qualifier sa prise d'acte tardive, de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La prise d'acte produira par conséquent les effets d'une démission par voie de réformation » ;

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir des dispositions de l'arrêt ayant débouté M. C... de ses demandes de rappel de salaire et d'heures supplémentaires entraînera l'annulation du chef du dispositif ayant dit que sa prise d'acte produisait les effets d'une démission et l'ayant débouté de l'ensemble de ses demandes à ce titre, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu d'une part que M. C... avait été contraint de travailler dans le cadre d'une structure sociale indépendante en raison des pressions exercées par M. J..., dirigeant de la société [...] , (arrêt p. 9 § 2), d'autre part que M. C... avait pendant cinq ans accepté de continuer à travailler sous la subordination de M. J... dans le cadre fictif d'une structure sociale indépendante en toute connaissance de cause (arrêt p. 10 § 10) ; qu'en statuant par des motifs incompatibles dont résulte tout à la fois une contrainte subie et un accord consenti, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans indiquer l'origine de leurs constatations ; qu'en l'espèce, en affirmant que M. C... avait accepté l'association postérieure de Mme U... à la société B... and S..., en 2009, deux ans après sa création (arrêt p. 10) pour en déduire qu'il avait pendant cinq ans accepté de continuer à travailler sous la subordination de M. J... dans le cadre fictif d'une structure sociale indépendante en toute connaissance de cause (arrêt p. 10 § 10), sans préciser de quelle(s) pièce(s) elle tirait l'existence d'un tel accord, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le juge doit se prononcer sur l'ensemble des faits invoqués par le salarié dans sa lettre de prise d'acte ; qu'en l'espèce, dans sa lettre de prise d'acte (production n° 8), M. C... avait dénoncé le fait que M. J... l'avait obligé à rejoindre une structure dont il avait sollicité la création, son attitude humiliante et dévalorisante, la pression constante et les remarques verbales auxquelles il s'adonnait à son égard, les tâches sans rapport avec ses fonctions de technicien et la charge de travail qu'il lui imposait, ainsi que le harcèlement moral et les fausses accusations dont il se rendait coupable (productions n° 10 à 21) ; que pour dire que la prise d'acte produisait les effets d'une démission, la cour d'appel s'est bornée à examiner le cadre de la relation de travail et a retenu que le salarié avait, pendant cinq ans, accepté de continuer à travailler sous la subordination de M. J... dans le cadre fictif d'une structure sociale indépendante en connaissance de cause ; qu'en statuant ainsi, sans à aucun moment se prononcer sur l'ensemble des faits invoqués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte et relatifs aux conditions d'exécution de la relation de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-18029
Date de la décision : 29/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 03 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 jan. 2020, pourvoi n°18-18029


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Ghestin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.18029
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