LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 janvier 2020
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 34 F-D
Pourvoi n° F 18-23.882
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2020
Mme T... W..., épouse O... , domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° F 18-23.882 contre l'arrêt rendu le 17 juillet 2018 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. N... M..., domicilié [...] ,
2°/ à M. S... M..., domicilié, [...] ,
3°/ à M. Q... M..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de Mme O... , de Me Balat, avocat de MM. N..., S... et Q... M..., après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 17 juillet 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 17 novembre 2016, pourvoi n° 15-22.724), que, par trois actes du même jour, Mme O... a donné à bail pour neuf ans à M. N... M... et M. S... M... deux parcelles de terre cadastrées [...] et [...] et pour une durée d'un an renouvelable à M. N... M... une partie d'une parcelle cadastrée [...] et à M. S... M... une autre partie de cette parcelle ; que MM. M..., invoquant le caractère indivisible des trois baux, ont sollicité de Mme O... l'autorisation de céder ceux-ci à leur fils et neveu, M. Q... M..., gérant du groupement agricole d'exploitation en commun d'[...] (le GAEC), à disposition duquel les terres avaient été mises ; que Mme O... a sollicité leur expulsion ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour autoriser la cession, l'arrêt retient que M. Q... M... n'était pas tenu de solliciter une autorisation d'exploiter dans la mesure où il ressort d'une attestation de la préfecture du Gers du 27 mars 2014 que le GAEC, qui avait déposé une demande d'autorisation d'exploiter, le 24 mars 1993, bénéficie d'une autorisation tacite, en l'absence de notification d'un refus dans un délai de deux mois et quinze jours à compter de la date de réception de la demande ;
Qu'en statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur ce moyen relevé d'office, alors qu'il ressort de l'arrêt que les consorts M... avaient seulement soutenu que la Cour de cassation n'avait pas tiré les conséquences exactes de l'autorisation d'exploiter donné par arrêté préfectoral, mais n'invoquaient ni l'attestation de la préfecture du Gers du 27 mars 2014, ni l'autorisation tacite dont ils auraient bénéficié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne l'annulation, par voie de conséquence, des dispositions qui sont critiquées par ce moyen ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il autorise la cession par MM. N... et S... M... au profit de M. Q... M... du bail portant sur les parcelles cadastrées commune de [...] Section [...] pour 14h a 80 a et 70 ca, la parcelle [...] en nature de bois étant exclue, et [...] pour 4 ha 73 a et 30 ca, soit une superficie totale de 19 ha 54 a, et en ce qu'il déboute Mme O... de sa demande de nullité de la cession du bail du 30 janvier 2016, l'arrêt rendu le 17 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sur les points cassés, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse autrement composée ;
Condamne MM. N..., S... et Q... M... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. N..., S... et Q... M... et les condamne à payer à Mme O... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour Mme O... .
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR autorisé la cession par N... et S... M... au profit de Q... M... du bail portant sur les parcelles cadastrées commune de [...] Section [...] pour 14 h 80 a et 70 ca, la parcelle [...] en nature de bois étant exclue, et [...] pour 4 ha 73 a et 30 ca, soit une superficie totale de 19 ha et a ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la cession du bail : Selon l'article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime, d'ordre public, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur. Et, à défaut d'agrément préalable du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire. Les parties ne remettent pas en cause le fait qu'en application de ce texte, le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux ne pouvait pas ordonner mais seulement autoriser la cession de sorte que leurs demandes respectives, d'autorisation ou de refus d'autorisation de cession, ne peuvent en toute hypothèse qu'aboutir à une réformation du jugement en ce qu'il a "ordonné" la cession. Sur la prohibition de la cession : L'esprit de l'article L 411-35 susvisé est de permettre la cession à un membre de la famille ou un conjoint afin de faciliter la transmission des exploitations. Par ailleurs, le bail conclu avec des copreneurs est indivisible de sorte que chacun des fermiers doit dans ses rapports avec le bailleur être tenu pour un preneur unique. Il en résulte que la prohibition de principe de la cession ne doit pas prévaloir sur l'autorisation prévue par le texte au seul motif que le cessionnaire n'est que le neveu d'un des preneurs alors qu'il est dans le même temps le descendant du co-preneur. C'est dès lors vainement que Mme O... soutient que doit prévaloir une interprétation restrictive de la dérogation autorisée par le texte au seul motif que le cessionnaire n'est pas le fils de S... M... et que N... M... aurait dû demander la cession au profit de son fils auquel il incombait ensuite de solliciter la poursuite du bail par un seul preneur. Sur l'autorisation de cession : L'arrêt du 12 mai 2015 a été cassé aux motifs que la cour d'appel en ne précisant pas si l'arrêté du 18 juillet 1996 était un arrêté préfectoral d'autorisation d'exploiter, n'avait pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ; le litige attribué au juge de renvoi n'est pas limité à la connaissance du point de droit soulevé par le moyen technique de cassation qui visait la disposition censurée, mais recouvre tous les points de fait et de droit de nature à justifier la nouvelle disposition qui sera retenue ; la faculté offerte au preneur de céder son bail à un descendant constitue une dérogation au principe général d'incessibilité du bail rural et ne peut nuire aux intérêts du bailleur, appréciés uniquement au regard de la bonne foi du cédant et de la capacité du cessionnaire à respecter les obligations nées du contrat et à mettre en valeur l'exploitation ; et elle suppose que soit établi l'intérêt du cédant à voir continuer une exploitation familiale ; par ailleurs, en l'absence d'article du code rural et de la pêche maritime définissant les conditions à remplir par le cessionnaire, la garantie de bonne exploitation du fonds par le candidat cessionnaire tend à aligner les conditions qu'il doit présenter à la date de la cession projetée, soit celle où le juge statue, sur celles exigées du bénéficiaire de la reprise par l'article L 411-59 du code rural ; aux termes de l'alinéa 3 ce texte, le candidat à la reprise doit justifier par tous moyens d'une part qu'il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents (obligation de se consacrer à l'exploitation pendant 9 ans au moins, possession du cheptel et du matériel ou moyens de les acquérir, habitation dans les lieux repris ou à proximité), et d'autre part, qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnée aux articles L 331-2 à L 331-5 ou qu'il bénéficie d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions ; les articles L 331-2 et suivants susvisés ont pour objectif d'empêcher les opérations réalisant de grandes concentrations de terres ou opérant le démembrement d'exploitations viables ; l'intérêt légitime du propriétaire de refuser la cession doit enfin s'apprécier compte tenu de la capacité du cessionnaire à respecter les obligations du contrat et de la bonne foi du cédant ; 1. Pour ce qui est du cessionnaire, sa situation doit s'apprécier à la date de la cession projetée, soit le 1er janvier 2013 ; au cas d'espèce, la réunion des conditions imposées par les alinéas 1 et 2 de l'article L 441-59 susvisé n'est pas contestée ; la capacité de Q... M... est par ailleurs établie : celui ci, né le [...] , est titulaire d'un brevet de technicien supérieur agricole en date du 3 octobre 2002, option analyse et conduite des systèmes d'exploitation ; il produit un dossier PAC, un dossier DJA pour une installation à la date du 7 février 2013 et un certificat de conformité pour l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs en date du 29 mai 2013 ; demeure en litige l'existence d'une autorisation d'exploiter ; il doit être rappelé que si une société bénéficie déjà d'une autorisation d'exploiter les terres mises à sa disposition, le cessionnaire n'est pas tenu de l'obtenir lui même ; l'arrêté du 18 juillet 1996 visé par l'arrêt de cassation est un arrêté préfectoral autorisant le GAEC d'[...] à exploiter un élevage porcin (porcherie mixte de plus de 450 têtes) et bovin (étables de 38 vaches nourrices). Il ne concerne pas l'autorisation préalable d'exploiter requise par l'article L 331-2 du code rural au titre du contrôle des structures mais une autorisation à obtenir au titre du contrôle des installations classées pour la protection de l'environnement ; les consorts M... produisent cependant une attestation de la préfecture du Gers en date du 27 mars 2014, ayant pour objet 'Contrôle des structures', dont il ressort que le GAEC d'[...] a déposé le 24 mars 1993, onze ans auparavant, une demande d'autorisation d'exploiter sous le n° 98 294 A pour laquelle la CDOA (commission départementale d'orientation agricole) avait émis un avis favorable ; selon les articles L 331-7 et L 331-8 du code rural, en leur rédaction en vigueur à cette date, l'autorisation préfectorale était réputée accordée si un refus n'avait pas été notifié au demandeur dans un délai de deux mois et quinze jours à compter de la date de réception de la demande ; il convient de déduire des textes applicables et des termes de cette attestation qui ne se réfère pas à un refus d'exploitation ou à une prorogation du délai à la demande du Préfet, que le GAEC a bénéficié, à l'issue des deux mois et demi soit à compter du 8 juin 1993, d'une autorisation tacite d'exploiter ; ainsi, à la date de la cession projetée, le 1er janvier 2013, Q... M... n'était pas tenu d'en solliciter une en son nom propre ; 2. Pour ce qui est des cédants, les deux co preneurs ayant atteint l'âge de la retraite, leur intérêt à voir continuer l'exploitation familiale sans démembrement est patent ; leur bonne foi est en revanche contestée du fait de divers manquements et sont successivement invoqués : - le bouleversement de l'économie du contrat (substitution de deux fermiers par un seul), - la mauvaise foi des preneurs qui ont commis des manquements répétés à leurs obligations contractuelles, - des manquements ultérieurs au bail ; le bouleversement allégué de l'économie du contrat ne constitue pas un motif légitime de refus ; en effet, le bail ne comporte aucune clause érigeant en condition essentielle l'exploitation par deux fermiers et Mme O... ne précise pas en quoi la substitution d'un preneur unique aux deux preneurs précédents bouleverserait le potentiel économique des terres affermées, d'autant que Q... M... remplit les critères de compétence requis du cessionnaire et que, du fait de la libération de la parcelle [...] , la surface exploitée a été réduite ; concernant la bonne ou mauvaise foi du preneur, elle s'apprécie au jour de la demande en justice, le 28 février 2013 ; au cas d'espèce, les manquements allégués seront appréciés au regard du seul bail authentique, désormais seul concerné par la cession demandée et dont il est définitivement jugé qu'il n'était pas indivisible des deux autres baux ; un fermier s'oblige à valoriser l'exploitation sur le plan économique, au paiement des fermages et à une restitution des biens en bon état et le bail stipule en outre : - l'interdiction d'abattre les pommiers situés au sud est de la parcelle [...], - l'élagage des arbres non fruitiers, les arbres morts restant la propriété du bailleur qui les fera remplacer et enlever à ses frais, - le bon entretien des chemins, clôtures et rigoles ; Mme O... invoque des insultes et menaces dans son courrier de refus de cession du 10 janvier 2013, faits formellement contestés par les intimés ; cette lettre est une preuve qu'elle s'est établie à elle même, non confirmée par un élément probant extérieur, de sorte que ce manquement n'est pas prouvé ; les parties sont ensuite contraires sur la possibilité pour la bailleresse d'invoquer l'inexécution d'un accord du 3 mars 2008, libellé en présence d'un conciliateur de justice et se référant à une liste du 8 février 2008 mettant à la charge des consorts M... les 12 obligations suivantes : 1. réparation du grillage de notre parc par un artisan, remplacer les arbres coupés au jardin ; 2. faire le tracé du chemin au bosquet et le créer ; 3. restitution au bailleur du bois coupé sans autorisation ; 4. remplacer les bornes coupées et/ou réparer après accord entre les parties ; 5. demande d'autorisation préalable avant d'effectuer des travaux sur les terres des bailleurs ; 6. remplacer arbres, haies et surtout les pommiers coupés 'le bosquet qui se trouve côté Nord du jardin section C plan cadastral [...] faire le tracé' ; 7. remplacer les cèdres de la mare (trois) ; 8. replanter la haie de 6 m traversée avec un tracteur ou une remorque sur la parcelle [...] [...], remplacer les pommiers coupés à la vigne ; 9. une mare a été comblée sur la parcelle [...] [...] ; 10. frais d'huissier du 6 septembre 2007 à diviser par 2, (mention manuscrite ajoutée : payé par chèque n° [...]) ; 11.'les arbres morts en bordure des champs : je vous demande de me prévenir pour que je puisse les faire débiter' ; 12. 'sur les parcelles de terres à l'année, nous sommes convenus d'un arrangement suivant pour le motif suivant. Problème de santé grave avec notre petit fils. J'ai demandé aux MM. M... de laisser les parcelles en herbe, apporté du fumier, si possible pendant 5 années un peu d'engrais, pas de désherbant et insecticides. Si après 2013, il n'y a pas eu de rechute nous sommes autorisés M. S... à faire un assolement normal. Nous vous autorisons à aller dans notre partie de bois' (sic). ; ce constat prévoit que les obligations devront être réalisées le plus rapidement possible avec une date limite fixée à fin mars 2008 et que 'les parties reconnaissent que leur différent est bien et définitivement réglé, et s'interdisent maintenant et à l'avenir de se rechercher à ce sujet pour quelque cause que ce soit, le présent constat ayant un caractère, forfaitaire, transactionnel et définitif' ; une transaction, qui ne met fin au litige que sous réserve de son exécution, ne peut être opposée par l'une des parties que si celle ci en a respecté les conditions ; Mme O... se prévaut d'une inexécution partielle de cet accord limitée au défaut de réparation du grillage, de remise en place ou de réparation des bornes, de replantation des pommiers et des cèdres, et de création du chemin d'accès au bois, et enfin de la dégradation de la haie P... ; les autres obligations seront en conséquence considérées comme ayant été exécutées ; sur le grillage, les intimés produisent aux débats un courriel de mars 2013 en provenance de Groupama, accompagné des diverses pièces attestant du versement le 15 septembre 2008 au Crédit Mutuel pour le compte de Mme O... d'une somme de 416 € en réparation d'un sinistre affectant haie et grillages endommagés par des bovins ; l'inexécution alléguée n'est pas prouvée ; pour ce qui est des bornes, il s'agit à la lecture du procès verbal de constat de septembre 2007 de la borne géodésique 1953 ; la note de l'IGN (pièce 37) confirme qu'en 2013, cette borne est toujours arrachée ; mais, ainsi que cela ressort du procès verbal de constat du 11 février 2016 elle figure sur la parcelle [...] qui faisait l'objet des baux précaires ; ce manquement ne peut être invoqué dans le cadre d'une autorisation de cession du bail authentique ; les autres bornes évoquées par la bailleresse font l'objet d'un constat du 11 mars 2013 dont il résulte que l'huissier a constaté la présence de certaines bornes mais aussi que les bornes sud et sud ouest de la parcelle [...] n'ont pu être repérées ; le manquement à l'accord est établi ; s'agissant du remplacement des arbres, haies, cèdres et pommiers coupés, il est fait état d'un élagage peu soigneux ayant entraîné la mort des pommiers ; la photo figurant en pièce 16 fait apparaître l'arrachage de la branche d'un seul arbre ; le constat de mars 2013 fait état de certaines banches cassées dans l'îlot de pommiers ainsi que pour un pommier isolé ; la perte des arbres fruitiers, imputable à un fait des preneurs, n'est pas suffisamment prouvée et ce d'autant que les fermiers rappellent la survenance d'une tempête en 2009 ; l'inexécution de l'accord ne peut être retenue de ce chef ; si les consorts M... allèguent enfin avoir racheté des cèdres en 1992, cette date n'est pas cohérente avec l'obligation de remplacement contractée en 2008 ; ils ne démontrent donc pas avoir replanté ces cèdres et cette inexécution de l'accord est établie ; le remplacement de piquets (clôture) ne figure pas dans l'accord de 2008 et sera examiné plus bas ; pour ce qui est du chemin, il devait permettre, aux termes du bail authentique (page 1), de relier à la route un îlot de bois constituant la parcelle [...], exclue des terres louées. Son assiette était une bande de terre de six mètres de large pour joindre la parcelle [...] à la route, en ligne droite, côté pointe du [...] ; les photos aériennes IGN démontrent que cette bande de terre à usage de chemin en ligne droite jusqu'à la route n'existe pas et qu'un chemin a été tracé, partant non de la pointe mais de la partie nord ouest de la parcelle [...], au travers de la parcelle [...] louée aux fermiers et revenant à angle droit à l'Est, vers ce qui devait être le point de jonction entre la route et la droite ligne partant de la pointe. Ce tracé bien que non conforme au bail permet la jonction au chemin de la parcelle et son assiette plus importante se fait au détriment des seuls preneurs car elle se situe sur la parcelle [...] louée ; l'accès à la route, qui était l'objet principal de cette obligation contractuelle, a été réalisé et Mme O... ne conteste pas que ce tracé est le seul compatible avec la configuration naturelle du terrain ; l'inexécution ne peut être retenue ; concernant la haie dite 'P...', il est produit une convention du 12 janvier 2005 stipulant la mitoyenneté de la haie séparative des parcelles [...] , propriété de M. A... P..., et [...] , propriété de Mme O... Suivant procès verbal du 10 décembre 2013 dressé par la SCP d'huissiers de justice [...], l'huissier a observé une limite séparative matérialisée par un talus herbeux se prolongeant par une haie naturelle et constaté des traces de roues entre les deux fonds ; cet acte, qui ne comporte pas de plan cadastral en annexe permettant d'identifier l'emplacement de la haie, ne mentionne pas de dégradation de celle ci et ne permet pas d'imputer aux preneurs les traces de roues entre les deux fonds ; aucun manquement n'est établi ; il résulte des faits ci dessus prouvés une inexécution partielle de l'accord de 2008 se limitant à la disparition des bornes sud et sud ouest de la parcelle [...] , au défaut de replantation de trois cèdres et à l'arrachage de la borne
géodésique n° 1953 de l'IGN ; il convient dès lors d'apprécier si la gravité de ces manquements est susceptible de justifier un refus de cession pour mauvaise foi des preneurs ; il a été dit plus haut que la borne géodésique ne se situait pas sur les biens objets du bail authentique ; l'arrachage des autres bornes est en relation avec une opération de bornage d'avril 1995, préalable à la signature des baux des parcelles du GAEC et de Mme O... ; cet incident a fait l'objet d'un courrier recommandé de Mme O... le 20 novembre 1995 mais n'a pas fait obstacle au renouvellement du bail en 2004 ; aucune procédure n'a été initiée pour la remise en place des bornes ; il ne s'agit pas d'un manquement de gravité suffisante pour justifier le refus de cession ; il en est de même du défaut de replantation de trois cèdres au bord d'une mare ne mettant pas en péril la qualité des terres louées ; pour ce qui est de l'entretien des clôtures imposé par le bail, le procès verbal du 6 septembre 2007 fait état d'un arrachage de poteaux sur une parcelle non identifiée. Il ne peut s'agir toutefois que de la parcelle [...] car le procès verbal vise le chemin d'accès au bosquet. ; ce constat d'huissier établit que des piquets enlevés ont été remis en place sommairement à l'exception de deux, au Nord et en bordure d'une haie, qui sont encore au sol ; là encore, le manquement n'est pas d'une gravité suffisante pour fonder le refus de cession ; enfin, Mme O... fait état de la dégradation en novembre 2013 du chemin d'accès au bois de la parcelle [...] ; ce fait est postérieur à la date de la demande en justice du 28 février 2013 ; de surcroît, les traces de roue relevées par le constat de décembre 2013 l'ont été sur le tracé du chemin détaillé plus haut et qui a reçu l'accord tacite des parties en raison de la configuration des lieux ; ce tracé figure sur la parcelle [...] louée et Mme O... ne peut se prévaloir du fait que les preneurs n'y ont pas accès ; il résulte de ces éléments qu'en l'absence de manquement grave aux obligations découlant du bail, la bonne foi des preneurs peut être retenue ; la bailleresse ne justifie donc d'aucun intérêt légitime pour refuser la cession du bail qui sera autorisée » (cf. arrêt p. 7 à 14, § 3) ;
ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, Mme O... faisait valoir que la cession des baux de MM. N... et S... M... ne pouvait pas être autorisée à Q... M..., celui-ci étant le neveu de S... M... et non son descendant, les dispositions d'ordre public de l'article L 411-35 du code rural autorisant les cessions aux seuls conjoints, partenaires d'un pacte civil de solidarité et descendant (cf. p.18, dernier §) ; qu'en ayant jugé du contraire, la cour d'appel a violé l'article précité du code rural ;
ALORS QUE, subsidiairement, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir dans sa décision que les moyens invoqués par les parties et sur lesquels elles ont contradictoirement débattu ; qu'en retenant, pour juger que les consorts M... rapportaient la preuve de l'existence d'une autorisation implicite d'exploiter à compter du 8 juin 1993 et autoriser ainsi la cession du 1er janvier 2013, que l'attestation de la Préfecture du Gers du 27 mars 2014 établissait qu'en 1993 le GAEC d'[...] avait sollicité une autorisation d'exploiter pour laquelle la commission départementale d'orientation agricole avait émis un avis favorable et que « selon les articles L. 331-7 et L. 331-8 du code rural, en leur rédaction en vigueur à cette date, l'autorisation préfectorale était réputée accordée si un refus n'avais pas été notifié au demandeur dans un délai de deux mois et quinze jours à compter de la date de réception de la demande », quand les consorts M... soutenaient, à cet égard, qu'ils avaient produit « l'arrêté préfectoral dont a bénéficié le GAEC autorisant l'exploitation des élevages porcin et bovin, dont la Cour de cassation n'a malheureusement pas tiré les exactes conséquences » (prod. n° 5 conclusions des consorts M..., p. 10, § 1), de sorte que ce moyen n'avait pas été discuté entre les parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, par ailleurs et en tout état de cause, en jugeant que les consorts M... rapportaient la preuve de l'existence d'une autorisation d'exploiter au regard de l'attestation de la Préfecture du Gers du 27 mars 2014 quand il ressortait des termes de cette attestation, que la demande d'autorisation d'exploiter déposée par le GAEC d'[...] en 1993 « portait sur des fonds agricoles situés sur la commune d'[...] pour une superficie de 20.94 ha » (prod. des consorts M... en appel n°23 ; prod. n°6) et non sur les parcelles objet de la cession du 1er janvier 2013, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 411-35 et L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ;
ALORS QUE, enfin, subsidiairement, la faculté accordée au preneur de céder son bail à son descendant majeur constitue une dérogation au principe général d'incessibilité du bail rural qui ne peut bénéficier qu'au preneur de bonne foi et qui a satisfait à toutes les obligations nées de son bail ; que ne sont pas de bonne foi, les preneurs qui n'ont pas exécuté les termes d'un accord transactionnel conclu avec la bailleresse relatif à des manquements des preneurs à leurs obligations ; qu'aussi, en jugeant que la bonne foi des preneurs, qui avaient demandé l'autorisation de la cession en justice en 2013, était établie après avoir constaté une inexécution partielle de leur part de l'accord transactionnel conclu le 3 mars 2008 par l'intermédiaire d'un conciliateur de justice lequel prévoyait que les obligations mises à leur charge devaient l'être avant fin mars 2008, la cour d'appel n' pas tiré les conséquences légales de ses propres constations en violation de l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime.
SUR LE
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme O... de sa demande de nullité de la cession du bail du 30 janvier 2016 ;
AUX MOTIFS QU' « il vient d'être jugé que le refus d'autoriser la cession n'était pas légitime et que la cession est autorisée. Il en résulte que la cession postérieure à un refus invalidé, est elle même valable et la demande de nullité sera rejetée » (cf. arrêt p. 15, § 3) ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif ayant débouté Mme O... de sa demande de cession du bail du 30 janvier 2016 en application de l'article 624 du code de procédure civile.