LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 janvier 2020
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 30 F-D
Pourvoi n° Q 18-23.154
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2020
M. T... H..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-23.154 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2018 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme L... S..., veuve J..., domiciliée [...] ,
2°/ à M. R... J..., domicilié [...] ,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. H..., de la SCP Krivine et Viaud, avocat de Mme S... et de M. J..., après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique :
Vu l'article 700 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 3 juillet 2018), qu'une parcelle [...] , dont le propriétaire bénéficiait d'un droit de passage conventionnel sur la parcelle [...] située au sud, a été divisée en une parcelle [...] , située au nord et acquise par M. H..., par ailleurs propriétaire de la parcelle voisine [...] et en une parcelle [...],située au sud et acquise par Mme S... et M. J..., propriétaires également de la parcelle [...] ; que M. H... a assigné Mme S... et M. J... pour qu'il soit jugé que l'ensemble formé par les parcelles [...] et [...] bénéficie d'un passage sur la parcelle [...] pour accéder à la parcelle [...] constituant l'assiette de la servitude ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. H..., l'arrêt retient que l'héritage de Mme S... et M. J... est situé au sud de la parcelle qui a été divisée, tandis que celui de M. H... est situé au nord de la même parcelle, qu'il s'en déduit que le passage mentionné aux actes avait pour finalité de permettre l'accès aux parcelles anciennement cadastrées n° [...] et [...], qui forment la propriété actuelle de Mme S... et M. J..., et que, pour ces motifs, M. H... n'est pas fondé à se prévaloir d'un droit de passage grevant à son profit la parcelle cadastrée section G [...] , propriété de Mme S... et M. J... ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une renonciation sans équivoque à la servitude conventionnelle, ni une cause d'extinction de celle-ci, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne Mme S... et M. J... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme S... et M. J... et les condamne in solidum à payer à M. H... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. H...
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. T... H..., propriétaire d'un héritage à [...], département de la Charente-Maritime, de l'action confessoire d'une servitude de passage qu'il a formée contre les propriétaires de l'héritage qui jouxte immédiatement le sien, Mme L... S... et M. R... J... ;
AUX MOTIFS QU'« il résulte des actes de vente produits que la parcelle cadastrée section ba n° 654 [à laquelle est attachée une servitude de passage sur l'héritage contigu cadastré [...] et si-tué au sud par rapport à elle] a été divisée en deux parcelles, celle cadastrée section [...] acquise par l'appelant [M. T... H...] (intégrée à la parcelle [...]), et celle cadastrée section g n° [...] acquise par les intimés [Mme L... S... et M. R... J...], dont la référence cadastrale est demeurée et sur laquelle est revendiqué le passage » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 5e alinéa) ; que l'héritage de Mme L... S... et M. R... J... est « situ[é] au sud de la parcelle » qui a été divisée, tandis que l'héritage de M. T... H... est situé au nord de la même parcelle (cf. arrêt attaqué, p. 6, 6e alinéa) ; qu'« il se déduit de ces développements que le passage mentionné aux actes [la parcelle [...] ] avait pour finalité de permettre l'accès aux parcelles anciennement cadastrées [...] et [...] », qui forment la propriété actuelle de Mme L... S... et de M. R... J... (cf. arrêt attaqué, p. 6, 7e alinéa) ; que « M. T... H... n'est pour ces motifs pas fondé à se prévaloir d'un droit de passage grevant à son profit la parcelle cadastrée [...] propriété » de Mme L... S... et M. R... J... (cf. arrêt attaqué, p. 6, 8e alinéa) ; que « M. T... H... ne présente aucun titre dé-montrant l'existence d'une servitude de passage conventionnelle à son profit sur le fonds [...] [propriété actuelle de Mme L... S... et M. R... J...] et ne pouvant se prévaloir d'une servitude de passage sur ce fonds sur le fondement de l'article 696 du code civil, échoue à démontrer l'existence d'une telle servitude » (cf. jugement entrepris, p. 4, 7e alinéa) ;
1. ALORS QUE, les servitudes sont indivisibles ; qu'il s'ensuit que, si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion de l'héritage d'origine ; que l'héritage de M. T... H... et celui de Mme L... S... et M. R... J... résultent, suivant l'arrêt attaqué, de la division d'un héritage unique bénéficiant d'une servitude de pas-sage grevant un fonds qui lui était contigu ; qu'il s'ensuit que cette servitude demeure due tant à l'héritage de M. T... H... qu'à celui de Mme L... S... et M. R... J..., et qu'elle s'exerce dans les conditions mêmes où elle s'exerçait avant la division de ces deux fonds ; qu'en décidant, d'une part, que la servitude conventionnelle instituée au profit de l'héritage unique d'où résultent, par voie de division, l'héritage de M. T... H... et celui de Mme L... S... et M. R... J..., ne profite qu'à ce second héritage parce qu'il est topographiquement contigu de l'assiette de la servitude de passage au lieu que celui de M. T... H... ne l'est pas, et, d'autre part, que la servitude dont se prévaut M. T... H... ne résulte d'aucun titre, la cour d'appel a violé l'article 700 du code civil ;
2. ALORS QUE M. T... H... faisait valoir, dans ses écritures d'appel (p. 8, alinéas 4, 5 et 6), que « les conditions d'application de l'article 700 du code civil sont réunies en l'espèce (division du fonds postérieure à la création de la servitude) », que « le principe d'indivisibilité instauré par cette disposition doit donc trouver à s'appliquer » et qu'« il a pour effet de permettre à chaque titulaire de la servitude d'exercer la totalité de la servitude telle qu'elle existait avant la division du fonds » ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce moyen, qui était propre à établir le bien-fondé de l'action confessoire exercé par M. T... H..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.