La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/01/2020 | FRANCE | N°19-10939

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 janvier 2020, 19-10939


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 48 FS-P+B+I

Pourvoi n° G 19-10.939

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JANVIER 2020

M. Y... P..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° G 19-10.939

contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ au conseil de l'ordr...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 48 FS-P+B+I

Pourvoi n° G 19-10.939

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JANVIER 2020

M. Y... P..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° G 19-10.939 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ au conseil de l'ordre des avocats au barreau de Nîmes, dont le siège est [...], pris en la personne de son bâtonnier en exercice,

2°/ au bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nîmes, domicilié [...],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Nîmes, domicilié en son parquet général, [...],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Teiller, conseiller, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. P..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat du conseil de l'ordre des avocats au barreau de Nîmes et du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nîmes, l'avis de Mme Ab-Der-Halden, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Teiller, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Duval-Arnould, MM. Betoulle, Avel, Mornet, conseillers, Mme Canas, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Ab-Der-Halden, avocat général référendaire, et Mme Randouin, greffier de chambre.

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 22 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 26 avril 2017, pourvoi n° 16-10.816, Bull. 2017, I, n° 92), le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Nîmes a rejeté la demande d'admission à l'honorariat présentée par M. P..., ancien avocat. Celui-ci a déféré cette décision à la cour d'appel, qui l'a confirmée.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur la première branche du moyen

Enoncé du moyen

3. M. P... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'admission à l'honorariat, alors « que seul le conseil de discipline, compétent pour connaître des infractions et fautes commises par un ancien avocat, a le pouvoir de refuser d'octroyer l'honorariat pour atteinte aux principes essentiels de la profession ; qu'en confirmant la décision, prise par le conseil de l'ordre, de refuser l'admission à l'honorariat de M. P... en raison des manquements aux principes essentiels de la profession relevés à son encontre dans un rapport du 10 juillet 2014, la cour d'appel a violé l'article 20 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour

4. L'article 109 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, prévoit que le titre d'avocat honoraire peut être conféré par le conseil de l'ordre aux avocats qui ont exercé la profession pendant vingt ans au moins et donné leur démission. Selon l'article 13-1 du Règlement intérieur national de la profession d'avocat, pris en application de l'article 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et résultant de la décision du conseil national des barreaux à caractère normatif n° 2005-003, l'honorariat ne peut être accordé ou maintenu à celui qui aurait porté une atteinte aux principes essentiels de la profession. Toutefois, seul le retrait de l'honorariat figure parmi les peines disciplinaires énoncées à l'article 184 du décret précité.

5. Il résulte de ces textes que l'attribution de l'honorariat n'est pas de droit et que son refus ne constitue pas une sanction disciplinaire relevant de la compétence exclusive du conseil de discipline. Dès lors, la cour d'appel en a exactement déduit que le conseil de l'ordre n'avait pas excédé sa compétence et, après avoir retenu que M. P... avait commis des manquements aux principes essentiels de sa profession, a pu refuser de lui octroyer l'honorariat.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. P... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. P... et le condamne à payer au conseil de l'ordre des avocats au barreau de Nîmes la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. P....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision du conseil de l'ordre des avocats au barreau de Nîmes du 20 novembre 2014 ayant rejeté la demande d'admission à l'honorariat présentée par M. P... ;

AUX MOTIFS QUE l'enquête à laquelle il a été procédé par les rapporteurs Maître N... C... et Maître O... B... procède d'une mesure d'information ordonnée par le conseil de l'Ordre, de sorte que l'intéressé ne peut se prévaloir d'une violation du contradictoire tenant à l'absence de participation à la réalisation de l'enquête ; qu'en revanche, il est constant que le rapport faisant suite à l'enquête sollicitée par le conseil de l'Ordre a été remis à l'intéressé le 10 juillet 2014 et a été soumis à la libre discussion des parties, M. P... ayant pu faire valoir ses observations, tant dans un mémoire écrit remis au conseil de l'Ordre que lors de son audition par le conseil de l'Ordre ; qu'aucun manquement au respect du contradictoire n'est donc établi à l'encontre du conseil de l'Ordre ; que selon l'article 109 du décret du 27 novembre 1991, « sous réserve des dispositions du cinquième alinéa de l'article 1er-I de la loi du 31 décembre 1971, le titre d'avocat honoraire peut être conféré par le conseil de l'ordre aux avocats qui ont exercé la profession pendant vingt ans au moins et qui ont donné leur démission » ; que la cour constate au cas d'espèce que M. P..., qui a cessé toute activité professionnelle à compter du 27 juin 2007 pour cause de démission et a exercé pendant 40 ans, étant précisé qu'il a été inscrit au barreau en 1967, remplit bien les conditions de durée d'exercice et de démission de la profession d'avocat ; qu'il sera rappelé que l'honorariat n'est pas de droit et que l'article 13.1 du règlement intérieur national dispose qu'en aucun cas l'honorariat ne peut être accordé à celui qui porte atteinte ou aurait porté atteinte aux principes essentiels de la profession tels que définis par l'article 3.1 du règlement intérieur national qui guide le comportement de l'avocat ; que le rapport établi par Maître C... et Maître B... , sur lequel, notamment, le conseil de l'ordre fonde son appréciation, impute à M. P... divers manquements afférents à des comptes CARPA débiteurs, à des opérations irrégulières sur les comptes de l'ordre lorsqu'il était bâtonnier et à la vente d'un bateau dans des conditions déontologiques critiques ; que s'agissant des comptes CARPA, le rapport révèle qu'il a été constaté que le sous compte CARPA de la Scp P..., affaire par affaire, était en position débitrice depuis 1988 et ce, alors qu'il est de droit qu'aucun sous compte ne doit présenter de solde débiteur ; qu'après l'engagement d'une procédure devant le tribunal de grande instance de Marseille par la CARPA à l'encontre de la Scp P... le 20 novembre 1991 et le prononcé d'un jugement le 18 mai 1995 condamnant la Scp P... au paiement d'une somme de 128.660 francs dont elle se reconnaissait débitrice et désignation d'un expert pour le surplus, un protocole d'accord a été régularisé le 3 octobre 2000 au terme duquel M. Y... P..., gérant de la Scp, s'engageait à régler la somme de 253.660 francs outre la moitié des frais d'expertise ; qu'il est rapporté que non seulement 8 ans après cet accord, la Scp P... n'a toujours pas réglé la totalité de sa dette, mais surtout qu'une partie des paiement a été effectuée non pas à l'aide de fonds propres de la Scp mais à l'aide de sous comptes comportant des fonds de clients, non réclamés, fonds qui auraient dû être versés sur un compte spécial séquestre visé à 15 de l'arrêté du 5 juillet 1996 ; qu'une telle situation irrégulière présentée par le compte CARPA de la Scp P..., dont l'origine importe peu, imposait pour le moins une rapide mise en conformité ; qu'or il a fallu plus de 20 ans pour que la CARPA obtienne l'essentiel des sommes dues, après l'intervention successive de plusieurs bâtonniers, la délivrance d'une assignation en paiement, la mise en oeuvre d'une expertise comptable, la signature d'un protocole d'accord avec Y... P..., gérant de la Scp familiale, avec règlement d'une partie de la dette selon des modalités à nouveau empreintes d'irrégularité ; que ces faits constituent des manquements graves à l'honneur, à la probité et au désintéressement ; que s'agissant des comptes de l'ordre, le rapport du 10 juillet 2014 relate, sur la base de constatations de la commission des finances, que bien que les exercices comptables aient été déficitaires en 2003 de 28.811 € et en 2004 de 69.424€, M. Y... P..., en sa qualité de bâtonnier, a procédé le 2 décembre 2004 à un ordre de virement sur le compte général de l'ordre de sommes portées au compte « frais et procédure » correspondant au paiement des droits de plaidoirie acquittés par les avocats de barreaux extérieurs, fonds qui étaient destinés à la CNBF ; que ce virement a fait apparaître un déficit exceptionnel fictif qui a permis à l'ordre d'honorer le paiement au profit de M. P... en fin d'année 2004 d'un complément de liste civile de 30.000 € pour les années 2003 et 2004 destiné à compenser les charges spécifiques de son cabinet du fait de ses attributions de bâtonnier ; que cette opération litigieuse a fait naître une obligation de remboursement par le barreau de Nîmes au profit de la CNBF des sommes indument affectées à l'ordre suivant un échéancier décennal ; que M. P..., qui ne pouvait ignorer, en sa qualité de bâtonnier, la situation déficitaire de l'ordre en 2003 et 2004, ne pouvait modifier l'affectation des fonds portés sur le compte « frais et procédure » destinés à la CNBF sans autre information donnée aux membres du conseil de l'ordre que la présentation d'un budget prévisionnel alors même qu'une situation déficitaire des comptes ne pouvait permettre à l'ordre d'honorer le paiement d'un complément de liste civile ; qu'en procédant dans ces conditions à ce virement, M. P... a manqué à son devoir de loyauté envers ses confrères du barreau, ainsi qu'aux devoirs de désintéressement, de probité et d'honorabilité ; qu'en conséquence, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres manquements imputés à M. P... par la décision critiquée concernant la vente d'un bateau, les faits ci-dessus exposés caractérisent des manquements aux principes essentiels de la profession auxquels est attachée une interdiction de bénéficier de l'honorariat en application de l'article 13.1 du règlement intérieur national de la profession d'avocat ; que la décision du conseil de l'ordre du barreau de Nîmes du 20 novembre 2014 sera donc confirmée ;

1°) ALORS QUE seul le conseil de discipline, compétent pour connaître des infractions et fautes commises par un ancien avocat, a le pouvoir de refuser d'octroyer l'honorariat pour atteinte aux principes essentiels de la profession ; qu'en confirmant la décision, prise par le conseil de l'ordre, de refuser l'admission à l'honorariat de M. P... en raison des manquements aux principes essentiels de la profession relevés à son encontre dans un rapport du 10 juillet 2014, la cour d'appel a violé l'article 20 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

2°) ALORS QUE la cour d'appel statuant sur le recours contre une décision par laquelle le conseil de l'ordre des avocats a rejeté une demande d'honorariat ne peut se fonder exclusivement, pour retenir l'existence de manquements déontologiques graves, sur un rapport dressé non contradictoirement ; qu'en se fondant exclusivement, pour retenir à l'encontre de M. P... des manquements déontologiques qui seraient de nature à justifier le rejet de sa demande d'honorariat, sur le rapport dressé non contradictoirement à la demande du conseil de l'ordre des avocats, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 du code de procédure civile, 16 et 109 du décret du 27 novembre 1991 ;

3°) ALORS QU'hormis les cas visés à l'article 11.5° de la loi du 31 décembre 1971, les juges du fond apprécient souverainement si les manquements disciplinaires commis par un avocat justifient le refus du titre d'avocat honoraire ; qu'en retenant que les manquements aux principes essentiels de la profession qu'elle reprochait à M. P... interdisaient à celui-ci de bénéficier du titre d'avocat honoraire, la cour d'appel, qui a ainsi considéré qu'elle était tenue de refuser l'octroi de ce titre, quand elle disposait en réalité d'un pouvoir d'appréciation qu'elle n'a donc pas exercé, a entaché sa décision d'un excès de pouvoir négatif et violé ainsi les articles 11.5° de la loi du 31 décembre 1971 et 13.1 du règlement intérieur national.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-10939
Date de la décision : 22/01/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Conseil de l'ordre - Compétence - Etendue - Refus de l'honorariat pour atteinte aux principes essentiels de la profession - Nature - Détermination - Portée

AVOCAT - Conseil de discipline - Pouvoirs - Prononcé de peine disciplinaire - Exclusion - Cas - Refus de l'honorariat pour atteinte aux principes essentiels de la profession - Portée AVOCAT - Honorariat - Refus pour atteinte aux principes essentiels de la profession - Nature - Détermination - Portée

N'excède pas sa compétence, le conseil de l'ordre qui refuse de conférer le titre d'avocat honoraire pour atteinte aux principes essentiels de la profession, dès lors qu'un tel refus ne constitue pas une sanction disciplinaire, relevant de la compétence exclusive du conseil de discipline


Références :

articles 109 et 184 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991

article 13-1 du Règlement intérieur national de la profession d'avocat, pris en application de l'article 21-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 22 novembre 2018

Sur la compétence exclusive du conseil de discipline pour retirer l'honorariat à un avocat, à rapprocher :1re Civ., 6 février 2019, pourvoi n° 17-28878, Bull. 2019, I, (2) (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 jan. 2020, pourvoi n°19-10939, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.10939
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award