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22/01/2020 | FRANCE | N°18-20394

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 janvier 2020, 18-20394


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 65 F-D

Pourvoi n° Q 18-20.394

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JANVIER 2020

La société CEPL Eragny, société pa

r actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-20.394 contre l'arrêt rendu le 10 avril 2018 par la cour...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2020

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 65 F-D

Pourvoi n° Q 18-20.394

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JANVIER 2020

La société CEPL Eragny, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 18-20.394 contre l'arrêt rendu le 10 avril 2018 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à la société L'Anneau, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société CEPL Eragny, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société L'Anneau, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2019 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société CEPL Eragny (la société CEPL) a conclu, pour la surveillance de son site d'Eragny-sur-Oise, un contrat de gardiennage avec la société L'Anneau pour une durée de vingt-quatre mois, renouvelable par tacite reconduction, à compter du 1er avril 2009 ; que s'étant vu notifier, le 18 juin 2014, la résiliation, à effet immédiat, du contrat, pour manquement grave à ses obligations, la société L'Anneau a assigné la société CEPL en constatation du caractère abusif de la rupture et en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches, et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner la société CEPL à payer à la société L'Anneau la somme de 462 326,55 euros à titre de dommages-intérêts, après avoir retenu qu'elle avait rompu fautivement le contrat, l'arrêt relève que les éléments de calculs présentés par la société L'Anneau n'ont pas été réellement contredits par la société CEPL qui se bornait à prétendre, au mépris de la réalité, que son adversaire ne fournissait aucun élément sur ce que pourrait représenter son gain manqué ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société CEPL, qui faisait valoir que la demande de la société L'Anneau était infondée dès lors qu'elle correspondait à une indemnisation du préjudice économique reposant exclusivement sur le chiffre d'affaires et que le préjudice indemnisable ne pouvait correspondre qu'au gain manqué, ce qui supposait que l'on déduisît du chiffre d'affaires l'ensemble des charges fixes et variables, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts de la société CEPL Eragny, l'arrêt relève que, faute d'avoir retenu l'existence d'une faute grave de la société L'Anneau justifiant la résiliation unilatérale et immédiate du contrat litigieux, il y a lieu de rejeter la demande de son cocontractant tendant à obtenir l'indemnisation du préjudice résultant du traumatisme moral subi par son directeur et son adjoint dans le cadre de leur travail à la suite d'une agression physique, de l'émotion causée sur le site par l'incident suivi d'une intervention des services de police, des conséquences en termes d'exploitation et de la nécessité de mettre immédiatement en place un nouveau prestataire de sécurité ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que ces événements caractérisaient une faute de la société L'Anneau de nature à justifier la résiliation du contrat aux torts partagés des contractants, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société CEPL Eragny à payer à la société L'Anneau la somme de 462 326,55 euros au titre de la facturation jusqu'à l'échéance contractuelle du contrat liant les parties et qu'il rejette la demande de la société CEPL Eragny en paiement de dommages-intérêts liée à l'agression physique de son dirigeant, l'arrêt rendu le 10 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société L'Anneau aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société L'Anneau et la condamne à payer à la société CEPL Eragny la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société CEPL Eragny

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit la société L'ANNEAU fondée en sa demande de condamnation de la société CEPL ERAGNY à lui payer la somme de 49 586,23 euros au titre de la facture n° 2014/06/3951 en date du 30 juin 2014 pour les prestations réalisées en juin 2014 ; dit la société L'ANNEAU fondée en sa demande de condamnation de la société CEPL ERAGNY à lui payer la somme de 462 326,55 euros au titre de la facturation jusqu'à l'échéance contractuelle liant les parties ; condamné la société CEPL ERAGNY à payer à la société L'ANNEAU la somme de 427 912,78 euros ;

Aux motifs que « Sur l'imputabilité de la rupture du contrat de gardiennage litigieux

3. La société CEPL expose que l'inexécution grave de ses obligations par une partie à un contrat, justifie selon une jurisprudence bien établie, une libération immédiate s'il y a urgence quand bien même les parties auraient exclu cette solution, aux risques et périls de la partie se prévalant de cette résiliation ; une clause résolutoire prévoyant une résiliation pour un motif autre que grave, ne fait nullement disparaître cette possibilité générale pour chaque partie, de rompre immédiatement le contrat sans préavis pour faute grave ; - les premiers juges ont à tort extrait de la relation contractuelle, le comportement du responsable de la société L'Anneau ayant fait preuve de violences alors que, le manquement d'un des salariés de cette société dans le cadre de la relation contractuelle correspond bien à un manquement de la société elle-même ; - il est ainsi constant que le dirigeant de la société L'Anneau a frappé à deux reprises, menacé, et insulté devant témoins le directeur de la société CEPL ; - ce comportement est de manière incontestable, un manquement grave de nature à justifier la résiliation sans préavis du contrat ; - contrairement à ce qui est allégué par la partie adverse, la société CEPL n'a jamais initialement envisagé de rompre immédiatement le contrat mais seulement de rompre à l'échéance de celui-ci ; - quoi qu'il en soit, à supposer même que le représentant de la société CEPL ait eu un comportement outrancier et menaçant, le comportement de son adversaire ne saurait en rien être justifié dès lors que la violence physique n'est pas un mode légal de résolution de conflit ; les violences physiques commises caractérisent donc une faute grave justificative d'une décision de rupture unilatérale immédiate du contrat.

4. La société L'Anneau plaide la mauvaise foi de son adversaire ayant convoqué son représentant, sans préciser l'objet de cette rencontre et qui, lors du rendez-vous lui a fait part de sa décision de rompre, unilatéralement et brutalement, les relations contractuelles nouées entre elles sans raisons - la perte de sang froid de son représentant a été provoquée par les nombreuses menaces, insultes, moqueries proférées par le nouveau directeur de la filiale CEPL contre les salariés de la société L'Anneau et contre le directeur commercial de cette même société ; - la résiliation du contrat de gardiennage litigieux contrevient par ailleurs directement aux obligations découlant du code du travail et de la convention collective quant à la reprise du personnel en cas de transfert de marché de sorte que certains salariés se sont retrouvés sans travail du fait de cette transgression ; - le procès-verbal d'audition du 19 juin 2014 du représentant de la société CEPL démontre que celle-ci avait décidé de mettre un terme au contrat sans respecter les conditions contractuelles de résiliation avant de la convoquer ; le comportement outrancier et menaçant de son représentant a provoqué la perte de sang froid de son directeur commercial ; - le fait que dès le lendemain de la rupture du contrat, une autre société de sécurité soit intervenue pour la remplacer est une preuve supplémentaire que la décision de résilier le contrat litigieux était ancienne et quoi qu'il en soit, antérieure à leur entrevue ; la société CEPL ne conteste pas l'audit réalisé par elle en 2013 sur son site.

5. Vu les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016 ;

6. Il est de principe établi qu'une partie peut mettre fin unilatéralement à un contrat à durée déterminée, même en l'absence de clause résolutoire, en cas de manquement grave imputable à son cocontractant.

7. Les éléments documentaires portés aux débats par la société CPEL démontrent, que la rupture du contrat litigieux est intervenue brutalement à l'issue d'un échange verbal conflictuel ayant opposé les représentants des deux sociétés en présence dont l'un, convoqué à l'entrevue sollicitée par son partenaire pour s'entretenir des modalités de fin du contrat de gardiennage litigieux, a perdu son sang froid au point de porter à deux reprises la main (paires de gifles) sur son interlocuteur.

8. Selon les mêmes éléments, l'incident s'est déroulé devant des témoins, membres de la société CEPL, et a donné lieu à l'intervention des services de police appelés par l'assistante du site ainsi qu'au dépôt d'une plainte auprès de ces derniers - voir cote 1 du dossier de la société CEPL.

9. La société L'Anneau qui admet la perte de sang froid dont son directeur commercial a fait preuve, considère que ce dernier a cependant à tout le moins été pris par surprise, puisque l'objet et la raison de l'entrevue sollicitée par la partie adverse qui avait été victime quelque temps auparavant d'un vol important ne lui avait pas été communiqué, et quoi qu'il en soit, a été provoqué par les insultes exprimées envers les salariés de la société L'Anneau et des menaces proférées par la victime.

10. Plusieurs indices factuels tendent à établir que, contrairement à ses affirmations, la société CEPL avait l'intention de rompre au plus vite le contrat de gardiennage en cours.

11. La main courante établie le 18 juin 2014 par les salariés de la société L'Anneau présents sur le site ce jour là, mentionnent ainsi, l'arrivée des services de police et les propos du directeur du site de la société CEPL indiquant qu'une autre société de gardiennage interviendrait dès le lendemain. Le remplacement quasi immédiat de la société L'Anneau par un autre prestataire de gardiennage sur la base d'un contrat qui n'a jamais été présenté comme ayant été défini dans l'urgence laisse déjà supposer, que la société CEPL avait, avant même l'entrevue de son représentant avec le directeur commercial de la société L'Anneau, déjà pris la décision de rompre et ainsi, préparé le cadre juridique d'un autre contrat de prestation de services avec une société tierce.

12. La plainte de la victime et le témoignage de son subordonné corroborent cette première analyse. La victime précise en effet elle-même lors du dépôt de sa plainte le 19 juin 2014 "Notre société a été victime d'un gros vol (environ 5 millions d'euros), je vous le précise, car cela aura un impact immédiat plus tard. Ainsi, je souhaitais à la base renégocier notre contrat avec la société de M. I... car nous avions un contrat de trois ans avec lui. Je l'ai ainsi convoqué dans mon bureau (...), mon responsable technique était présent lors de l'entretien (...) Lors de la discussion Mr I... savait en partie hi cause de son entretien et avait l'air tendu à son arrivée, Il m'a donc présenté plusieurs arguments pour que nous travaillions encore ensemble dont un qui me faisait chanter suite au braquage. En présentant des documents de sécurité auprès de notre assureurs au vu des jurisprudences nous perdrions 1 million d'euros s'ils les diffusaient" tandis que le directeur technique ayant assisté à l'entretien controverse (M. L... K...) atteste de son côté personnellement "Le rendez-vous avait pour objet les modalités de rupture du contrat de prestations qui nous liait à la société L'Anneau" - cotes 2 et 9 du dossier de la société CEPL [surligné par la Cour].

13. Ces premiers éléments ajoutés au fait, qu'aucun grief n'apparaît jamais avoir été porté sur la qualité des prestations de la société L'Anneau, que par ailleurs la société CEPL affirme, sans le démontrer, que le directeur commercial de la société adverse avait été informé de l'objet de l'entretien du 18 juin 2014, que la société L'Anneau justifie avoir dès le 24 juin suivant, contesté la décision de rupture immédiate pour faute grave qui lui avait été notifiée au mépris des stipulations du contrat - voir cote 6 et présente encore la copie d'une lettre adressée le 20 juin 2014 par la société mère de la société CEPL concluant : "Nous n'entendons pas épiloguer nouveau sur les faits qui se sont produits le 18 juin 2014 dans nos locaux d'Eragny sur Oise entre Messieurs Q... et I... car nous n'avons et n'auront jamais la même interprétation des faits" - voir cote 7 ce qui est admettre implicitement que la thèse de la société L'Anneau pourrait être plausible, sont ensemble, de nature à établir qu'aucune faute grave imputable à la société L'Anneau ne peut fonder une résiliation unilatérale et immédiate du contrat de gardiennage dont l'exécution lui avait été confiée.

14. Si la société ID Logistics ajoute certes dans sa lettre du 20 juin 2014 : "Toutefois, votre directeur commercial n'avait pas à perdre son sang froid et à gifler Monsieur Q... à deux reprises. Ces faits sont inacceptables du directeur commercial d'une société de gardiennage qui se doit de se contenir vis-à-vis de son client.", ce comportement regrettable est admis par la société L'Anneau qui en fournit l'explication.

15. La confrontation de l'ensemble de ces circonstances tend finalement à établir l'existence de torts partagés, justifiant sauf à permettre à la société CEPL d'un comportement qui n'est pas exempt de toute reproche pour les raisons sus énoncées, la fin des relations contractuelles moyennant, en l'état du contrat alors applicable, le respect d'un délai de préavis de 6 mois avant l'échéance en cours fixée au 31 mars 2015 » (arrêt attaqué, p. 7-10) ;

Et aux motifs réputés adoptés des premiers juges que « SUR LA RUPTURE ABUSIVE DU CONTRAT PAR LA SOCIETE CEPL ERAGNY

Attendu que la société L'ANNEAU demande au tribunal de constater la rupture abusive du contrat du 1er avril 2009 par la société CEPL ERAGNY ;

Que la société CEPL ERAGNY estime que le fait que le directeur commercial de la société L'ANNEAU ait frappé à deux reprises, menacé et insulté devant témoins le directeur de la société CEPL ERAGNY constitue un manquement grave de la société L'ANNEAU à ses obligations contractuelles, autorisant la société CEPL ERAGNY à notifier immédiatement et sans préavis la résiliation du contrat ;

Attendu que l'article 1134 du code civil énonce que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » ;

Attendu que selon la jurisprudence, les manquements graves d'une partie à ses obligations contractuelles peuvent justifier la rupture de relations commerciales sans préavis par l'autre partie ;

Attendu qu'en l'espèce l'article 16 du contrat du 1er avril 2009 stipule que :

- « 16.1 : le contrat est conclu pour une durée de 4 mois prenant effet à compter du I" avril 2009 pour se terminer le 31 mars 2011 ;

- 16.2 : à son expiration, la reconduction du contrat fera l'objet d'un nouvel accord entre les parties ; celui-ci devra intervenir dans un délai de 6 mois précédant l'échéance du contrat ;

- 16.3 : toutes modifications aux conditions particulières du contrat feront l'objet d'un avenant signé par les parties » ;

Attendu encore que l'article 23 du même contrat précise que :

- « 23.1 : Le présent contrat peut être résilié de plein droit par lime des parties en cas d'inexécution par l'autre d'une ou plusieurs des obligations contenues dans ses diverses clauses ; cette résiliation ne devient effective qu'un mois après l'envoi par la partie plaignante d'une lettre recommandée avec accusé réception exposant les motifs de la plainte » ;

Attendu que le contrat de prestation de services du 1er avril 2009 était conclu pour une période ferme de 24 mois à compter de la date de signature et qu'un avenant a été régularisé entre les parties le 4 juillet 2012 pour le renouvellement au 1er avril 2013 jusqu'à 31 mars 2015 ;

Attendu que cet avenant, dont la régularité n'est pas contestée, stipule que :

« Les parties ont conclu le 1er avril 2009 un contrat de prestation de service portant sur la réalisation de prestations de services et la mise à disposition d'agents de sécurité. Il est rappelé que le contrat initial est reconduit par tacite reconduction tous les deux ans dans les mêmes conditions, à savoir deux ans fermes, sauf désaccord entre les parties sur ladite reconduction intervenant dans les six (6) mois qui précèdent l'échéance du contrat. »

Attendu que la société CEPL ERAGNY, au vu de cette stipulation et du renouvellement intervenu pour deux ans le 4 juillet 2012, apparaît infondée à dire que le contrat est devenu à durée indéterminée, à la fin de la première période de deux ans, et donc résiliable à tout moment ;

Attendu que la société CEPL ERAGNY reconnaît dans ses écritures, et au vu des pièces, que le contrat a été résilié unilatéralement et sans préavis d'un mois à compter de la réception d'une lettre recommandée avec accusé de réception, au mépris de son article 23.1, Attendu encore que dans ses écritures et dans le procès-verbal d'audition devant le commissariat de police de M. M..., directeur de la société CEPL ERAGNY, celle-ci déclare avoir convoqué le directeur commercial de la société L'ANNEAU pour un entretien le 18 juin 2014, pour lui déclarer son intention de rompre le contrat immédiatement et prendre les dispositions nécessaires pour la transition avec la nouvelle société qui devait la remplacer ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que le directeur commercial de la société L'ANNEAU a frappé M. M... lors de cet entretien le 18 juin 2014 ;

Que cependant, ce différend physique ne saurait être considéré comme une cause grave de résiliation pour manquement aux obligations contractuelles, puisque les prestations de service de la société L'ANNEAU n'ont jamais été remises en cause ou critiquées ;

Qu'il ne saurait justifier la résiliation unilatérale et immédiate du contrat sans respecter les conditions contractuelles de résiliation » (jugement, p. 9-10) ;

1°) Alors que, d'une part, la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls ; qu'en retenant qu'aucune faute grave imputable à la société L'ANNEAU ne pouvait justifier une résiliation unilatérale et immédiate du contrat litigieux, tout en ayant pourtant constaté que « la rupture du contrat litigieux est intervenue brutalement à l'issue d'un échange verbal conflictuel ayant opposé les représentants des deux sociétés en présence dont l'un, convoqué à l'entrevue sollicité par son partenaire pour s'entretenir des modalités de fin du contrat de gardiennage litigieux, a perdu son sang-froid au point de porter à deux reprises la main (paires de gifles) sur son interlocuteur » (arrêt, § 7), et que « l'incident s'est déroulé devant des témoins membres de la société CEPL, et a donné lieu à l'intervention des services de police » (ibid., § 8), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) Alors que, d'autre part, en considérant que des « indices factuels tendent à établir que, contrairement à ses affirmations, la société CEPL avait l'intention de rompre au plus vite le contrat de gardiennage en cours » (arrêt, § 10) et « qu'aucun grief n'apparaît jamais avoir été porté sur la qualité des prestations de la société L'Anneau » (ibid., § 13), la cour d'appel s'est prononcée par des motifs insuffisants à écarter la résiliation unilatérale et immédiate du contrat litigieux en raison de la gravité du comportement de la société L'ANNEAU, privant ainsi sa décision de base légale au regard du même article du code civil ;

3°) Alors qu'en toute hypothèse, en considérant que « l'existence de torts partagés » entre les sociétés CEPL ERAGNY et L'ANNEAU justifiait « la fin des relations contractuelles moyennant, en l'état du contrat alors applicable, le respect d'un délai de préavis de 6 mois avant l'échéance en cours fixée au 31 mars 2015 » (arrêt, § 15), sans toutefois rechercher, comme elle y était pourtant invitée (conclusions d'appelante, p. 10), si le comportement de la société L'ANNEAU ne constituait pas un manquement contractuel qui justifiait à tout le moins la mise en oeuvre de la clause de résiliation prévue par le contrat litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit la société L'ANNEAU fondée en sa demande de condamnation de la société CEPL ERAGNY à lui payer la somme de 49 586,23 euros au titre de la facture n° 2014/06/3951 en date du 30 juin 2014 pour les prestations réalisées en juin 2014 ; dit la société L'ANNEAU fondée en sa demande de condamnation de la société CEPL ERAGNY à lui payer la somme de 462 326,55 euros au titre de la facturation jusqu'à l'échéance contractuelle liant les parties ; condamné la société CEPL ERAGNY à payer à la société L'ANNEAU la somme de 427 912,78 euros ;

Aux motifs que « Sur les conséquences de la rupture du contrat litigieux

En ce qui concerne le bien fondé de la facture du 30 juin 2014

16. La société L'Anneau est fondée à obtenir le paiement des prestations de sécurité qu'elle justifie avoir, nonobstant la présence d'une autre société de gardiennage réalisées tout au long du mois de juin 2014 et partant, selon la facture n° 2014/06/3951 présentée aux débats, la somme de 49 586,23 € toutes taxes comprises.

En ce qui concerne le bien fondé de la demande d'indemnisation de la société L'Anneau au titre du gain manqué

17. Cette société s'estime en droit de réclamer l'indemnisation du gain manqué, corrélatif à la rupture abusive de son contrat, évaluant celui-ci à 462 326,55 € toutes taxes comprises.

18. La société CEPL objecte qu'a supposer qu'elle ait été dans l'incapacité juridique de procéder à une rupture sans préavis, elle aurait néanmoins pu se prévaloir des stipulations de l'article 23 de la convention autorisant une résiliation de plein droit du contrat en cas d'inexécution par l'une des parties, d'une ou plusieurs de ses obligations ; les insultes et violences physiques commises par la partie adverse, constituent précisément un manquement aux obligations contractuelles et même au delà, un manquement à la bonne foi exigée par l'ancien article 1134 alinéa 3 du code civil ; ce manquement qui une fois commis était irréversible et ne pouvait être réparé, lui aurait donc permis de fonder sa demande sur l'article précité limitant le délai, de préavis à un mois,

19. Vu les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016, ensemble l'article 26 précité du contrat dont il ressort que la résiliation du contrat "ne devient effective qu'un mois après l'envoi par la partie plaignante d'une lettre recommandée avec accusé réception exposant les motifs de la plainte, à moins que dans le délai la partie défaillante n'ait satisfait à ses obligations ou n'ait apporté la preuve d'un empêchement consécutif en cas de farce majeure"

20. Au vu de ce qui précède la Cour a retenu que la rupture des relations contractuelles devait être imputée aux torts de chacune des parties et que le comportement outrancier de la société L'Anneau répondait en réalité à une certaine violence, non physique niais sous forme d'une contrainte morale, dont la société CEPL a été l'auteur.

21. Faute pour la société CEPL d'établir, et même d'alléguer, quelques circonstances ou raisons précises et objectives, permettant de considérer qu'une rupture conventionnelle anticipée du contrat litigieux aurait pu alors, au-delà du différend qui les a opposées, être négociée dans des conditions normales sur des bases différentes, la Cour fera droit à ce chef de réclamation sur la base des éléments de calculs présentés par la société L'Anneau, non réellement contredits par la société CEPL. Cette dernière se borne en effet, à relever au mépris de la réalité, que son adversaire ne fournit aucun élément sur ce que pourrait représenter son gain manqué,

22. Le jugement entrepris sera donc de ce chef confirmé » (arrêt attaqué, p. 10-11) ;

Et aux motifs réputés adoptés des premiers juges que « Attendu que la société CEPL ERAGNY apparaît infondée à affirmer que la société L'ANNEAU ne peut prétendre qu'au paiement d'une somme correspondant à. la marge bénéficiaire qu'elle estime perdue, puisqu'en l'espèce la demande principale ne porte pas sur l'allocation de dommages et intérêts mais sur le respect des termes du contrat ;

Attendu ainsi qu'il convient de constater la rupture abusive du contrat et de déclarer que ce dernier doit produire ses effets jusqu'au 31 mars 2015 ;

Attendu que la société L'ANNEAU produit les éléments du calcul des sommes dues par la société CEPL ERAGNY au titre de la poursuite du contrat, que ce calcul n'est pas contesté ;

Attendu que la société L'ANNEAU réclame à ce titre le paiement de la somme de 462 326,55 euros ;

Que sa créance apparaît certaine ;

Que la société L'ANNEAU apparaît fondée à en demander le paiement ;

SUR LA FACTURE ECHUE 2014/06/3951 EN DATE DU 30 JUIN 2014

Attendu que la société L'ANNEAU réclame le paiement de la somme due pour ses prestations du mois de juin 2014 soit la somme de 49 586,23 euros ;

Que la société CEPL ERAGNY dit ne devoir que la somme due jusqu'au 18 juin 2014, date à laquelle elle a résilié le contrat ;

Attendu que l'article 23.2 du contrat stipule :

« L'exercice de cette faculté de résiliation ne dispense pas la partie défaillante de remplir les obligations contractées jusqu'à la date de prise d'effet de la résiliation... »

Attendu qu'il ressort des pièces produites aux débats que les salariés de la société L'ANNEAU étaient présents sur le site du 1er au 30 juin 2014 et ce nonobstant la présence d'une société remplaçante ;

Attendu que la société CEPL ERAGNY produit dans ses pièces la preuve du transfert du marché au 15 juillet 2014 seulement ;

Attendu que c'est à juste titre que la société L'ANNEAU a facturé la totalité du mois de juin 2014 ;

Attendu qu'elle a régulièrement mis en demeure la société CEPL ERAGNY de payer cette somme par lettre du 13 octobre 2014 ;

Que sa créance apparaît certaine ; qu'elle est fondée à demander la condamnation de la société CEPL ERAGNY au paiement de la somme de 49 586,23 euros à ce titre » (jugement, p. 10) ;

1°) Alors que, d'une part, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur l'une des deux premières branches du premier moyen de cassation, en ce qu'elles portent sur la résiliation unilatérale et à effet immédiat du contrat litigieux à la date du 18 juin 2014, aura pour conséquence l'annulation du chef de l'arrêt confirmatif attaqué ayant dit la société L'ANNEAU fondée en sa demande de condamnation de la société CEPL ERAGNY à lui payer la somme de 49 586,23 euros au titre de la facture n° 2014/06/3951 en date du 30 juin 2014 pour les prestations réalisées en juin 2014 ;

2°) Alors que, d'autre part, en condamnant la société CEPL ERAGNY à payer à la société L'ANNEAU la somme de 462 326,55 euros au titre de la facturation jusqu'à l'échéance contractuelle liant les parties, tout en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée (conclusions d'appelante, p. 10), si l'agression physique et verbale perpétrée par le directeur de la société L'ANNEAU sur la personne du directeur du site de la société CEPL ERAGNY ne constituait pas un manquement contractuel de la société L'ANNEAU qui justifiait à tout le moins la mise en oeuvre de la clause de résiliation prévue par le contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

3°) Alors qu'enfin, en condamnant la société CEPL ERAGNY à payer à la société L'ANNEAU la somme de 462 326,55 euros au titre de la facturation jusqu'à l'échéance contractuelle liant les parties, sans toutefois répondre au moyen soulevé par l'exposante, qui faisait valoir que cette demande était infondée en ce qu'elle correspondait à une indemnisation du préjudice économique fondé sur le chiffre d'affaires, et non pas sur le gain manqué, c'est-à-dire la perte de marge (conclusions d'appelante, p. 11), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit la société CEPL ERAGNY fondée en sa demande de paiement de 84 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi et en ce qu'il a subséquemment ordonné la compensation des créances réciproques entre les parties ; statuant de nouveau du seul chef des dispositions réformées, débouté la société CEPL ERAGNY de sa demande de dommages et intérêts liée à l'agression physique de son dirigeant ;

Aux motifs que « En ce qui concerne le préjudice prétendument subi par le directeur de la société CEPL

27. La Cour n'ayant pas retenu l'existence d'une faute grave de la société L'Anneau justifiant la résiliation unilatérale et immédiate du contrat litigieux, il y a lieu de débouter la société CEPL de sa demande subséquente tendant à obtenir l'indemnisation, du traumatisme moral subi par son directeur et son adjoint dans le cadre de leur travail, de l'émotion causée sur le site par l'incident suivi d'une intervention des services de police et encore, des conséquences en ternies d'exploitation, de l'obligation de mettre immédiatement en place un nouveau prestataire sécurité » (arrêt attaqué, p. 13) ;

1°) Alors que, d'une part, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur l'une des deux premières branches du premier moyen de cassation, en ce qu'elles portent sur la résiliation unilatérale et à effet immédiat du contrat litigieux à la date du 18 juin 2014, aura pour conséquence l'annulation du chef de l'arrêt attaqué ayant débouté la société CEPL ERAGNY de sa demande de dommages et intérêts liée à l'agression physique de son dirigeant ;

2°) Alors que, d'autre part et en toute hypothèse, la responsabilité contractuelle du contractant est susceptible d'être engagée par tout manquement contractuel, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de sa gravité ; qu'en déboutant la société CEPL ERAGNY de sa demande de dommages et intérêts liée à l'agression physique de son dirigeant, au seul motif qu'elle n'avait pas retenu l'existence d'une faute grave de la société L'ANNEAU justifiant la résiliation unilatérale et immédiate du contrat litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-20394
Date de la décision : 22/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 10 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 jan. 2020, pourvoi n°18-20394


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.20394
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